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Jug / 2018 / 284

Datum
2018-08-12
Gericht
Cour des assurances sociales
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL PP 15/14 - 16/2018 ZI14.030450 COUR DES ASSURANCES SOCIALES ............................................. Jugement préjudiciel du 13 août 2018 .................. Composition : Mme Di Ferro Demierre, présidente M. Métral et Mme Dessaux, juges Greffière : Mme Chapuisat ***** Cause pendante entre : Fonds P........., à [...], demandeur, représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat à Lausanne, et Hoirie de feu A.K........., prise en la personne de B.K........., à [...], défenderesse, représentée par Me Didier Elsig, avocat à Lausanne, T........., à [...], défendeur, représenté par Me Samuel Pahud, avocat à Lausanne, X........., à [...], défenderesse, représentée par Me Daniel Pache, avocat à Lausanne. ............... Art. 52 al. 2 LPP E n f a i t : A. Le Fonds P......... (ci-après : le Fonds), dont le siège est à Z........., a été constitué par acte authentique du 19 juin 1987. Sa création a été entérinée par décision du Département de l'intérieur et de la santé publique du 8 juillet 1987. Il a été placé sous la surveillance dudit département « vu la nature du but de la dite fondation et les intérêts en présence ». Conformément à l'article 3 des Statuts, le Fonds a pour but d’« apporter une aide aux membres du personnel de la fondatrice, éventuellement à leurs familles, pour faire face aux conséquences économiques résultant de la vieillesse, de l'invalidité, de la maladie, des accidents, du chômage, du service militaire, de la détresse et du décès, selon les modalités décidées par le conseil du fonds. Le fonds ne peut en aucun cas assumer des obligations légales incombant à la fondatrice, ni faire des versements revêtant directement ou indirectement le caractère d'une rémunération du travail ». Le Fonds a été initialement financé par la fondatrice D........., à hauteur de 20'000 fr. (art. 4 al. 1 des Statuts), puis par des versements subséquents de la fondatrice, ainsi que par le produit de ses placements. En tout état, « la fortune du fonds répond seule des engagements de ce dernier » (art. 4 al. 4 des Statuts). Feu A.K......... et T......... ont été les deux seuls membres du Conseil de fondation depuis sa création en 1987. Selon le Registre du commerce, ils étaient respectivement président et membre du Conseil de fondation et signaient collectivement à deux et ce depuis la création du Fonds en 1987. Feu A.K......... est décédé le 26 juillet 2005, et a été remplacé par T......... à la présidence du Conseil de fondation par décision prise le 25 octobre 2006. Celui-ci est resté seul membre du Conseil de fondation jusqu'à la décision de l'Autorité de surveillance des fondations du canton de Vaud (ci-après : l’ASF) du 24 juillet 2007 le démettant de ses fonctions, pour le remplacer par la liquidatrice X......... (ci-après : X.........). Sa radiation a été publiée dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) du 6 août 2007, sur requête de l'ASF. L'organe de révision de la fondation inscrit au Registre du commerce depuis la création en 1987 était X........., dont L......... est l'administrateur président avec signature individuelle depuis sa création en 1971. Ensuite de la mise en liquidation de la fondation, le Conseil de fondation a nommé N........., à [...], en qualité d'organe de révision en lieu et place de X........., devenue liquidatrice. X......... a assumé la fonction d’organe de révision du demandeur depuis la création du fonds en 1987 jusqu’au 24 juillet 2007. Elle a exercé ensuite la fonction de liquidatrice jusqu’au 24 novembre 2009, date à laquelle elle a été démise de cette fonction par décision de l’ASF. B. Le 25 octobre 2006, le membre restant du Conseil de fondation, T........., ainsi que l'organe de révision ont expliqué que décision avait été prise de liquider le Fonds. En effet, la société fondatrice avait cessé ses activités en 1991, quand bien même elle était encore inscrite au Registre du commerce. Des recherches avaient déjà été effectuées concernant les personnes présentes jusqu'en 1991. Il ressort du procès-verbal de cette séance que, au vu du décès de feu A.K........., T......... était nommé président du Conseil de fondation, le Fonds était mis en liquidation au 31 décembre 2006, X......... était nommée liquidatrice, la fiduciaire N......... était nommée organe de révision et le projet des dispositions afférentes à la liquidation serait soumis à l’ASF pour approbation. Par décision du 24 juillet 2007, l’ASF a constaté la dissolution de la fondation et ordonné sa liquidation. Elle a en outre exposé la procédure à suivre en cas de liquidation totale, notamment en ce qui concerne le cercle des bénéficiaires, lequel devait inclure les personnes ayant quitté la fondatrice dans les 3 à 5 ans avant la cessation d'activité de cette dernière en 1991. En effet, selon l’art. 9 des Statuts, « […] après consultation de la fondatrice et sous réserve de ratification par l’autorité de surveillance, le conseil décide de l’emploi de la fortune du fonds dissous, sans préjudice des droits acquis éventuels. La fortune du fonds dissous ne peut être utilisée à d’autres fins que la prévoyance. Elle ne peut en aucun cas revenir à la fondatrice […] ». Dite décision relevait notamment ce qui suit : « Plan de répartition des fonds libres […] 4. Le Conseil de fondation a formellement décidé, lors de sa séance du 25 octobre 2006, de procéder à la liquidation de la fondation et de nommer l'organe de révision en tant que liquidateur. Un nouvel organe de révision a par conséquent été nommé. 5. Les comptes 2006 ainsi qu'un plan de répartition de la fortune du Fonds portant sur un montant de CHF 10'000.- ont été présentés à l'autorité de surveillance le 21 mai 2007. Les critères de répartition sont les années de service ainsi que la situation familiale des bénéficiaires. En droit L'article 88 du Code civil (CC) prévoit que « l'autorité fédérale ou cantonale compétente prononce la dissolution de la fondation, sur requête ou d'office lorsque : 1. le but de la fondation ne peut plus être atteint et que la fondation ne peut être maintenue par une modification de l'acte de fondation ou 2. le but de la fondation est devenu illicite ou contraire aux mœurs » Les conditions de l'article 88 CC sont notamment réalisées en cas de perte durable et définitive du patrimoine sans qu'il n'y ait une perspective probable du renouvellement des moyens de la fondation (Parisima Vez, La fondation : lacunes et droit désirable, Berne 2004, p. 302). Les conditions de l'article 88 CC sont également réalisées lorsque la fondation n'a plus de destinataire, en particulier lorsque l'entreprise fondatrice cesse son activité et que la fondation n'a plus d'assurés (ATF 199 lb 46, cons. 3) ou que tous les assurés sont transférés auprès d'une autre institution de prévoyance parce qu'un nouveau contrat d'affiliation a été conclu. L'article 53c LPP prescrit que « lors de la dissolution d'une institution de prévoyance (liquidation totale), l'autorité de surveillance décide si les conditions et la procédure sont observées et approuve le plan de répartition ». Dans le cas d'espèce, la fondatrice a cessé son activité en 1991. Le Fonds n'a pas eu d'activité de prévoyance depuis 2005, de sorte que le Conseil a décidé de procéder à la liquidation et de nommer un liquidateur chargé d'en effectuer les différentes opérations. Les derniers documents remis à l'Autorité de surveillance des fondations, notamment le plan de répartition de la fortune libre permettent de vérifier que les conditions et la procédure ont été respectées en vue de la dissolution. Ainsi, L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE DES FONDATIONS décide Ø de constater la dissolution de la fondation dite Fonds P......... ; Ø d'ordonner sa liquidation sous le nom de «Fonds P......... » ; Ø de démettre le conseil de fondation de ses fonctions et de nommer X........., à Z........., représentée par L........., en qualité de liquidatrice ; Ø d'inviter le Préposé au Registre du commerce du canton de Vaud à prendre acte de la nouvelle dénomination de la Fondation de prévoyance, à radier le nom du dernier membre du conseil de fondation et à inscrire le nom de la liquidatrice, conformément à ce qui précède ; Ø d'inviter la liquidatrice à soumettre à l'Autorité de surveillance : - un plan de répartition définitif de la fortune libre, accompagné du procès-verbal entérinant ledit plan ; Ø d'arrêter à 1'060 francs (mille soixante francs) l'émolument relatif à la présente décision à la charge de la fondation, conformément à l'article 18 du règlement du 25 janvier 1991 sur la surveillance des fondations. Cet émolument comprend la présente décision, la publication dans' la feuille des avis officiels la décision d'approbation du plan de répartition et la décision de clôture de la liquidation ». Sur la base des derniers décomptes établis par X......... le 27 novembre 2008 et reçu par l'ASF le 1er décembre 2008, la Fondation a versé entre 1993 et 2004 des montants pour un total de 501'701 fr. 30. Les prestations litigieuses ont été octroyées de 1993 à 2004. Le 15 juin 2009, l’ASF a écrit à X......... ce qui suit : « […] Sur la base des quelques informations que vous nous avez fournies, il ressort que Q......... a eu un statut d'indépendant depuis de nombreuses années, ce qui l'excluait du cercle des bénéficiaires du Fonds, exclusivement destiné aux employés de la fondatrice. Or, Q......... a reçu des prestations très importantes de la part de cette institution. Les sommes versées auraient normalement dû revenir aux bénéficiaires statutaires dans le cadre de la liquidation totale actuellement en cours. Notre autorité doit s'assurer que les liquidations totales de fondations soient correctement réalisées. Il apparaît en l'espèce que la fortune libre a été distribuée, pendant de nombreuses années, à une personne n'ayant pas la qualité de destinataire du Fonds. Les assurés concernés par la liquidation pourraient faire recours dans le cadre de la liquidation, au motif que le montant à répartir serait plus élevé si des prestations indues n'avaient pas été versées. Il convient d'éviter une telle situation et de s'assurer auparavant que lesdits montants puissent être récupérés en tout ou partie, ou, dans le cas contraire, qu'un acte de défaut de biens soit délivré. C'est pourquoi nous vous demandons de mettre en œuvre toutes les démarches nécessaires (procédure ordinaire selon la poursuite et la faillite) afin de récupérer les montants versés à Q......... de façon contraire aux statuts, à tout le moins la partie qui n'est pas encore touchée par la prescription. Vous voudrez bien nous informer de façon régulière de l'état de la procédure. En outre, nous vous remercions de nous détailler les motifs ayant conduit au versement de prestations aux proches (qui semblent être des proches de A.K........., selon l'un de vos précédents courriers). Le cas échéant, des procédures visant à recouvrer les montants versés pourraient également devoir être introduites contre ces personnes […] ». Les 26 et 28 octobre 2011, les codéfendeurs ont renoncé à se prévaloir de la prescription jusqu’au 31 décembre 2013. C. Par demande datée du 15 juin 2012, le Fonds P......... a ouvert action contre l'hoirie de feu A.K........., soit B.K........., ainsi que contre T......... et X.......... Il a conclu à ce que les défendeurs, tous pris solidairement et conjointement, soient condamnés à lui payer la somme de 801'614 fr. 50 avec intérêts à 5 % à partir de la date de la demande, à titre de prestations versées indûment par les organes de la fondation à des tiers non bénéficiaires, d'intérêts et de frais de mandataires. Le Fonds reproche, d’une part, à feu A.K......... et T......... de lui avoir causé un dommage dont ils doivent répondre conformément à l’art. 52 LPP, en attribuant des prestations par 501'701 fr. 30 à des personnes qui n’entraient pas dans le cercle des employés de la fondatrice ou des membres de leur famille. D’autre part, il accuse X......... de ne pas avoir contrôlé, en tant qu’organe de révision, la légalité de la gestion du Conseil de fondation. Le 28 novembre 2014, l’hoirie de feu A.K........., soit B.K........., a conclu au rejet des prétentions du demandeur et a soulevé l’exception de prescription. La défenderesse soutient qu’en appliquant tant la prescription quinquennale que décennale prévue à l’art. 52 LPP, ou la prescription décennale de l’art. 127 CO, la demande du 15 juin 2012 est forclose, dans la mesure où les fonds ont été attribués une première fois en 1993, puis, régulièrement, au fil des ans, jusqu’en 2004. Elle fait valoir qu’à l’exception d’un montant de 38'838 fr., déjà remboursé, les sommes allouées aux bénéficiaires ne peuvent plus être récupérées, la prescription étant acquise tout comme elle l’est pour les agissements reprochés aux codéfendeurs. Selon son examen, à chaque versement s’applique un seul délai de prescription, la connaissance du dommage étant au plus tard acquise avec l’établissement de chaque compte ou rapport annuel. De surcroît, au terme de chaque année, les comptes étaient établis et portés à la connaissance des organes de surveillance et de l’autorité de surveillance compétente. Ceux-ci n’ont pas interrompu la prescription, comme le reconnaît l’ASF dans son courrier du 15 juin 2009. Les changements successifs de liquidateurs ne changent rien à la donne en matière de prescription. Par réponse du 10 avril 2015, T......... a conclu au rejet des prétentions du demandeur et a soulevé l’exception de prescription à toutes les prétentions formulées à son encontre par le demandeur. Le 10 août 2015, X......... a conclu au rejet des conclusions du demandeur et, subsidiairement, à ce que l’Hoirie de feu A.K......... et T......... soient tenus de relever X......... de toute condamnation si les conclusions de la demande devaient être admises. La défenderesse fait également valoir que les prétentions du demandeur sont prescrites. Elle précise notamment que la déclaration de renonciation à la prescription que le conseil du demandeur a fait signer à X......... ne saurait faire renaître une prescription acquise. Dans sa réplique du 29 octobre 2015, le demandeur a confirmé ses conclusions. En ce qui concerne la prescription, il soutient avoir subi un dommage direct puisque, de 1993 jusqu'en 2004, son Conseil de fondation a décidé de l'attribution de prestations à bien plaire à des personnes ne faisant pas partie du cercle des bénéficiaires ; qu’il est dès lors incontestable que le Conseil de fondation, est responsable du dommage causé à ce dernier ; qu’il s’ensuit qu’il n'a pu avoir connaissance du dommage et des personnes responsables avant la fin de fonction des membres du Conseil de fondation, à savoir dès le 1er janvier 2007. Le point de départ du délai relatif de cinq ans n'est donc pas antérieur à cette date. Quant au délai de prescription absolu de dix ans, il n'a pas commencé à courir avant le jour où les comportements dommageables ont pris fin, en 2004. Il précise que les déclarations de renonciation à invoquer la prescription adressées par les défendeurs au conseil du demandeur au mois d'octobre 2011 ont utilement interrompu les prescriptions relatives et absolues et que la date du 24 novembre 2009 pourrait même être retenue comme point de départ du délai de prescription relatif, dans la mesure où le demandeur n'a, en réalité, pu avoir connaissance du dommage qu'à partir de la désignation de Me G......... en tant que liquidatrice, dans la mesure où l’organe de révision qui serait coresponsable du dommage, X........., désigné comme liquidatrice par décision du 26 octobre 2006, n'avait pas permis de révéler le dommage au Fonds. Finalement, le demandeur fait valoir qu’en tout état de cause, l'exception de prescription soulevée par les défendeurs doit être rejetée au motif que le délai de prescription pénal de quinze ans de l'art. 97 ch. 1 al. 1 let. b CP est applicable. Selon le demandeur, le comportement des membres du Conseil de fondation et de l'organe de révision remplirait manifestement les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 158 ch. 1 par. 3 CP, qui réprime la gestion déloyale aggravée. Dans leurs dupliques, les défendeurs ont maintenu leur position. Une audience a été tenue le 20 mars 2018, au cours de laquelle les parties ont été entendues dans leurs explications, notamment sur les enjeux de la présente procédure et sur l’existence du dommage causé au Fonds. À cette occasion, ils ont acquiescé à la proposition du juge instructeur de trancher préjudiciellement la question de la prescription de l’action en responsabilité déposée par le Fonds. E n d r o i t : 1. L'art. 89a al. 6 CC (Code civil suisse du 10 décembre 1907 ; RS 210) soumet les fondations de prévoyance en faveur du personnel dont l'activité s'étend au domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité – indépendamment de leur enregistrement au sens de l'art. 48 LPP (loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.40) – aux dispositions de la LPP qui sont citées aux chiffres 1 à 23. Dans son arrêt de principe publié aux ATF 138 V 346, le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 89a al. 6 CC (alors art. 89bis al. 6 CC) ne s'appliquait pas directement aux fonds patronaux de bienfaisance (sur les caractéristiques de tels fonds, voir ATF 138 V 346 consid. 3.1.1 et les références citées). Ceux-ci ne sont toutefois pas exclus du champ d'application de cette disposition, même si une application de manière globale et stricte du catalogue des normes de la LPP énumérées n'est pas envisageable ; l'application par analogie de l'art. 89a al. 6 CC aux fonds patronaux de bienfaisance n'entre en considération que lorsque, et dans la seule mesure où, les normes de la LPP sont compatibles avec le caractère de ces fondations (ATF 138 V 346 consid. 4.5). Le Tribunal fédéral a jugé, dans un ATF 140 V 304, que l’art. 52 LPP sur la responsabilité, est applicable par analogie aux fonds patronaux de bienfaisance, par le renvoi de l'art. 89a al. 6 ch. 6 CC, et que les tribunaux cantonaux en matière de prévoyance professionnelle sont compétents pour statuer sur un litige portant sur la responsabilité des organes d'un fonds patronal de bienfaisance au sens de l'art. 52 LPP, par le renvoi de l'art. 89a al. 6 ch. 19 à l'art. 73 al. 1 let. c LPP. L’action du demandeur, formée devant le tribunal compétent à raison du lieu, est dès lors recevable à la forme. 2. Le présent jugement a pour unique objet de statuer préalablement, par le biais d’une décision préjudicielle, sur la question de la prescription. Eu égard au nombre de personnes impliquées et à la complexité de la situation de fait et de droit, une décision préjudicielle sur la question de la prescription permettrait, selon la réponse donnée à cette question, d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. 3. a) Avant de s’intéresser à la question de la prescription, il convient de déterminer en premier lieu le fondement juridique de l’action ouverte par la partie demanderesse. En effet, elle relève d'une action en responsabilité des membres du conseil de fondation et de l'organe de révision. Le demandeur a fondé son action en paiement sur l'art. 52 LPP à l'encontre des anciens membres du Conseil de fondation (et leur succession) et sur l'art. 755 CO (loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse [Livre cinquième : Droit des obligations] ; RS 220) par renvoi de l'art. 52 al. 4 LPP à l'encontre de l'ancien organe de révision. En l’occurrence, le fonds patronal de bienfaisance a qualité pour agir contre ses anciens organes. Toutes les personnes en charge de l’administration, de la direction ou du contrôle possèdent la légitimation passive (TREX 2017 p. 104, 110). Selon l'art. 52 al. 1 LPP, les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle de l'institution de prévoyance répondent du dommage qu'elles lui causent intentionnellement ou par négligence ; une négligence même légère suffit (ATF 128 V 124 consid. 4e). Cette norme de responsabilité, qui est applicable indépendamment de la forme juridique de l'institution de prévoyance (art. 48 al. 2 LPP), accorde à l'institution de prévoyance lésée un droit direct à l'encontre des organes, formels ou de fait, de l'institution de prévoyance (ATF 128 V 124 consid. 4a). Le point de savoir si un organe a manqué fautivement à ses devoirs dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'institution (ATF 108 V 199 consid. 3a). Les attributions d'un organe peuvent découler de la loi et de ses ordonnances d'exécution, de l'acte de fondation et de ses règlements, des décisions du conseil de fondation, d'un rapport contractuel ou encore des directives de l'autorité de surveillance (ATF 128 V 124 consid. 4d). Aux termes de l’art. 52c LPP, l’organe de révision doit vérifier la conformité de la gestion à la loi, notamment en ce qui concerne la perception des cotisations et le versement des prestations. b) En ce qui concerne le dommage, le demandeur expose notamment que le patrimoine du Fonds serait plus élevé si le Conseil de fondation n’avait pas effectué des versements contraires au but défini dans les statuts. Il fait valoir que les sommes versées auraient normalement dû revenir aux bénéficiaires statutaires dans le cadre de la liquidation totale actuellement en cours. Il soutient que les assurés concernés par la liquidation pourraient faire recours dans le cadre de la liquidation, au motif que le montant à répartir serait plus élevé si des prestations indues n’avaient pas été versées. A cet égard, il était notamment ressortit de l’audience du 20 mars 2018 que certains assurés s’étaient plaints car ils estimaient que des fonds avaient été utilisés de manière contraire au droit par les organes du demandeur. 4. a) Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l'art. 52 LPP, soit jusqu'au 31 décembre 2004, l'action en dommages-intérêts contre les personnes chargées de l'administration, de la gestion et du contrôle des institutions de prévoyance (ou des fonds de prévoyance) était soumise au délai de prescription décennale de l'art. 127 CO et ce délai débutait avec la fin du mandat d'organe. Etait réservé le cas où la violation des obligations avait été corrigée avant ce moment (ATF 131 V 55 consid. 3.2 ; TF 9C.698/2009 du 7 juillet 2010, consid. 3.1). Le nouvel art. 52 al. 2 LPP dispose que le droit à la réparation du dommage que la personne lésée pourra faire valoir auprès des organes responsables se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du jour où la personne lésée a eu connaissance du dommage et de la personne tenue à effectuer le dédommagement, en tout état de cause à l'écoulement de la dixième année à partir du jour où le dommage a été commis (pour mémoire, l'art. 52 LPP est applicable par analogie aux fonds patronaux de prévoyance selon l’ATF 140 V 304, consid. 4.2.2). Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2005, ne contient pas de disposition transitoire en rapport avec ce nouvel alinéa. Lorsque, comme en l'occurrence, la loi ne contient pas de disposition transitoire en ce qui concerne le régime de prescription applicable, il appartient à l'autorité de jugement d'examiner quel droit transitoire doit être appliqué, en se basant sur les principes généraux du droit intertemporel (ATF 131 V 425 consid. 5.1). Selon la jurisprudence, une nouvelle réglementation introduisant des délais de prescription ou de péremption est applicable aux prétentions relevant de l'ancien droit, si celles-ci, bien que nées et exigibles avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, ne sont pas encore prescrites ou périmées à ce moment-là (TF 9C.698/2009 du 7 juillet 2010, consid. 3.2 et les références citées). En l'espèce, dès lors que le dernier membre du Conseil de fondation, T........., dont la responsabilité est mise en cause pour des versements effectués de 1993 à 2004, a quitté sa fonction à la suite de la décision de l’ASF du 24 juillet 2007 sans avoir remédié aux versements que le demandeur considère injustifiés, le délai de dix ans pour ouvrir action en réparation du dommage n'était pas écoulé à l'entrée en vigueur de l'art. 52 al. 2 LPP. Il y a par conséquent lieu d'admettre que les délais prévus par cette nouvelle disposition légale s'appliquent à la créance du demandeur. b) Reste à examiner si l'action en réparation du dommage intentée par le demandeur était prescrite selon l'art. 52 al. 2 LPP, respectivement si les deux délais nouvellement introduits par cette disposition ont commencé à courir avec son entrée en vigueur au 1er janvier 2005 ou s'il y a lieu de leur imputer le temps déjà écoulé sous l'ancien droit. aa) Le délai absolu de dix ans prévu par l'art. 52 al. 2 LPP, en vigueur depuis le 1er janvier 2005, constitue une reprise dans la loi de la prescription décennale introduite par la jurisprudence (ATF 131 V 57). Lorsque le nouveau droit introduit un délai de prescription identique à celui prévu par l'ancien droit, c'est en principe le nouveau droit qui s'applique. Selon l'art. 52 al. 2 LPP, le délai absolu de dix ans commence à courir à partir du jour où le dommage a été commis. Plus précise, la version allemande du texte de loi indique que le délai court « vom Tag der schadigenden Handlungen ». En utilisant le pluriel, le législateur a voulu montrer que le dommage est le plus souvent la conséquence d'un ensemble de comportements s'étendant sur une certaine période. Aussi, il n'y a lieu de faire courir la prescription qu'à partir du jour où les comportements dommageables ont pris fin (TF 9C.698/2009 du 7 juillet 2010, consid. 4.1 et les références citées). Ce sont au demeurant les mêmes considérations qui sous-tendent la jurisprudence ayant soumis l'action en responsabilité de l'art. 52 aLPP en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004 à la prescription décennale de l'art. 127 CO, en faisant toutefois partir le délai avec la fin effective de la position d'organe, sauf lorsque la violation des obligations avait été corrigée auparavant (Ueli Kieser, in Gächter/Geiser/Schneider (édit.), Commentaire LPP-LFLP, Berne 2010, N 42 ad art. 52 ; ATF 131 V 57 ; TF 9C.698/2009 du 7 juillet 2010, consid. 4.1). En l'espèce, la prescription décennale prévue par l'art. 52 al. 2 LPP étant identique à la prescription de l'ancien droit introduite par la voie de la jurisprudence, celle-ci a commencé à courir à partir du fait déclenchant qui s'est produit sous l'ancien droit, soit avec la fin effective des comportements supposés dommageables en 2004. La prescription décennale n'était donc pas encore accomplie lorsque le demandeur a introduit son action en réparation du dommage le 15 juin 2012. bb) En ce qui concerne la prescription quinquennale prévue par l'art. 52 al. 2 LPP, il convient de tenir compte de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C.698/2009 du 7 juillet 2010. Le Tribunal fédéral a en effet précisé que le délai de prescription de cinq ans prévu par cette disposition n’avait pu commencer à courir qu’à partir de son entrée en vigueur, soit le 1er janvier 2005. Il a notamment précisé que l'art. 49 al. 1 Tit. fin. CC n’était pas applicable, si bien que le temps écoulé sous l’ancien droit ne pouvait pas être pris en compte dans le calcul du délai de prescription. S'agissant du délai relatif de cinq ans, l'art. 52 al. 2 LPP fixait le début de la prescription au moment de la connaissance du dommage. Il y a connaissance du dommage dès que l'institution de prévoyance (ou le fonds de prévoyance) doit savoir, en faisant usage de l'attention raisonnablement exigible, que les faits permettent de conclure de manière non équivoque à ce qu'il y a un dommage (Kieser, op. cit., N 41 ad art. 52). Préalablement, il convient de rappeler que la prescription ne porte pas, comme le soutiennent les défendeurs, sur les prestations versées prétendument indûment, mais sur l’action en responsabilité du Fonds de secours à l’égard des organes chargés de son administration, de sa gestion et de son contrôle. Dans le cadre du présent litige, le demandeur prétend avoir subi un dommage direct, de 1993 jusqu'en 2004, dans la mesure où son Conseil de fondation aurait décidé de l'attribution de prestations à bien plaire à des personnes ne faisant pas partie du cercle des bénéficiaires défini par l'acte constitutif de fondation. Statutairement, le Conseil comptait deux membres, dont l’un, A.K........., était décédé sans que personne ne lui succède. T......... demeurant l’unique membre du Conseil, le Fonds ne pouvait être en mesure d’être informé du dommage qui est allégué. Par conséquent, le fonds demandeur n'aurait pu avoir connaissance du dommage et des personnes responsables au sens de l’art. 52 al. 2 LPP avant la fin de fonction des membres du Conseil de fondation, à savoir, le plus vraisemblablement, postérieurement à la décision de l’ASF du 24 juillet 2007 de démettre le Conseil de fondation de ses fonctions et d’ordonner la dissolution de la société – la procédure de liquidation, en particulier la vérification du plan de répartition de la fortune libre, s’opérant sous le contrôle de l’ASF (cf. art. 19 et 20 RSF [ancien Règlement sur la surveillance des fondations ; RSV 211.71.1] et 21 et 22 RLPPF [Règlement (intercantonal) sur la surveillance LPP et des fondations, en vigueur depuis le 1er janvier 2012]) – ; voire lors de la remise le 28 novembre 2008 par X......... à l’ASF des tableaux des prestations versées de 1993 à 2004 qui a provoqué des demandes de renseignements de l’ASF (cf. courrier du 15 juin 2009) ou encore lorsque X......... a été relevée de sa fonction de liquidatrice le 24 novembre 2009. Quoiqu’il en soit, les déclarations de renonciation à invoquer la prescription adressées par les défendeurs au conseil du demandeur au mois d'octobre 2011 ont valablement interrompu tant la prescription relative qu’absolue. Finalement, les défendeurs ne sauraient se prévaloir d'une prétendue approbation annuelle par l’ASF des versements effectués en violation des statuts et des principes du droit de la prévoyance. En effet, selon l'art. 3 de l’ancien RSF, désormais repris à l'art. 4 RLPPF, « les interventions de l'autorité de surveillance ne comportent ni approbation ni décharge en droit civil. Elles ne dispensent pas les organes de révision [et les experts] des examens auxquels ils doivent procéder et ne libèrent aucun organe de sa responsabilité ». Au surplus, le fait que l’ASF reçoive les rapports de révision des comptes avec la mention « prestations bénévoles », avec parfois une liste correspondant au compte « prestations bénévoles », ne lui permettait pas de réaliser que ces montants étaient versés, le cas échéant, à des bénéficiaires non statutaires. De même, la décision de retirer l’exonération fiscale, dont bénéficiait le demandeur, à compter de 2001 au motif que celui-ci avait versé des rentes bénévoles qui ne sont pas autorisées « dans le sens où la fortune du fonds doit être exclusivement liée à la couverture des droits réglementaires » a été rendue par l’Administration cantonale des impôts et non par l’ASF. 5. Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la demande déposée le 15 juin 2012 par le Fonds P......... contre l’hoirie de feu A.K........., soit B.K........., ainsi que contre T......... et X......... n’est pas prescrite. Etant donné que la demande déposée le 15 juin 2012 n’est pas prescrite, la question d’un délai de prescription pénale de quinze ans prévu par l'art. 97 ch. 1 al. 1 let. b CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0) – régissant la gestion déloyale aggravée –, alléguée par le demandeur, n’a pas à être examinée. 6. Les frais et dépens de la présente procédure incidente suivent le sort de la cause au fond. Par ces motifs, la Cour des assurances sociales prononce : I. La demande déposée le 15 juin 2012 par le Fonds P......... contre l’hoirie de feu A.K........., soit B.K........., ainsi que contre T......... et X......... n’est pas prescrite. II. Les dépens de la présente procédure suivent le sort de la cause au fond. La présidente : La greffière : Du Le jugement qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à : ‑ Me Jean-Michel Duc (pour le Fonds P.........), ‑ Me Didier Elsig (pour l’Hoirie de feu A.K........., prise en la personne de B.K.........), ‑ Me Samuel Pahud (pour T.........), ‑ Me Daniel Pache (pour X.........), ‑ Office fédéral des assurances sociales, par l'envoi de photocopies. Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :