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TRIBUNAL CANTONAL 406 PE20.004551-LAE CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 12 juin 2020 .................. Composition : M. Perrot, président MM. Meylan et Krieger, juges Greffière : Mme Maire Kalubi ***** Art. 141 et 393 al. 1 let. a CPP Statuant sur le recours interjeté le 8 mai 2020 par K......... contre l’ordonnance rendue le 27 avril 2020 par le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois dans la cause n° PE20.004551-LAE, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) Le 27 août 2019, T......... a dénoncé son voisin K........., auquel il reprochait son comportement routier, à savoir d’avoir accéléré et zigzagué avec sa moto pour l’empêcher de le dépasser et de l’avoir contraint à s’arrêter. Il lui reprochait également d’avoir utilisé son téléphone cellulaire alors qu’il était au guidon de sa moto. Le dénonciateur a indiqué tenir à la disposition de la justice des enregistrements vidéo des faits dénoncés, effectués par son fils alors qu’ils circulaient derrière le motard. b) Le 4 novembre 2019, T......... a déposé plainte contre K......... et s’est constitué partie civile en raison des faits dénoncés le 27 août 2019. Il a rappelé qu’il tenait à la disposition de la justice des enregistrements vidéo desdits faits. c) Le 25 mars 2020, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a décidé de l’ouverture d’une instruction pénale contre K......... pour avoir empêché un automobiliste de le dépasser avec son véhicule et l’avoir contraint à s’arrêter, ainsi que pour avoir utilisé son téléphone cellulaire alors qu’il se trouvait au guidon de sa moto. Il ressort notamment du rapport de police du 14 février 2020 (P. 11) que les enregistrements vidéo fournis par T......... ont été exploités afin d’établir les faits, avec l’accord du magistrat instructeur. Un « CD vidéos et photos » a été séquestré selon fiche de pièce à conviction n° 50946/20 du 9 avril 2020 (P. 12). d) Par courrier du 20 avril 2020, K......... a requis le retranchement du dossier des enregistrements vidéo versés au dossier sous pièce à conviction n° 50946/20, en tant qu’ils avaient été obtenus de manière illicite. B. Par ordonnance du 27 avril 2020, le Ministère public de l’arrondissement du Nord vaudois a rejeté la requête tendant au retranchement de la pièce à conviction litigieuse du dossier. Se référant à un arrêt de la Chambre des recours pénale du 30 juillet 2019 (n° 629), la Procureure, considérant que la vidéo en question avait été tournée dans un espace public au moyen d’un téléphone cellulaire par un particulier, qui l’avait volontairement remise à l’autorité, a estimé que celle-ci n’était pas illicite et pouvait donc être utilisée comme moyen de preuve. C. a) Par acte du 8 mai 2020, K......... a recouru auprès de la Cour de céans contre cette ordonnance, en concluant en substance, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens que les enregistrements versés au dossier à titre de pièce à conviction ainsi que toutes les pièces s’y référant concrètement, soit en tout cas son procès-verbal d’audition du 5 février 2020 (PV aud. 3), le rapport de police du 14 février 2020 (P. 11) et la fiche de pièce à conviction (P. 12) soient retranchés du dossier, conservés à part jusqu’à la clôture définitive de la procédure, puis détruits. b) Le 22 mai 2020, dans le délai imparti en application de l’art. 390 al. 2 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), le Ministère public a conclu au rejet du recours, se référant intégralement à la motivation de la décision entreprise. T......... n’a, pour sa part, pas procédé. En droit : 1. Selon l’art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est recevable contre les décisions et actes de procédure du Ministère public. Une ordonnance du Ministère public refusant de retrancher une pièce du dossier est ainsi susceptible de recours selon les art. 393 ss CPP (Stephenson/Thiriet, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozess-ordnung, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 393 CPP). Ce recours s’exerce par écrit, dans un délai de dix jours dès la notification de la décision attaquée (cf. art. 384 let. b CPP), auprès de l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [Loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [Loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]). Interjeté en temps utile devant l’autorité compétente par le prévenu qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), et satisfaisant aux conditions de forme prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable. 2. 2.1 Le recourant soutient que les enregistrements litigieux auraient été obtenus de manière illicite et qu’ils ne pourraient, de ce fait, pas être exploités dans la procédure pénale, tout comme les éléments du dossier y faisant référence. 2.2 Le Code de procédure pénale contient des dispositions sur les méthodes d'administration des preuves interdites (art. 140 CPP) et sur l'exploitation des moyens de preuves obtenus illégalement (art. 141 CPP). Ainsi, selon l’art. 140 CPP, les moyens de contrainte, le recours à la force, les menaces, les promesses, la tromperie et les moyens susceptibles de restreindre les facultés intellectuelles ou le libre arbitre sont interdits dans l'administration des preuves (al. 1). Ces méthodes sont interdites même si la personne concernée a consenti à leur mise en œuvre (al. 2). Aux termes de l’art. 141 CPP, les preuves administrées en violation de l'art. 140 CPP ne sont en aucun cas exploitables. Il en va de même lorsque le code dispose qu’une preuve n’est pas exploitable (al. 1). Les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves (al. 2). Les preuves qui ont été administrées en violation de prescriptions d'ordre sont exploitables (al. 3). Si un moyen de preuve est recueilli grâce à une preuve non exploitable au sens de l'al. 2, il n'est pas exploitable lorsqu'il n'aurait pas pu être recueilli sans l'administration de la première preuve (al. 4). Les pièces relatives aux moyens de preuves non exploitables doivent être retirées du dossier pénal, conservées à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruites (al. 5). Le Code de procédure pénale ne règle en revanche pas de manière explicite dans quelle mesure ces dispositions s'appliquent quand les moyens de preuves sont récoltés non pas par les autorités, mais par des personnes privées (TF 6B.1188/2018 du 26 septembre 2019 destiné à publication consid. 2.1, JdT 2019 I 382 ; TF 1B.234/2018 du 27 juillet 2018 consid. 3.1 ; TF 6B.911/2017 du 27 avril 2018 consid. 1.1). Dans une telle situation, il n'existe donc pas d'interdiction de principe de les exploiter (TF 1B.76/2016 du 30 mars 2016 consid. 2.1 ; Gless, in : Basler Kommentar, op. cit., n. 40c ad art. 141 CPP). Cela étant, selon la jurisprudence, de tels moyens de preuves sont uniquement exploitables si, cumulativement, ils auraient pu être obtenus par les autorités de poursuite pénale conformément à la loi et si une pesée des intérêts en présence justifie leur exploitation (TF 6B.1188/2018 précité et les références citées ; TF 1B.234/2018 précité ; TF 6B.911/2017 précité et la jurisprudence citée). Ainsi, une preuve obtenue illicitement par un particulier n’est exploitable que dans la mesure où elle aurait pu être obtenue licitement par l’autorité, ce qui n’est pas le cas des preuves recueillies en violation de l’art. 140 CPP, et moyennant une pesée des intérêts analogue à celle prescrite dans le contexte de l’art. 141 al. 2 CPP (Jeanneret/Kuhn, Précis de procédure pénale, 2e éd., Berne 2018, n. 9011 et 9012, pp. 244 ss et n. 14089, p. 395 et les références citées). Les enregistrements effectués dans le domaine public qui permettent de reconnaître des personnes ou des plaques d’immatriculation sont des traitements de données personnelles au sens de l’art. 3 let. a et e LPD (Loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 ; RS 235.1) (ATF 138 II 346 consid. 6.5, JdT 2013 I 71 ; TF 6B.1188/2018 précité consid. 3.1 et les références citées). L’art. 4 al. 4 LPD prescrit que la collecte de données personnelles, et en particulier les finalités du traitement, doivent être reconnaissables pour la personne concernée, la violation de ce principe représentant une atteinte à la personnalité (art. 12 al. 2 let. a LPD). Or, le Tribunal fédéral a retenu que les enregistrements vidéo effectués depuis un véhicule n’étaient pas aisément reconnaissables par les autres usagers de la route, de sorte que ce traitement de données devait être considéré comme non reconnaissable au sens de l’art. 4 al. 4 LPD (TF 6B.1188/2018 précité consid. 3.2). Selon l’art. 13 al. 1 LPD, les atteintes à la personnalité de l’art. 12 LPD sont illicites à moins d’être justifiées par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public ou par la loi (TF 6B.1188/2018 précité consid. 3.3). 2.3 En l’occurrence, c’est à tort que la Procureure se réfère à l’arrêt de la Chambre des recours pénale du 30 juillet 2019 (n° 629), selon lequel des enregistrements effectués par une personne privée, par exemple au moyen de caméras de surveillance installées dans une banque, un commerce ou sur un bancomat, seraient des pièces à conviction que l’autorité pourrait perquisitionner, séquestrer et exploiter dans la mesure où elles auraient été recueillies de manière licite, pour retenir que l’enregistrement litigieux serait licite. En effet, dans le cas d’espèce, le recourant n’a pas été filmé au moyen d’un dispositif technique de surveillance privé, mais par un simple particulier sur une route publique. L’on distingue en outre, sur les enregistrements litigieux, d’autres véhicules et leurs numéros d’immatriculation. Cela étant, et dans la mesure où le recourant n’y a pas consenti, l’enregistrement vidéo a été effectué en violation de l’art. 4 al. 4 LPD et il est, à ce titre, illicite. Conformément à l’art. 141 al. 2 CPP, qui s’applique également en matière d’exploitation de moyens de preuves collectés par des particuliers (TF 6B.1188/2018 précité consid. 2.2), les preuves qui ont été administrées d'une manière illicite ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves. Or, en l’espèce, les infractions reprochées au recourant ne peuvent pas être qualifiées de graves au sens de cette disposition (ATF 137 I 218 consid. 2.3.5.2, JdT 2011 I 354 ; TF 6B.1188/2018 précité consid. 4), de sorte que la pesée des intérêts en présence ne justifie pas l’exploitation des preuves obtenues illicitement, sans qu’il soit besoin d’examiner si les enregistrements en cause auraient pu être obtenus légalement pas les autorités de poursuite pénale. Il résulte de ce qui précède que les enregistrements vidéo versés au dossier, tout comme les éléments qui s’y réfèrent, sont inexploitables. En conséquence, les enregistrements litigieux et la fiche de pièce à conviction y relative (P. 12) doivent être retirés du dossier pénal, conservés à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruits, conformément à l'art. 141 al. 5 CPP. Il en va de même du rapport de police du 14 février 2020 (P. 11), uniquement toutefois dans la mesure où il se fonde sur les enregistrements illicites, ainsi que de la question n° 13 du procès-verbal d’audition du recourant du 5 février 2020 (PV aud. 3). A cet égard, il convient de relever que le retranchement du rapport de police et du procès-verbal n° 3 dans leur intégralité, tel que sollicité par le recourant, ne se justifie pas dans la mesure où ces pièces ne se réfèrent pas concrètement au moyen de preuve jugé inexploitable. 3. En définitive, le recours formé par K......... doit être admis et l’ordonnance entreprise réformée en ce sens que les enregistrements figurant sous séquestre n° 50946/20, la fiche de pièce à conviction y relative (P. 12), le rapport de police du 14 février 2020 dans la mesure où il se fonde sur les enregistrements illicites (P. 11) et la question n° 13 du procès-verbal d’audition du recourant du 5 février 2020 (PV aud. 3) ne sont pas exploitables et doivent être retirés du dossier pénal, conservés à part jusqu'à la clôture définitive de la procédure, puis détruits. Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 880 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 423 al. 1 CPP). Le recourant, qui a procédé avec l’assistance d’un avocat de choix et qui a obtenu gain de cause, a droit, de la part de l’Etat, à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP (art. 436 al. 2 CPP). Au vu du mémoire de recours produit et de la nature de l’affaire, cette indemnité sera fixée à 600 fr., correspondant à deux heures d’activité d’avocat au tarif horaire de 300 fr. (art. 26a al. 3 TFIP), montant auquel il convient d’ajouter des débours forfaitaires à concurrence de 2 % des honoraires (art. 19 al. 2 TDC [Tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6], applicable par renvoi de l'art. 26a al. 6 TFIP), par 12 fr., et la TVA au taux de 7,7 %, par 47 fr. 10, soit à 659 fr. 10 au total, arrondi à 659 francs. Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance du 27 avril 2020 est réformée en ce sens que les enregistrements figurant sous séquestre n° 50946/20, la fiche de pièce à conviction y relative (P. 12), le rapport de police du 14 février 2020 dans la mesure où il se fonde sur les enregistrements illicites (P. 11) et la question n° 13 du procès-verbal d’audition du recourant du 5 février 2020 (PV aud. 3) sont retranchés du dossier, conservés à part jusqu’à la clôture définitive de l’instruction, puis seront détruits. III. Les frais d’arrêt, par 880 fr. (huit cent huitante francs), sont laissés à la charge de l’Etat. IV. Une indemnité d’un montant de 659 fr. (six cent cinquante-neuf francs) est allouée à K......... pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours, à la charge de l’Etat. V. L’arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Benjamin Schwab, avocat (pour K.........), - Ministère public central, et communiqué à : ‑ Mme la Procureure de l’arrondissement du Nord vaudois, - M. T........., par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :