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Décision / 2021 / 810

Datum
2021-08-30
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 775 PE21.006446-MNU CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 31 août 2021 .................. Composition : M. Perrot, président MM. Meylan et Krieger, juges Greffier : M. Valentino ***** Art. 310 al. 1 let. a CPP ; 173 CP Statuant sur le recours interjeté le 27 mai 2021 par C.D......... contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 17 mai 2021 par le Ministère public de l’arrondissement de La Côte dans la cause n° PE21.006446-MNU, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) A [...], le 12 novembre 2020, à 13h28, B.D......... a adressé un courriel à B........., avec copie à son frère C.D......... et à d’autres membres de leur famille, dont le contenu portait sur la cérémonie d’enterrement de leur mère prévue le [...] 2020 et durant laquelle il devait officier en qualité de pasteur. En substance, B.D......... sollicitait de l’aide auprès de l’entreprise de pompes funèbres afin de notamment « canaliser C.D......... s’il venait à faire des siennes ». Il a également tenu les propos suivants : « Je sais que vous êtes déjà au courant des faiblesses de C.D......... et je vous remercie de me proposer une solution qui permettra de rassurer les gens dès aujourd’hui et de mener à bien cette cérémonie demain ». B.D......... a en outre allégué dans ce courriel que son frère avait « fait d’énormes pressions pour qu’elle (ndr : leur mère) abandonne son droit d’habitation à son profit ». Le 14 novembre 2020, à 21h23, B.D......... a adressé un second courriel à son frère C.D........., avec copie à d’autres membres de leur famille, comportant notamment les extraits suivants : « Une dernière chose : La famille et les gens nous connaissant bien tous (toi y compris) nous nous faisons très sérieusement du souci au sujet de ta santé mentale. (…) Or un malade n’est jamais ridicule. C’est juste ridicule pour ce dernier de refuser de l’aide. (…) Aujourd’hui il y a de très bons spécialistes (…) ». C.D........., qui est connu dans les milieux journalistiques et du sport (P. 4/1), a déposé plainte le 15 janvier 2021 contre B.D......... « pour diffamation, voire calomnie ». Il a évoqué un contexte de conflits entre lui et son frère existant depuis plusieurs années, où il aurait déjà dû intervenir pour bloquer les commentaires de ce dernier sur les réseaux sociaux. Le 3 février 2021, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a informé C.D......... qu’il transmettait sa plainte à la Police cantonale vaudoise comme objet de sa compétence, en vue d’une investigation policière. b) Entendu le 16 mars 2021 en qualité de prévenu, B.D........., pasteur de son état mais au chômage, a expliqué que son premier courriel avait uniquement pour but de prévenir tout débordement de C.D......... durant la cérémonie d’enterrement de leur mère et qu’il cherchait, en tant que pasteur de cette cérémonie, à préserver le calme et la sérénité à cette occasion. Quant au second courriel, il n’avait pas pour but de diffamer son frère, mais uniquement de le faire réagir, les propos tenus étant selon lui plutôt humoristiques et sarcastiques. Enfin, il n’a pas voulu donner l’identité des tierces personnes auxquelles il avait adressé ces courriels « en copie cachée » (PV aud. 1 ; P. 6). B. Par ordonnance du 17 mai 2021, le Ministère public de l’arrondissement de La Côte a refusé d’entrer en matière sur la plainte (I) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II). La procureure a considéré que les propos tenus par B.D......... dans les courriels litigieux, analysés dans le cadre plus général du litige qui opposait les parties pour des questions d’héritage, n’étaient pas attentatoires à l’honneur au sens du droit pénal, puisqu’ils ne faisaient pas apparaître C.D......... comme méprisable, mais se voulaient plutôt humoristiques. Au surplus, l’élément subjectif de l’infraction de diffamation faisait défaut, aucun élément au dossier ne permettant de déduire une volonté de nuire de la part du prévenu. C. Par acte du 26 mai 2021, remis à la poste le lendemain, C.D......... a recouru contre cette ordonnance, déclarant « maintenir [s]a plainte du 15 janvier dernier pour diffamation, voire calomnie au sens des articles 173 et 174 CP, en raison des faits énoncés dans cette dernière ». Le 9 juin 2021, C.D......... a effectué le dépôt de 550 fr. requis à titre de sûretés par avis du 3 juin 2021 de la Chambre de céans. Par courrier du 17 juin 2021, C.D......... a déclaré se constituer partie civile et a demandé de lui « accorder l’accès au PV d’audition de Police du 16 mars 2021 (ndr : de B.D.........) ». La Chambre de céans, faisant droit à cette requête, a, en date du 20 août 2021, adressé au recourant copie du procès-verbal de l’audition de son frère. Le 24 août 2021, dans le délai imparti en application de l’art. 390 al. 2 CPP, le Ministère public a indiqué qu’il renonçait à se déterminer. Par courrier spontané du 30 août 2021, le recourant, faisant suite à la réception du procès-verbal d’audition de son frère du 16 mars 2021, a requis que celui-ci soit réentendu par la police sur les faits qui lui sont reprochés et a proposé une série de questions à poser à ce dernier. En droit : 1. Les parties peuvent attaquer une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public (art. 310 CPP) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009; BLV 312.01]; art. 80 LOJV [loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979; BLV 173.01]). Interjeté dans le délai légal et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP) auprès de l’autorité compétente, par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP; ATF 140 IV 155 consid. 3.3.1), le recours de C.D......... est recevable. 2. Conformément à l’art. 310 al. 1 CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a), qu’il existe des empêchements de procéder (let. b) ou que les conditions mentionnées à l’art. 8 CPP imposent de renoncer à l’ouverture d’une poursuite pénale (let. c). Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, il importe que les éléments constitutifs de l'infraction ne soient manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore », qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101] et art. 2 al. 2 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2; TF 6B.510/2020 du 15 septembre 2020 consid. 3.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). En d'autres termes, il faut être certain que l'état de fait ne constitue aucune infraction. Une ordonnance de non-entrée en matière ne peut être rendue que dans les cas clairs du point de vue des faits, mais également du droit ; s'il est nécessaire de clarifier l'état de fait ou de procéder à une appréciation juridique approfondie, le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'entre pas en ligne de compte. En règle générale, dans le doute, il convient d'ouvrir une enquête pénale (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; ATF 138 IV 86 précité consid. 4.1.2; ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les références citées, JdT 2012 IV 160 ; TF 6B.207/2020 du 14 septembre 2020 consid. 2.1). En revanche, le Ministère public doit pouvoir rendre une ordonnance de non-entrée en matière dans les cas où il apparaît d’emblée qu’aucun acte d’enquête ne pourra apporter la preuve d’une infraction à la charge d’une personne déterminée (TF 6B.541/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.2). 3. 3.1 A teneur de l'art. 173 ch. 1 CP, se rend coupable de diffamation celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. Cette disposition protège la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d’être humain (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2 ; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1 ; ATF 132 IV 112 consid. 2.1 ; TF 6B.676/2017 précité). Le fait d’accuser une personne d'avoir commis une infraction pénale ou un acte clairement réprouvé par les conceptions généralement admises constitue une atteinte à l’honneur (ATF 132 IV 112 précité ; ATF 118 IV 248 consid. 2b ; TF 6B.1268/2019 du 15 janvier 2020 consid. 1.2 et les références citées). La diffamation suppose une allégation de fait et non un simple jugement de valeur (ATF 117 IV 27 consid. 2c). Il ne suffit pas d'abaisser une personne dans la bonne opinion qu'elle a d'elle-même ou dans les qualités qu'elle croit avoir. Echappent ainsi à la répression les assertions qui, sans faire apparaître la personne comme méprisable, sont seulement propres à ternir la réputation dont elle jouit ou à ébranler la confiance qu'elle a en elle-même (ATF 128 IV 53 consid. 1a). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu devait, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 315 s.). Les mêmes termes n'ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés (ATF 118 IV 248 consid. 2b p. 251; ATF 105 IV 196 consid. 2 p. 195 s.). Selon la jurisprudence, un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 316). Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait. Le sens qu'un destinataire non prévenu confère aux expressions et images utilisées constitue en revanche une question de droit (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.3 p. 464; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 316). Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait néanmoins proférés; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6 p. 317; TF 6B.974/2018 du 20 décembre 2018 consid. 2.2). 3.2 En l’espèce, il est reproché à B.D......... d’avoir écrit, dans les courriels des 12 et 14 novembre 2020, qu’il fallait « canaliser » C.D......... à l’enterrement de leur mère, au motif qu’il pourrait « faire des siennes » en raison de ses « faiblesses », puis d’avoir allégué une maladie mentale que le plaignant refuserait de soigner et, enfin, d’avoir invoqué une captation d’un droit dont sa mère disposait. Entendu, le prévenu s’est défendu en invoquant une volonté de calme à la cérémonie, que les courriels étaient adressés à la famille et qu’il faisait de l’humour. On ne saurait suivre ce raisonnement. En effet, ses allégations, prises dans leur ensemble, donnent une image méprisable du plaignant, notamment par la distribution adressée « en copie cachée » non seulement à la famille, mais surtout à des tiers, comme le curateur ou les pompes funèbres, qui ignorent les tensions familiales (cf. ATF 124 IV 149 et réf. citées in Dupuis et al. [éd.], Code pénal, Petit commentaire, 2e éd. 2017, n. 38 ad art. 173 CP). Par ailleurs, rien dans les deux courriels litigieux, dont le second a été envoyé le lendemain de la cérémonie, ne relève de l’humour. On doit donc admettre avec le recourant que les éléments constitutifs de l’infraction de diffamation au sens de l'art. 173 CP ne peuvent pas être écartés à ce stade. Une instruction doit être ouverte concernant les faits dénoncés. 4. En définitive, le recours doit être admis, l'ordonnance attaquée annulée et le dossier de la cause renvoyé au Ministère public de l'arrondissement de La Côte pour qu’il procède dans le sens des considérants. Les frais de la procédure de recours, constitués du seul émolument d'arrêt, par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 4 CPP). Le montant de 550 fr. versé par le recourant à titre de sûretés lui sera par ailleurs restitué (art. 7 TFIP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance du 17 mai 2021 est annulée. III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public de l’arrondissement de La Côte pour qu’il procède dans le sens des considérants. IV. Les frais d’arrêt, par 770 fr. (sept cent septante francs), sont laissés à la charge de l’Etat. V. L’avance de frais de 550 fr. (cinq cent cinquante francs) versée par C.D......... à titre de sûretés lui est restituée. VI. L’arrêt est exécutoire. Le président : Le greffier : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - M. C.D........., - Ministère public central, et communiqué à : ‑ Mme la Procureure de l’arrondissement de La Côte, ‑ M. B.D........., par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). Le greffier :