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HC / 2018 / 893

Datum
2018-09-30
Gericht
Chambre des recours civile
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL PT13.039666-181298 262 CHAMBRE DES RECOURS CIVILE ......................................... Arrêt du 1er octobre 2018 .................. Composition : M. Sauterel, président Mmes Crittin Dayen et Courbat, juges Greffier : M. Grob ***** Art. 229 al. 1 CPC Statuant à huis clos sur le recours interjeté par Z......... SA, à [...], défenderesse, contre la décision rendue le 26 juillet 2018 par le Juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale dans la cause divisant la recourante d’avec B........., à [...], demanderesse, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal considère : En fait : A. Par décision du 26 juillet 2018, adressée aux parties pour notification le même jour, le Juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale a déclaré irrecevables les allégués 248 à 252 déposés le 1er mai 2018 par Z......... SA. En droit, le premier juge, relevant que le double échange d’écritures entre les parties s’était clos par la duplique de Z......... SA du 14 juillet 2017, a considéré que si les allégués litigieux, relatifs aux déclarations faites par le témoin X......... lors de l’audience du 11 avril 2018, constituaient des faits nouveaux au sens de l’art. 229 al. 1 CPC, la requête en introduction de ces novas déposée le 1er mai 2018 était tardive dans la mesure où elle était intervenue trois semaines après l’audition dudit témoin, soit bien au-delà du délai de dix jours, voire même de cinq à sept jours, généralement admis par la doctrine pour déposer des novas. Le magistrat a en outre indiqué qu’il ressortait d’un allégué de sa duplique que Z......... SA avait connaissance de certains faits ressortant des déclarations du témoin précité, mais qu’elle n’avait alors pas requis la production des documents dont elle demandait la production dans le cadre de sa requête de novas. B. Par acte du 27 août 2018, Z......... SA a recouru contre la décision précitée, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que ses allégués 248 à 252 et ses offres de preuve déposés le 1er mai 2018 soient déclarés recevables, subsidiairement à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à l’autorité précédente pour qu’elle déclare recevables lesdits allégués et offres de preuve. Elle a produit un bordereau de neuf pièces. Dans des déterminations spontanées du 14 septembre 2018, B......... a conclu à l’irrecevabilité de la « demande ». Elle a par ailleurs produit une pièce. Le 21 septembre 2018, Z......... SA s’est spontanément déterminée et a conclu à ce que les éléments contenus dans les déterminations précitées et la pièce produite à leur appui soient déclarés irrecevables. Par avis du 25 septembre 2018, la Juge déléguée de la Chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger, qu’il n’y aurait pas d’autre échange d’écriture et qu’aucun fait ou moyen de preuve nouveau ne serait pris en compte. C. La Chambre des recours civile fait sien dans son entier l’état de fait de la décision, complété par les pièces du dossier, dont il ressort notamment ce qui suit : 1. B......... était titulaire d’un compte bancaire auprès de Z......... SA. 2. a) Par demande du 6 septembre 2013, B......... a conclu à ce que Z......... SA lui doive paiement des montants de 400'014.44 USD, plus intérêts à 5% dès le 9 août 2010, de 17'587.50 EUR, plus intérêts à 5% dès le 13 octobre 2010, de 10'050 EUR, plus intérêts à 5% dès le 26 novembre 2010, et de 4'955.95 CHF, plus intérêts dès le 6 décembre 2011. Dans le cadre de cette action, B......... a allégué que le gérant externe de son compte bancaire ouvert auprès de Z......... SA, à savoir A........., alors administrateur de la société S......... SA, avait procédé en 2010 à des transferts indus de sommes d’argent depuis ce compte. b) Dans sa réponse du 30 septembre 2016, Z......... SA a conclu au rejet des conclusions prises par B.......... c) B......... a déposé une réplique le 3 avril 2017 et Z......... SA une duplique le 14 juillet 2017. d) Lors d’une audience d’instruction du 11 avril 2018, le témoin X........., alors administrateur de S......... SA, a été entendu. Il a notamment déclaré qu’il avait appris par la suite que de nombreux clients d’A......... avaient signé des documents « en blanc » que ce dernier conservait dans son bureau pour pouvoir les utiliser dans le futur, qu’il avait lui-même vu et retrouvé des documents de cette nature et que ceux-ci devaient être dans un coffre dans les bureaux de S......... SA. 3. Par mémoire sur novas du 1er mai 2018, Z......... SA a conclu à ce que les allégués nouveaux 248 à 253 soient admis en procédure et à ce que la preuve de ces faits par les moyens de preuve indiqués soit autorisée, à savoir la production en mains de S......... SA de l’intégralité des documents en blanc retrouvés dans ses locaux portant la signature des clients d’A.......... Les allégués nouveaux étaient fondés sur les déclarations faites par X......... lors de l’audience précitée. Dans des déterminations du 28 mai 2018, B......... a conclu à l’irrecevabilité dudit mémoire de novas. Les parties se sont encore chacune déterminées à ce sujet les 11 et 15 juin 2018. En droit : 1. 1.1 1.1.1 Selon l'art. 319 let. b CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272), le recours est ouvert contre les ordonnances d'instruction et les décisions autres que finales, incidentes ou provisionnelles de première instance, dans les cas prévus par la loi (ch. 1) ou lorsqu'elles peuvent causer un préjudice difficilement réparable (ch. 2) (Jeandin, CPC commenté, Bâle 2011, n. 11 ad art. 319 CPC). Le délai de recours est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire et les ordonnances d'instruction, à moins que la loi n'en dispose autrement (art. 321 al. 2 CPC). 1.1.2 En l’occurrence, le recours, écrit et motivé (art. 321 al. 1 CPC), a été déposé en temps utile compte tenu des féries estivales (art. 145 al. 1 let. b CPC) par une partie qui y a un intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC). 1.2 1.2.1 Le recours contre une décision refusant l’introduction de faits et moyens de preuve nouveaux n’étant pas expressément prévu par le CPC, il n’est recevable que si ladite décision est susceptible de causer un préjudice difficilement réparable (CREC 2 juin 2016/186 consid. 1.2). La recourante soutient que le fait de refuser d’admettre les allégués litigieux, et surtout les moyens de preuve proposés, lui crée un préjudice difficilement réparable, voire irréparable, dès lors qu’il existerait de très forts risques que les preuves dont la production a été requise en mains de S......... SA disparaissent ou soient détruites et ne puissent ainsi plus être administrées dans le cadre d’un appel contre le jugement au fond qui lui serait par hypothèse défavorable. Elle fait valoir que dans la mesure où les actes illicites d’A......... ont été commis entre 2009 et 2010 et où les mandats de gestion des clients ont été conférés en 2007 pour l’essentiel, il y aurait un danger très concret que la période de dix ans durant laquelle S......... SA doit conserver les documents dont la production est requise arrive à son terme dans les mois qui viennent et que cette société détruise alors ces titres. 1.2.2 La notion de préjudice difficilement réparable de l'art. 319 let. b ch. 2 CPC est plus large que celle de dommage irréparable de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110), puisqu'elle vise non seulement un inconvénient de nature juridique, mais aussi les désavantages de fait (JdT 2014 III 121 consid. 2.3 et les références citées ; JdT 2011 III 86 consid. 3 ; Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 319 CPC). La question de savoir s'il existe un préjudice difficilement réparable s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la cause principale, respectivement la procédure principale (ATF 137 III 380 consid. 1.2.2 ; cf. aussi TF 4A.560/2011 du 11 janvier 2012 consid. 2.2). La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (TF 4A.248/2014 du 27 juin 2014 ; TF 4A.339/2013 du 8 octobre 2013 consid. 2 ; TF 5A.315/2012 du 28 août 2012 consid. 1.2.1 ; CREC 2 juin 2017/200 consid. 4.1). Dans des cas exceptionnels, il peut y avoir un préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître ou qu'une partie est astreinte, sous la menace de l'amende au sens de l'art. 292 CP, à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d'affaires ou à ceux de tiers sans que le tribunal n'ait pris des mesures aptes à les protéger (TF 4A.425/2014 du 11 septembre 2014 consid. 1.3.2 et les références citées). 1.2.3 En l’espèce, le risque de disparition des titres requis en mains de tiers évoqué par la recourante en lien avec le délai de conservation de dix ans des pièces comptables (cf. art. 958f al. 1 CO) apparaît plausible et, conformément aux principes rappelés ci-dessus, pourrait être suffisant pour admettre l’existence d’un préjudice irréparable. La question de la recevabilité du recours au regard de la condition du préjudice difficilement réparable peut néanmoins rester indécise, le recours devant de toute manière être rejeté (cf. infra consid. 3). 1.3 1.3.1 En procédure de recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC). 1.3.2 En l’occurrence, les pièces produites par la recourante constituent des pièces de forme, respectivement figurent déjà au dossier de première instance, et sont ainsi recevables. En ce qui concerne la pièce produite par l’intimée, soit le procès-verbal d’une audience tenue le 8 novembre 2017 dans le cadre d’un litige opposant la recourante à une société tierce, elle ne figure pas au dossier de première instance et s’avère dès lors irrecevable. Il en va de même des allégations de faits y relatives figurant dans les déterminations du 14 septembre 2018. 2. Le recours est recevable pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC). L'autorité de recours dispose d'un plein pouvoir d'examen s'agissant de la violation du droit (Spühler, Basler Kommentar ZPO, 2e éd., Bâle 2013, n. 26 ad art. 319 CPC). Elle revoit librement les questions de droit soulevées par le recourant et peut substituer ses propres motifs à ceux de l'autorité précédente ou du recourant (Hohl, Procédure civile, tome II, 2e éd., Berne 2010, p. 452, n. 2508). Comme pour l'art. 97 al. 1 LTF, le grief de la constatation manifestement inexacte des faits ne permet que de corriger une erreur évidente, la notion se recoupant en définitive avec l'appréciation arbitraire des preuves (Corboz et al., Commentaire de la LTF, 2e éd., Berne 2014, n. 27 ad art. 97 LTF). 3. 3.1 Invoquant une violation de l’art. 229 CPC, la recourante fait grief au premier juge d’avoir considéré que sa requête de novas était tardive. Elle soutient que la loi ne prévoirait pas de délai précis pour invoquer des faits nouveaux et, se référant à l’avis de Tappy, que la doctrine romande retiendrait qu’un délai de quelques semaines est acceptable, de sorte que sa requête déposée vingt jours, soit moins de trois semaines, après la découverte des faits nouveaux serait recevable. 3.2 Selon l’art. 229 al. 1 CPC, en procédure ordinaire, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont admis aux débats principaux que s’ils sont invoqués sans retard et qu’ils remplissent l’une des conditions suivantes : ils sont postérieurs à l’échange d’écritures ou à la dernière audience d’instruction ou ont été découverts postérieurement (novas proprement dits ; let. a) ; ils existaient avant la clôture de l’échange d’écritures ou la dernière audience d’instruction mais ne pouvaient être invoqués antérieurement bien que la partie qui s’en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (novas improprement dits ; let. b). Même si le principe de la bonne foi exige que la partie qui a connaissance de faits et moyens de preuve nouveaux de nature à modifier ses prétentions modifie ses conclusions rapidement après avoir eu connaissance desdits éléments nouveaux, la loi n'impose pas une modification immédiate de la demande, à l'instar de ce que prévoit l'art. 229 CPC en matière de nova (TF 5A.16/2016 du 26 mai 2016 consid. 5.1, publié in RSPC 2016 p. 415 avec note de Bohnet). Ni la loi ni la jurisprudence ne précisent dans quel délai les novas doivent être invoqués pour admettre qu’ils l’ont été « sans retard » au sens de l’art. 229 al. 1 CPC et la doctrine est divisée à ce sujet. Sutter-Somm/Lötscher/Schenk/Senn considèrent que l’introduction des novas doit intervenir dans les cinq jours au plus après leur découverte (Sutter-Somm/Lötscher/Schenk/Senn, Tafeln zum Schweizerischen Zivilprozessrecht, 2e éd., Zurich 2017, Tafel 10d, p. 49). Sutter-Somm indique qu’elle doit intervenir au plus tard dans les sept jours (Sutter-Somm, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., Zurich 2017, p. 295, n. 1104). Leuenberger, dont l’avis est approuvé par Trezzini (Trezzini, Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, vol. 2, 2e éd., Pregassona 2017, n. 23 ad art. 229 CPC), soutient qu’il s’agit d’un délai de dix jours (Leuenberger, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 3e éd., Zurich 2016, n. 9a ad art. 229 CPC). Quant à Tappy, relevant qu’il est admissible que la partie concernée ait jugé utile de faire certaines vérifications avant d’invoquer les novas, il considère qu’il ne faut pas laisser s’écouler plus de quelques semaines pour satisfaire à l’exigence de l’invocation sans retard (Tappy, CPC commenté, Bâle 2011, n. 9 ad art. 229 CPC). 3.3 En l’espèce, les novas invoqués par la recourante portent sur les déclarations faites par le témoin X......... lors de l’audience du 11 avril 2018. La requête de novas a été déposée le 1er mai 2018, soit vingt jours après leur découverte intervenue lors de ladite audience, ainsi que le concède elle-même la recourante. Conformément à la majorité des avis de doctrine rappelés ci-dessus, il convient de considérer qu’un délai de dix jours environ pour introduire la requête de novas après la découverte de ceux-ci permet de respecter la condition de l’invocation sans retard. Partant, en déposant sa requête de novas vingt jours après leur découverte, la recourante n’a pas agi « sans retard » au sens de l’art. 229 al. 1 CPC. L’avis de Tappy, qui indique « quelques semaines », sur lequel l’intéressée se fonde, au demeurant isolé, ne lui est d’aucun secours. En effet, cet auteur expose dans ce cadre qu’il est admissible que la partie juge utile de faire certaines vérifications avant d’invoquer les novas. Or, la recourante ne prétend pas avoir dû procéder à de quelconques vérifications après avoir pris connaissance des déclarations du témoin précité, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que l’introduction de sa requête de novas après vingt jours est tardive. La requête de novas du 1er mai 2018 étant irrecevable pour cause de tardiveté, le grief de la recourante portant sur la motivation additionnelle du premier juge n’a pas à être examiné. 4. 4.1 En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité et la décision confirmée. 4.2 Le présent arrêt peut être rendu sans frais judiciaires de deuxième instance (art. 11 TFJC [Tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; RSV 270.11.5]). Il n’y a pas lieu à l’allocation de dépens de deuxième instance dès lors que l’intimée n’a pas été formellement invitée à se déterminer. Par ces motifs, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal, prononce : I. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. II. La décision est confirmée. III. L’arrêt, rendu sans frais judiciaires de deuxième instance, est exécutoire. Le président : Le greffier : Du L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à : ‑ Me Alexandre de Weck (pour Z......... SA), ‑ Me Lionel Halpérin (pour B.........). La Chambre des recours civile considère que la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 francs. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pécuniaires, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 15'000 fr. en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer, à 30'000 fr. dans les autres cas, à moins que la contestation ne soulève une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF). Cet arrêt est communiqué, par l'envoi de photocopies, à : ‑ M. le Juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale. Le greffier :