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Décision / 2022 / 352

Datum
2022-01-23
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 56 PE20.012776-ABG CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 24 janvier 2022 .................. Composition : M. Perrot, président MM. Meylan et Kaltenrieder, juges Greffière : Mme de Benoit ***** Art. 310 al. 1 CPP et 303 CP Statuant sur le recours interjeté le 27 décembre 2021 par D......... contre l’ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 décembre 2021 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne dans la cause n° PE20.012776-ABG, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. Un conflit de voisinage divise D......... et N......... notamment en raison de nuisances qui émaneraient de la pompe à chaleur de la piscine installée par le premier nommé. Dans ce cadre, une altercation verbale particulièrement tendue est survenue entre les parties le 9 avril 2020. Le 22 avril 2020, D......... a déposé plainte contre N......... pour injure. Il lui reproche de l’avoir traité de « fils de pute » à plusieurs reprises et lui avoir adressé un doigt ou un bras d’honneur lors de l’altercation précitée. Le 1er juillet 2020, N......... a déposé plainte contre D......... pour injure, diffamation et menaces. Il lui reproche de l’avoir, toujours lors de cette altercation, injurié en le traitant de « sale merde qui fait partie d’une espèce malsaine, malhonnête, pathétique, minable, sale con » et de lui avoir dit « je ferai tout pour te faire payer », ainsi que d’avoir faussement rapporté à des tiers dans le voisinage qu’il avait appelé la police pour du prétendu tapage nocturne au domicile d’un autre voisin, H........., lors de la fête d’anniversaire de la fille de ce dernier. Le 20 avril 2021, N......... a déposé plainte contre D......... pour diffamation. Il lui reproche d’avoir, le 6 février 2021, dans le cadre d’une procédure administrative les opposant en raison du litige portant sur l’installation de la piscine du second nommé, adressé un courrier à la Commune de [...] dans lequel il l’accuse de s’opposer au permis de construire dans le seul but « de leur nuire suite à la plainte pénale », ce qui aurait porté atteinte à son honneur auprès de cette autorité. Le 20 avril 2021, D......... a déposé plainte contre N......... pour dénonciation calomnieuse. Il lui reproche de l’avoir, dans le cadre de la plainte pénale déposée le 1er juillet 2020 à son encontre, faussement accusé : - d’avoir injurié V......... ; - de l’avoir diffamé en prétendant avoir la preuve que c’était bien lui qui avait fait appel à la police pour du tapage nocturne au domicile d’un tiers à une occasion ; - de l’avoir menacé en lui disant à plusieurs reprises qu’il allait « le faire saigner ». B. Par ordonnance du 9 décembre 2021, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a refusé d’entrer en matière sur les faits objets de la plainte déposée le 20 avril 2021 par D......... pour dénonciation calomnieuse (I) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II). Le Procureur a considéré que l’on ne pouvait pas déduire des faits que N......... avait l’intention de porter de fausses accusations contre D......... au sens de l’art. 303 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0). Même si les infractions dénoncées n’ont pas été retenues, l’élément subjectif, soit le fait de savoir que la personne visée par les accusations était innocente, n’était pas réalisé au vu des propos tenus par le plaignant et des souvenirs peu sûrs du témoin entendu, H........., qui n’avait pas formellement démenti les accusations portées par N.......... Par ordonnance du 14 décembre 2021, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a refusé d’entrer en matière sur les faits objets de la plainte déposée le 20 avril 2021 par N......... pour diffamation. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre D......... pour injure, diffamation et menaces et contre N......... pour injure. C. Par acte du 27 décembre 2021, D......... a formé recours contre l’ordonnance de non-entrée en matière du 9 décembre 2021, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi du dossier de la cause à l’autorité de première instance pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants. Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures. En droit : 1. Les parties peuvent attaquer une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public en application de l’art. 310 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]). En l’espèce, déposé en temps utile devant l’autorité compétente par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) et dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours est recevable. 2. 2.1 Le recourant soutient que les conditions de l’art. 310 CPP ne seraient pas réunies puisque le caractère manifeste de l’absence de comportement punissable, de même que la limpidité des faits feraient défaut. Le procureur se serait livré à une appréciation circonstanciée des faits, de sorte qu’il aurait dû ouvrir une instruction pénale, comme il l’avait fait concernant les autres faits qui ont fait l’objet d’une ordonnance de classement. Il soutient qu’il aurait alors été privé de la possibilité de présenter d’éventuelles réquisitions de preuve complémentaires, ce qui consacrerait une violation de son droit d’être entendu. 2.2 Conformément à l’art. 310 al. 1 CPP, le Ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s’il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l’infraction ou les conditions à l’ouverture de l’action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a), qu’il existe des empêchements de procéder (let. b) ou que les conditions mentionnées à l’art. 8 CPP imposent de renoncer à l’ouverture d’une poursuite pénale (let. c). Selon l’art. 310 al. 1 let. a CPP, il importe que les éléments constitutifs de l'infraction ne soient manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore », qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101] et art. 2 al. 2 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 ; TF 6B.77/2021 du 6 mai 2021 consid. 2.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 ; TF 6B.375/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.2). En d'autres termes, il faut être certain que l'état de fait ne constitue aucune infraction. Une ordonnance de non-entrée en matière ne peut être rendue que dans les cas clairs du point de vue des faits, mais également du droit ; s'il est nécessaire de clarifier l'état de fait ou de procéder à une appréciation juridique approfondie, le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'entre pas en ligne de compte. En règle générale, dans le doute, il convient d'ouvrir une enquête pénale (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 précité consid. 4.1.2 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les références citées, JdT 2012 IV 160). En revanche, le Ministère public doit pouvoir rendre une ordonnance de non-entrée en matière dans les cas où il apparaît d’emblée qu’aucun acte d’enquête ne pourra apporter la preuve d’une infraction à la charge d’une personne déterminée (TF 6B.541/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.2). 2.3 En l’espèce, il est exact que pour rendre l’ordonnance de non-entrée en matière contestée, le procureur s’est fondé sur les faits instruits dans le cadre de la procédure pénale ayant conduit à l’ordonnance de classement du 14 décembre 2021, c’est-à-dire des éléments dont il disposait déjà. Il s’agit d’ailleurs du même complexe de faits et du même dossier. On ne voit pas pourquoi il n’aurait pas pu procéder ainsi. Au surplus, le recourant n’indique pas quelles réquisitions de preuves il aurait pu présenter si une instruction avait été ouverte s’agissant des faits litigieux, de sorte que le grief de violation du droit d’être entendu doit être écarté. De même, on ne voit pas la portée du reproche au procureur d’avoir procédé à « une appréciation circonstanciée des faits », puisqu’en général, c’est plutôt l’absence d’une telle appréciation qui est critiquée. Le procureur pouvait donc rendre une ordonnance de non-entrée en matière, dès lors que les conditions de l’ouverture d’une action pénale n’étaient manifestement pas réunies, comme on le verra par la suite (cf. infra consid. 3.3). 3. 3.1 Le recourant reproche au procureur d’avoir procédé à une constatation incomplète ou erronée des faits et d’avoir violé l’art. 303 CP. 3.2 3.2.1 Une constatation est incomplète lorsque les faits pertinents ne figurent pas dans la décision attaquée ; elle est erronée (ou inexacte) lorsqu’elle est contredite par une pièce probante au dossier, ou par une autre preuve, ou lorsque l’autorité de recours ne peut déterminer comment le droit a été appliqué (Sträuli, in : Kuhn/Jeanneret [édit.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, nn. 78-80 ad art. 393 CPP et les réf. cit.). 3.2.2 L’infraction de dénonciation calomnieuse de l’art. 303 CP réprime le comportement de celui qui aura dénoncé à l’autorité, comme auteur d’un crime ou d’un délit, une personne qu’il savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale, ainsi que le comportement de celui qui, de toute autre manière, aura ourdi des machinations astucieuses en vue de provoquer l’ouverture d’une poursuite pénale contre une personne qu’il savait innocente (art. 303 ch. 1 al. 1 et 2 CP). Sur le plan objectif, cette norme suppose qu’une communication imputant faussement à une personne la commission d’un crime ou d’un délit ait été adressée à l’autorité (ATF 132 IV 20 consid. 4.2 ; ATF 75 IV 78). La dénonciation doit faire porter l’accusation sur une personne qui est innocente ; la personne visée n’est donc pas coupable de l’infraction dont on l’accuse, soit parce que cette dernière n’a jamais été commise, soit parce qu’elle l’a été par un tiers (Dupuis et alii, Petit commentaire du Code pénal, 2e éd., Bâle 2017, n. 18 ad art. 303 CP et les références). Est considéré comme innocent notamment celui qui a été libéré par jugement d’acquittement ou par le prononcé d’un non-lieu (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; Dupuis et alii, op. cit., n. 21 ad art. 303 CP et les références). Cela étant, celui qui dépose une dénonciation pénale contre une personne ne se rend pas coupable de dénonciation calomnieuse du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée ; l’infraction n’est réalisée que si l’innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2). Sur le plan subjectif, l’auteur doit savoir que la personne visée par la dénonciation est innocente, comme c'est le cas pour la calomnie. Le dol éventuel est exclu (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; TF 6B.32/2011 du 24 février 2011 consid. 1.1 ; Dupuis et alii, op. cit., nn. 22-23 ad art. 303 CP). 3.3 En l’espèce, les différentes accusations de propos injurieux auxquelles le recourant se réfère ont été retenues globalement dans le cadre de l’ordonnance de classement rendue le 14 décembre 2021. Le témoin H........., que le recourant considère comme particulièrement crédible, a en effet confirmé avoir entendu des insultes de part et d’autre (PV aud. 4 R. 4). Dans ces conditions, on peut exclure de fausses accusations s’agissant des injures qui auraient été proférées. S’agissant de l’accusation de menace, H......... a affirmé avoir entendu D......... déclarer à N......... : « heureusement que ta femme et tes enfants sont là » (PV aud. 4 R. 4 et 12), ce qui démontre l’existence de propos à la limite des menaces et exclut par conséquent la volonté de N......... d’accuser un innocent. Par ailleurs, comme l’a retenu le Ministère public, il semble que N......... ait eu des raisons suffisantes de penser que le recourant l’aurait faussement accusé d’avoir fait appel à la police. Le témoin H......... a en effet confirmé que N......... semblait avoir été accusé de cet appel et qu’il avait cru ce dernier lorsqu’il avait démenti ces allégations (PV aud. 4 R. 22). Contrairement à ce que le recourant pense, le fait qu’une ordonnance de classement ait été rendue à son égard ne suffit pas à constituer l’infraction de l’art. 303 CP. En définitive, l’appréciation du procureur ne prête pas le flanc à la critique et doit être partagée. 4. En définitive, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté sans échange d'écritures (art. 390 al. 2 CPP) et l'ordonnance de non-entrée en matière du 9 décembre 2021 confirmée. Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 880 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais judiciaires et indemnités en matière pénale ; BLV 312.03.1]), seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est rejeté. II. L’ordonnance du 9 décembre 2021 est confirmée. III. Les frais de la procédure de recours, par 880 fr. (huit cent huitante francs), sont mis à la charge de D.......... IV. L’arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Christoph Loetscher, avocat (pour D.........), - Me Tiphanie Chappuis, avocate (pour N.........), - Ministère public central, et communiqué à : - M. le Procureur de l’arrondissement de Lausanne, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :