Omnilex

Décision / 2022 / 103

Datum
2022-02-13
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

Omnilex ist das KI-Tool für Juristen in Schweiz

Wir indexieren und machen Entscheidungen zugänglicher

Zum Beispiel können Sie Omnilex verwenden für:


TRIBUNAL CANTONAL 117 PE20.006844-CCE CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 14 février 2022 .................. Composition : Mme Byrde, présidente Mme Fonjallaz et M. Kaltenrieder, juges Greffière : Mme Vuagniaux ***** Art. 29 al. 1 Cst. ; 5 al. 1 et 393 al. 2 let. a CPP Statuant sur le recours pour retard injustifié interjeté le 10 janvier 2022 par X......... dans la cause no PE20.006844-CCE, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. Le 8 janvier 2020, W......... a déposé une plainte pénale contre T........., né le [...] 1990, pour dommages à la propriété, ce dernier ayant donné un coup de poing sur le capot de la voiture du plaignant et ainsi plié la carrosserie. Le 3 mai 2020, X........., née le [...] 1999, a déposé une plainte pénale contre T......... pour actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle et actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Il est reproché à T......... d’avoir : 1) En 2012, à Bex, entretenu des relations sexuelles consenties avec X......... alors que celle-ci avait 13 ans et qu’il en avait 22 ; 2) Entre novembre 2019 et janvier 2020, à Bex, à deux reprises, forcé X......... à des actes d’ordre sexuel, une fois en la pénétrant digitalement et une autre fois en lui prodiguant un cunnilingus ; 3) Le 18 janvier 2020, à Bex, pénétré analement X......... alors qu’elle dormait. T......... a été entendu les 6 mai 2020 et 13 octobre 2020. X......... a été entendue une seconde fois le 13 octobre 2020. Quatre témoins ont été entendus le 1er décembre 2020. Par avis de prochaine condamnation du 25 janvier 2021, le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (ci-après : le Ministère public) a informé les parties qu’il entendait rendre une ordonnance de classement concernant les cas 2 et 3 relatifs à X........., ainsi qu’une ordonnance de condamnation concernant le cas 1 relatif à X......... et le cas relatif à W.......... Il a imparti aux parties un délai au 16 février 2021 pour déposer leurs éventuelles réquisitions de preuve. A la demande de X........., le délai a été prolongé au 16 mars 2021. Le 16 mars 2021, X......... a sollicité l’audition de deux témoins supplémentaires et la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique sur la personne du prévenu. Elle a réclamé que ce dernier soit mis en accusation pour l’ensemble des faits reprochés la concernant. Le 1er avril 2021, T......... s’est opposé aux mesures d’instruction requises par X.......... Le 2 juillet 2021, X......... a demandé à la procureure qu’elle donne suite à la procédure. Le 7 juillet 2021, la procureure a informé les parties que les décisions de clôture leur seraient notifiées dans le courant du mois de juillet 2021. Le 29 octobre 2021, X......... a demandé à la procureure qu’elle rende les ordonnances envisagées. B. Par acte du 10 janvier 2022, X......... a déposé un recours auprès de la Chambre des recours pénale, en concluant à ce qu’il soit constaté que le Ministère public s’est « rendu coupable » de déni de justice et de retard injustifié, à ce qu’ordre soit donné au Ministère public de procéder aux réquisitions de preuve complémentaires formulées dans son courrier du 16 mars 2021, à ce qu’ordre soit donné au Ministère public de rendre des décisions de clôture et à ce que les frais et dépens soient laissés à la charge de l’Etat. Elle a en outre demandé à être mise au bénéfice de l’assistance judiciaire pour la procédure de recours. Invitée à produire le dossier de la cause à la Cour de céans, la procureure a répondu, le 31 janvier 2022, qu’elle avait repris le dossier le 30 juillet 2020 et qu’elle n’avait pas pu rendre les décisions de clôture dans le délai annoncé en raison d’un manque de personnel durant l’année 2021, d’une surcharge endémique de travail et des dossiers complexes avec les détenus. Pour ces motifs, elle considérait qu’elle avait agi avec toute la célérité qui s’imposait et a conclu au rejet du recours. Le 31 janvier 2022, T......... a déclaré renoncer à déposer des déterminations sur le recours. En droit : 1. 1.1 Aux termes de l’art. 393 al. 2 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation, le déni de justice et le retard injustifié. Selon l’art. 396 al. 2 CPP, le recours pour déni de justice ou retard injustifié n’est soumis à aucun délai. Il doit être motivé et adressé par écrit (art. 396 al. 1 CPP) à l’autorité de recours qui, dans le canton de Vaud, est la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d'organisation judiciaire du 12 septembre 1979 ; BLV 173.01]). 1.2 En l’espèce, interjeté selon les formes prescrites, auprès de l’autorité compétente, par la plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), le recours est recevable. 2. 2.1 La recourante soutient que rien ne justifie le laps de temps de près d’une année séparant l’avis de prochaine clôture du 25 janvier 2021 du dépôt de son recours et que ses deux correspondances des 2 juillet 2021 et 29 octobre 2021 sont restées lettre morte, de sorte que l’attitude passive du Ministère public est constitutive d’un déni de justice. 2.2 Selon l'art. 29 al. 1 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101), qui n'offre pas à cet égard une protection plus étendue, cette disposition consacre le principe de la célérité, en ce sens qu'elle prohibe le retard injustifié à statuer ; l'autorité viole cette garantie constitutionnelle lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1 ; TF 6B.417/2019 du 13 septembre 2019 consid. 4.1 et les arrêts cités). L’art. 5 al. 1 CPP impose en particulier aux autorités pénales d’engager les procédures pénales sans délai et de les mener à terme sans retard injustifié. Pour déterminer la durée du délai raisonnable, il faut se fonder sur des éléments objectifs. Doivent notamment être pris en compte le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et des autorités compétentes. L'attitude de l'intéressé s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative qu'en procédure civile. Celui-ci doit néanmoins entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. Par ailleurs, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le principe de la célérité peut être violé même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute. Celles-ci ne sauraient donc exciper des insuffisances de leur organisation (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; TF 6B.417/2019 précité consid. 4.1 et les arrêts cités). La surcharge des autorités de poursuite pénale ne saurait justifier que l’instruction d’une procédure éprouve trop de retard ou qu’il ne soit pas statué sur une requête d’une partie (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; CREP 11 juin 2020/444 ; CREP 10 mars 2020/183 consid. 2.2 ; CREP 17 août 2016/544). Si l’autorité de recours constate un déni de justice ou un retard injustifié, elle peut donner des instructions à l’autorité concernée en lui impartissant des délais pour s’exécuter (art. 397 al. 4 CPP). 2.3 En l’espèce, il s’est écoulé près de dix mois entre la requête de la recourante du 16 mars 2021 tendant à la mise en œuvre de mesures d’instruction complémentaires et le dépôt du recours pour déni de justice et retard injustifié. Entre-deux, la procureure n’a pas rendu les décisions de clôture dans le courant du mois de juillet 2021 comme elle s’y était engagée et n’a pas répondu à la recourante qui lui avait demandé, le 29 octobre 2021, de rendre les décisions envisagées. Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le Ministère public ne peut pas se prévaloir d’une surcharge de travail ou d’un manque d’effectifs, de sorte qu’on ne peut que constater un retard injustifié dans l’instruction de la cause. Un délai de 15 jours sera imparti au Ministère public pour qu’il procède selon ce qu’il a annoncé dans son courrier du 7 juillet 2021, à savoir statuer sur les réquisitions de preuve formulées et sur la clôture de l’instruction. 3. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et le dossier de la cause renvoyé à l’autorité intimée pour qu’elle procède dans le sens des considérants. Par ordonnance du 25 mai 2020, la direction de la procédure a désigné Me Sarah El-Abshihy en qualité de conseil juridique gratuit de X.......... Contrairement à ce que prévoit l'art. 119 al. 5 CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272) en matière civile, le droit à un conseil juridique gratuit en matière pénale vaut pour toutes les étapes de la procédure et ne prend fin qu’à l’épuisement des voies de droit régies par le CPP, l’assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral faisant en revanche l’objet d’une nouvelle décision (art. 64 LTF [loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110]). La requête de X......... tendant à être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite pour la procédure de recours est par conséquent superflue (CREP 22 octobre 2021/972 ; CREP 23 décembre 2020/828 ; CREP 3 octobre 2018/775). Les frais de la procédure de recours sont fixés à 770 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]). Au vu du travail accompli par Me Sarah El-Abshihy, il sera retenu 3 heures d'activité au tarif horaire de 180 fr. (art. 2 al. 1 let. a et 3 al. 2 RAJ [règlement sur l'assistance judiciaire en matière civile du 7 décembre 2010 ; BLV 211.02.3] par renvoi de l'art. 26b TFIP), soit 540 fr., plus 2 % pour les débours (art. 3bis al. 1 RAJ par renvoi de l'art. 26b TFIP), soit 10 fr. 80, et 7,7 % de TVA sur le tout, sorte que l'indemnité s'élève au total à 594 fr. en chiffres arrondis. Les frais de la procédure de recours et l'indemnité allouée au conseil juridique gratuit seront laissés à la charge de l'Etat (art. 423 et 428 al. 4 CPP par analogie). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. Il est constaté un retard injustifié dans l’instruction de la cause. III. Un délai de 15 (quinze) jours est imparti au Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois pour procéder dans le sens des considérants. IV. L'indemnité allouée à Me Sarah El-Abshihy, conseil juridique gratuit de X........., est fixée à 594 fr. (cinq cent nonante-quatre francs). V. Les frais d'arrêt, par 770 fr. (sept cent septante francs), ainsi que l'indemnité allouée au conseil juridique gratuit de X........., par 594 fr. (cinq cent nonante-quatre francs), sont laissés à la charge de l'Etat. VI. L’arrêt est exécutoire. La présidente : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Sarah El-Abshihy, avocate (pour X.........), - Me Olivier Francioli, avocat (pour W.........), - Ministère public central, et communiqué à : - Mme la Procureure du Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). En vertu de l’art. 135 al. 3 let. b CPP, le présent arrêt peut, en tant qu'il concerne l’indemnité d’office, faire l’objet d’un recours au sens des art. 393 ss CPP devant le Tribunal pénal fédéral (art. 37 al. 1 et 39 al. 1 LOAP [loi fédérale sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 ; RS 173.71]). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal pénal fédéral dans un délai de dix jours dès la notification de l’arrêt attaqué (art. 396 al. 1 CPP). La greffière :