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Jug / 2023 / 140

Datum
2023-01-02
Gericht
Tribunal de Prud'hommes de l'Administration cantonale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL DE PRUD'HOMMES DE L'ADMINISTRATION CANTONALE Palais de justice de Montbenon 1014 Lausanne TF20.042303 JUGEMENT rendu par le TRIBUNAL DE PRUD'HOMMES DE L'ADMINISTRATION CANTONALE le 3 janvier 2023 dans la cause FEDERATION SYNDICALE M......... c/ ETAT DE VAUD MOTIVATION ***** Audiences : 26 août 2021, 2 novembre 2021, 22 décembre 2021 Présidente : Mme Christine SATTIVA SPRING, v.-p. Assesseurs : MM. Alexandre Cavin et Yves NOEL Greffière : Mme Morgane DUGGAN, a.h. Statuant au complet et à huis clos immédiatement à l'issue de l'audience de délibération du 22 décembre 2021, le Tribunal de prud'hommes de l'Administration cantonale (ci-après : le TRIPAC) retient ce qui suit : EN FAIT : 1. a) Le 17 septembre 2015, l’Association A......... (ci-après : [...]), par l’intermédiaire de la Fédération Syndicale M......... (ci-après la demanderesse) a saisi la Commission d’évaluation des fonction (ci-après : CEF) d’une demande visant au réexamen et/ou à la réévaluation de la fonction de logopédiste au milieu scolaire. b) Le 14 décembre 2016, sur mandat de la CEF, le Service du Personnel de l’Etat de Vaud (ci-après : SPEV) lui a remis son rapport d’analyse, dont les conclusions sont notamment que les activités spécifiques au cahier des charge de niveau 11 sont également réalisées par des titulaires de niveau 10 et qu’en conséquence · la pertinence de l’utilisation de la fonction 191 10 pour les logopédistes en milieu scolaire est confirmée · le cahier des charges de niveau 11 devrait être affiné en mentionnant des tâches nécessitant explicitement un savoir-faire de ce niveau et une formation complémentaire, et ne précisant le taux d’activité qu’elles représentent 2. a) En réponse à la demande de réexamen et/ou de réévaluation de la fonction de logopédiste au milieu scolaire introduite auprès d’elle, le 9 octobre 2017, la CEF a présenté un rapport au Conseil d’Etat tenant compte du rapport d’analyse du SPEV. Ce rapport conclut à un niveau 10 pour les logopédistes sortant de formation, avec un passage de plein droit au niveau 11 si certaines conditions cumulatives, dont l’une a trait à un nombre d’heures de formation continue, sont remplies. b) Par décision prise lors de la séance du 10 octobre 2018, et contrairement à l’avis de la CEF, le défendeur a décidé de maintenir les niveaux 10 et 11 pour les logopédistes en milieu scolaire, en se fondant sur les considérations suivantes : « Actuellement le passage du niveau 10 au niveau 11 se fait lors de l’attribution d’un nouveau cahier des charges incluant des responsabilités particulières et des qualifications supplémentaires (cinq ans d’expérience et 375 h de formation continue), à condition qu’un tel poste soit vacant au sein du service. Les études effectuées sur le terrain montrent que le travail réel relève du niveau 10 et qu’il n’est pas aussi différencié que prévu dans les cahiers des charges. C’est pourquoi le Conseil d’Etat demande au SESAF de rédiger un nouveau cahier des charges de niveau 11. La proposition de la Commission d’évaluation des fonctions de ne pas retenir que les critères de formation continue et de compétence pour déclencher le passage au niveau supérieur contrevient à la politique RH de l’Etat. Le système actuel repose sur le principe selon lequel le passage d’un niveau de fonction à un autre s’établit sur la base du cahier des charges ; la reconnaissance d’un niveau de fonction à un autre s’établit sur la base du cahier des charges ; la reconnaissance de l’expérience professionnelle étant traitée par le biais des annuités. Cela signifie que seule une prise de responsabilités plus grandes, attestée par un cahier des charges, peut se traduire par une collocation à un niveau supérieur. ». c) Le Conseil d’Etat a informé la demanderesse de sa décision par courrier du 10 octobre 2018. d) Le Service de l’enseignement spécialisé et de l’appui à la formation a été chargé d’élaborer un nouveau cahier des charges des logopédistes en collaboration avec le SPEV par décision du Conseil d’Etat du 10 octobre 2018. 3. a) Les pourparlers ayant échoué, en date du 9 décembre 2018, la demanderesse a saisi le Tribunal de Prud’hommes de l’administration cantonale d’une requête de conciliation dirigée contre l’ETAT DE VAUD / CONSEIL d’ETAT, en prenant les conclusions suivantes : « Avec suite de frais et dépens : Principalement : - Dire que le Conseil d’Etat établit de manière inexacte le travail effectivement réalisé par une majorité de logopédistes assignées à un cahier des charges lié à un niveau 10 ; - Dire que les tâches effectivement réalisées par ces logopédistes ne correspondent pas au cahier des charges lié à la classification en niveau 10 ; - Dire que le Conseil d’Etat doit faire correspondre le travail effectivement réalisé par ces logopédistes à un cahier des charges exact et à une classification qui en dérive. » 4. a) Une audience présidentielle de conciliation s’est tenue en date du 7 mars 2019. La conciliation n’ayant pas abouti, une autorisation de procéder a été délivrée à la demanderesse en date du 27 juillet 2020. b) Le 27 octobre 2020, la demanderesse a ouvert action contre l’ETAT DE VAUD, CONSEIL D’ETAT devant le Tribunal de céans, en prenant les conclusions suivantes : « Fondé sur ce qui précède, la demanderesse, la FEDERATION SYNDICALE M........., a l’honneur de conclure, sous suite de frais et dépens, à ce qu’il plaise au Tribunal de prud’hommes de l’Administration Cantonale : I. Dire que le Conseil d’Etat établit de manière inexacte le travail effectivement réalisé par une majorité de logopédistes assignées à un cahier des charges lié à un niveau 10 ; II. Dire que les tâches effectivement réalisées par ces logopédistes ne correspondent pas au cahier des charges lié à la classification en niveau 10 ; III. Dire que le Conseil d’Etat doit faire correspondre le travail effectivement réalisé par ces logopédistes à un cahier des charges exact et à une classification qui en dérive. ». c) Dans sa réponse du 12 mai 2021, l’ETAT DE VAUD a conclu principalement à l’irrecevabilité de la demande, subsidiairement au rejet des conclusions prises par la demanderesse. d) Lors de l’audience d’instruction du 26 août 2021, les parties ont sollicité le Tribunal de statuer, par voie incidente, sur la question de la compétence du Tribunal de Prud’hommes de l’administration cantonale dans la présente cause. Les parties ont été invitées par le Tribunal de céans à déposer leurs moyens par écrit dans un délai identique pour chacune. e) Dans son procédé écrit du 1er octobre 2021, la demanderesse a pris les conclusions suivantes : « … I. Dire de manière préjudicielle, qu’il est compétent pour connaître de la présente cause. II. Condamner l’Etat de Vaud à une indemnité pour téméraire plaideur. ». f) Dans son procédé écrit du 1er octobre 2021, la demanderesse a pris les conclusions suivantes : « … I. Constater que les conclusions prises par Fédérations syndicale M......... au pied de sa demande du 27 octobre 2021 sont irrecevables. » 5. a) Le Tribunal a tenu une audience d’instruction et de plaidoiries, le 2 novembre 2021, une séance de délibération, le 22 décembre 2021. b) Lors de l’audience du 2 novembre 2021, le Tribunal a entendu en qualité de témoin de T........., ainsi que la demanderesse et le défendeur en qualité de parties. Jointes au procès-verbal d’audience, leurs déclarations peuvent être résumées comme suit : ba) T......... travaille en qualité de Responsable du Centre de compétences développement du personnel et de l’organisation au sein du SPEV. Il a expliqué que le SPEV était mandaté par la Commission d’évaluation des fonctions (CEF) dès que celle-ci entre en matière sur un dossier dont elle est saisie. Il a confirmé que la CEF a été saisie d’une demande de réexamen de la part des logopédistes. Il a considéré que cette demande était différente dans le sens où elle avait trait à tout le cahier des charges et non à une évolution du métier significative qui méritait un réexamen de la fonction. Il a mentionné que le SPEV était seul habilité à intervenir lorsqu’il s’agit du cahier des charges. Il a décrit la procédure, soit que le SPEV établit un rapport d’analyse, transmis à la CEF qui produit elle-même son rapport et ses conclusions, le tout étant adressé au Conseil d’Etat qui doit statuer. Il a précisé que la CEF avait une compétence consultative, le Conseil d’Etat décidant comme il l’entend et comme la LPers et le RLPers l’autorisent à le faire. Concernant la voie de droit auprès du TRIPAC, il a déclaré qu’il ne voyait pas en quoi le cahier des charges pouvait être contesté sinon par un collaborateur qui dirait que son collègue qui effectue le même travail est rémunéré différemment s’agissant du niveau de fonction. En revanche, il met en avant la nécessité de respecter une procédure et la bonne évaluation de la fonction : dans ce cadre la voie du recours devant le TRIPAC est ouverte au cas où on ne respecterait pas ces deux points. bb) W........., représentante de la demanderesse, a expliqué avoir participé tant aux travaux ayant conduit à l’introduction de la LPers qu’ultérieurement à ceux qui ont abouti à la bascule DEFCO-Sysrem. Dans ce contexte, elle a précisé que la question des voies de recours contre les classifications a été un élément central de l’introduction de la nouvelle classification des fonctions pour les syndicats, ce qui a donné lieu à l’instauration de la Commission paritaire de recours. Cette dernière avait pour fonction d’examiner en première instance les transitions semi-directes et indirectes, les transitions directes étant immédiatement susceptibles de recours au TRIPAC. Selon elle, toute décision du Conseil d’Etat relative aux rapports de travail doit pouvoir faire l’objet d’un recours au TRIPAC lorsqu’il s’agit de classification, de cahier des charges et de rémunérations. bc) C........., représentante du défendeur, a expliqué sur demande du Tribunal de céans que toute décision du Conseil d’Etat mentionne les voies de droit ; ce qui est visé dans le cas d’espèce est le respect de la procédure soit le fait que le SPEV est appelé à donner son avis sur une évaluation de fonction non conforme à la méthode et à la procédure en vigueur. Elle a précisé que l’appréciation faite par le Conseil d’Etat sur la base des éléments reçus ne peut pas être revue par le TRIPAC. d) A la suite de l’audition du témoin et de l’interrogatoire des parties, l’instruction a été close et il a été passé aux plaidoiries. e) Par courrier du 13 juin 2022, la Présidente de céans a interpellé la demanderesse afin que cette dernière se détermine par écrit sur la question de la recevabilité des conclusions de la demande. f) Le 4 juillet 2022, la demanderesse s’est déterminée sur la recevabilité des conclusions prises au pied de sa demande. Pour l’essentiel, elle a renvoyé au moyen développé dans son procédé écrit du 1er octobre 2021, sous lettre C. Elle a par ailleurs précisé que sa conclusion II devait être comprise dans le sens que les logopédistes en milieu scolaire doivent être classifiés, au minimum, au niveau 11, avec la possibilité d’évolution vers le niveau 12 pour le profil expert. La demanderesse a ainsi reformulé sa conclusion II de la manière suivante : « Dire que les tâches effectivement réalisées par ces logopédistes ne correspondent pas au cahier des charges lié à la classification en niveau 10, et, par conséquent, dire que l’emploi-type de « logopédiste en milieu scolaire » est colloqué au niveau 11 de la chaîne 191, avec la possibilité de progression vers le niveau 12 de la chaîne 192. ». EN DROIT : I. a) Aux termes de l’art. 14 LPers-VD, dans les rapports de travail entre les employés de l’Etat de Vaud et ce dernier, le Tribunal de prud’hommes de l’Administration cantonale connaît, à l’exclusion de toute autre juridiction, de toute contestation relative à l’application de cette loi et de la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg ; RS 151.1), et que par voie de conséquence, la compétence du TRIPAC est limitée aux sujets traités dans la LPers-VD et dans la LEg, cas échéant dans les règlements d’application, toute question absente de ces lois ne pouvant alors pas être soumise à son examen, et devant par conséquent être traitée par une autre autorité. L’art. 14 LPers-VD n’exclut pas les conflits de nature collective de la compétence du Tribunal de Prud’hommes de l’administration cantonale (Ch. Rec., Syndicat des Services publics région Vaud c. Etat de Vaud, 25 février 2009, consid. 5b/bb). D’une part, il est admis par la doctrine et la jurisprudence que les associations représentant les collaborateurs peuvent agir devant le TRIPAC si leurs statuts les habilitent à sauvegarder les intérêts de leurs membres, si ceux-ci ont qualité pour ouvrir action et si l’on est en présence d’intérêt collectif (Ch.Rec., Fédération S, et crts c. Etat de Vaud, 12 septembre 2008, consid. 4 et références ; Novier/Carreira, Le contentieux devant le Tribunal de Prud’hommes de l’administration cantonale, JT 2007 III 5 ss, spéc., p. 11 et référence ; Ch. Rec., Syndicat SSP du 25 février 2009, précité, consid. 5b/bb). D’autre part, l’art. 14 LPers prévoit expressément que le TRIPAC est compétent pour toute contestation relative à l’application de la LPers. La distinction entre conflit individuel et collectif n’est pas pertinente pour exclure la compétence du Tribunal de céans (Ch. Rec., Syndicat SSP du 25 février 2009, précité, consid. 5b/bb). b) L’art. 16 al. 1 LPers-VD précise que la procédure est régie par les art. 103 ss CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010 ; RSV 211.02), lequel prévoit, à son art. 104, l’application supplétive du CPC (Code fédéral de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272) aux affaires de droit cantonal confiées à la juridiction civile. L'art. 16 al. 3 LPers-VD dispose que les actions devant le Tribunal de prud'hommes de l'Administration cantonale se prescrivent par un an lorsqu'elles tendent exclusivement à des conclusions pécuniaires et par soixante jours dans les autres causes. La prescription court dès l'exigibilité de la créance ou dès la communication de la décision contestée. c) En l’espèce, la demanderesse a la qualité pour agir en tant que personne morale qui est habilitée à défendre les intérêts d’un groupe de personnes déterminé. La LPers reconnaît d’ailleurs les syndicats et les associations de personnel à son article 13. De ce fait, la demanderesse a valablement introduit une procédure de conciliation le 9 décembre 2018 afin de contester la décision du Conseil d’Etat sur la demande d’examen de l’enclassement des logopédistes en milieu scolaire. La conciliation du 27 juillet 2020 n’ayant pas abouti, le Tribunal a délivré une autorisation de procéder à la demanderesse le jour même. Le 27 octobre 2020, la demanderesse a déposé une demande auprès du Tribunal de céans, accompagnée d’un bordereau de pièces, respectant ainsi le délai de trois mois pour saisir le Tribunal (art. 209 al. 2 CPC), de sorte que son action au fond est recevable sur le plan formel. II. a) Le Code de procédure civile (CPC ; RS 272), applicable en vertu des renvois contenus aux art. 16 al. 1 LPers-VD et 104 CDPJ (Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010, RSV 211.02), prévoit que le tribunal examine d’office si les conditions de recevabilité, notamment s’agissant de la compétence du tribunal selon la matière, sont remplies (art. 59 al. 1 et al. 2 let. b CPC, art. 60 CPC). b) Aux termes de l’art. 60 CPC, la question de l’examen d’office de la recevabilité ne s’impose qu’au « tribunal saisi d’une demande », et non à l’autorité de conciliation ; les rédactions divergentes des articles 59 et 60 CPC poussent à cette constatation, qui a été discutée en doctrine (ATF 146 III 265, c. 4.2 et les réf.). La jurisprudence a toutefois tranché la question en relevant que l’autorité de conciliation peut déclarer l’irrecevabilité d’une requête à la condition que cette irrecevabilité soit absolument manifeste ; dans les autres cas, elle délivrera à la partie requérante une autorisation de procéder en l’absence de conciliation (ATF 146 III 265, c. 4.1 et les réf.). Il en résulte que les conclusions de la requérante et demanderesse au fond n’ont pas été examinées sous l’angle de la recevabilité par l’autorité de conciliation, qui n’avait nullement l’obligation de procéder à un examen avant de délivrer l’autorisation de procéder. c) Lorsque le Tribunal est saisi au fond, il ne peut pas faire l’économie de se pencher sur sa compétence à instruire et trancher le litige porté devant lui, lequel est déterminé par les conclusions de la demande. En l’espèce, la demanderesse conteste l’évaluation de la fonction de logopédiste en milieu scolaire telle qu’elle a été retenue dans la décision du Conseil d’Etat du 10 octobre 2018, et elle sollicite du TRIPAC le constat de cette mauvaise appréciation. Elle fonde la compétence de l’autorité de céans sur la méthode instaurée au moment de l’introduction de DEFCO-SYSREM et sur l’existence d’une voie de droit sur la décision incriminée. Le défendeur conteste quant à lui la compétence du TRIPAC sur ces questions et conclut à l’irrecevabilité des conclusions de la demanderesse, en niant toute possibilité de recours aux processus mis en place dès 2008 lors de la bascule. III. a) L’art. 24 LPers-VD dispose que le Conseil d’Etat arrête l'échelle des salaires, fixe le nombre de classes et leur amplitude. Il détermine les modalités de progression du salaire (augmentation annuelle) à l'intérieur de chaque classe. Le Conseil d'Etat définit les fonctions et les évalue. La disposition renvoie à l’art. 38 RLPers-VD qui prévoit que le niveau de chaque fonction est prédéterminé par le SPEV sur la base des résultats de la méthode d’évaluation, soit la méthode GFO. Les résultats sont ensuite transmis à la CEF. b) C’est le règlement de la CEF (RCEv.Fonc.) qui en détermine les modalités de constitution et de fonctionnement. Au moment de l’introduction de l’action était encore applicable l’ancien règlement de la CEF ; dans ce cadre, la commission était chargée de l’évaluation des fonctions notamment des demandes de réévaluation ou réexamen d’une fonction, selon la procédure décrite aux art. 11 et suivants dudit règlement. L’art. 15 aRCEv.Fonc prévoyait qu’il appartenait au Conseil d’Etat de statuer sur la base du rapport établi par la CEF, puis que le Conseil d’Etat informait la CEF de sa décision, ainsi que le syndicat ou l’association qui l’avait saisi. Ledit règlement ne fixe rien s’agissant des voies de droit pour contester une décision du Conseil d’Etat s’agissant de l’évaluation d’une fonction. Est litigieuse la question de l’étendue de la compétence du Tribunal de céans en lien avec le processus d’évaluation des fonctions, tel qu’il ressort de la LPers-VD, du RLPers-VDet du RCEv.Fonc. IV. a) L’art. 14 LPers-VD donne compétence au Tribunal de prud’hommes de l’administration cantonale pour connaître de toute contestation relative à l’application de la présente loi, soit en particulier à la mise en œuvre de l’art. 24 LPers-VD et de l’art. 38 RLPers-VD ; il convient cependant de ne pas étendre cette compétence outre mesure, ce que la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a confirmé (CREC I 17 mai 2011/178 consid. 5). Il est nécessaire en particulier que le litige porte sur un point d’application de la LPers-VD pour que le TRIPAC puisse être saisi, à l’exclusion de toute question relevant de la gestion administrative d’un service (cf. Novier, Le contentieux devant le Tribunal de prud’hommes de l’administration cantonale, in JT 2007 III 5 ss., spéc. pp. 8-9, avec réf. en nbp 19). Dans le même ordre d’idées, si le Tribunal de céans connaît comme autorité judiciaire des contestations relatives à l’application de la LPers-VD, il n’en est pas pour autant une autorité de surveillance de l’administration cantonale ; il n’est ainsi pas compétent pour donner des directives aux services de l’Etat sur la manière dont ils doivent fonctionner, ni pour enjoindre à l’Etat de s’organiser d’une manière ou d’une autre (cf. Novier, Le contentieux devant le Tribunal de prud’hommes de l’administration cantonale, in JdT 2007 III 5 ss., spéc. p. 17 et les réf. citées et a contrario, Décision / 2017 / 423 du 6 février 2017 du Tribunal de Prud’hommes de l’Administration cantonale). b) De manière générale, le législateur vaudois a voulu que le TRIPAC soit chargé de l’ensemble du contentieux de la fonction publique étatique (Novier/Guignard, Loi sur le personnel de l’Etat de Vaud : jurisprudence récente, JT 2020 III 39 ss, p. 40), raison pour laquelle l’art. 14 LPers-VD prévoit que toute contestation relative à cette loi doit être portée devant le TRIPAC. Dès lors, la compétence du TRIPAC est donnée pour tout problème de régularité formelle des décisions portant sur les rapports de travail ainsi que pour toute contestation relative à l’application la Loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg ; RS 151.1). C’est bien parce qu’il est prima facie compétent que le Tribunal de céans peut se prononcer de manière préjudicielle sur la recevabilité des conclusions qui ont été déposées devant lui. c) En l’espèce, la demanderesse ne prétend pas que des irrégularités formelles devraient être reprochées au défendeur. Que ce soit dans ses écritures ou dans son procédé écrit, elle n’a pas remis en cause le processus initié, qui a débouché sur le rapport du SPEV, la prise de position de la CEF puis finalement la décision du Conseil d’Etat, objet de sa contestation. Elle conteste en réalité les conclusions de la CEF, la vision du SESAF de l’activité des psychologues en milieu scolaire, l’adéquation des cahiers des charges actuels, spécialement celui de niveau 10 et la demande faite d’en établir de nouveaux. Elle requiert en particulier la constatation que certaines tâches ne figurent pas dans le cahier des charges du niveau 10, alors qu’elles devraient y figurer parce que certaines logopédistes assumeraient ces tâches. La demanderesse attend donc du tribunal de céans qu’il se livre à des investigations complexes approfondies et circonstanciées, ce d’autant que la procédure probatoire nécessiterait de prendre les cahiers des charges de tous et toutes les psychologues en milieu scolaire, qu’ils et elles soient contents de leur classification ou non. La démarche requise ne s’inscrit pas dans le cadre d’un litige, forcément plus limité et cadré. On sort dès lors clairement du périmètre qui était celui de DECFO, dans le cadre duquel les personnes qui s’estimaient mal colloquées pouvaient faire revoir leur classification personnelle, sur la base de comparaisons concrètes. En sollicitant la constatation que le Conseil d’Etat établit de manière inexacte le travail effectivement réalisé par une majorité de logopédistes assignés à un cahier des charge lié à un niveau 10, la demanderesse attend du Tribunal de céans qu’il interfère dans le processus d’évaluation des fonctions au sein de l’Etat de Vaud et qu’il se livre à une appréciation dans le cadre de laquelle il devrait se prononcer sur la base de jugements de valeur, ce que la LPers ne place pas dans ses compétences. De telles conclusions vont clairement au-delà du simple conflit de droit du travail entre l’Etat et ses employés, mais touchent d’une certaine manière à la séparation des pouvoirs. Elles ne ressortissent dès lors pas la compétence juridictionnelle du Tribunal de céans, à l’inverse du cas où le TRIPAC serait saisi d’irrégularités formelles dans la procédure suivie par et devant la CEF. V. a) La demanderesse a probablement conscience du fait que le TRIPAC ne peut pas donner d’injonctions au Conseil d’Etat en lien avec la classification générale de la fonction de logopédiste en milieu scolaire. En effet, elle n’a pris que des conclusions en constatation de droit soit : « I. Dire que le Conseil d’Etat établit de manière inexacte le travail effectivement réalisé par une majorité de logopédistes assignées à un cahier des charges lié à un niveau 10 ; II. Dire que les tâches effectivement réalisées par ces logopédistes ne correspondent pas au cahier des charges lié à la classification en niveau 10 ; Dire que le Conseil d’Etat doit faire correspondre le travail effectivement réalisé par ces logopédistes à un cahier des charges exact et à une classification qui en dérive. » b) L’art. 16 al. 1 LPers-VD renvoie aux art. 103 ss CDPJ, qui renvoient à leur tour au CPC, à défaut de loi spéciale permettant de prendre des conclusions constatatoires dans un domaine particulier. Selon une jurisprudence constante, une conclusion en constatation de droit (art. 88 CPC) est recevable si le demandeur dispose d'un intérêt de fait ou de droit digne de protection à la constatation immédiate de la situation de droit (cf. art. 59 al. 2 let. a CPC; sur les conditions de cette action, cf. ATF 141 III 68 consid. 2.3; 136 III 523 consid. 5; 135 III 378 consid. 2.2). L'action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l'action condamnatoire ou à l'action formatrice. Seules des circonstances exceptionnelles conduisent à admettre l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation de droit lorsqu'une action en exécution est ouverte. Un litige doit en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet. Le créancier qui dispose d'une action condamnatoire ne peut en tout cas pas choisir d'isoler des questions juridiques pour les soumettre séparément au juge par la voie d'une action en constatation de droit (ATF 135 III 378 consid. 2.2 p. 380). Il appartient au demandeur d'établir qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à la constatation (cf. arrêt 4A.688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3). Force est de constater que la demanderesse n’allègue ni ne prouve un intérêt digne de protection à la constatation immédiate de la situation générale et globale qu’elle estime inappropriée, alors même qu’il lui incombe de le faire au regard de l’art. 88 CPC. Au demeurant, les psychologues qui s’estiment individuellement injustement traités disposent de l’action condamnatoire de l’art. 5 al. 1 lit. d LEg, voire du principe de l’égalité de traitement applicable en matière de droit public. c) La demanderesse est une personne morale qui peut, comme telle, se prévaloir de l’art. 89 CPC. Toutefois, la possibilité pour elle d’obtenir un jugement constatatoire est limitée par l’exigence légale que les droits de la personnalité de ses membres soit en cause. Or, tel n’est pas le cas pour une revendication purement salariale ; même si on voulait considérer qu’une rémunération inférieure à ce qu’elle devrait être correspond à un manque de reconnaissance et, partant, à une atteinte à la personnalité, encore faudrait-il constater que la demanderesse a agi de manière toute générale, pour l’ensemble des logopédistes en milieu scolaire, et non pour ses seuls membres : elle ne saurait dès lors bénéficier de l’art. 89 CPC. d) Dans la mesure où le Tribunal ne peut pas s’immiscer dans la gestion administrative d’un service et procéder à d’interminables mesures d’instruction, établir les constats requis n’est clairement pas possible, en fait et en droit. e) La demanderesse ne saurait faire valoir le grief de violation du droit d’être entendue en lien avec la constatation qui précède. En effet, elle a été interpellée après l’audience de plaidoiries sur le point précis de la recevabilité de ses conclusions. Le mémoire du défendeur mettait également en exergue ce problème f) À la lumière des éléments qui précèdent, le Tribunal ne peut que constater l’irrecevabilité des conclusions de la demanderesse, sans qu’il ait besoin d’une instruction particulière sur les faits. VI. Compte tenu du caractère particulier des conclusions, la valeur litigieuse de l’action est délicate à déterminer, et partant les frais y relatifs peu aisés à déterminer. La demanderesse avait manifesté son désaccord avec l’avance de frais qui avait été requise d’elle. Au vu du sort réservé aux conclusions de la demande, on arrêtera ex aequo et bono les frais à hauteur de CHF 1’000, montant auquel s’ajoute celui de 110 fr. relatif aux frais d’audition de témoins, avancés par le défendeur. La demanderesse dont toutes les conclusions sont irrecevables ne saurait dès lors obtenir des dépens. Le défendeur a procédé avec l’aide d’un mandataire professionnel, qui faisait toutefois partie du service juridique jusqu’à peu de temps avant l’audience ; dès lors, le tribunal considère en équité qu’il n’y a pas lieu de lui allouer des dépens. On relèvera à cet égard que la question tranchée dans la présente cause n’avait pas fait l’objet de décisions judiciaires antérieures, et que la demanderesse ne saurait dès lors être taxée de plaideur téméraire ou de mauvaise foi. Par ces motifs, statuant immédiatement à l'audience de délibération du 22 décembre 2021, au complet, à huis clos et en contradictoire le Tribunal de Prud'hommes de l'administration cantonale : I. DECLARE IRRECEVABLES les conclusions prises par la demanderesse contre le défendeur Etat de Vaud ; II. ARRETE les frais de justice à hauteur de 1’110.00 (mille cent dix) francs, à charge de la demanderesse ; III. DIT que la caisse du tribunal restituera à la demanderesse le solde de son avance, à hauteur de 3’250 fr. ; IV. DIT que la demanderesse est débitrice du défendeur et lui doit immédiat paiement de la somme de 110.00 francs. V. REND le présent jugement sans dépens. VI. REJETTE toutes autres et plus amples conclusions. La Présidente : La greffière : Christine SATTIVA SPRING, v.-p. Morgane DUGGAN, a.h. Du 3 janvier 2023 Les motifs du jugement rendu sont notifiés aux parties. Un appel au sens des articles 308 ss CPC peut être formé dans un délai de 30 jours dès la notification de la présente décision en déposant au greffe du Tribunal cantonal un mémoire écrit et motivé. La décision objet du recours de l’appel doit être jointe. La greffière : Morgane DUGGAN