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Décision / 2013 / 541

Datum
2013-06-02
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 384 PE12.025165-PVU CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Séance du 3 juin 2013 .................. Présidence de M. Krieger, président Juges : MM. Perrot et Maillard Greffière : Mme Cattin ***** Art. 132, 393 al. 1 let. a CPP La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal prend séance à huis clos pour statuer sur le recours interjeté le 26 avril 2013 par T......... contre l'ordonnance de refus de désignation d'un défenseur d'office rendue le 21 avril 2013 par le Ministère public d'arrondissement du Nord vaudois dans la cause n° PE12.025165-PVU. Elle considère: En fait : A. a) I......... a déposé deux plaintes pénales, l’une le 26 décembre 2012 et la seconde à une date non connue, à l’encontre de T......... pour menaces et tentative de contrainte. Il reproche au prévenu, qui est son co-détenu aux Etablissements de la plaine de l’Orbe (ci-après: EPO), d’avoir, à deux reprises au moins, fermé la porte de sa cellule et enclenché le dispositif empêchant l’ouverture de celle-ci de l’intérieur, de l’avoir insulté et d’avoir tenté de le frapper. b) Le 27 décembre 2012, W......... a déposé plainte pénale à l’encontre de T......... pour calomnie, injure et menaces. Il reproche au prévenu, qui est également son co-détenu aux EPO, de l’avoir traité de pédophile et de fils de pute ainsi que d’avoir évoqué à haute voix son intention de «casser la gueule» à certains de ses co-détenus. c) Le 9 avril 2013, T......... a requis la nomination d'un avocat d'office. B. Par ordonnance du 21 avril 2013, le Procureur de l’arrondissement du Nord vaudois a rejeté la requête de désignation d’un défenseur d’office à T......... (I) et a dit que les frais suivaient le sort de la cause (II). A l'appui de cette décision, il a en particulier retenu que le prévenu ne se trouvait pas dans un cas de défense obligatoire et que l’affaire ne présentait aucune difficulté, ni en fait ni en droit, qui empêcherait celui-ci de défendre seul ses intérêts. Il a également relevé qu’aucun des plaignants n’était assisté dans la procédure. C. Par acte du 26 avril 2013, T......... a recouru contre cette ordonnance, en concluant à son annulation. Par déterminations du 29 mai 2013, le Procureur de l’arrondissement du Nord vaudois a indiqué n’avoir pas d’observation à déposer. Il a conclu au rejet du recours et au maintien de l’ordonnance contestée. EN DROIT: 1. a) Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est recevable contre les décisions et actes de procédure du Ministère public. Une décision du Ministère public refusant d’ordonner une défense d’office (art. 132 CPP) est ainsi susceptible de recours selon les art. 393 ss CPP (Ruckstuhl, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 32 ad art. 132 CPP; Harari/Aliberti, in: Kuhn/Jeanneret [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 11 ad art. 132 CPP). Ce recours s’exerce auprès de l’autorité de recours (cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui dans le canton de Vaud est la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP, RSV 312.01; art. 80 LOJV, RSV 173.01). Le recours doit être adressé par écrit, dans un délai de dix jours dès la notification de la décision attaquée (cf. art. 384 let. b CPP), à l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP). b) En l’espèce, il y a donc lieu d’entrer en matière sur le recours, qui a été interjeté en temps utile devant l’autorité compétente et satisfait aux conditions de forme posées par l’art. 385 al. 1 CPP. 2. a) Selon l’art. 132 al. 1 CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d’office dans les deux hypothèses suivantes: (a) en cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP, si le prévenu, malgré l’invitation de la direction de la procédure, ne désigne pas de défenseur privé, ou si le mandat est retiré au défenseur privé ou que celui-ci a décliné le mandat et que le prévenu n’a pas désigné un nouveau défenseur dans le délai imparti; (b) si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l’assistance d’un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. La défense d’office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l’affaire n’est pas de peu de gravité et qu’elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n’est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d’une peine privative de liberté de plus de quatre mois, d’une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende ou d’un travail d’intérêt général de plus de 480 heures (art. 132 al. 3 CPP). La peine dont le prévenu est «passible» (cf. art. 132 al. 3 CPP), ou qu’il «encourt» (cf. art. 130 let. b CPP), n’est pas la peine encourue abstraitement au vu de l’infraction en cause – à savoir la peine maximale prévue par la loi pour l’infraction en question –, mais celle qui est concrètement envisagée au vu des circonstances particulières objectives du cas ou de la peine que le Ministère public requiert (cf. Ruckstuhl, op. cit., n. 18 ad art. 130 CPP). b) Selon la systématique de l'art. 132 CPP, la défense d'office doit ainsi être ordonnée non seulement en cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 CPP si les conditions de l'art. 132 al. 1 let. a CPP sont réalisées, mais aussi hors des cas de défense obligatoire, aux conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP; en d'autres termes, un défenseur d'office peut être désigné également dans les cas de défense facultative (TF 1B.477/2011 du 4 janvier 2012 c. 2.2; cf. TF 1B.195/2011 du 28 juin 2011 c. 3.1 non publié aux ATF 137 IV 215). Pour qu'une défense d'office soit ordonnée dans un cas de défense facultative, il faut que les conditions posées par l'art. 132 al. 1 let. b CPP – et précisées par l'art. 132 al. 2 et 3 CPP – soient réunies; ces conditions reprennent largement la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire (TF 1B.477/2011 du 4 janvier 2012 c. 2.2). Selon cette jurisprudence, rendue sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH, la désignation d'un défenseur d'office dans une procédure pénale est nécessaire lorsque le prévenu est exposé à une longue peine privative de liberté ou s'il est menacé d'une peine qui ne peut être assortie du sursis; elle peut aussi l'être, selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent – cette condition étant cumulative, comme cela ressort désormais de l’art. 132 al. 2 CPP (Harari/Aliberti, op. cit., n. 61 ad art. 132 CPP; TF 1B.359/2010 du 13 décembre 2010 c. 3.2) – des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul (ATF 128 I 225 c. 2.5.2; ATF 120 Ia 43 c. 2a p. 44 et les références citées; TF 1B.477/2011 du 4 janvier 2012 c. 2.2). Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, comme l'indique l'adverbe «notamment». La doctrine mentionne en particulier les cas où la désignation d'un défenseur est nécessaire pour garantir l'égalité des armes, ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (cf. TF 1B.477/2011 du 4 janvier 2012 c. 2.2; Harari/Aliberti, op. cit., n. 64 ad art. 132; Lieber, in: Donatsch/Hansjakob/Lieber [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, Zurich/Bâle/Genève 2010, n. 16 ad art. 132; Ruckstuhl, op. cit., n. 36 ad art. 132). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce; à cet égard, il faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou de son représentant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers (ATF 128 I 225 c. 2.5.2; ATF 123 I 145 c. 2b/cc; ATF 122 I 49 c. 2c/bb; ATF 122 I 275 c. 3a et les arrêts cités; TF 1B.359/2010 du 13 décembre 2010 c. 3.2; TF 1B.195/2011 du 28 juin 2011 c. 3.2). En revanche, dans les «cas bagatelle» – soit, selon le Tribunal fédéral, ceux dans lesquels il ne risque qu'une peine de courte durée ou une amende –, le prévenu n'a pas, même s'il est indigent, de droit constitutionnel à la désignation d'un défenseur d'office gratuit (Harari/Aliberti, op. cit., n. 67 ad art. 132 CPP; TF 6B.304/2007 du 15 août 2008 c. 5.2; ATF 128 I 225 c. 2.5.2; CREP 3 août 2011/291). c) En l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas de défense obligatoire, mais d’un cas de défense facultative, de sorte que la défense d'office ne doit être ordonnée que si les conditions de l'art. 132 al. 1 let. b CPP sont réalisées. Il est vrai qu'en l'état le recourant n'est poursuivi que pour calomnie, injure, menaces et tentative de contrainte, de sorte que l’affaire paraît être de peu de gravité au sens de l’art. 132 al. 2 et 3 CPP. Cela étant, le recourant a été condamné le 28 septembre 2010 par le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois à une peine privative de liberté de dix-huit mois, sous déduction de 183 jours de détention avant jugement, dont dix mois avec sursis pendant cinq ans, peine assortie d’une assistance de probation et d’un traitement ambulatoire, pour dommages à la propriété, violation de domicile, incendie intentionnel (délit manqué) et opposition aux actes de l’autorité. Il a également été condamné le 27 septembre 2012 par le Tribunal criminel de Neuchâtel à une peine privative de liberté de cinq ans, sous déduction de 578 jours de détention avant jugement, pour complicité de meurtre. Le sursis octroyé le 28 septembre 2010 a été révoqué. Le recourant a en outre fait l’objet de onze condamnations en France (cf. P. 12, p. 27). Les lourds antécédents du prévenu sont ainsi susceptibles d'avoir une incidence conséquente sur la fixation de la peine en cas de condamnation. T......... pourrait donc se voir infliger une peine égale voire supérieure à celles prévues à l’art. 132 al. 2 CPP, si bien que l’affaire n’est pas de peu de gravité. En outre, dans le cadre de l’affaire neuchâteloise, le recourant a été soumis à une expertise psychiatrique qui a révélé la présence de troubles importants qualifiés de «troubles de la personnalité mixte à traits antisociaux et impulsifs de sévérité moyenne» (P. 12, p. 28). Le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois avait d’ailleurs ordonné un traitement ambulatoire au sens de l’art. 63 CP. On peut en conclure que l’état psychique du recourant ne lui permette pas de surmonter seul les difficultés de l’affaire. De plus, le fait que T......... soit détenu justifie également qu’un défenseur d’office lui soit nommé (cf. TF 1B.477/2011 précité), quand bien même les plaignants, eux aussi détenus aux EPO, ne sont pas assistés. Enfin, l’indigence du recourant est patente. Par conséquent, les conditions permettant de désigner un défenseur d'office sont réunies, à tout le moins celles qui concernent les cas de défense facultative (art. 132 al. 1 let. b CPP). 3. En définitive, le recours doit être admis et l’ordonnance attaquée réformée en ce sens qu’un défenseur d’office sera désigné au recourant par le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois. Les frais de procédure, constitués du seul émolument d’arrêt, par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 1 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale, statuant à huis clos, prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance attaquée est réformée en ce sens qu’un défenseur d’office sera désigné à T......... par le Procureur de l'arrondissement du Nord vaudois. III. Les frais de la procédure de recours, par 770 fr. (sept cent septante francs), sont laissés à la charge de l’Etat. IV. Le présent arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - M. T........., - M. W........., - M. I........., - Ministère public central, et communiqué à : ‑ M. le Procureur de l’arrondissement du Nord vaudois, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :