TRIBUNAL CANTONAL JE22.037085-221208 512 cour dâappel CIVILE ............................. ArrĂȘt du 10 septembre 2022 .................. Composition : Mme Giroud Walther, prĂ©sidente Mme Crittin Dayen et M. de Montvallon, juges GreffiĂšre : Mme Spitz ***** Art. 308 CPC Statuant sur le recours interjetĂ© par G........., Ă [...], contre la dĂ©cision rendue le 16 septembre 2022 par le Juge de paix des districts du Jura â Nord vaudois et du Gros-de-Vaud dans la cause divisant la recourante dâavec W........., Ă [...], la Cour dâappel civile du Tribunal cantonal considĂšre : En fait et en droit : 1. 1.1 Par « requĂȘte dâinspection locale urgente » du 14 septembre 2022, G......... a ouvert action contre W......... en concluant, avec suite de frais et dĂ©pens, Ă ce que lâhuissier de paix ou un expert dont le choix est laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation du juge soit immĂ©diatement dĂ©signĂ© et invitĂ© Ă procĂ©der dans les meilleurs dĂ©lais, en prĂ©sence des parties et de leurs conseils, Ă une inspection locale et un constat photographique portant sur lâĂ©tat dâachĂšvement des travaux de maçonnerie exĂ©cutĂ©s par elle-mĂȘme sur les ouvrages sis sur la parcelle RF [...] de la Commune dâ[...] ([...], [...]), ainsi quâĂ rapporter par Ă©crit, photographies Ă lâappui, de son inspection dans le dĂ©lai que lui impartira le juge Ă cet effet. 1.2 Par dĂ©cision du 16 septembre 2022, le Juge de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud (ci-aprĂšs : le juge de paix) a en substance rejetĂ© la requĂȘte, a mis les frais judiciaires, arrĂȘtĂ©s Ă 150 fr., Ă la charge de G......... et a dit quâil nâĂ©tait pas allouĂ© de dĂ©pens. Au pied de la dĂ©cision, figure la voie de droit suivante : « RECOURS : Un recours est ouvert auprĂšs du Tribunal cantonal contre le refus de statuer dans les dix jours dĂšs la prĂ©sente notification, en dĂ©posant au greffe de la justice de paix un acte de recours en deux exemplaires dĂ©signant la dĂ©cision attaquĂ©e et contenant leurs [sic] conclusions ou, Ă dĂ©faut, en indiquant sur quels points la dĂ©cision est attaquĂ©e et quelle est la modification demandĂ©e ». 2. 2.1 Par « requĂȘte dâinspection locale urgente » du 16 septembre 2022, G......... a ouvert action contre W......... en concluant, avec suite de frais et dĂ©pens, Ă ce quâun huissier de paix ou un tiers dont le choix est laissĂ© Ă lâapprĂ©ciation du Juge soit immĂ©diatement dĂ©signĂ© et invitĂ© Ă procĂ©der dans les meilleurs dĂ©lais, en prĂ©sence des parties et de leurs conseils, Ă une inspection locale et Ă Ă©tablir un constat photographique portant sur lâĂ©tat dâachĂšvement des travaux de maçonnerie exĂ©cutĂ©s par elle-mĂȘme sur les ouvrages sis sur la parcelle RF [...] de la Commune dâ[...] (route [...], route [...]). 2.2 Par dĂ©cision du 16 septembre 2022 Ă©galement, la Juge de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud sâest rĂ©fĂ©rĂ©e Ă la dĂ©cision rendue par son collĂšgue le mĂȘme jour, qui comporte des voies de recours. Elle a par consĂ©quent invitĂ© G......... Ă les utiliser sâil entendait contester cette dĂ©cision. Enfin, elle a prĂ©cisĂ© que la requĂȘte du 16 septembre 2022 comprenant les mĂȘme conclusions que celle ayant fait lâobjet de la dĂ©cision susmentionnĂ©e, aucune nouvelle procĂ©dure ne serait ouverte et que la seconde requĂȘte et les piĂšces annexĂ©es seraient versĂ©es au dossier en cours. 3. Par acte du 18 septembre 2022, G......... (ci-aprĂšs : la recourante) a dĂ©clarĂ© faire recours contre la dĂ©cision sur mesures provisionnelles et superprovisionnelles rendue le 16 septembre 2022 par le juge de paix rejetant la requĂȘte dĂ©posĂ©e par ses soins le 14 septembre 2022 en concluant, avec suite de frais et dĂ©pens, Ă sa rĂ©forme dans le sens de la conclusion prise dans sa requĂȘte du 14 septembre 2022 et, subsidiairement, dans le sens de celle prise dans sa requĂȘte du 16 septembre 2022. Le 22 septembre 2022, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a transmis Ă la Cour de cĂ©ans lâacte du 18 septembre 2022 et le dossier de la cause comme objet de sa compĂ©tence. W......... (ci-aprĂšs : lâintimĂ©e) nâa pas Ă©tĂ© invitĂ©e Ă se dĂ©terminer. 4. 4.1 4.1.1 Lâappel est recevable contre les dĂ©cisions finales de premiĂšre instance et les dĂ©cisions incidentes de premiĂšre instance, ainsi que les dĂ©cisions de premiĂšre instance sur les mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 CPC), dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC). Le refus de preuve Ă futur constitue en principe une dĂ©cision finale susceptible dâappel (CACI 18 juillet 2019/420 consid. 1.1 ; CACI 19 mars 2014/140 consid. 5, publiĂ© in JdT 2014 III 84). Toutefois, la qualification de dĂ©cision finale doit uniquement ĂȘtre admise lorsque la requĂȘte a Ă©tĂ© rejetĂ©e avant la litispendance, dans une procĂ©dure autonome (ATF 138 III 76 consid. 1.2, JdT 2014 III 228 ; TF 4A.421/2018 du 8 novembre 2018 consid. 4 ; TF 4A.419/2016 du 22 mars 2017 consid. 1.3.2 ; Colombini, Code de procĂ©dure civile, CondensĂ© de la jurisprudence fĂ©dĂ©rale et vaudoise, Lausanne 2018, n. 5.3.2.1 ad art. 308 CPC), une telle dĂ©cision mettant fin Ă cette procĂ©dure. En revanche, lorsque la requĂȘte de preuve Ă futur est prĂ©sentĂ©e pendente lite, la dĂ©cision qui en connaĂźt est une dĂ©cision sur preuve, qui nâest susceptible que dâun recours, pour autant quâelle soit susceptible de causer un dommage difficilement rĂ©parable (CACI 30 aoĂ»t 2022/439 ; CREC 12 avril 2017/88 ; CREC 1er septembre 2016/354 ; CACI 29 aoĂ»t 2014/457). La dĂ©cision de refus â mĂȘme partiel (CACI 1er octobre 2012/452) â dâexpertise hors procĂšs dans une procĂ©dure autonome peut ainsi faire lâobjet dâun appel, respectivement dâun recours lorsque la valeur litigieuse est infĂ©rieure Ă 10'000 fr. (CREC 12 mai 2011/58 ; CACI 1er fĂ©vrier 2016/75). Il en va de mĂȘme de la dĂ©cision dâirrecevabilitĂ© de la requĂȘte faute de compĂ©tence (juge dĂ©lĂ©guĂ© CACI 23 janvier 2012/46). Par renvoi de lâart. 158 al. 2 CPC, la dĂ©cision portant sur la preuve Ă futur est rendue en application de la procĂ©dure sommaire applicable aux mesures provisionnelles (art. 248 let. d CPC), de sorte que le dĂ©lai pour lâintroduction de lâappel est de dix jours (art. 314 al. 1 CPC). Le traitement dâun appel en matiĂšre de preuve Ă futur est toutefois de la compĂ©tence de la Cour dâappel civile in corpore, lâart. 84 al. 2 LOJV (loi dâorganisation judiciaire du 12 dĂ©cembre 1979 ; BLV 173.01) Ă©tant inapplicable (CACI 18 juillet 2019/420 consid. 1.1 ; CACI 14 aoĂ»t 2014/430 consid. 1b ; Colombini, op. cit., n. 5.3.1.2 ad art. 308 CPC). 4.1.2 Lorsqu'une partie interjette par erreur un autre type de recours que celui ouvert par la loi, le recours interjetĂ© est irrecevable. Certes, dans certaines circonstances, il peut y avoir conversion : l'autoritĂ© de recours traite le recours interjetĂ© comme si la partie avait dĂ©clarĂ© interjeter le recours prĂ©vu par la loi, si les conditions de recevabilitĂ© de celui-ci sont pour le surplus remplies. Cette conversion rĂ©sulte de l'application du principe de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst. ; cf. TF 5A.221/2018 du 4 juin 2018 consid. 3.3.1 et les rĂ©f. citĂ©es). Mais la jurisprudence admet trĂšs restrictivement la conversion lorsque la partie recourante est reprĂ©sentĂ©e par un mandataire professionnel. Dans cette hypothĂšse en effet, la conversion doit ĂȘtre refusĂ©e si le mandataire professionnel choisit expressĂ©ment une voie de droit alors qu'il ne peut ignorer que celle-ci n'est pas ouverte au vu du texte clair de la loi ou de la jurisprudence constante approuvĂ©e par la doctrine unanime (cf. TF 5A.221/2018 prĂ©citĂ© consid. 3.3.1 et 3.3.2 ; CACI 30 aoĂ»t 2022/439 ; CACI 1er mars 2022/117). AncrĂ© Ă l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activitĂ© Ă©tatique, le principe de la bonne foi exige que l'administration et les administrĂ©s se comportent rĂ©ciproquement de maniĂšre loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de tout comportement propre Ă tromper l'administrĂ© et elle ne saurait tirer aucun avantage des consĂ©quences d'une incorrection ou insuffisance de sa part. A certaines conditions, le citoyen peut ainsi exiger de l'autoritĂ© qu'elle se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne trompe pas la confiance qu'il a lĂ©gitimement placĂ©e dans celles-ci. De la mĂȘme façon, le droit Ă la protection de la bonne foi peut aussi ĂȘtre invoquĂ© en prĂ©sence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'Ă©veiller chez l'administrĂ© une attente ou espĂ©rance lĂ©gitime (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; ATF 129 II 361 consid. 7.1). Selon la jurisprudence, un faux renseignement ou une dĂ©cision erronĂ©e de l'administration peuvent obliger celle-ci Ă consentir Ă un administrĂ© un avantage contraire Ă la rĂ©glementation en vigueur, Ă condition que l'autoritĂ© soit intervenue dans une situation concrĂšte Ă l'Ă©gard de personnes dĂ©terminĂ©es (1), qu'elle ait agi ou soit censĂ©e avoir agi dans les limites de ses compĂ©tences (2) et que l'administrĂ© n'ait pas pu se rendre compte immĂ©diatement de l'inexactitude du renseignement obtenu (3). Il faut encore qu'il se soit fondĂ© sur les assurances erronĂ©es dont il se prĂ©vaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de prĂ©judice (4) et que la rĂ©glementation n'ait pas changĂ© depuis le moment oĂč l'assurance a Ă©tĂ© donnĂ©e (5 ; ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les rĂ©f. citĂ©es). Tel peut difficilement ĂȘtre le cas lorsque l'administrĂ© est assistĂ© d'un mandataire professionnel qui doit se rendre compte du caractĂšre erronĂ© des renseignements ou assurances donnĂ©s. Ces principes valent Ă©galement entre les justiciables et les autoritĂ©s juridictionnelles (CACI 1er mars 2022/117). 4.2 En lâespĂšce, par la dĂ©cision entreprise, le premier juge a rejetĂ© une requĂȘte de preuve Ă futur dĂ©posĂ©e avant la litispendance, dans une procĂ©dure autonome dont la valeur litigieuse dĂ©passe manifestement les 10'000 francs. Sa dĂ©cision nâest dĂšs lors pas susceptible de recours, mais uniquement dâappel, conformĂ©ment Ă la jurisprudence constante en la matiĂšre (cf. consid. 4.2.1 supra). La recourante, assistĂ©e dâun mandataire professionnel, est rĂ©putĂ©e avoir interjetĂ© volontairement un recours, plutĂŽt quâun appel, son Ă©criture du 18 septembre 2022 ne laissant place Ă aucun doute Ă cet Ă©gard compte de son intitulĂ© « MĂ©moire de recours », de la rĂ©fĂ©rence Ă lâart. 319 let. b ch. 2 CPC dans la partie « RecevabilitĂ© » et de la teneur des conclusions, tendant notamment Ă lâadmission du « recours » par la « Chambre des recours civile ». Elle ne peut en outre se prĂ©valoir de lâindication erronĂ©e des voies de droit figurant au pied de la dĂ©cision attaquĂ©e pour obtenir une dĂ©rogation Ă lâapplication de la loi au vu de la jurisprudence prĂ©citĂ©e (cf. consid. 4.1.2 supra). En effet, le conseil de la recourante devait se rendre compte du caractĂšre erronĂ© de la voie de droit indiquĂ©e au pied de la dĂ©cision litigieuse eu Ă©gard Ă la jurisprudence bien Ă©tablie en la matiĂšre. 5. 5.1 Au vu de ce qui prĂ©cĂšde, le recours doit ĂȘtre dĂ©clarĂ© irrecevable selon lâart. 312 al. 1 in fine CPC. 5.2 Le prĂ©sent arrĂȘt peut ĂȘtre rendu sans frais judiciaires de deuxiĂšme instance (art. 11 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; BLV 270.11.5]). Il nây a pas lieu Ă lâallocation de dĂ©pens de deuxiĂšme instance, lâintimĂ©e nâayant pas Ă©tĂ© invitĂ©e Ă se dĂ©terminer. Par ces motifs, la Cour dâappel civile prononce : I. Le recours est irrecevable. II. LâarrĂȘt, rendu sans frais ni dĂ©pens, est exĂ©cutoire. La prĂ©sidente : La greffiĂšre : Du Le prĂ©sent arrĂȘt, dont la rĂ©daction a Ă©tĂ© approuvĂ©e Ă huis clos, est notifiĂ© Ă : â Me Laurent Roulier (pour G.........), â Me Pierre-Yves Baumann (pour W.........), et communiquĂ©, par l'envoi de photocopies, Ă : â M. le Juge de paix des districts du Jura-Nord vaudois et du Gros-de-Vaud. La Cour dâappel civile considĂšre que la valeur litigieuse est supĂ©rieure Ă 30â000 francs. Le prĂ©sent arrĂȘt peut faire l'objet d'un recours en matiĂšre civile devant le Tribunal fĂ©dĂ©ral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fĂ©dĂ©ral â RS 173.110), le cas Ă©chĂ©ant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pĂ©cuniaires, le recours en matiĂšre civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'Ă©lĂšve au moins Ă 15'000 fr. en matiĂšre de droit du travail et de droit du bail Ă loyer, Ă 30'000 fr. dans les autres cas, Ă moins que la contestation ne soulĂšve une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent ĂȘtre dĂ©posĂ©s devant le Tribunal fĂ©dĂ©ral dans les trente jours qui suivent la prĂ©sente notification (art. 100 al. 1 LTF). La greffiĂšre :