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Arrêt / 2023 / 912

Datum
2023-12-14
Gericht
Cour des assurances sociales
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL ACH 145/22 - 136/2023 ZQ22.040975 COUR DES ASSURANCES SOCIALES ............................................. Arrêt du 14 décembre 2023 .................. Composition : Mme Di Ferro Demierre, présidente MM. Piguet et Parrone, juges Greffière : Mme Chaboudez ***** Cause pendante entre : V........., à [...], recourante, représentée par Me Yvan Guichard, avocat à Lausanne, et Direction générale de l'emploi et du marché du travail, à Lausanne, intimée. ............... Art. 31 al. 1 LACI E n f a i t : A. A partir du 23 mars 2020, V......... Sàrl (ci-après également : l’entreprise ou la recourante), société active dans la rééducation physique, la physiothérapie, ainsi que le développement de logiciels y relatifs, a régulièrement sollicité des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour ses employés au motif qu’elle subissait une perte de chiffre d’affaires et de travail en raison des mesures prises dans le cadre de l’épidémie de coronavirus. Elle a expliqué qu’elle était spécialisée dans la prise en charge et le maintien à domicile des personnes âgées et que les mesures prises dans le cadre de l’épidémie de coronavirus touchaient une grande partie de sa clientèle, constituée à 70 % de personnes à risque. Elle faisait également face à des annulations de rendez-vous par sa clientèle, par crainte de contamination. Le Service de l’emploi (ci-après : le SDE ; depuis le 1er juillet 2022 : Direction générale de l’emploi et du marché du travail [DGEM]) a émis des préavis positifs au versement de telles indemnités pour toute l’entreprise du 16 mars 2020 au 15 septembre 2020, du 4 novembre 2020 au 3 mai 2021 et du 5 mai 2021 au 4 novembre 2021 (décisions des 10 avril 2020, 12 novembre 2020, 1er mars 2021 et 28 mai 2021). Le 16 novembre 2021, V......... Sàrl a déposé un nouveau préavis en vue de l’octroi d’indemnités RHT du 16 novembre 2021 au 1er juin 2022, annonçant une perte de travail probable de 13 % pour 17 employés sur les 29 que comptait l’entreprise. Elle a expliqué qu’au moindre symptôme grippal, elle devait isoler et tester les physiothérapeutes, ce qui provoquait des coupures dans le travail. De plus, une grande partie de son personnel administratif était chargé de l’encadrement et du suivi du nouveau personnel alors que l’entreprise faisait face à des difficultés à recruter en raison du COVID-19, de sorte qu’une partie importante du staff administratif était inutile. Elle a indiqué que le marché de l’emploi en Suisse pour les physiothérapeutes était très restreint, qu’elle devait recruter sur le marché européen, mais que les physiothérapeutes étrangers hésitaient à venir s’installer en Suisse en raison des contraintes vaccinales et de l’incertitude liée à de possibles nouveaux confinements loin de leurs proches. L’entreprise a précisé que si elle arrivait à recruter six nouveaux physiothérapeutes dans les six prochains mois, elle aurait une augmentation de chiffre d’affaires de 90'000 fr. par mois et une utilisation à 100 % de son personnel d’encadrement. Afin d’éviter la réduction de l’horaire de travail, elle avait optimisé les tournées des physiothérapeutes, rendu les horaires flexibles et encouragé la prise de vacances. L’entreprise a répondu, par courriel du 28 décembre 2021, aux questions qui lui ont été posées par le SDE le 3 décembre 2021. Elle a décrit les mesures prises par les autorités pour lutter contre la pandémie qui entravaient son activité comme suit : « Perte du secteur d’activité fitness, abandon des groupes […] (personnes avec gros risque de comorbidités), quarantaine des patients comme des soignants. Limitation aux soins essentiels pour les patients présentant des comorbidités importantes (obésité, cardio-respiratoires, diabètes, etc), ces patients pour beaucoup ont abandonné les soins de physiothérapie ». Sa demande de préavis était motivée par une perte de chiffre d’affaires de 18,75 % et une perte d’activité entre 10 et 13 %. Les employés touchés par la RHT étaient principalement ceux occupant les postes administratifs, qui représentaient 4,4 emplois à temps plein pour normalement 20 postes de physiothérapeutes, alors que seuls 12 physiothérapeutes travaillaient actuellement. Sauf pour les cas de maladie, les indemnités RHT ne concernaient que très peu les physiothérapeutes. Le temps de travail du personnel administratif avait été réduit de 20 à 30 %. L’entreprise a indiqué que son chiffre d’affaires mensuel avait été en moyenne de 75'000 fr. en 2018, de 120'000 fr. en 2019, de 125'000 fr. en 2020 et de 210'000 fr. en 2021, quant au nombre de patients pris en charge, il avait été de 16'980 en 2018, de 27'180 en 2019, de 28'296 en 2020 et de 47'544 en 2021. Le manque de personnel obligeait les physiothérapeutes à avoir des horaires chargés et ils ne pouvaient que très difficilement remplacer un collègue malade. La société a fourni une liste des employés touchés par la réduction de l’horaire de travail, comportant 17 personnes, à savoir 14 physiothérapeutes et 3 assistantes administratives, dont l’une avait été engagée à 100 % à partir du 1er juin 2021. Par courriels des 10 janvier et 12 janvier 2022, l’entreprise a fait savoir qu’elle avait trois, puis quatre collaborateurs en quarantaine en raison du COVID-19, ainsi que beaucoup de ses patients. Par décision du 13 janvier 2022, le SDE a rejeté la demande de réduction de l’horaire de travail de V......... Sàrl du 16 novembre 2021. Il a estimé qu’en engageant une nouvelle collaboratrice administrative à un taux de 100 % au 1er juin 2021, l’entreprise n’avait pas pris toutes les mesures permettant de réduire le dommage, ou à tout le moins de ne pas l’aggraver, alors qu’elle touchait des indemnités RHT et que la perte de travail concernait principalement les collaborateurs administratifs. La perte de travail alléguée ne pouvait dès lors être considérée comme inévitable et le droit à l’indemnité RHT devait déjà être nié pour ce motif. Le même raisonnement pouvait être déployé pour l’engagement récent de plusieurs physiothérapeutes, les effectifs de l’entreprise ayant passé de 24 collaborateurs en mai 2021 à 29 en novembre 2021. Le SDE a en outre estimé que la perte de travail alléguée n’était pas démontrée, puisque l’entreprise indiquait manquer de personnel et que tant son chiffre d’affaires que le volume de patients traités avaient augmenté massivement entre les années 2019 et 2021. Cette situation ne permettait pas de considérer que l’entreprise était confrontée à une perte de clientèle ou de chiffre d’affaires exceptionnelle ou extraordinaire. La perte de travail découlait par ailleurs d’une politique managériale de forte expansion, pour laquelle l’assurance-chômage n’avait pas à intervenir. Le 11 février 2022, V......... Sàrl a fait opposition à cette décision par l’intermédiaire de son mandataire. Elle s’est expliquée sur les engagements effectués et a indiqué que la perte de travail était due au manque de personnel, aux absences des collaborateurs liées aux injonctions sanitaires et aux annulations de rendez-vous de la part des patients. Par courriel du 9 juin 2022, le SDE a interrogé l’entreprise sur différents points. V......... Sàrl a répondu, par courrier du 30 juin 2022, que les physiothérapeutes qui avaient démissionné avaient pour l’essentiel invoqué comme motifs les restrictions de déplacement entre la France et la Suisse ainsi que la pression au travail engendrée par l’optimisation du remplissage de l’agenda visant à éviter les pertes de travail. La nouvelle collaboratrice administrative avait été engagée pour remplacer une employée qui travaillait désormais dans le cabinet de soins esthétiques que l’entreprise avait ouvert. Seules les annulations de rendez-vous en raison du COVID-19 (mise en quarantaine, isolement) avaient été comptabilisées dans le décompte RHT. Le taux d’annulation de rendez-vous s’élevait à 16,6 % en décembre 2021 et à 16,1 % en janvier 2022, les annulations concernant tant les rendez-vous à domicile qu’au cabinet, lesquels se répartissaient respectivement à 70 % et 30 %. Les rendez-vous annulés avaient été remplacés par d’autres dans la mesure du possible et, en cas de plage horaire vide, le thérapeute essayait de la consacrer, s’il le pouvait, aux tâches administratives courantes (organisation de son agenda et appels aux patients, appels aux médecins, remplissage des rapports de prise en charge). L’entreprise a précisé qu’elle ne sollicitait l’octroi d’indemnités RHT que pour les mois de décembre 2021 et janvier 2022, pendant lesquels elle avait connu une perte de travail en raison de la vague « omicron ». Elle a transmis la liste de ses collaborateurs, y compris de ceux dont le contrat avait été résilié. En réponse au courriel de la DGEM du 11 juillet 2022, l’entreprise a indiqué, le 8 août 2022, les noms des employés en quarantaine ou en isolement, ainsi que les périodes concernées. Pour le mois de décembre 2021, sur un total de 596.35 heures perdues pour des raisons économiques, c’était 8.5 heures qui découlaient de la mise en quarantaine et, pour le mois de janvier 2022, cela concernait 219.25 heures sur un total de 563.25 heures perdues. V......... Sàrl a transmis les décomptes d’indemnités RHT qu’elle avait adressés à la caisse de chômage ainsi que d’autres tableaux. Par décision sur opposition du 12 septembre 2022, la DGEM a rejeté l’opposition formée par l’entreprise et confirmé sa décision du 13 janvier 2022. Elle a souligné qu’aucune mesure sanitaire n’empêchait concrètement l’entreprise d’exercer son activité pendant la période litigieuse, qu’il appartenait à l’entreprise d’annoncer les cas de quarantaines de ses collaborateurs au médecin cantonal en vue d’une prise en charge par l’assurance perte de gain (APG), ces heures n’ayant pas à être indemnisées par l’assurance-chômage. La DGEM a relevé que les heures perdues entre le 24 et le 31 décembre 2021 représentaient 12 % de la perte de travail de 18 %, annoncée pour le mois de décembre 2021, et que les heures perdues durant la période de fêtes devaient être considérées comme un risque normal d’exploitation que toute entreprise était susceptible de rencontrer, ce qui ne justifiait pas l’octroi d’indemnités RHT. Dans la mesure où les heures concernées par les annulations de rendez-vous étaient payées et décomptées normalement lorsque les employés ne trouvaient pas de patient de substitution et n’avaient pas de tâches administratives à faire, une indemnisation par l’assurance-chômage était exclue, puisque le temps concerné était considéré comme du temps de travail. B. Par acte de son mandataire du 11 octobre 2022, V......... Sàrl a recouru contre cette décision sur opposition auprès de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal, concluant à sa réforme en ce sens qu’elle peut prétendre à l’indemnité RHT du 16 novembre 2021 au 1er juin 2022, subsidiairement à son annulation et au renvoi du dossier à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le cas échéant après avoir procédé à d’éventuelles mesures d’instruction supplémentaires. Elle a soutenu que sa perte de travail était directement fondée sur les mesures sanitaires visant à combattre la pandémie, puisque les heures perdues correspondaient aux heures non travaillées par ses collaborateurs en raison d’annulations découlant des mesures sanitaires ou de mises en quarantaine et isolement de ses employés, ou encore d’employés devant s’occuper d’un enfant malade. Elle a estimé qu’elle avait rempli son obligation de diminuer le dommage par les mesures qu’elle avait prises pour optimiser le temps de travail. Elle a rappelé qu’elle n’avait pas créé de nouveaux postes, mais uniquement maintenu – d’ailleurs partiellement – les postes déjà existants par le biais des nouveaux engagements et a considéré que lui reprocher ces engagements était contraire à la bonne foi. Elle a allégué que, selon les informations données par son assurance perte de gain, aucune prestation n’était prévue pour la mise en quarantaine et l’isolement dus au COVID-19, précisant que son assurance n’intervenait qu’en cas d’incapacité de travail au-delà de la période d’isolement, ce qui n’avait pas été le cas de ses collaborateurs. Elle a soutenu que la période de Noël était tout autant chargée que le reste de l’année et que, même si on admettait une légère diminution de l’activité habituelle pour la période de fin d’année, celle-ci n’était d’aucune mesure avec le nombre d’heures perdues en décembre 2021. L’entreprise estimait que les heures où un thérapeute n’avait ni patient ni tâche administrative devaient être indemnisées puisqu’il s’agissait d’une perte de travail qu’elle subissait. Elle a notamment produit un courrier du 7 octobre 2022 de L......... (ci-après : L.........), son assureur en cas de perte de gain, ayant la teneur suivante (sic) : « Nous vous confirmons que pendant la période durant laquelle la confédération a rendue obligatoire la mise en quarantaine, les indemnités journalière perte de gain ont été versées qu’en cas de maladie entraînant une incapacité de travail selon nos conditions générales d’assurance. Selon le contrat d’assurance et les conditions générales d’assurance, aucune prestation n’est prévue pour les mesures préventives. Dès lors, la mise en quarantaine due au COVID-19 n’est pas prise en charge par notre compagnie d’assurance. En ce qui concerne l’indemnisation en cas de quarantaine due au COVID-19, nous vous recommandons de vous connecter au site AVS : hppt://www.ahv-iv.ch/fr/Accueil. » Dans sa réponse du 4 novembre 2022, la DGEM a conclu au rejet du recours. Elle a relevé que la recourante avait été invitée, par son assurance perte de gain en cas de maladie, à se connecter au site internet de l’AVS en ce qui concernait l’indemnisation en cas de quarantaine due au COVID-19. Elle a estimé que les mesures prises par la recourante servaient à contribuer à son bon fonctionnement et sa rentabilité, et n’étaient donc pas propres à des situations intervenant en lien avec la pandémie de COVID-19. Elle a maintenu que la période de Noël était plus calme en temps normal, que certains patients étaient alors en vacances, ce qui créait forcément une diminution de rendez-vous qui constituait un risque normal d’exploitation à charge de l’entreprise. Par réplique du 23 décembre 2022, V......... Sàrl a fait remarquer qu’à supposer que l’assurance AVS/AI puisse intervenir – ce qui ne lui apparaissait pas être le cas – celle-ci se limiterait à couvrir les heures d’absence pour cause de quarantaine des employés, qui ne représentaient que 8.5 heures en décembre 2021 et 219.25 heures en janvier 2022 mais sur un total de 563.25 heures perdues. Aucune assurance ne couvrait le dommage qu’elle subissait du fait de l’annulation des rendez-vous ou de l’impossibilité pour un autre thérapeute de reprendre les rendez-vous annulés en raison de la mise en quarantaine d’un collègue. Elle a relevé que la DGEM n’indiquait aucune mesure qu’elle aurait omis de prendre pour éviter de solliciter l’assurance-chômage. Elle a soutenu qu’elle ne faisait habituellement pas face à une chute du chiffre d’affaires durant la période de Noël puisque la majorité de son activité se faisait au domicile de patients souvent très âgés et limités dans leur mobilité, qui ne partaient pas en vacances à cette période, et qu’il convenait en tous les cas de tenir compte des annulations de rendez-vous en dehors de cette période. Elle a précisé que la baisse d’activité en cabinet avait été à ce point plus importante que la baisse habituelle durant les fêtes que l’octroi de vacances aux collaborateurs n’avait pas suffi à éviter une perte de travail. Elle a fait savoir que son chiffre d’affaires avait été inférieur de l’ordre de 15 % à celui de la même période les années précédentes et que s’il avait progressé, elle avait subi des pertes de novembre 2021 à février 2022 en raison des charges salariales. Dans sa duplique du 20 janvier 2023, la DGEM a maintenu sa position. E n d r o i t : 1. a) La LPGA (loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales ; RS 830.1) est, sauf dérogation expresse, applicable en matière d’assurance-chômage (art. 1 al. 1 LACI [loi fédérale du 25 juin 1982 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; RS 837.0]). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte peuvent faire l’objet d’un recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 al. 1 LPGA ; 100 al. 3 LACI et 128 al. 2 OACI [ordonnance fédérale du 31 août 1983 sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; RS 837.02]), dans les trente jours suivant leur notification (art. 60 al. 1 LPGA). b) En l’occurrence, déposé en temps utile auprès du tribunal compétent (art. 93 let. a LPA-VD [loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative ; BLV 173.36]) et respectant les autres conditions formelles prévues par la loi (art. 61 let. b LPGA notamment), le recours est recevable. 2. Le litige porte sur le droit de la recourante à des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail du 16 novembre 2021 au 1er juin 2022. Il convient de préciser que si la recourante a indiqué dans ses courriers des 30 juin et 11 juillet 2022 qu’elle ne sollicitait finalement l’octroi d’indemnités RHT que pour les mois de décembre 2021 et janvier 2022, les conclusions de son recours portent néanmoins sur l’obtention d’un préavis positif au versement de telles indemnités pour la période du 16 novembre 2021 au 1er juin 2022. 3. a) En vertu de l’art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail si, entre autres conditions, la perte de travail doit être prise en considération (let. b), si le congé n’a pas été donné (let. c) et si la réduction de l'horaire de travail est vraisemblablement temporaire et que l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d). b) Selon l’art. 32 al. 1 LACI, la perte de travail n'est prise en considération que si elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable, et si elle est d'au moins 10 % de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise. Par facteurs d’ordre économique, il faut entendre tant les facteurs structurels que les facteurs conjoncturels, le Tribunal fédéral refusant de procéder à une distinction claire entre ces deux facteurs, ceux-ci étant souvent juxtaposés, voire imbriqués l’un dans l’autre ; pour le reste, il procède à une interprétation large du terme « ordre économique ». Font partie des facteurs conjoncturels notamment les baisses de commandes d’un produit ou d’un service que l’employeur vend habituellement (ATF 128 V 305 consid. 3a ; TF 8C.267/2012 du 28 septembre 2012). Les problèmes structurels se caractérisent par une inadaptation de l’entreprise par rapport à la demande ; cette inadaptation peut concerner notamment la dimension de l’entreprise, ses techniques de production, les produits et les services offerts ainsi que leurs prix (Boris Rubin, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, Genève/Zurich/Bâle 2014, n° 6 ad art. 32 LACI). c) Dans les cas dits « de rigueur », l’art. 32 al. 3 LACI permet d’accorder l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail pour des motifs autres qu’économiques. Cette règle s’écarte ainsi de la logique du système d’indemnisation, qui veut que seules les pertes de travail causées par des motifs économiques puissent être prises en considération. Ces « cas de rigueur » consistent en des risques d’exploitation suffisamment inhabituels pour qu’ils ne puissent être assumés par les seuls employeurs (ATF 138 V 333 consid. 3.2 ; Rubin, op. cit., n° 15 ad art. 32 LACI). Ils sont regroupés en trois catégories : - ceux qui ont pour origine une mesure prise par l’autorité (art. 51 OACI), - ceux qui sont dus à des causes indépendantes de la volonté de l’employeur (art. 51 OACI), et - ceux qui sont dus au manque de clientèle en raison des conditions météorologiques (art. 51a OACI). Les pertes de travail en question ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (art. 51 al. 1 OACI). d) Cependant, même quand la perte de travail satisfait à ces critères, elle n'est pas prise en considération lorsqu'elle est due à des circonstances inhérentes aux risques normaux d'exploitation que l'employeur doit assumer (art. 33 al. 1 let. a LACI ; ATF 138 V 333 consid. 4.2 ; TFA C 173/03 du 23 septembre 2003 consid. 2) ou lorsqu'elle est habituelle dans la branche, la profession ou l'entreprise, ou qu'elle est causée par des fluctuations saisonnières de l'emploi (art. 33 al. 1 let. b LACI). Le but de cette dernière exception est, avant tout, d'exclure l'indemnisation des réductions de l'horaire de travail qui se répètent régulièrement (ATF 121 V 371 consid. 2a ; 119 V 357 consid. 1a et les références citées). Selon la jurisprudence, doivent être considérées comme des risques normaux d'exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c'est-à-dire celles qui, d'après l'expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l'objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d'exploitation généralement assumés par une entreprise ; ce n'est que lorsqu'elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu'elles ouvrent droit à une indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail. La question du risque d'exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d'entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l'activité spécifique de l'exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; TFA C 283/01 du 8 octobre 2003 consid. 3). e) Quant à l’exigence du caractère « inévitable » de la perte de travail, elle rejoint l’obligation, à charge de l’employeur, de diminuer le dommage à l’assurance. Seules les pertes de travail que l’employeur ne pouvait éviter en prenant les mesures de gestion et d’organisation nécessaires sont indemnisables. L’autorité qui nie le droit à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail en raison du caractère évitable de la perte de travail doit pouvoir indiquer les mesures que l’employeur était tenu de prendre pour éviter de solliciter l’assurance-chômage (Rubin, op. cit., n° 10 ad art. 32 LACI). Le refus de l’indemnité en raison du caractère évitable de la perte de travail doit se fonder sur des motifs suffisamment concrets et indiquer les mesures appropriées que l’employeur a omis de prendre, violant ainsi son obligation de diminuer le dommage ; la réduction de l’horaire de travail n’est cependant pas évitable par le simple fait que l’employeur aurait pu l’empêcher en congédiant les salariés (ATF 111 V 379 consid. 2a). 4. a) Il convient à titre préliminaire de rappeler le but des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, qui semble échapper en partie à la recourante. Ces indemnités n’ont en effet nullement pour but de pallier une baisse de chiffre d’affaires de la recourante dans le cadre de la pandémie de COVID-19. Même s’il appartient à l’entreprise de faire les démarches en vue de l’octroi de telles indemnités, celles-ci ne sont pas destinées à l’entreprise en tant que telle, mais à ses salariés qui subissent une perte de travail afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent au chômage partiel ou complet (Rubin, op. cit., n° 1 ad art. 31ss). La recourante ne saurait ainsi être suivie lorsqu’elle se fonde sur la perte de rentrée financière qu’elle a subi pour justifier l’octroi d’indemnités en cas de RHT, comme par exemple lorsqu’elle assimile à une perte de travail les rendez-vous annulés en raison de l’absence d’un collaborateur qui n’ont pas pu être repris par un autre physiothérapeute. b) Il convient également de situer la question litigieuse parmi le système d’indemnisations que connaît la Suisse. L’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail n’intervient – à certaines conditions – que lorsqu’un employé est disposé et en mesure d’effectuer le temps de travail contractuel, mais que son employeur ne peut, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l’occuper à hauteur du taux de travail contractuel, ce qui crée une perte de travail. L’indemnité RHT ne saurait en revanche être allouée lorsque le travailleur est empêché d’accomplir sa prestation de travail, notamment en cas de quarantaine, d’isolement ou de nécessité de s’occuper d’un enfant. Comme le relève à juste titre la DGEM, les jours de quarantaine ordonnés dans le contexte du COVID-19 pouvaient être indemnisés par le biais d’allocations pour perte de gain. On ne peut que constater la confusion de la recourante à l’égard de cette information : celle-ci ne fait en effet pas référence aux indemnités pour perte de gain en cas de maladie, mais au régime fédéral des allocations pour perte de gain, lequel a été adapté pour prendre en charge les cas de quarantaine et de garde d’enfants des salariés dans le contexte de la pandémie de COVID-19 (voir à ce sujet le site de l’Office fédéral des assurances sociales : www.bsv.admin.ch > Assurances sociales > Allocations pour perte de gain APG > Informations de base & législation > Coronavirus : perte de gain). Il n’est en outre pas possible, comme le fait la recourante, d’assimiler les cas de quarantaine préventive à ceux d’isolement pour cause de maladie en matière d’assurances sociales. Si les cas de quarantaine pouvaient faire l’objet d’une indemnisation par le biais des allocations perte de gain fédérales, les cas d’isolement doivent être assimilés à des cas d’empêchement de travailler pour cause de maladie, lesquels sont pris en charge selon le système usuel, à savoir en application des art. 324a et 324b CO (code des obligations du 30 mars 1911 ; RS 220). En l’espèce, il apparaît que la recourante a conclu une assurance perte de gain en cas de maladie auprès de L......... et que cette dernière a effectivement presté pour les cas d’isolement pour cause de maladie des collaborateurs de la recourante, comme cela ressort de son courrier du 7 octobre 2022. L......... invitait par ailleurs explicitement la recourante à se renseigner sur le site internet de l’AVS pour l’indemnisation en cas de quarantaine due au COVID-19. Il résulte de ce qui précède que la recourante ne saurait être mise au bénéfice d’indemnités RHT en raison des quarantaines de ses employés, ni de l’isolement de ces derniers, ou encore de la nécessité pour eux de garder un enfant. c) Il convient d’examiner si la recourante peut prétendre l’octroi d’indemnités RHT en raison du manque de travail de son personnel administratif et des annulations de rendez-vous par ses clients. aa) Tout d’abord, il faut relever que les explications de la recourante quant à l’origine de la perte de travail ont évolué au fil de la procédure. Elle a en effet initialement exposé, dans son préavis du 16 novembre 2021 et son courrier du 28 décembre 2021, que la perte de travail concernait principalement son personnel administratif au motif que son équipe de physiothérapeutes n’était pas suffisante et qu’elle peinait à en recruter de nouveaux. Elle a alors indiqué que le manque de personnel obligeait ses physiothérapeutes à avoir des horaires chargés et qu’ils ne pouvaient que difficilement remplacer un collègue malade. Par la suite, au cours de la procédure d’opposition et de recours, la recourante s’est au contraire prévalue principalement d’une perte de travail subie par les physiothérapeutes en raison de l’annulation de rendez-vous. Dans son courrier du 30 juin 2022, elle indique de surcroît qu’aucune heure n’a été perdue pour les postes administratifs au mois de décembre 2021. Quant aux heures perdues dans les postes administratifs en janvier 2022, à savoir 110.5 heures selon le courrier du 30 juin 2022, il faut constater que 79 heures concernaient en réalité des mises en isolement (cf. courrier du 8 août 2022 p. 2, en lien avec la liste des employés produite en annexe du courriel du 28 décembre 2021) n’ayant pas à être prises en compte, si bien que la perte de travail dans le secteur administratif n’a représenté en janvier 2022 que 31.5 heures sur les 3'219.89 heures à effectuer normalement pour tous les travailleurs ayants droit. Il ressort de ce qui précède que la perte de travail d’au moins 10 % attendue dans le secteur administratif principalement et annoncée par préavis du 16 novembre 2021 ne s’est finalement pas réalisée (voir cependant la contradiction relevée au consid. 4c/cc ci-dessous). bb) Au vu de la très faible proportion d’heures perdues dans le secteur administratif selon les chiffres précités, et également compte tenu des considérants qui suivent, il n’apparaît pas utile d’examiner si la recourante a enfreint son obligation de diminuer le dommage en engageant une assistante administrative supplémentaire à 100 % à compter du 1er juin 2021. On peut néanmoins préciser, en lien avec l’argumentation de la recourante à ce propos, qu’il n’était en tous les cas pas nécessaire d’attendre l’inscription du chiffre C6a dans le Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’Etat à l’économie pour qu’un employeur puisse se voir reprocher d’avoir engagé de nouveaux collaborateurs en violation de son obligation de diminuer, ou du moins limiter, le dommage. En ce qui concerne l’engagement de nouveaux physiothérapeutes courant 2021, il s’agissait selon les explications de la recourante de postes à repourvoir, nécessaires à son bon fonctionnement (opposition du 11 février 2022). En outre, au moment où elle a déposé son préavis, elle a indiqué que les physiothérapeutes en poste avaient des emplois du temps chargés et que des engagements supplémentaires lui paraissaient même la solution pour pallier une perte de travail dans le secteur administratif. Il n’y a, là également, pas lieu d’examiner cette question plus avant, compte tenu des considérants qui suivent. cc) Il faut constater l’existence d’incohérences et contradictions dans la perte de travail que la recourante allègue avoir subie. Les décomptes que la recourante a adressés à la caisse de chômage en vue de faire valoir sa perte de travail des mois de décembre 2021 et janvier 2022 sont manifestement erronés, d’une part dans la mesure où ils comptabilisent des heures perdues en raison de quarantaine ou d’isolement, mais également du fait qu’ils indiquent, pour plusieurs collaborateurs, une perte de travail subie alors que ces derniers se trouvaient en vacances selon les indications produites à l’appui du recours, certifiées exactes par l’assistante des ressources humaines de l’entreprise. Tel est le cas de : - [...], pour qui une perte de travail de 8.5 heures a été annoncée les 21 et 24 décembre 2021, alors qu’elle se trouvait en vacances du 20 au 24 décembre 2021 inclus : - [...], pour qui une perte de travail de 8.5 heures a été annoncée le 24 décembre 2021 alors qu’elle se trouvait en vacances du 21 au 24 décembre 2021 ; - [...], pour qui une perte de travail de 2 heures a été annoncée le 4 janvier 2022 et de 8.5 heures le 6 janvier 2022 alors que celle-ci se trouvait en vacances du 3 au 7 janvier 2022. Il faut par ailleurs constater que dans son courrier du 30 juin 2022, la recourante affirme qu’aucune heure n’a été perdue en décembre 2021 du côté de son personnel administratif, alors que dans le décompte relatif à ce mois-là, elle fait état d’une perte de travail de 50.5 heures pour [...], de 65.5 heures pour [...] et de 67.5 heures pour [...], lesquelles travaillent comme assistantes administratives selon la liste des employés produite en annexe du courriel du 28 décembre 2021. De telles incohérences et contradictions ne peuvent que mettre en doute la crédibilité de la perte de travail subie par la recourante. dd) Il convient en outre de suivre la DGEM en tant que celle-ci souligne que la perte de travail que la recourante fait valoir pour la période des fêtes de fin d’année ne présente pas un caractère extraordinaire. Si l’on peut admettre que la période des fêtes n’a eu qu’une influence limitée sur les rendez-vous des personnes âgées dont la recourante s’occupe, il convient de rappeler que celles-ci représentent 70 % de sa clientèle, si bien que la part de 30 % restants est constituée de patients pour lesquels une diminution des rendez-vous pris en période de fin d’année n’a rien d’extraordinaire et constitue un risque d’exploitation à la charge de l’employeur. Il ressort par ailleurs du tableau établi par la DGEM le 5 septembre 2022 que la perte d’heures concerne tout particulièrement les 24 et 27 décembre 2021, ainsi que le 31 décembre 2021, à savoir des jours où l’on peut raisonnablement s’attendre à une diminution du nombre de rendez-vous pris. ee) Il faut constater que le dossier ne contient aucune information sur la perte de travail subie par la recourante de manière générale pendant la période hivernale, en dehors de la pandémie de COVID-19. Il apparaît cependant indéniable que les thérapeutes font de toute manière face à des annulations de rendez-vous pour cause de maladie durant la période hivernale. Il s’agit-là clairement d’un risque normal d’exploitation à charge de l’employeur. Seule pourrait être en l’occurrence considérée comme extraordinaire une perte de travail qui s’inscrit au-delà de la perte de travail habituelle liée à l’annulation de rendez-vous lors des années non concernées par la pandémie. Les indications contradictoires du dossier ne permettent pas de rendre vraisemblable une telle perte de travail, à hauteur d’au moins 10 %. Il convient en outre de rappeler que, dans son préavis du 16 novembre 2021 et son courrier explicatif du 28 décembre 2021, la recourante faisait valoir une perte de travail dans son secteur administratif avant tout, précisant même que les physiothérapeutes étaient en nombre restreint et avaient des plannings chargés. ff) Il résulte des considérants qui précèdent que la recourante n’a pas rendu vraisemblable l’existence d’une perte de travail extraordinaire d’au moins 10 % durant la période litigieuse. C’est par conséquent à juste titre que la DGEM lui a nié le droit à des indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail pour la période du 16 novembre 2021 au 1er juin 2022. 5. a) Le recours doit dès lors être rejeté. b) Il n’y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 61 let. f bis LPGA), ni d’allouer de dépens à la partie recourante, qui n’obtient pas gain de cause (art. 61 let. g LPGA). Par ces motifs, la Cour des assurances sociales prononce : I. Le recours est rejeté. II. La décision sur opposition rendue le 12 septembre 2022 par la Direction générale de l’emploi et du marché du travail est confirmée. III. Il n’est pas perçu de frais de procédure, ni alloué de dépens. La présidente : La greffière : Du L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié à : ‑ Me Yvan Guichard (pour V......... Sàrl), ‑ Direction générale de l’emploi et du marché du travail, - Secrétariat d’Etat à l’économie, par l'envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral au sens des art. 82 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :