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Décision / 2016 / 782

Datum
2016-11-21
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 691 AM11.005310-AEMV/JJQ CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 22 novembre 2016 .................. Composition : M. Maillard, président MM. Krieger et Perrot, juges Greffière : Mme Rouiller ***** Art. 368 al. 3 CPP Statuant sur le recours interjeté le 7 octobre 2016 par T......... contre le prononcé rendu le 28 septembre 2016 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l’Est vaudois dans la cause n° AM11.005310-AEMV/JJQ, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) T........., né le 1er janvier 1989, originaire de Guinée-Bissau, célibataire, sans profession, sans domicile connu, actuellement détenu à l'Etablissement fermé de La Brenaz, a été renvoyé devant le Tribunal de l'arrondissement de l’Est vaudois par acte d’accusation du 27 octobre 2011 pour séjour illégal et activité sans autorisation. Par jugement du 14 juin 2012, le Tribunal de police de l’arrondissement de l’Est vaudois a, notamment, condamné par défaut T......... pour infraction à la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) à une peine privative de liberté de huit mois, peine d’ensemble prenant en compte la révocation du sursis accordé le 4 février 2010 par le Juge d’instruction d’arrondissement de Lausanne. Le Tribunal a considéré que les conditions du jugement par défaut étaient réalisées dès lors que, régulièrement cité par voie édictale (Feuille des avis officiels (FAO) des 18 mars et FAO du 20 avril 2012), l’intéressé n’avait comparu ni à la première audience du 29 mars 2012, ni à la reprise des débats qui avait eu lieu le 14 juin 2012 (jgt p. 5). Ce jugement a été publié dans la FAO du 17 juillet 2012. Il est définitif et exécutoire. b) Le 10 septembre 2016, le condamné a eu connaissance du jugement par défaut rendu à son encontre le 14 juin 2012 par l’intermédiaire d’un assistant social de l’établissement dans lequel il est actuellement détenu. Le 15 septembre 2016, il a déposé une demande de nouveau jugement auprès du Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois et a requis que son avocat de choix, Me Pierre Bayenet, lui soit désigné comme défenseur d’office. B. Par prononcé du 28 septembre 2016, le Tribunal d’arrondissement de l’Est vaudois a rejeté la demande de nouveau jugement formée le 15 septembre précédent, ainsi que la requête de désignation de défenseur d’office et mis les frais, à hauteur 200 fr., à la charge de T.......... C. a) Par acte du 7 octobre 2016, T......... a recouru contre ce jugement en concluant à ce qu'il soit mis au bénéfice d'une défense d'office, Me Pierre Bayenet étant désigné à cette fin, à ce que le jugement rendu par le Tribunal de police le 14 juin 2012 soit "mis à néant" et à ce que soient ordonnées la reprise de la procédure, ainsi que la convocation à une nouvelle audience.[...] b) Par requête de mesures provisionnelles du 14 novembre 2016 postée le lendemain, T......... a requis la suspension du jugement du Tribunal de police l'arrondissement de l'Est vaudois du 14 juin 2012. La direction de la procédure a rejeté cette requête le 16 novembre 2016, en raison, notamment, de l'existence d'un risque de fuite. c) Le 17 novembre 2016, la Présidente du Tribunal de l'arrondissement de l'Est vaudois s'est référée aux motifs du prononcé rendu le 28 septembre 2016. Le Ministère public n'a pas déposé de déterminations. En droit : 1. Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure. Une décision par laquelle un tribunal de première instance rejette une demande de nouveau jugement présentée par un condamné par défaut (art. 369 al. 1 CPP) est ainsi susceptible de recours selon les art. 393 ss CPP (CREP 2 décembre 2015/789 et les références citées). Le recours doit être adressé par écrit, dans un délai de dix jours dès la notification de la décision attaquée (art. 384 let. b CPP), à l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP) qui, dans le canton de Vaud, est la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi d’introduction du Code de procédure pénale suisse; RSV 312.01]); art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire; RSV 173.01]). Dans le cas présent, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours de T........., qui a été interjeté en temps utile devant l'autorité compétente et qui satisfait aux conditions de forme posées par l'art. 385 al. 1 CPP. 2. 2.1 T......... demande l'annulation du jugement par défaut rendu le 14 mars 2012, arguant, en bref, qu’il violerait les art. 366 et 368 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) et l’art. 6 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950; RS 0.101) qui garantit à l’accusé le droit d’être jugé en sa présence. 2.2 La question de savoir si le Tribunal de police pouvait rendre un jugement par défaut devait être soulevée dans le cadre d'un appel contre le jugement du 14 juin 2012 et n'a pas à être examinée par l'autorité de céans (CREP 7 juillet 2012 consid. 2b et les références citées). Seule est ici déterminante la question de savoir si le Tribunal de police était fondé à rejeter la demande de nouveau jugement comme il l'a fait par le prononcé attaqué du 28 septembre 2016. 3. 3.1 Aux termes de l'art. 368 al. 1 CPP, si le jugement rendu par défaut peut être notifié personnellement au condamné, celui-ci doit être informé sur son droit de demander un nouveau jugement au tribunal dans les dix jours, par écrit ou oralement. Selon la jurisprudence, le jugement par défaut doit être notifié personnellement au prévenu, faute de quoi le délai de demande de nouveau jugement de l’art. 368 al. 1 CPP ne court pas ; la notification à l’adresse du représentant du prévenu ou par voie édictale ne suffit pas (JdT 2015 III 145 ; CREP 2 décembre 2015/789 consid. 2 et les références). En l'espèce, le jugement par défaut du 14 juin 2012 n'a été notifié au recourant que par voie édictale (publication dans la FAO du 17 juillet 2012). Il n'en a effectivement pris connaissance que le 10 septembre 2016. Dans ces conditions, la demande de nouveau jugement déposée le 15 septembre 2016 par T......... l'a été en temps utile. 3.2 3.2.1 Conformément l'art. 368 al. 3 CPP, le tribunal rejette la demande de nouveau jugement lorsque le condamné, dûment cité, fait défaut aux débats sans excuse valable. Nonobstant les termes "sans excuse valable", c'est bien une absence fautive du condamné qui permet au tribunal de rejeter la demande de nouveau jugement. Le refus implique que le condamné se soit soustrait aux débats de façon manifestement fautive. Il doit être fait droit à la demande de nouveau jugement lorsqu'il n'est pas établi de manière indubitable que c'est volontairement que le prévenu ne s'est pas présenté aux débats. C'est à l'Etat qu'il incombe d'administrer la preuve du comportement fautif du prévenu (TF 6B.931/2015 du 22 juillet 2016, consid. 1.2 ; TF 6B.860/2013 du 7 mars 2014, consid. 4.1.1 in intio et les références citées). Ont été jugées fautives, au vu des circonstances d'espèce, l'absence d'un prévenu qui fuit dans l'optique d'échapper à une procédure pénale, de même que l'absence du prévenu qui avait fait l'objet d'une citation par publication officielle, provoquée par le fait qu'il avait pris la fuite afin d'éviter de respecter ses engagements quant au retour de sa fille en Suisse et pour échapper à une poursuite pénale pour enlèvement de mineur (TF 6B.860/2013 du 7 mars 2014 consid. 4.3). La reprise de la procédure doit en revanche être garantie lorsque le condamné défaillant n'a pas eu connaissance de la citation à comparaitre, ni essayé de se soustraire à la procédure pénale (ATF 129 II 56 consid. 6.2 p. 60; TF 6B.208/2012 du 30 août 2012 consid. 3.2). Dans un cas où le condamné avait eu connaissance de l'audience de jugement et de l'accusation, le Tribunal fédéral a rappelé que l'absence du territoire suisse n'était pas en soi une excuse valable au sens de l'art. 368 al. 3 CPP. L'intéressé, qui malgré son expulsion du territoire suisse avait reçu, sur demande de son défenseur d'office, un sauf-conduit pour se rendre à l'audience, n'avait pas rendu vraisemblable d'autre excuse justifiant son absence, qui devait par conséquent être qualifiée de fautive et non excusée au sens de l'art. 368 al. 3 CPP (TF 6B.208/2012 du 30 août 2012 consid. 3). Une impossibilité subjective pouvant justifier le défaut a également été niée dans le cas d'une personne qui avait demandé un sauf-conduit et une dispense mais ne s'était finalement pas présentée par peur de l'exécution d'une peine ayant déjà acquis force de chose jugée. L'intérêt public à la mise en œuvre de la procédure pénale (même contre une personne faisant défaut) doit en effet l'emporter sur l'intérêt privé à se soustraire à l'exécution d'une peine déjà passée en force de chose jugée (ATF 126 I 213 consid. 4 p. 217 ss et plus récemment TF 6B.208/2012 du 30 août 2012 consid. 3.3.1). 3.2.2 Le Tribunal de police a considéré que T......... avait signé, en 2011, un formulaire indiquant ses droits et ses obligations et qu'il ne pouvait dès lors pas ignorer qu’il devait rester à la disposition de la justice suisse. Dans ces circonstances, il devait à tout le moins se renseigner pour connaître l’état d’avancement de la procédure instruite à son encontre et il lui était loisible, une fois renseigné, de demander un sauf-conduit et de se présenter valablement. En outre, le prévenu n’avait pas motivé son absence dans sa demande de nouveau jugement. Cela étant, son défaut était dû à une négligence coupable et ne pouvait être valablement excusé. Le recourant conteste s'être abstenu d'assister volontairement aux audiences des 29 mars et 14 juin 2012. Il fait valoir qu'il ignorait l'existence d'une citation à comparaître aux débats et qu'il n'est pas établi de manière certaine qu'il savait qu'une procédure pénale avait été reprise contre lui. Il soutient qu'il n'avait pas connaissance de la date des débats qui n'avait été publiée que dans la FAO. 3.2.3 En l'espèce, l’intéressé ne parle ni ne lit le français. Il a appris qu'un jugement pénal avait été rendu à son encontre par un assistant social de l’établissement où il est détenu. Il n'y a pas d'élément permettant de penser qu'il aurait fui à l'étranger pour tenter d'échapper à la justice, ni qu'il aurait effectivement eu connaissance des citations à comparaître publiées dans la FAO. Le fait qu'il ne se soit pas renseigné sur l'avancement de la procédure et qu'il ait signé un formulaire ad hoc lui donnant des indications sur ses droits et ses obligations n'est pas décisif à l'aune de l'art. 368 al. 3 CPP ; une éventuelle négligence ne suffit pas. Dès lors qu'il n'est pas établi de manière indubitable que c’est volontairement que T......... ne s’est pas présenté aux débats, il devait être fait droit à sa requête de nouveau jugement. Le recours doit donc être admis et le prononcé du 28 septembre 2016 réformé dans le sens de ce qui précède. On précisera à toutes fins utiles que dans la mesure où la demande de nouveau jugement n'a pas d'effet suspensif (Thomas Maurer, in Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2014, n°7 ad art. 369), le jugement rendu par défaut le 14 juin 2012 par le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois demeure un titre à la détention valable jusqu'à une éventuelle décision contraire de la direction de la procédure de l'autorité de première instance, en application de l'art. 369 al. 3 CPP. 4. T......... rend vraisemblable la réalisation des conditions de l’art. 132 al. 1 let. b CPP au stade du recours. Tout d'abord l'impécuniosité du recourant est patente. Compte tenu en outre de la complexité des moyens invoqués dans le recours, il convient de faire droit à la requête de T......... tendant à ce que Me Pierre Bayenet, déjà consulté, soit désigné comme défenseur d’office pour la procédure de recours. A ce titre, une indemnité de 720 fr., plus la TVA, par 57 fr. 60 soit 777 fr. 60, lui sera allouée. Il appartiendra au premier juge de statuer à nouveau sur la requête de désignation de ce mandataire en la même qualité pour la procédure de première instance. Les frais de la procédure de recours, constitués en l'espèce de l'émolument d'arrêt, par 880 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), ainsi que de l’indemnité allouée au défenseur d’office du recourant (art. 422 al. 2 let. a CPP), seront laissés à la charge de l'Etat (art. 428 al. 4 CPP). Les frais de procédure de première instance suivront le sort de la cause au fond. Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. Le prononcé du 28 septembre 2016 est réformé comme il suit dans son dispositif : "I. La demande de nouveau jugement est admise ; II. Annulé ; III. Les frais de la procédure suivent le sort de la cause." III. Le dossier de la cause est renvoyé au Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois pour fixation d'une audience de jugement. IV. Me Pierre Bayenet est désigné en qualité de défenseur d'office de T......... pour la procédure de recours. V. L'indemnité allouée au défenseur d'office de T......... est fixée à 777 fr. 60 (sept cent septante-sept francs et soixante centimes). VI. Les frais du présent arrêt, par 880 fr. (huit cent huitante francs), ainsi que l'indemnité due au défenseur d'office de T........., par 777 fr. 60 (sept septante-sept francs et soixante centimes), sont laissés à la charge de l'Etat. VII. L'arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Pierre Bayenet (avocat) pour T........., - Ministère public central, et communiqué à : - M. le Procureur de l'arrondissement de l'Est vaudois, - Mme la Présidente du Tribunal de police d'arrondissement de l'Est vaudois, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). En vertu de l’art. 135 al. 3 let. b CPP, le présent arrêt peut, en tant qu'il concerne l’indemnité d’office, faire l’objet d’un recours au sens des art. 393 ss CPP devant le Tribunal pénal fédéral (art. 37 al. 1 et 39 al. 1 LOAP [Loi fédérale du 19 mars 2010 sur l’organisation des autorités fédérales; RS 173.71]. Ce recours doit être déposé devant le Tribunal pénal fédéral dans un délai de dix jours dès la notification de l’arrêt attaqué (art. 396 al. 1 CPP). La greffière :