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TRIBUNAL CANTONAL 187 PE22.022052-AKA CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 13 mars 2023 .................. Composition : Mme Byrde, présidente Mme Fonjallaz, juge, et Epard, juge suppléante Greffière : Mme Alena ***** Art. 173 CP ; 310 CPP Statuant sur le recours interjeté le 8 décembre 2022 par D......... contre l’ordonnance rendue le 28 novembre 2022 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne dans la cause n° PE22.022052-AKA, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. Le 24 novembre 2022, D......... a déposé une plainte pénale contre S......... pour diffamation et/ou toute autre infraction que justice dira. D......... reproche à S........., administrateur de la société [...] à Ecublens, pour laquelle elle travaillait, d’avoir porté atteinte à son honneur lors d’une audience de conciliation tenue devant le Tribunal des Prud’hommes de l’arrondissement de Lausanne le 12 octobre 2022 à la suite de son licenciement avec effet au 30 septembre 2021. La plaignante reproche notamment à S......... d’avoir dit qu’elle aurait eu un comportement « malveillant » ou encore qu’elle avait pour le moins fait preuve de « grave négligence » ou d’une « négligence grossière » en effectuant, alors qu’elle était encore sous rapport de travail, le versement d’une importante somme d’argent au président dans le cadre d’une escroquerie commise au préjudice de la société. Une de ses collègues s’était en effet adressée à D......... au sujet d’une demande de paiement qu’elle avait reçue par courriel. La plaignante, conformément aux indications fournies dans l’email en question, avait procédé au paiement litigieux. Ce n’est qu’après l’exécution du versement que les employés avaient réalisé qu’ils avaient eu affaire à une arnaque, les escrocs ayant utilisé le nom de S......... pour parvenir à leur fin. Une procédure pénale pour escroquerie a par ailleurs été ouverte pour ces faits. B. Par ordonnance du 28 novembre 2022, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a refusé d’entrer en matière sur la plainte de D......... (I) et a laissé les frais à la charge de l’Etat (II). Le procureur a considéré qu’en utilisant le terme de « négligence », S......... ne semblait pas soutenir que la plaignante se serait rendue coupable de façon avérée d’une quelconque infraction. Tout au plus, S......... avait procédé à de pures suppositions. Le procureur a également retenu que le tribunal saisi étant une autorité judiciaire, il ne pouvait pas être considéré comme un tiers. Cet élément constitutif faisant défaut, l’infraction de diffamation pouvait d’emblée être exclue. C. Par acte du 8 décembre 2022, D......... a recouru contre cette ordonnance, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause au Ministère public pour ouverture d’une instruction. Le 7 mars 2023, le Ministère public, se référant à son ordonnance, a conclu au rejet du recours. En droit : 1. 1.1 Les parties peuvent attaquer une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public (art. 310 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 310 al. 2, 322 al. 2 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP) qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]). 1.2 En l’espèce, interjeté en temps utile auprès de l’autorité compétente et dans les formes prescrites, par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), le recours est recevable. 2. Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le Ministère public rend immédiatement – c'est-à-dire sans qu'une instruction soit ouverte (art. 309 al. 1 et 4 CPP ; ATF 144 IV 81 consid. 2.3.3 ; Grodecki/Cornu, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [édit.], Code de procédure pénale suisse, Commentaire romand, 2e éd., Bâle 2019, n. 2 ad art. 310 CPP) – une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il apparaît, à réception de la dénonciation (cf. art. 301 et 302 CPP) ou de la plainte (Grodecki/Cornu, op. cit., n. 1 ad art. 310 CPP) ou après une procédure préliminaire limitée aux investigations de la police (art. 300 al. 1 let. a, 306 et 307 CPP), que les éléments constitutifs d'une infraction ou les conditions d'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (TF 6B.1238/2018 du 16 janvier 2019 consid. 3.1 ; TF 1B.709/2012 du 21 février 2013 consid. 3.1). Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore », qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. [Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101] et art. 2 al. 2 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 ; TF 6B.510/2020 du 15 septembre 2020 consid. 3.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le Ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). En d'autres termes, il faut être certain que l'état de fait ne constitue aucune infraction. Une ordonnance de non-entrée en matière ne peut être rendue que dans les cas clairs du point de vue des faits, mais également du droit ; s'il est nécessaire de clarifier l'état de fait ou de procéder à une appréciation juridique approfondie, le prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière n'entre pas en ligne de compte. En règle générale, dans le doute, il convient d'ouvrir une enquête pénale (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 précité consid. 4.1.2 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les références citées, JdT 2012 IV 160). En revanche, le Ministère public doit pouvoir rendre une ordonnance de non-entrée en matière dans les cas où il apparaît d’emblée qu’aucun acte d’enquête ne pourra apporter la preuve d’une infraction à la charge d’une personne déterminée (TF 6B.541/2017 du 20 décembre 2017 consid. 2.2) 3. 3.1 La recourante soutient qu’en retenant que les éléments constitutifs des infractions dénoncées, savoir la diffamation et la calomnie, n’étaient manifestement pas réunis, le Ministère public aurait violé l’art. 310 al. 1 let. a CPP et aurait procédé à une appréciation arbitraire des faits décrits dans la plainte pénale. 3.2 Aux termes de l’art. 173 ch. 1 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0), se rend coupable de diffamation celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon. L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP). Il ne sera toutefois pas admis à faire ces preuves et il sera punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l’intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d’autrui, notamment lorsqu’elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (art. 173 ch. 3 CP). En vertu de l’art. 174 ch. 1 CP, se rend coupable de calomnie celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, ou celui qui aura propagé de telles accusations ou de tels soupçons, alors qu'il en connaissait l'inanité. Tant la diffamation que la calomnie sont des infractions intentionnelles (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., vol. I, Berne 2010, n. 48 ad art. 173 CP et n. 11 ad art. 174 CP). La calomnie est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l’honneur sont fausses, que l’auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ces allégations et qu’il n’y a dès lors pas de place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; TF 6B.676/2017 du 15 décembre 2017 consid. 3.1 ; TF 6B.119/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3.1). Ces deux dispositions protègent la réputation d'être un individu honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. Il faut donc que l'atteinte fasse apparaître la personne visée comme méprisable. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1 p. 315 ; ATF 132 IV 112 consid. 2.1). La réputation relative à l'activité professionnelle ou au rôle joué dans la communauté n'est pas pénalement protégée. Il en va ainsi des critiques qui visent comme tels la personne de métier, l'artiste ou le politicien, même si elles sont de nature à blesser et à discréditer (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 ; ATF 105 IV 194 consid. 2a). Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il ne suffit ainsi pas de dénier à une personne certaines qualités, de lui imputer des défauts ou de l'abaisser par rapport à ses concurrents. En revanche, il y a atteinte à l'honneur, même dans ces domaines, si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2 et les références citées). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu devait, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 148 IV 409 consid. 2.3.2 ; ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3). Il y a toujours atteinte à l’honneur lorsqu’on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 148 IV 409 consid. 2.3 ; ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2). Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3). En font également partie, en principe, les personnes soumises au secret professionnel de l’art. 321 CP (soit notamment les avocats, médecins, pharmaciens, psychologues ainsi que leurs auxiliaires) ou de très proches parents de l’auteur (TF 6B.69/2016 consid. 2.1.1 ; TF 6S.3/2007 consid. 4.3 et les réf. citées). Le Tribunal fédéral a examiné si, parmi ces deux catégories de confidents, il ne fallait pas admettre que certains d’entre eux devaient être exclus du cercle des tiers, au motif qu’ils étaient des « confidents nécessaires » ; même critiqué par la doctrine, le Tribunal fédéral a maintenu sa jurisprudence, selon laquelle le cercle des personnes considérées comme tiers ne doit pas être limité (cf. pour les avocats : ATF 148 IV 409 consid. 2.3 ; ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3 ; pour les membres de la famille proche, cf. TF 6B.69/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.1.1 ; pour une casuistique complète, cf. Trechsel/Lehmkuhl, in : Trechsel/Pieth [éd.], Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 4e éd. 2021 n. 4 ad art. 173 CP). Du point de vue subjectif, l’art. 173 ch. 1 CP exige que l’auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l’honneur de ses propos et qu’il les ait néanmoins proférés ; il n’est pas nécessaire qu’il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.6 ; TF 6B.541/2019 du 15 juillet 2019 consid. 2.1). 3.3 En l’espèce, le Ministère public n’examine dans son ordonnance l’existence de l’élément objectif de l’atteinte à l’honneur qu’en relation avec le terme de « négligence », omettant ainsi de procéder à un examen similaire pour la notion de « malveillance » qu’il mentionne dans sa décision, alors même que la plainte porte également sur l’emploi de ce dernier mot. S’il est indéniable que le terme de « négligence » ne renvoie pas à l’idée d’un comportement volontairement nuisible, la notion de malveillance, quant à elle, se rapporte à l’existence d’une attitude délibérément malintentionnée. En utilisant un tel terme lors de l’audience, S......... a laissé entendre que la recourante avait payé volontairement une somme d’argent à des escrocs alors qu’elle savait ou soupçonnait qu’elle n’aurait pas dû agir de la sorte. Contrairement à ce qu’a retenu le Ministère public, on ne saurait retenir qu’il s’agissait de pures suppositions non constitutives d’une atteinte à l’honneur. En effet, à ce stade, on ne peut exclure que S......... ait fait passer la recourante pour une personne ayant adopté un comportement, si ce n’est pénalement répréhensible, à tout le moins moralement répréhensible. Quant à l’existence de l’élément constitutif de la communication à un tiers, le Ministère public estime que cette condition n’est pas remplie, dès lors qu’il ne ressort pas de la plainte et de ses annexes que les allégués auraient été proférés en audience publique. En outre, l’autorité judiciaire saisie ne saurait être considérée selon lui comme un tiers mais comme un « confident nécessaire ». Or, contrairement à ce qu’affirme le Ministère public, un magistrat est un tiers au sens de l’art. 173 CP. Ni le Tribunal fédéral, qui a une conception large de la notion de tiers, ni même la majorité des auteurs soutenant que le cercle des personnes considérées comme tiers doit être limité (les propos attentatoires à l’honneur ne devant selon eux pas être punissables lorsqu’ils sont énoncés dans un cercle familial étroit ou adressés à des personnes astreintes au secret professionnel au sens de l’art. 321 CP) n’envisagent de considérer qu’un agent public, et en particulier un magistrat, puisse être qualifié de confident nécessaire. Le fait que le magistrat soit soumis au secret de fonction est à cet égard sans portée. Il n’est pas un « confident », puisqu’il ne fait pas partie des professionnels énumérés à l’art. 321 CP ni des proches parents de l’auteur (CREP 2022/325 du 12 avril 2022). En définitive, l’infraction de diffamation ne saurait être exclue à ce stade de la procédure. Dès lors que des soupçons suffisants subsistent quant à la commission de cette infraction, c’est à tort que le Ministère public a refusé d’entrer en matière sur la plainte pénale déposée par D.......... 4. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et l’ordonnance entreprise annulée. Le dossier de la cause sera renvoyé au Ministère public pour qu’il ouvre une instruction. Vu l’admission du recours, les frais de la procédure, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 880 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). La recourante, qui a procédé avec l’assistance d’un conseil de choix et qui a obtenu gain de cause, a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours (art. 433 al. 1 let. a CPP). Au vu de la nature de l’affaire et du mémoire de recours produit, l’indemnité allouée sera fixée, conformément à la liste d’opérations produite, à 1’625 fr., correspondant à 5h25 d’activité nécessaire d’avocat au tarif horaire de 300 fr. (art. 26a al. 3 TFIP), montant auquel il convient d’ajouter des débours forfaitaires à concurrence de 2 % des honoraires admis – et non 5% comme demandé, ce taux n’étant applicable qu’en première instance - (art. 19 al. 2 TDC [Tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6], applicable par renvoi de l’art. 26a al. 6 TFIP), par 32 fr. 50, plus la TVA au taux de 7,7 %, par 127 fr. 65, ce qui correspond à une indemnité d’un montant total de 1'785 fr. en chiffres arrondis. A l’instar des frais, cette indemnité sera laissée à la charge de l’Etat. Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance du 28 novembre 2022 est annulée. III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour qu’il procède dans le sens des considérants. IV. Les frais d’arrêt, par 880 fr. (huit cent huitante francs), sont laissés à la charge de l’Etat. V. Une indemnité de 1’785 fr. (mille sept cent huitante-cinq francs) est allouée à D......... pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours. VI. L’arrêt est exécutoire. La présidente : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Hervé Dutoit, avocat (pour D.........), - Ministère public central, et communiqué à : ‑ M. le Procureur de l’arrondissement de Lausanne, - M. S........., par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :