Bundesgericht Tribunal fĂ©dĂ©ral Tribunale federale Tribunal federal 1C.489/2019 ArrĂȘt du 1er dĂ©cembre 2020
Ire Cour de droit public
Composition MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président, Jametti et Merz. GreffiÚre : Mme Sidi-Ali.
Participants à la procédure A......... SA, représentée par Me José Zilla, avocat, recourante,
contre
Conseil communal de Cornaux, Administration communale, Clos-Saint-Pierre 1, 2087 Cornaux NE, représenté par Me Claude Nicati, avocat, Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchùtel, Le Chùteau, rue de la Collégiale 12, 2000 Neuchùtel.
Objet plan d'affectation spécial,
recours contre l'arrĂȘt du Tribunal cantonal de la RĂ©publique et canton de NeuchĂątel, Cour de droit public, du 6 aoĂ»t 2019 (CDP.2019.78-AMTC/yr). Faits :
A. Par arrĂȘtĂ© du 26 mai 2014, le Conseil d'Etat de la RĂ©publique et canton de NeuchĂątel a sanctionnĂ© la modification partielle du plan d'amĂ©nagement local (PAL) du secteur "Marais aux Chevaux" adoptĂ©e par le Conseil gĂ©nĂ©ral de la commune de Cornaux le 12 novembre 2013. Tout ce secteur, qui regroupe dix biens-fonds dont la parcelle n° 3761 sise en limite de la commune de Cressier, a Ă©tĂ© affectĂ© Ă la zone artisanale et commerciale - Ă l'exception de la parcelle n° 2845 classĂ©e en zone de protection des eaux - et soumis Ă plan spĂ©cial et Ă©tude d'impact sur l'environnement. Le 21 juin 2017, le Conseil gĂ©nĂ©ral de la commune de Cornaux a adoptĂ© le plan spĂ©cial secteur "Marais aux Chevaux" qui dĂ©limite trois zones: une zone d'activitĂ©s industrielles et artisanales (ZAIA), une zone d'activitĂ©s commerciales et une zone de protection des eaux. A......... SA, propriĂ©taire de la parcelle n° 5574 de la commune de Cressier situĂ©e Ă proximitĂ© du pĂ©rimĂštre du plan spĂ©cial prĂ©citĂ©, y a formĂ© opposition. A......... SA exploite plusieurs captages d'eau sur sa parcelle, en vertu d'une concession de l'Etat de NeuchĂątel en sa faveur.
B. Par dĂ©cision du 4 juin 2018, le Conseil communal de Cornaux a levĂ© l'opposition. Cette dĂ©cision a Ă©tĂ© confirmĂ©e par prononcĂ© du Conseil d'Etat du 30 janvier 2019, puis par arrĂȘt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchĂątelois du 6 aoĂ»t 2019.
C. Agissant par la voie du recours en matiĂšre de droit public, A......... SA demande au Tribunal fĂ©dĂ©ral d'annuler l'arrĂȘt cantonal ainsi que les dĂ©cisions du Conseil d'Etat et du Conseil communal, et de statuer au fond en rejetant l'entrĂ©e en vigueur du plan spĂ©cial et en l'annulant. La cour cantonale ainsi que le Conseil d'Etat se rĂ©fĂšrent aux considĂ©rants de l'arrĂȘt attaquĂ© et concluent au rejet du recours. La Commune se dĂ©termine et conclut Ă©galement au rejet du recours. ConsultĂ©, l'Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement (OFEV) dĂ©pose des observations. La recourante et la commune se dĂ©terminent dans de nouveaux Ă©changes d'Ă©critures et persistent dans leurs conclusions respectives. ConsidĂ©rant en droit :
Le recours est dirigĂ© contre un arrĂȘt rendu en derniĂšre instance cantonale confirmant une dĂ©cision d'approbation d'un plan d'affectation. Le recours est dĂšs lors en principe recevable comme recours en matiĂšre de droit public selon les art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT, aucune des exceptions prĂ©vues Ă l'art. 83 LTF n'Ă©tant rĂ©alisĂ©e. La recourante a pris part Ă la procĂ©dure devant l'instance cantonale; elle est particuliĂšrement atteinte par l'arrĂȘt attaquĂ© et a un intĂ©rĂȘt digne de protection Ă sa modification, celui-ci confirmant l'affectation en zone d'activitĂ©s industrielles et artisanales d'une parcelle situĂ©e Ă proximitĂ© de la sienne, pour laquelle, notamment, elle bĂ©nĂ©ficie d'une concession pour le prĂ©lĂšvement d'eau dans la nappe phrĂ©atique. Elle dispose dĂšs lors de la qualitĂ© pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilitĂ© sont rĂ©unies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matiĂšre sur le recours.
Dans un premier grief, la recourante se plaint d'un établissement incomplet et arbitraire des faits en raison de l'absence d'étude hydrogéologique récente exposant les incidences de la nouvelle planification sur les eaux de la nappe phréatique située sous sa parcelle. Cette question se confond avec le droit, ainsi qu'on le verra dans le considérant suivant. Il se révélera en outre que la réalisation d'une telle étude est de la responsabilité de la recourante.
La recourante fait valoir une violation des art. 19 et 20 LEaux, dÚs lors que le plan spécial a été adopté sans qu'une étude hydrogéologique récente n'ait été établie.
3.1.
3.1.1. A teneur de l'art. 19 al. 1 de la loi fĂ©dĂ©rale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux; RS 814.20), les cantons subdivisent leur territoire en secteurs de protection en fonction des risques auxquels sont exposĂ©es les eaux superficielles et les eaux souterraines. L'art. 20 al. 1 LEaux prĂ©voit que les cantons dĂ©limitent des zones de protection autour des captages et des installations d'alimentation artificielle des eaux souterraines qui sont d'intĂ©rĂȘt public; ils fixent les restrictions nĂ©cessaires du droit de propriĂ©tĂ©. ConformĂ©ment Ă l'art. 20 al. 2 LEaux, les dĂ©tenteurs de captages d'eaux souterraines sont tenus de faire les relevĂ©s nĂ©cessaires pour dĂ©limiter les zones de protection (let. a), d'acquĂ©rir les droits rĂ©els nĂ©cessaires (let. b) et de prendre Ă leur charge les indemnitĂ©s Ă verser en cas de restriction du droit de propriĂ©tĂ© (let. c). Enfin, l'art. 21 LEaux prescrit que les cantons dĂ©limitent des pĂ©rimĂštres importants pour l'exploitation et l'alimentation artificielle futures des nappes souterraines, dans lesquels il est interdit de construire des bĂątiments, d'amĂ©nager des installations ou d'exĂ©cuter des travaux qui pourraient compromettre l'Ă©tablissement futur d'installations servant Ă l'exploitation ou Ă l'alimentation artificielle des eaux souterraines. L'art. 29 al. 4 de l'ordonnance fĂ©dĂ©rale du 28 octobre 1998 sur la protection des eaux (OEaux; RS 814.201) prĂ©cise que, pour dĂ©terminer les secteurs de protection des eaux et dĂ©limiter les zones et pĂ©rimĂštres de protection des eaux souterraines, les cantons s'appuient sur les informations hydrogĂ©ologiques disponibles; si ces derniĂšres ne suffisent pas, ils veillent Ă procĂ©der aux investigations hydrogĂ©ologiques nĂ©cessaires. Les zones de protection des eaux souterraines au sens de l'art. 20 LEaux se composent des zones S1 et S2, ainsi que S3 ou Sh et Sm selon la nature de l'aquifĂšre (roches meubles et karstiques ou fissurĂ©es faiblement hĂ©tĂ©rogĂšnes/karstiques ou fissurĂ©es fortement hĂ©tĂ©rogĂšnes; cf. annexe 4 ch. 121 OEaux). La zone S1 doit empĂȘcher que les captages et les installations d'alimentation artificielle ainsi que leur environnement immĂ©diat soient endommagĂ©s ou polluĂ©s; elle couvre le captage ou l'installation d'alimentation artificielle ainsi que leur environnement immĂ©diat, des contraintes supplĂ©mentaires Ă©tant posĂ©es pour les aquifĂšres karstiques ou fissurĂ©s fortement hĂ©tĂ©rogĂšnes (annexe 4 ch. 122 al. 1 et 3 OEaux). La zone S2 doit empĂȘcher que les eaux du sous-sol soient polluĂ©es par des excavations et travaux souterrains Ă proximitĂ© des captages et des installations d'alimentation artificielle et que l'Ă©coulement vers le captage soit entravĂ© par des installations en sous-sol; elle est dĂ©limitĂ©e autour des captages et installations d'alimentation artificielle et en principe dimensionnĂ©e de sorte que la distance entre la zone S1 et la limite extĂ©rieure de la zone S2, dans le sens du courant, soit de 100 m au moins et que, dans les aquifĂšres en roches meubles et les aquifĂšres karstiques ou fissurĂ©s faiblement hĂ©tĂ©rogĂšnes, la durĂ©e d'Ă©coulement des eaux du sous-sol, de la limite extĂ©rieure de la zone S2 au captage ou Ă l'installation d'alimentation artificielle, soit de dix jours au moins (annexe 4 ch. 123 al. 1 et 2 OEaux). La zone S3 doit garantir qu'en cas de danger imminent (p. ex. accident impliquant des substances pouvant polluer les eaux), on dispose de suffisamment de temps et d'espace pour prendre les mesures qui s'imposent; la distance entre la limite extĂ©rieure de la zone S2 et la limite extĂ©rieure de la zone S3 doit en rĂšgle gĂ©nĂ©rale ĂȘtre aussi grande que la distance entre la zone S1 et la limite extĂ©rieure de la zone S2 (annexe 4 ch. 124 OEaux). Les zones Sh et S m doivent empĂȘcher que l'eau souterraine soit polluĂ©e par la construction et l'exploitation d'installations et par l'utilisation de substances et que des travaux de construction altĂšrent l'hydrodynamique des eaux du sous-sol; elles sont dĂ©finies de façon Ă couvrir les secteurs Ă haute vulnĂ©rabilitĂ© dans le bassin versant d'un captage, respectivement les secteurs de vulnĂ©rabilitĂ© au moins moyenne dans le bassin versant d'un captage (annexe 4 ch. 125 al. 1 Ă 3 OEaux). La dĂ©limitation des zones de protection rĂ©pond Ă des critĂšres objectifs et ne laisse pas place Ă une pesĂ©e des intĂ©rĂȘts (cf. ARNOLD BRUNNER, in Commentaire de la loi sur la protection des eaux et de la loi sur l'amĂ©nagement des cours d'eau, 2016, n° 21 ad art. 20 LEaux). Dans la zone S1, seuls sont autorisĂ©s les travaux de construction et d'autres activitĂ©s qui servent l'utilisation d'eau potable (annexe 4 ch. 223 OEaux). La construction d'ouvrages et d'installations est Ă©galement interdite dans la zone S2, sous certaines rĂ©serves (annexe 4 ch. 222 OEaux). Dans les zones S3, Sh et Sm, sont notamment interdites les exploitations industrielles et artisanales impliquant un risque pour les eaux du sous-sol (cf. annexe 4 ch. 221 Ă 221ter OEaux).
3.1.2. Selon le principe de la coordination des procĂ©dures (art. 25a LAT), l'autoritĂ© de planification doit prendre en compte, dans le cadre de l'adoption d'un plan partiel d'affectation ou d'un plan de quartier, tous les Ă©lĂ©ments dĂ©terminants du point de vue de la protection de l'environnement et de l'amĂ©nagement du territoire qui sont objectivement en relation les uns avec les autres, notamment ceux qui se trouvent dans une relation si Ă©troite qu'ils ne peuvent ĂȘtre appliquĂ©s de maniĂšre indĂ©pendante (ATF 123 II 88 consid. 2a p. 93; arrĂȘts 1C.222/2019 du 4 septembre 2020 consid. 6.2.1; 1C.582/2014 du 25 fĂ©vrier 2016 consid. 3.1, in DEP 2016 p. 594). L'Ă©tendue de cet examen varie toutefois selon le degrĂ© de prĂ©cision du plan. Ainsi, lorsque la modification de la planification a lieu en vue d'un projet prĂ©cis et dĂ©taillĂ© qui doit ĂȘtre mis Ă l'enquĂȘte ultĂ©rieurement, l'autoritĂ© doit contrĂŽler Ă ce stade si celui-ci peut ĂȘtre rĂ©alisĂ© de maniĂšre conforme aux exigences de la lĂ©gislation fĂ©dĂ©rale sur la protection de l'environnement; dans les autres cas, elle doit ĂȘtre convaincue qu'un dĂ©veloppement de la zone peut se faire de maniĂšre conforme Ă ces exigences moyennant, le cas Ă©chĂ©ant, des amĂ©nagements Ă dĂ©finir dans la procĂ©dure d'autorisation de construire (arrĂȘts 1C.582/2014 du 25 fĂ©vrier 2016 consid. 3.1, in DEP 2016 p. 594; 1C.222/2019 du 4 septembre 2020 consid. 6.2.1; 1C.366/2017 du 21 novembre 2018 consid. 3.1). En tout Etat, l'adoption d'une planification n'est pas admissible s'il apparaĂźt d'emblĂ©e que la rĂ©alisation du projet est exclue au regard des exigences du droit de l'environnement (ATF 129 II 276 consid. 3.4 p. 280).
3.2.
3.2.1. Les parcelles litigieuses concernĂ©es par le nouveau plan spĂ©cial sont comprises dans des secteurs de protection des eaux Au et Ao. Aux termes de l'art. 29 al. 1 let. a et b OEaux, ces secteurs sont destinĂ©s Ă protĂ©ger les eaux souterraines exploitables, respectivement la qualitĂ© des eaux superficielles si cela est nĂ©cessaire pour garantir une utilisation particuliĂšre des eaux (cf. aussi annexe 4 ch. 111 et 112 OEaux). Il ressort de l'Ă©tude hydrogĂ©ologique effectuĂ©e en 1990, dans le cadre d'un projet d'amĂ©nagement non concrĂ©tisĂ©, que ces secteurs ont Ă©tĂ© Ă©tablis en raison de la nappe d'eau souterraine qui se trouve Ă faible profondeur sous le site (Etude d'impact hydrogĂ©ologie du 1er mai 1990, p. 1). Cette nappe est exploitĂ©e par le captage d'eau de la parcelle n° 2845 de la commune de Cornaux et celui de la parcelle n° 5574 de la commune de Cressier dĂ©tenu par la recourante. Des zones de protection des eaux au sens de l'art. 20 LEaux sont dĂ©limitĂ©es dans le plan d'amĂ©nagement local de 2014 pour le captage - actuellement hors service - de la parcelle n° 2845 qui, dans le plan spĂ©cial litigieux, a Ă©tĂ© affectĂ©e en zone de protection des eaux. En revanche, aucune zone de protection des eaux n'existe autour du captage de la recourante, ce en dĂ©pit de la concession de prĂ©lĂšvement en sa faveur. La cour cantonale considĂšre que cela tient au fait que le droit fĂ©dĂ©ral n'exige pas des cantons qu'ils dĂ©limitent des zones de protection autour des captages privĂ©s, seuls les captages d'intĂ©rĂȘt public Ă©tant soumis Ă cette exigence (cf. art. 20 al. 1 LEaux). Or la nature privĂ©e d'un captage ne suffit pas Ă exclure que celui-ci soit d' intĂ©rĂȘt public au sens de la LEaux (cf. BRUNNER, op. cit., n° 15 ad art. 20 LEaux). Pourtant, l'Ă©ventuel intĂ©rĂȘt public du captage litigieux n'a pas Ă©tĂ© examinĂ© plus avant. L'OFEV considĂšre dans la prĂ©sente affaire que ce captage, dont l'eau est utilisĂ©e pour la production de denrĂ©es alimentaires et qui doit respecter les exigences de la lĂ©gislation sur les denrĂ©es alimentaires, est d'intĂ©rĂȘt public. Un tel critĂšre ressort de façon constante des directives de l'office (OFEV, Instructions pratiques pour la protection des eaux souterraines, 2004, p. 39; Office fĂ©dĂ©ral de la protection de l'environnement, Instruction pratiques pour la dĂ©termination des secteurs de protection des eaux, des zones et des pĂ©rimĂštres de protection des eaux souterraines, 1977/1982, p. 24). Cet Ă©lĂ©ment apparaĂźt objectivement de nature Ă dĂ©finir l'intĂ©rĂȘt public Ă la protection du captage. A ce critĂšre, permettant de dĂ©finir l'intĂ©rĂȘt public du captage lui-mĂȘme, l'OFEV, s'appuyant sur la doctrine dans ses dĂ©terminations, ajoute celui du type et de la taille du groupe d'utilisateurs, ce qui est convaincant (cf. BRUNNER, op. cit., n° 15 ad art. 20 LEaux). L'Etat de fait de l'arrĂȘt attaquĂ© ne permet pas de dĂ©terminer avec certitude si l'utilisation que la recourante fait de l'eau de captage satisfait Ă ces critĂšres. Il est toutefois vraisemblable que tel soit le cas, de sorte que, quand bien mĂȘme cette question devra cas Ă©chĂ©ant ĂȘtre examinĂ©e plus en dĂ©tail dans la suite de la procĂ©dure Ă la lumiĂšre de ce qui prĂ©cĂšde, il y a lieu de se pencher sur les consĂ©quences de l'assujettissement du captage Ă l'art. 20 LEaux, et partant de l'obligation de dĂ©limiter des zones de protection.
3.2.2. La recourante se plaint de l'absence d'étude hydrogéologique dans le processus d'élaboration du plan spécial. L'art. 20 al. 2 LEaux prescrit toutefois qu'il appartient au détenteur du captage de faire les relevés nécessaires pour délimiter les zones de protection. Elle est donc seule responsable de la mise en oeuvre de l'étude dont elle déplore l'absence, voire cas échéant, de la soumission d'un projet de délimitation des zones de protection subséquent à une telle étude (cf. OFEV, op. cit., p. 40; BRUNNER, op. cit., n° 24 ad art. 20 LEaux). Il est par ailleurs regrettable qu'outre le manquement de la recourante, le canton, formellement responsable du point de vue du droit fédéral (cas échéant la commune à teneur des rÚgles cantonales), n'ait pas pris l'initiative d'engager les démarches de délimitation des zones de protection autour du captage, notamment en ordonnant à la recourante de procéder aux études hydrogéologiques nécessaires (cf. art. 29 al. 4 LEaux).
3.2.3. La procĂ©dure de dĂ©limitation des zones de protection des eaux ne fait pas l'objet du prĂ©sent litige. Il n'en demeure pas moins que le planificateur, lorsqu'il dĂ©termine les affectations du territoire, a le devoir de s'assurer de la cohĂ©rence de sa planification et de ce que celle-ci puisse concrĂštement ĂȘtre mise en oeuvre. Aussi ne peut-il faire abstraction de l'existence d'un captage d'intĂ©rĂȘt public, ni des secteurs de protection des eaux existants (Au et Ao) et des motifs justifiant leur dĂ©limitation (cf. art. 1 al. 2 let. a LAT). Comme on l'a vu ci-dessus, il n'est en effet pas acceptable de classer des terrains en des affectations qui, systĂ©matiquement, ne pourront ĂȘtre concrĂ©tisĂ©es au moment de la construction (art. 25a al. 4 LAT; cf. consid. 3.1.2). Le rapport 47 OAT relatif au plan spĂ©cial relĂšve l'existence des deux captages des eaux souterraines sur le site et les dĂ©crit comme suit:
3.2.4. La commune conteste que les zones de protection Ă dĂ©finir autour du captage de la recourante concernent le plan spĂ©cial litigieux. Or cela n'est pas manifeste et il s'agit prĂ©cisĂ©ment d'un Ă©lĂ©ment Ă examiner de prĂšs - ce qui n'a jusqu'Ă prĂ©sent pas Ă©tĂ© fait en l'espĂšce - dans la procĂ©dure de planification, en l'absence de dĂ©cision prĂ©alable dĂ©finissant ces zones de protection. Selon les prescriptions de l'annexe 4 ch. 123 et 124 OEaux - et sans prĂ©juger de la procĂ©dure de dĂ©limitation des zones Ă effectuer -, il est vraisemblable que les pĂ©rimĂštres de la zone de protection S2 puis S3 (ou Sh et Sm selon la nature de l'aquifĂšre) soient au minimum de respectivement 100 puis 200 m autour du captage, voire plus. Les pĂ©rimĂštres des zones de protection S2 et S3 du captage communal de la parcelle n° 2845, reproduites sur le PAL adoptĂ© en 2014, semblent Ă vue d'oeil ĂȘtre de cet ordre-lĂ . Pour le captage litigieux, de telles dimensions empiĂštent vraisemblablement sur le secteur le plus proche, soit la parcelle n° 3761 affectĂ©e Ă la zone d'activitĂ©s industrielles et artisanales (ZAIA), sise en bordure de pĂ©rimĂštre du plan spĂ©cial et en limite du territoire communal, distante de moins de 100 mĂštres de la parcelle de la recourante, qui serait alors concernĂ©e par les zones de protection des eaux. Le rapport hydrogĂ©ologique de 1990 souligne en outre que, si la dynamique de la nappe souterraine dans la zone du captage de la recourante est moins connue que celle de la parcelle n° 2845 de Cornaux, en l'Etat des connaissances, il n'est pas possible d'exclure le site litigieux du bassin versant du captage de la recourante. S'inspirant de la dĂ©marche, des hypothĂšses et calculs effectuĂ©s pour le captage communal voisin, le rapport parvient ainsi Ă la conclusion que le temps de parcours thĂ©orique des eaux justifierait le classement du site en zone de protection S3 (au sens toutefois de l'ordonnance du 28 septembre 1981 sur la protection des eaux contre les liquides pouvant les altĂ©rer [OPEL; RO 1981 1644], remplacĂ©e par l'ordonnance du 1er juillet 1998 sur la protection des eaux contre les liquides pouvant les polluer [OPEL; RO 1998 2019], elle-mĂȘme abrogĂ©e en 2006 [RO 2006 4291], son objet Ă©tant Ă cette occasion intĂ©grĂ© Ă l'OEaux).
3.2.5. A teneur de l'art. 18 du rĂšglement du plan spĂ©cial, la zone d'activitĂ©s industrielles et artisanales est destinĂ©e Ă l'accueil d'activitĂ©s du secteur secondaire relevant des domaines d'activitĂ©s stratĂ©giques, d'autres activitĂ©s pouvant ĂȘtre autorisĂ©es sous rĂ©serve de l'accord du DĂ©partement (al. 1); les activitĂ©s de services aux entreprises prĂ©sentes dans la zone ou aux employĂ©s sont tolĂ©rĂ©es (al. 2). Ces activitĂ©s stratĂ©giques recouvrent notamment l'industrie des machines (machines-outils, machines, Ă©quipements industriels et appareils de mesure), l'industrie des dispositifs mĂ©dicaux, l'industrie pharmaceutique, Ă©lectronique et microĂ©lectronique, l'informatique et les tĂ©lĂ©communications, les Ă©nergies renouvelables (solaire thermique et photovoltaĂŻque, gĂ©othermie et micro-turbinage), l'industrie agroalimentaire, les services stratĂ©giques aux entreprises (centre de R&D, centres de dĂ©cision et de management internationaux, la recherche d'information et prospective, le marketing & communication ou les services financiers) (rapport 47 OAT p. 38-39). L'exercice de certaines de ces activitĂ©s peut impliquer un risque d'infiltration de substances indĂ©sirables dans la nappe phrĂ©atique, si bien que - alors mĂȘme qu'elles seraient conformes Ă l'affectation de la zone - ces activitĂ©s peuvent entrer en conflit avec la protection des eaux. Certes, le rapport hydrogĂ©ologique de 1990 prĂ©cise que le temps de parcours thĂ©orique de l'eau souterraine - 35 jours - laisse une durĂ©e suffisamment importante pour intervenir efficacement sur le site en cas d'infiltration de substances polluantes dans le sol (Etude d'impact hydrogĂ©ologie du 1er mai 1990, p. 10). Il se prononce par ailleurs sur le type d'exploitation industrielle qu'il serait envisageable d'implanter en zone de protection S3 ainsi que sur les mesures complĂ©mentaires Ă adopter, mais cela, Ă la lumiĂšre de l'OPEL en vigueur il y a trente ans et qui a depuis Ă©tĂ© remplacĂ©e (cf. supra consid. 3.2.4 in fine). Ces considĂ©rations ne peuvent par consĂ©quent ĂȘtre reprises telles quelles aujourd'hui. Il en va de mĂȘme de l'apprĂ©ciation consignĂ©e dans un bref "rapport gĂ©ologique-gĂ©otechnique" Ă©tabli le 27 juin 1990 dans le cadre du mĂȘme projet, Ă teneur de laquelle l'altĂ©ration des eaux souterraines peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e par la prise des prĂ©cautions appropriĂ©es lors de la construction du site. En outre, il est avĂ©rĂ© que "la prĂ©sence de la nappe phrĂ©atique implique un risque d'inondation par remontĂ©e" (rapport 47 OAT p. 86). Ainsi qu'on le voit sur les cartes des dangers et d'intensitĂ© des remontĂ©es de nappes sur 100 ans et 300 ans, cette problĂ©matique concerne prĂ©cisĂ©ment la parcelle n° 3761 affectĂ©e Ă la ZAIA (rapport 47 OAT, p. 104 ss) dont on a vu ci-dessus qu'elle pouvait potentiellement ĂȘtre concernĂ©e par les zones de protection des eaux Ă dĂ©finir. Il s'impose donc de dĂ©terminer avec plus de prĂ©cision si une affectation en zone industrielle - et cas Ă©chĂ©ant dans quel (s) secteur (s) - est vĂ©ritablement compatible avec les mesures de protection des eaux souterraines qui s'imposent.
3.2.6. Il n'est pas nĂ©cessairement question de bloquer toute une planification spĂ©ciale jusqu'Ă ce que les lacunes dans l'exĂ©cution de la lĂ©gislation sur la protection des eaux - dues tant Ă la collectivitĂ© publique qu'Ă la dĂ©tentrice du captage - soient comblĂ©es. Cela Ă©tant, en tenant compte des indications de l'annexe 4 OEaux et en s'inspirant des Ă©lĂ©ments Ă©tablis par le rapport de 1990, le planificateur doit adopter des affectations conciliables avec la rĂ©alitĂ© hydrogĂ©ologique des lieux, ou Ă dĂ©faut rĂ©server le sort d'une partie des surfaces du plan spĂ©cial jusqu'Ă droit connu sur les zones de protection des eaux Ă dĂ©limiter. En dĂ©finitive, l'adoption d'une zone industrielle et artisanale sans Ă©gard aux incidences de ce type d'activitĂ©s sur la nappe souterraine, dans un secteur dont la vraisemblance du classement en zone de protection de troisiĂšme cercle est haute, s'inscrit en porte-Ă -faux avec les art. 25a LAT et l'annexe 4 OEaux et ne peut par consĂ©quent pas ĂȘtre confirmĂ©e.
Il rĂ©sulte de ce qui prĂ©cĂšde que le recours doit ĂȘtre admis, l'arrĂȘt cantonal annulĂ© et le dossier renvoyĂ© Ă la cour cantonale pour qu'elle procĂšde aux complĂ©ments d'investigations nĂ©cessaires Ă la dĂ©termination de l'affectation admissible des terrains composant le bassin versant du captage litigieux, cas Ă©chĂ©ant retourne le dossier aux autoritĂ©s infĂ©rieures Ă cette fin. ConformĂ©ment aux observations consignĂ©es ci-avant, le Tribunal fĂ©dĂ©ral rappelle encore une fois qu'en application du droit fĂ©dĂ©ral, les Ă©tudes hydrogĂ©ologiques destinĂ©es Ă la dĂ©termination des zones de protection incombent Ă la dĂ©tentrice du captage, le canton pouvant cas Ă©chĂ©ant l'astreindre Ă y procĂ©der.
La recourante, qui obtient gain de cause avec l'aide d'un avocat, a droit Ă des dĂ©pens, Ă la charge du canton de NeuchĂątel (art. 68 al. 1 LTF). Le prĂ©sent arrĂȘt est rendu sans frais (art. 66 al. 3 LTF). Par ces motifs, le Tribunal fĂ©dĂ©ral prononce :
Le recours est admis. L'arrĂȘt attaquĂ© est annulĂ©. La cause est renvoyĂ©e Ă la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la RĂ©publique et canton de NeuchĂątel pour nouvelle dĂ©cision dans le sens des considĂ©rants.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
Une indemnité de dépens de 3'000 francs est accordée à la recourante, à la charge du canton de Neuchùtel, pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
Le prĂ©sent arrĂȘt est communiquĂ© aux mandataires de la recourante et du Conseil communal de Cornaux, au Conseil d'Etat de la RĂ©publique et canton de NeuchĂątel, au Tribunal cantonal de la RĂ©publique et canton de NeuchĂątel, Cour de droit public, et Ă l'Office fĂ©dĂ©ral de l'environnement. Lausanne, le 1er dĂ©cembre 2020
Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Chaix
La GreffiĂšre : Sidi-Ali