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Décision / 2023 / 474

Datum
2023-06-01
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 446 PE22.006491-JUA CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 2 juin 2023 .................. Composition : Mme Byrde, présidente Mme Fonjallaz et M. Krieger, juges Greffier : M. Robadey ***** Art. 144 et 180 CP ; 319 CPP Statuant sur le recours interjeté le 23 janvier 2023 par V......... et I......... contre l’ordonnance rendue le 16 janvier 2023 par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois dans la cause n° PE22.006491-JUA, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) Du 10 au 17 octobre 2021, V......... (ci-après : la plaignante ou la recourante) et son mari, [...], ont loué une maison de vacances sise [...]. L’oncle de ce dernier, I......... (ci-après : le plaignant ou le recourant) leur a prêté son véhicule Porsche [...], pour la durée de leur séjour. Y......... (ci-après : la prévenue) habite au numéro [...] de la route [...], soit à côté de la maison louée. b) Le 17 octobre 2021, V......... a déposé plainte pénale contre Y......... pour menaces (PV aud. 1). Elle a expliqué que la veille, alors qu’elle revenait stationner le véhicule Porsche précité au bout de la route [...], elle avait aperçu la prévenue promenant son chien, lequel n’était pas tenu en laisse. Celle-ci se serait énervée à l’approche du véhicule, craignant pour son animal, et lui aurait crié dessus en anglais, notamment qu’elle était folle, puis, une fois sortie du véhicule, que si elle touchait à son chien, elle la tuerait. c) Le 29 octobre 2021, I......... a porté plainte pénale contre Y......... pour dommages à la propriété (P. 5). Il lui reprochait d’avoir, le 17 octobre 2021, griffé son véhicule Porsche précité sur tout le pourtour, précisant que son neveu l’avait vue à proximité du véhicule et avait ensuite constaté les rayures. Il a pris des conclusions civiles à hauteur de 7'969 fr. 65, correspondant au devis des réparations. d) Y......... a été entendue en qualité de prévenue par la police le 10 décembre 2021 (PV aud. 2) et par le Ministère public de l’arrondissement de l’Est vaudois (ci-après : le Ministère public) les 24 mai (PV aud. 4) et 27 septembre 2022 (PV aud. 8). Interrogée sur l’altercation verbale du 16 octobre 2021, elle a expliqué qu’elle se trouvait dans la ruelle en présence de son fils de 3 ans et de son chien et discutait avec [...], un voisin, des diverses nuisances causées par les occupants de la maison louée. Le véhicule Porsche en question serait alors arrivé à vive allure et, comme la zone est limitée à 30 km/h et que des enfants jouaient dehors, la prévenue aurait fait signe à la conductrice de ralentir. Cette dernière lui aurait alors crié en anglais « ce n’est pas un jardin, qu’est-ce que tu fous », puis « je n’en ai rien à faire de ton enfant et de ton putain de chien » (« stupid dog »). La conductrice aurait ensuite brusquement accéléré pour parcourir les vingt derniers mètres avant de stationner son véhicule, puis se serait dirigée en direction de la prévenue accompagnée de ses deux enfants et d’une amie. La prévenue, énervée, lui aurait alors demandé si elle était folle (« are you crazy ? »). La conductrice lui aurait rétorqué toujours en criant « qu’elle n’en avait rien à faire, qu’elle avait payé et qu’elle avait déjà eu un problème avec un voisin [la veille] ». La prévenue aurait ensuite déclaré qu’elle allait appeler la police, ce à quoi la conductrice aurait répondu « qu’elle n’en avait rien à foutre de la police ». La femme qui accompagnait cette dernière aurait tenté de donner un coup de pied au chien de Y......... et celle-ci aurait réagi en lui disant que si elle touchait à son chien, elle serait foutue (« if you touch my dog, you’re fucked »). La prévenue a précisé que durant la scène, [...] se trouvait en contrebas du parking et qu’il était possible que la plaignante ne l’ait pas vu. Interrogée au sujet des dommages occasionnés sur le véhicule, la prévenue a contesté en être l’auteure. Elle a expliqué qu’elle avait été constamment occupée par son fils et qu’elle s’était rendue avec celui-ci à un déjeuner vers 12h30, ajoutant qu’enceinte, elle ne serait de toute manière pas parvenue à se glisser entre les deux véhicules pour en griffer un. Le 2 février 2022, [...], gérant de l’appartement loué par la plaignante, a été entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements (PV aud. 3). Il a indiqué que le 16 octobre 2021, la prévenue l’avait contacté par téléphone pour lui raconter, en pleurs, l’incident du jour. Il a expliqué avoir également eu un contact téléphonique avec [...] qui a relativisé l’altercation entre la prévenue et sa femme et s’est plaint des rayures sur le véhicule Porsche. A cet égard, [...] a déclaré très bien connaître Y......... et qu’il ne la voyait absolument pas commettre un tel acte. Il a ajouté que lors du séjour de la plaignante et de sa famille, il y avait eu des doléances au sujet de nuisances, de déchets dans le parking et de bûches de bois posées sur les places de parc visiteurs afin de les réserver. Le 24 mai 2022, la plaignante a été entendue dans le cadre d’une audience de conciliation (PV aud. 4). Elle a confirmé la teneur de sa plainte. Elle a affirmé que le 16 octobre 2021, sa vitesse était inférieure à 30 km/h. Elle a indiqué que le problème avait commencé avec le chien de la prévenue qui n’était pas tenu en laisse. Elle aurait dit à Y......... que le parking n’était pas son jardin privé mais ce, après que cette dernière lui a crié de dégager de son quartier en la traitant de « pute ». Le 1er juillet 2022, [...] a été entendu en qualité de témoin (PV aud. 5). Il a indiqué ne pas avoir assisté à l’altercation du 16 octobre 2021 mais être arrivé après coup et avoir constaté que Y......... était très énervée. De manière générale, il a pris fait et cause pour son épouse. Il a par ailleurs expliqué avoir été le premier à constater les dégâts sur le véhicule le 17 octobre 2021 entre 12h00 et 12h15, avoir aperçu la prévenue à ce moment-là, ainsi que sa voiture prête à démarrer avec des enfants à bord, et avoir ensuite eu un contact avec [...]. Il a contesté avoir réservé des places visiteurs à l’aide de bûches de bois. Le même jour, [...], amie de la plaignante présente à ses côtés au moment de l’altercation du 16 octobre 2021, a été entendue en qualité de témoin (PV aud. 6). Elle a indiqué que la plaignante avait ralenti et circulé lentement sur le chemin menant aux places de parc. Elle a confirmé avoir vu la prévenue faire des signes de ralentir mais ne pas les avoir compris comme tels au vu de la vitesse selon elle modérée du véhicule. Lorsque les deux femmes sont descendues de la voiture, la prévenue aurait haussé le ton, crié et les aurait insultées de folles (« you’re crazy ») car elles auraient roulé beaucoup trop vite. Le chien de la prévenue serait ensuite venu leur tourner autour et la plaignante aurait « juste mis les mains devant pour éviter que le chien l’approche ». A ce moment-là, la prévenue aurait dit par trois fois « si tu touches mon chien, je te tue » (« if you touch my dog, I’ll kill you »). [...] serait alors intervenue pour lui signifier de ne pas parler de la sorte en raison de la présence de leurs enfants, lesquels comprenaient l’anglais et étaient paniqués par ses propos. Y......... lui aurait dit « de la fermer » (« Shut up ») et l’aurait traitée de « Son of a bitch ». Après encore quelques houleux échanges, chacune aurait regagné son logement. Le 4 août 2022, [...] a été entendu en qualité de témoin (PV aud. 7). Il a expliqué que les locataires de la villa louée utilisaient les places visiteurs se trouvant en face de son jardin et les réservaient en y déposant des bûches de bois, quand bien même ils auraient dû occuper les places attribuées à la villa, ajoutant qu’il y avait en outre eu des problèmes en lien avec des déchets qu’il a retrouvés dans son jardin. Questionné sur les faits du 16 octobre 2021, il a exposé qu’alors qu’il se trouvait dans son salon, il a entendu du bruit et vu des phares arriver « extrêmement rapidement ». Il est sorti de sa villa, inquiet dès lors que des enfants jouent souvent dans le quartier, et a aperçu deux femmes, en dehors de leur véhicule, parlant « une autre langue ». Il leur a dit « slowly, you have to go slowly ». Les deux femmes auraient directement été agressives verbalement en lui répondant en anglais qu’elles n’avaient pas circulé trop vite. La prévenue serait ensuite intervenue, également énervée, et se serait disputée avec celles-ci. Alors que Y......... leur reprochait leur conduite, à raison du point de vue d’[...], les deux femmes se seraient moquées d’elle ouvertement en éclatant de rire et en criant, avant de regagner leur logement. [...] a précisé que chacune avait employé un ton très agressif, sans toutefois pouvoir dire si des insultes avaient été échangées. Il a ensuite expliqué s’être entretenu avec les époux des deux femmes, soit le soir-même, soit le lendemain, et qu’ils avaient été « super sympas et très calmes » et compréhensif s’agissant de la vitesse dans le quartier. Interrogé sur les dommages commis sur le véhicule Porsche, il a indiqué les avoir personnellement constatés, mais n’a pas su dire quand, précisant qu’il s’agissait de griffures sur tout le pourtour. Il a déclaré qu’à son souvenir, le plus logique était que les dommages aient été causés durant la nuit suivant sa discussion avec les deux hommes et qu’il a constaté les dégâts en allant au travail le lendemain matin. Il a précisé que les véhicules n’avaient pas été déplacés entre l’altercation et le moment où il avait lui-même vu les griffures. S’agissant de l’auteur des dommages, il a relevé qu’il serait facile de faire un raccourci et de penser à la prévenue, compte tenu de l’altercation, mais comme il n’avait vu personne, il ne pouvait dire qui les avait réellement causés. B. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le Ministère public a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre Y......... pour menaces et dommages à la propriété (I), suspendu la procédure pénale pour une durée indéterminée, les investigations se poursuivant s’agissant des dommages infligés au véhicule (II), refusé d’octroyer une indemnité au sens de l’art. 429 CPP à la prévenue (III) et statué sur les frais (IV). S’agissant de l’infraction de menaces, le procureur a considéré que les versions des parties étaient contradictoires et que l’instruction n’avait pas permis de confirmer les soupçons émis à l’encontre de la prévenue. Il a estimé que les témoignages de l’époux et de l’amie de la plaignante devaient être pris avec circonspection compte tenu du lien qui les unissent à cette dernière. En outre, le premier nommé n’avait pas su reconnaître avoir placé des bûches pour réserver les places de parc, quand bien même il ne s’agissait pas d’une infraction. Quant aux déclarations de la seconde, elles étaient en contradiction avec celles d’[...], témoin neutre et crédible, ayant fait preuve d’objectivité, qui avait su décrire l’attitude agressive des plaignantes sans cacher celle de la prévenue. Contrairement à ce qu’avait avancé [...], [...] avait décrit cette dernière comme criant et éclatant de rire lors de l’altercation. Dès lors, le procureur a considéré que, dans le cadre de la dispute verbale, les propos que la prévenue a reconnu avoir prononcé n’avaient manifestement pas été d’une intensité suffisante pour qu’ils puissent être considérés comme des menaces graves au sens de l’art. 180 CP. En ce qui concerne l’infraction de dommages à la propriété, le procureur a estimé que les déclarations d’[...] n’incriminaient pas la prévenue, dès lors qu’il a expliqué l’avoir vu proche de la voiture et qu’elle a déclaré avoir effectivement quitté le quartier à ce moment. Le procureur a également relevé que depuis leur arrivée dans le lotissement, la plaignante et son entourage s’étaient attiré les inimitiés de plusieurs personnes. Par conséquent, dès lors qu’il existait de sérieux doutes quant à la culpabilité de la prévenue, que les versions des parties étaient contradictoires et qu’une condamnation paraissait d’emblée improbable, une mise en accusation n’avait pas lieu d’être. C. Par acte du 23 janvier 2023, V......... et I......... ont recouru contre cette ordonnance, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à son annulation et au renvoi de la cause à l’autorité inférieure pour qu’un acte d’accusation soit rendu à l’encontre de Y......... pour menaces et dommages à la propriété (II), à ce que cette dernière soit reconnue débitrice d’I......... de la somme de 7'969 fr. 65, avec intérêts à 5 % l’an dès le 17 octobre 2021, à titre de remboursement des frais de réparation du véhicule Porsche (III), à ce qu’elle soit reconnue débitrice envers eux de la somme de 4'766 fr. 60 à titre de frais d’avocat (IV), les frais de recours étant laissés à la charge de l’Etat (V) et des dépens à hauteur de 2'000 fr. leur étant alloués pour la procédure de recours (VI), et, subsidiairement, à ce que l’ordonnance soit annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants (VII), les frais de recours étant laissés à la charge de l’Etat (VIII) et des dépens leur étant alloués pour la procédure de recours (IX). Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures. En droit : 1. 1.1 Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le Ministère public en application des art. 319 ss CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]). 1.2 En l’espèce, le recours a été interjeté en temps utile devant l’autorité compétente. Les deux recourants concluent à l’annulation de l’ordonnance ; or la recourante n’a la qualité pour recourir que contre le classement de sa plainte pour menaces (chiffre I du dispositif) ; de la même manière, le recourant n’a la qualité pour recourir que contre le classement de sa plainte pour dommage à la propriété (chiffre I du dispositif) et contre la suspension de la procédure (chiffre II du dispositif) ; en tant que chacun des recourants conteste la partie de l’ordonnance qui ne le concerne pas, son recours est irrecevable (art. 382 al. 1 CPP). Au surplus, le recours satisfait aux conditions de forme prescrites (art. 385 al. 1 CPP). Sous réserve de ce qui précède, il est donc recevable. 2. Selon l’art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu’il est établi que certaines conditions à l’ouverture de l’action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu’on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). L’art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres motifs de classement exceptionnels, à savoir l’intérêt de la victime et le consentement de celle-ci au classement. De manière générale, les motifs de classement sont ceux « qui déboucheraient à coup sûr ou du moins très probablement sur un acquittement ou une décision similaire de l’autorité de jugement » (Message du Conseil fédéral relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1255). La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe « in dubio pro duriore », qui signifie qu’en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave. En effet, en cas de doute s’agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n’est pas à l’autorité d’instruction ou d’accusation mais au juge matériellement compétent qu’il appartient de se prononcer (ATF 146 IV 68 consid. 2.1, JdT 2020 IV 256 ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, JdT 2017 IV 357 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.1 et les réf. citées ; TF 6B.957/2021 du 24 mars 2022 consid. 2.1). En revanche, le ministère public doit classer la procédure s’il apparaît, sur la base de faits assez clairs pour qu’il n’y ait pas lieu de s’attendre à une appréciation différente de l’autorité de jugement (ATF 143 IV 241 précité consid. 2.3.2), qu’un renvoi aboutirait selon toute vraisemblance à un acquittement. Dans les procédures où l’accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime, auxquelles s’opposent celles du prévenu et lorsqu’il n’est pas possible d’estimer que certaines dépositions sont plus crédibles que d’autres, le principe « in dubio pro duriore » impose en règle générale que le prévenu soit mis en accusation (ATF 143 IV 241 précité consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Cela vaut en particulier lorsqu’il s’agit de délits commis typiquement « entre quatre yeux » pour lesquels il n’existe souvent aucune preuve objective. Il peut toutefois être renoncé à une mise en accusation lorsque la partie plaignante fait des dépositions contradictoires, rendant ses accusations moins crédibles ou encore lorsqu’une condamnation apparaît, au vu de l’ensemble des circonstances, a priori improbable pour d’autres motifs (ATF 143 IV 241 précité consid. 2.2.2). En outre, face à des versions contradictoires des parties, il peut être exceptionnellement renoncé à une mise en accusation lorsqu’il n’est pas possible d’apprécier l’une ou l’autre version comme étant plus ou moins plausible et qu’aucun résultat n’est à escompter d’autres moyens de preuve (TF 6B.137/2021 du 27 septembre 2022 consid. 3.4 ; TF 6B.996/2021 du 31 mai 2022 consid. 3.2 et les arrêts cités). Pour pouvoir constater légitimement que l’instruction ne corrobore aucun soupçon justifiant une mise en accusation (art. 319 al. 1 let. a CPP), le ministère public doit avoir préalablement procédé, conformément à la maxime d’instruction (art. 6 al. 1 CPP), à toutes les mesures d’instruction susceptibles d’établir l’existence de soupçons suffisants justifiant une mise en accusation (CREP 5 avril 2022/208 consid. 3.1.1 et les réf. citées ; CREP 5 mars 2021/234 consid. 2.2). 3. Infraction de menaces Les recourants estiment en premier lieu que le Ministère public verse dans l’arbitraire en retenant que l’instruction n’aurait pas permis de confirmer les soupçons pesant sur la prévenue, dès lors que les déclarations de celle-ci étaient contradictoires sur plusieurs points avec l’ensemble des témoins entendus. Ils citent l’absence du témoin [...] aux côtés de la plaignante au début de l’altercation, contrairement à ce que cette dernière a prétendu, et le fait qu’il n’était également pas présent au moment où les propos menaçants avaient été prononcés. Ils affirment que le témoin [...] n’a aucune raison de mentir. Ils reprochent ensuite au Parquet d’avoir trop rapidement écarté le témoignage de [...] alors qu’elle était la seule personne à avoir assisté à toute la scène. Ils relèvent que si l’attitude de Y......... n’avait pas été menaçante, alors il était difficile de percevoir la raison pour laquelle le Procureur avait admis que les enfants aient pu être effrayés. Ils soutiennent que les prétendues incohérences imputées à [...] ne sont aucunement étayées et mal fondées, dès lors que celle-ci avait toujours décrit les faits de la même manière que la recourante et n’avait aucun intérêt personnel à mentir. Ils ajoutent que les incohérences sont surtout à relever du côté de la prévenue, qui semblait être plus proche de [...] que ce qu’elle prétendait et qui n’avait pas été constante sur ses mois de grossesses au moment des faits. En tout état de cause, ils soutiennent que le Ministère public aurait dû retenir que les propos tenus par Y......... – et qu’elle a admis –, soit en particulier « t’es foutue » (« you’re fucked »), étaient constitutifs de menaces. Ils invoquent ensuite une constatation erronée et incomplète des faits, en tant que le Ministère public n’a pas retenu que la prévenue avait dit « if you touch my dog, I’ll kill you » (ndr : en français : si tu touches mon chien, je te tue) quand bien même la recourante et son amie avaient entendus ces propos. Cela étant, ils relèvent que déjà en admettant avoir dit « if you touch my dog, you’re fucked » la prévenue s’était rendue coupable de menaces, ce que le Ministère public aurait dû retenir, et ce qui était en outre corroboré par l’état d’énervement de la prévenue, également dû aux autres griefs reprochés à la famille de la recourante. 3.1 Selon l’art. 180 al. 1 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0), celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire. La menace suppose que l’auteur ait volontairement fait redouter à sa victime la survenance d’un préjudice, au sens large (ATF 122 IV 97 consid. 2b). Elle constitue un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l’auteur, sans toutefois qu’il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b, JdT 1994 IV 3 ; ATF 106 IV 125 consid. 2a, JdT 1981 IV 106 ; TF 6B.1054/2021 du 11 mars 2022 consid. 3.1 ; TF 6B.508/2021 du 14 janvier 2022 consid. 2.1), ni que l’auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 122 IV 322 consid. 1a ; ATF 105 IV 120 consid. 2a, JdT 1980 IV 115 ; TF 6B.508/2021 précité). Toute menace ne tombe pas sous le coup de l’art. 180 CP. La loi exige en effet que la menace soit grave. C’est le cas si elle est objectivement de nature à alarmer ou à effrayer la victime. Il convient à cet égard de tenir compte de la réaction qu’aurait une personne raisonnable face à une situation identique (ATF 122 IV 97 précité ; TF 6B.1314/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.2.1). Les menaces de lésions corporelles graves ou de mort doivent être considérées comme des menaces graves au sens de l’art. 180 CP (TF 6B.787/2018 du 1er octobre 2018 consid. 3.1 ; TF 6B.1428/2016 du 3 octobre 2017 consid. 2.1 et la référence citée). Il faut en outre que la victime ait été effectivement alarmée ou effrayée. Celle-ci doit craindre que le préjudice annoncé se réalise. Cela implique, d’une part, qu’elle le considère comme possible et, d’autre part, que ce préjudice soit d’une telle gravité qu’il suscite de la peur. Cet élément constitutif de l’infraction, qui se rapporte au contenu des pensées d’une personne, relève de l’établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 ; ATF 119 IV 1 consid. 5a ; TF 6B.508/2021 précité ; TF 6B.135/2021 du 27 septembre 2021 consid. 3.1). 3.2 En l’espèce, on constate tout d’abord qu’au vu de la nature de l’affaire, le Ministère public a procédé à toutes les mesures d’instruction utiles. Il a en effet entendu les deux plaignants, la prévenue, les deux témoins qui ont assisté à l’altercation, soit [...] et [...], ainsi que le mari de la plaignante [...], et le bailleur de l’appartement [...]. Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les recourants, on ne saurait retenir que les déclarations des témoins [...] et [...] infirment celles de la prévenue ou que cette dernière se serait contredite. Certes, Y......... a indiqué qu’elle était en présence d’[...] lorsque le véhicule Porsche est arrivé, alors que ce dernier a déclaré qu’il se trouvait dans son salon. Toutefois, ce témoin, également jugé crédible par les recourants, a affirmé qu’il avait vu la voiture arriver extrêmement rapidement, qu’il était intervenu, que la plaignante et son amie avaient été directement agressives envers lui et qu’ensuite, la prévenue s’était immiscée, créant le différend qui s’en était suivi. Il n’était alors plus qu’observateur et a ainsi pu attester du ton agressif adopté par chacune des protagonistes. Il n’a pas hésité à décrire la prévenue comme étant énervée et s’étant disputée verbalement avec les deux autres femmes (PV aud. 7, l. 55-56), ce qui démontre son objectivité, ce d’autant qu’il n’a aucune relation avec Y........., si ce n’est qu’ils étaient voisins depuis 15 jours au moment des faits (PV aud. 7, l. 24-25). Ainsi, l’inexactitude du témoignage de la prévenue par rapport à celui du témoin [...] s’agissant de sa présence au moment de l’arrivée du véhicule n’est pas telle que sa crédibilité serait mise à mal. Par ailleurs, le témoignage de [...] reprend pour l’essentiel les déclarations de la plaignante. Toutefois, il ne coïncide pas sur de nombreux points avec celui d’[...] et en particulier sur le fait important que le véhicule roulait à une vitesse excessive. En outre, les recourants se trompent en prétendant que [...] n’avait aucun intérêt à mentir. On rappelle qu’elle est amie avec la plaignante depuis 10 ans (PV aud. 6, l. 38 et 50) alors qu’elle n’a aucun lien avec la prévenue, de sorte qu’elle sera naturellement amenée à prendre parti pour la première. C’est ainsi à juste titre que le Ministère public a considéré que ce témoignage devait être apprécié avec circonspection, tout comme du reste celui d’[...], époux de la plaignante, qui n’a pas même assisté à l’altercation. On ne décèle par conséquent aucune forme d’arbitraire dans l’appréciation des preuves effectuée par le Ministère public. Il n’est ensuite pas possible d’établir si la prévenue a dit « if you touch my dog, you’re fucked » ou « if you touch my dog, I’ll kill you », car [...], seul témoin neutre et objectif ayant assisté à la scène, n’a pas entendu les propos tenus. Cela n’est toutefois pas déterminant, dans la mesure où pour que l’infraction de menaces puisse être retenue, la victime doit avoir été effectivement alarmée ou effrayée, ce qui n’est manifestement pas le cas de la plaignante. Aux dires du témoin [...], celle-ci se moquait ouvertement de la prévenue en éclatant de rire et en criant (PV aud. 7, l. 58-59). Il n’a pas évoqué le moindre élément pouvant faire transparaître de la peur chez la plaignante. On rappelle que les recourants ont affirmé que ce témoin n’avait aucune raison de mentir (cf. recours, p. 4). A cela s’ajoute que si les enfants accompagnant la plaignante et son amie ont été effrayés, la prévenue était également en pleurs le soir même et qu’elle n’a pas voulu déposer plainte en raison des liens d’amitié qui la lient au bailleur. De plus, l’attitude du mari de la plaignante n’est pas compatible avec des menaces de mort qui auraient été proférées à l’endroit de sa femme qui l’aurait effectivement alarmée ou effrayée. D’une part, le témoin [...] s’est entretenu avec [...] à la suite de l’altercation et l’a qualifié de calme et très sympathique (PV aud. 7, l. 63-64), d’autre part, le prénommé aurait indiqué le soir même à [...], selon ce dernier – ce que le mari conteste quant à lui – que « ce n’était rien de grave et que ça allait en rester là » (PV aud. 3, R. 5). Enfin, ce n’est pas l’altercation qui a incité les recourants a déposé plainte, mais les dommages causés au véhicule. Au vu des éléments qui précèdent, et de ceux relevés par le Ministère public, il y a lieu de retenir qu’une dispute est survenue entre la plaignante et la prévenue qui ont toutes deux échangé des propos virulents. Mais Y......... a toujours nié avoir proféré des menaces de mort, et compte tenu des liens entre la plaignante et son amie qui imposent de considérer les déclarations de celle-ci avec circonspection et du fait que le témoin [...], qui était pourtant à proximité, n’a pas pu confirmer les menaces, et que l’intéressée n’a pas montré le moindre signe d’effroi, un acquittement de l’infraction de menaces paraît bien plus vraisemblable qu’une condamnation. Le classement sur ce point est ainsi bien fondé. 4. Infraction de dommages à la propriété Les recourants invoquent une constatation erronée des faits, en ce sens que les éléments figurant au dossier auraient dû conduire le Ministère public à retenir que Y......... était l’auteure des dégâts sur le véhicule Porsche. Ils citent la présence de la prévenue à 5 mètres de la Porsche et sa position entre les places de parc visiteurs et l’escalier qui ne se justifierait pas si elle se dirigeait vers sa propre voiture, le fait que le moteur de celle-ci était allumé et prêt à partir au moment où le mari de la plaignante l’a aperçue ainsi que la nature fraîche des griffures. En outre, le Ministère public devait selon eux faire le rapprochement – fait par le témoin [...] – entre l’attitude que la prévenue avait adoptée la veille et les dommages constatés le lendemain sur le véhicule et ne pouvait pas retenir que de sérieux doutes subsistaient sur la culpabilité de la prévenue. Les recourants se prévalent encore d’arbitraire, au vu des conclusions du Ministère public, malgré les déclarations contradictoires de la prévenue et des constatations du témoin [...]. 4.1 L'art. 144 CP punit, sur plainte, celui qui endommage, détruit ou met hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui. L'atteinte peut consister à détruire ou à altérer la chose. Mais elle peut aussi consister dans une modification de la chose qui a pour effet d'en supprimer ou d'en réduire l'usage, les propriétés, les fonctions ou l'agrément. L'auteur se rend coupable de dommages à la propriété dès qu'il cause un changement de l'état de la chose qui n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte atteinte à un intérêt légitime (ATF 128 IV 250 consid. 2 ; Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, nn. 11 ss ad art. 144 CP). 4.2 En l’espèce, l’altercation survenue la veille et le fait que Y......... ait été vue avec son enfant monter dans son véhicule parqué non loin de celui du plaignant ne suffisent pas à l’incriminer, comme l’a retenu à juste titre le Ministère public. Le mari de la plaignante a porté de fort soupçon sur la prévenue en raison du fait qu’il l’avait aperçue à proximité du véhicule Porsche entre 12h00 et 12h15 et a prétendu avoir été le premier à constater les dégâts sur le véhicule. Or, le témoin [...] a indiqué avoir constaté les griffures le lendemain de l’altercation au matin, en partant travailler (PV aud. 7, l. 75-78). Cela ne coïncide dès lors pas avec les suspicions d’[...]. Par ailleurs, la présence de la prévenue à l’endroit en question, qu’elle admet, était justifiée par la proximité de son propre véhicule et de son emploi du temps. En outre, le fait que dans son audition du 10 décembre 2021, la prévenue n’a pas mentionné qu’elle était enceinte de cinq mois le 16 octobre 2021 et qu’elle l’ait indiqué en septembre 2022 ne peut avoir une quelconque portée, dès lors que sa grossesse était à l’évidence manifeste en décembre 2021. On ne voit dès lors pas en quoi les faits auraient été constatés de manière erronée. Le Ministère public n’a pas non plus fait preuve d’arbitraire en considérant que des sérieux doutes subsistaient quant à la culpabilité de la prévenue. Le rapprochement hypothétique évoqué par [...] entre Y......... et les rayures sur le véhicule ne peut à lui seul suffire à incriminer cette dernière. On rappelle que le bailleur a relevé que d’autres voisins s’étaient plaints d’V......... et de son entourage (PV aud. 3, R. 5 in fine), constituant ainsi autant d’autres auteurs potentiels ayant pu s’en prendre au véhicule Porsche. En l’absence d’éléments supplémentaires, l’arbitraire aurait bien plutôt consisté à tenir Y......... pour responsable des dégâts. Ainsi, dans ces circonstances, c’est à juste titre que le Ministère public a suspendu la procédure en lien avec les dommages à la propriété. Les recourants ne développent au demeurant aucun argument en lien avec cette suspension, de sorte que la contestation du chiffre II de l’ordonnance n’est pas étayée à satisfaction de droit (cf. art. 385 al. 1 CPP). 4.3 4.3.1 Les recourants réclament à la prévenue un montant de 4'766 fr. 60 à titre d’indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, en application de l’art. 433 al. 1 CPP. Aux termes de cette disposition, une telle indemnité peut être demandée par la partie plaignante si elle obtient gain de cause (let. a) ou si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l’art. 426 al. 2 CPP (let. b). En l’espèce, dans la mesure où les recourants, parties plaignantes, n’obtiennent pas gain de cause et que les frais ont été mis à la charge de l’Etat, la conclusion IV de leur recours ne peut qu’être rejetée. 4.3.2 Les recourants réclament également à la prévenue un montant de 7'969 fr. 65 à titre de dommages-intérêts pour les dégâts causés au véhicule Porsche. Ils invoquent le même fondement juridique. Or, ils n’exposent pas en quoi la juste indemnité au sens de l’art. 433 al. 1 CPP pourrait s’étendre à des prétentions civiles. Tel n’est du reste pas le cas, ces deux prétentions ne se confondant pas (Moreillon/Parein-Reymond, Petit Commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 6 ad art. 433 CPP). La conclusion III du recours doit donc être rejetée. 5. En définitive, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté sans échange d’écritures (art. 390 al. 2 CPP), et l'ordonnance attaquée confirmée. Vu le sort du recours, les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce de l’émolument d'arrêt, par 1’650 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 428 al. 1 CPP), solidairement entre eux. Par conséquent, ils n’ont pas le droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours (art. 429 al. 1 CPP par renvoi de l’art. 436 al. 1 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est rejeté. II. L’ordonnance du 16 janvier 2023 est confirmée. III. Les frais d’arrêt, par 1’650 fr. (mille six cent cinquante francs), sont mis à la charge d’V......... et d’I........., solidairement entre eux. IV. L’arrêt est exécutoire. La présidente : Le greffier : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Marlène Bérard, avocate (pour V......... et I.........), - Mme Y........., - Ministère public central, et communiqué à : ‑ M. le Procureur de l’arrondissement de l’Est vaudois, - Service de la population, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). Le greffier :