TRIBUNAL CANTONAL PO16.050423-180283 365 cour dâappel CIVILE ............................. ArrĂȘt du 22 juin 2018 ...................... Composition : M. Abrecht, prĂ©sident Mmes Merkli et Crittin Dayen, juges GreffiĂšre : Mme Pitteloud ***** Art. 91 al. 1 CPC ; 839 CC Statuant sur lâappel interjetĂ© par X........., Ă [...], demanderesse, contre le jugement rendu le 29 janvier 2018 par le Tribunal civil de lâarrondissement de lâEst vaudois dans la cause divisant lâappelante dâavec C.V......... et B.V........., Ă [...], dĂ©fendeurs, la Cour dâappel civile du Tribunal cantonal considĂšre : En fait : A. Par jugement du 29 janvier 2018, le Tribunal civil de lâarrondissement de lâEst vaudois (ci-aprĂšs : les premiers juges ou le tribunal) a dĂ©clarĂ© irrecevable la demande introduite le 4 septembre 2017 par X......... contre C.V......... et B.V......... (I), a ordonnĂ© le maintien des mesures provisionnelles ordonnĂ©es par prononcĂ© du 7 juin 2017 et a dit que faute de rĂ©introduction de lâinstance devant lâautoritĂ© compĂ©tente dans le dĂ©lai lĂ©gal, les mesures provisionnelles seraient caduques et lâinscription provisoire au Registre foncier dâune hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs de 100â000 fr., avec intĂ©rĂȘt Ă 5 % lâan dĂšs le 23 octobre 2016, en faveur de X......... sur la parcelle [...], propriĂ©tĂ© de C.V......... et B.V........., serait radiĂ©e (II), a arrĂȘtĂ© les frais judiciaires Ă 3â566 fr., les a mis Ă la charge de X......... et les a compensĂ©s avec les avances de frais versĂ©es par celle-ci (III), a condamnĂ© X......... Ă payer Ă C.V......... et B.V........., crĂ©anciers solidaires, 2'000 fr. Ă titre de dĂ©pens rĂ©duits (IV) et a rayĂ© la cause du rĂŽle (V). En droit, les premiers juges Ă©taient appelĂ©s Ă statuer sur une demande tendant au paiement de 100'000 fr. et Ă lâinscription dĂ©finitive dâune hypothĂšque lĂ©gale dâun capital de mĂȘme montant. Additionnant ces deux prĂ©tentions, les magistrats ont considĂ©rĂ© que la valeur litigieuse sâĂ©levait Ă 200'000 fr., ce qui fondait la compĂ©tence de la Chambre patrimoniale cantonale et entraĂźnait lâirrecevabilitĂ© de la demande. Toutefois, les magistrats ont considĂ©rĂ© que le maintien des mesures provisionnelles prononcĂ©es le 7 juin 2017 devait ĂȘtre ordonnĂ© afin de prĂ©server le droit de la demanderesse Ă lâinscription dĂ©finitive de lâhypothĂšque lĂ©gale. B. Par acte du 20 fĂ©vrier 2018, X......... a interjetĂ© appel contre le jugement du 29 janvier 2018, en concluant, sous suite de frais et dĂ©pens, principalement Ă son annulation et au renvoi de la cause aux premiers juges pour nouvelle dĂ©cision. A titre subsidiaire, elle a conclu Ă la rĂ©forme du jugement entrepris en ce sens que la demande introduite par elle le 4 septembre (2017, rĂ©d.) contre C.V......... et B.V......... soit dĂ©clarĂ©e recevable. Elle a produit un onglet de 5 piĂšces sous bordereau, soit une copie du jugement entrepris (piĂšce 1) et des avis de doctrine (piĂšces 2 Ă 5). L'appel Ă©tait accompagnĂ© d'une requĂȘte d'effet suspensif, laquelle a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e sans objet par avis du 21 fĂ©vrier 2018 de la Juge dĂ©lĂ©guĂ©e de la Cour dâappel civile. C. La Cour d'appel civile retient les faits pertinents suivants, sur la base du jugement complĂ©tĂ© par les piĂšces du dossier : 1. X........., sociĂ©tĂ© anonyme ayant pour but lâexploitation dâune menuiserie, a conclu un contrat dâentreprise avec C.V......... et B.V........., portant sur des travaux de charpente sur la parcelle n° [...] de la Commune [...] dont ceux-ci sont propriĂ©taires. 2. Le 15 novembre 2016, X......... a saisi la PrĂ©sidente du tribunal dâune requĂȘte de mesures provisionnelles et superprovisionnelles dirigĂ©e contre C.V......... et B.V........., tendant Ă lâinscription provisoire au Registre foncier dâune hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs dâun montant de 147â181 fr. 58 en capital, avec intĂ©rĂȘt Ă 5 % lâan dĂšs le 23 octobre 2016, sur la parcelle n° [...], propriĂ©tĂ© des dĂ©fendeurs. La prĂ©sidente du tribunal a fait droit Ă la requĂȘte de mesures superprovisionnelles par ordonnance du 16 novembre 2016. 3. A la suite de pourparlers transactionnels, les parties ont signĂ© une convention sur mesures provisionnelles les 5 et 9 mai 2017. Par prononcĂ© du 7 juin 2017, la prĂ©sidente du tribunal a pris acte, pour valoir ordonnance de mesures provisionnelles, de la convention sur mesures provisionnelles prĂ©citĂ©e, lâannexant au prononcĂ© pour en faire partie intĂ©grante (I), a partiellement confirmĂ© lâordonnance de mesures superprovisionnelles du 16 novembre 2016 (II), a rĂ©duit lâinscription provisoire au Registre foncier dâune hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs Ă 100â000 fr., avec intĂ©rĂȘt Ă 5 % lâan dĂšs le 23 octobre 2016 (III), a dit que lâinscription provisoire de lâhypothĂšque lĂ©gale resterait valable jusquâĂ lâĂ©chĂ©ance dâun dĂ©lai de trois mois aprĂšs droit connu sur le fond du litige (IV), a fixĂ© Ă la demanderesse un dĂ©lai prolongeable au 15 dĂ©cembre 2017 pour ouvrir action au fond (V) et a dit que le sort des frais (judiciaires, rĂ©d.) et des dĂ©pens des mesures superprovisionnelles et provisionnelles suivait le sort de la cause au fond (VI). 4. Par demande du 4 septembre 2017 adressĂ©e au tribunal, X......... a en substance conclu, sous suite de frais et dĂ©pens, au paiement par C.V......... et B.V........., solidairement entre eux, de la somme de 100â000 fr. avec intĂ©rĂȘt Ă 5 % lâan dĂšs le 23 octobre 2016 et Ă lâinscription dĂ©finitive de lâhypothĂšque lĂ©gale prĂ©citĂ©e. 5. Par courrier du 14 dĂ©cembre 2017, C.V.........et B.V......... ont conclu Ă lâirrecevabilitĂ© de la demande Ă raison de la valeur litigieuse quâils estimaient supĂ©rieure Ă 100â000 francs. X......... sâest dĂ©terminĂ©e le 15 dĂ©cembre 2017, faisant valoir que la compĂ©tence du tribunal Ă©tait selon elle donnĂ©e. C.V......... et B.V......... se sont encore dĂ©terminĂ©s le 8 janvier 2018. En droit : 1. Lâappel est recevable contre les dĂ©cisions finales de premiĂšre instance (art. 308 al. 1 let. b CPC) dans les causes dont la valeur litigieuse est supĂ©rieure Ă 10â000 fr. (art. 308 al. 2 CPC). Ecrit et motivĂ©, il doit ĂȘtre introduit dans les trente jours Ă compter de la notification de la dĂ©cision motivĂ©e ou de la notification postĂ©rieure de la motivation (art. 311 al. 1 CPC). FormĂ© en temps utile par une partie qui a un intĂ©rĂȘt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC), contre une dĂ©cision finale de premiĂšre instance rendue dans une cause patrimoniale dont la valeur litigieuse est supĂ©rieure Ă 10'000 fr., lâappel est recevable. 2. 2.1 L'appel peut ĂȘtre formĂ© pour violation du droit ou pour constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). L'autoritĂ© d'appel peut revoir l'ensemble du droit applicable, y compris les questions d'opportunitĂ© ou d'apprĂ©ciation laissĂ©es par la loi Ă la dĂ©cision du juge, et doit le cas Ă©chĂ©ant appliquer le droit d'office conformĂ©ment au principe gĂ©nĂ©ral de l'art. 57 CPC (Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procĂ©dure civile, JdT 2010 III 115, spĂ©c. p. 134). Elle peut revoir librement l'apprĂ©ciation des faits sur la base des preuves administrĂ©es en premiĂšre instance (Tappy, op. cit., p. 135). 2.2 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et ne pouvait pas l'ĂȘtre devant la premiĂšre instance bien que la partie qui s'en prĂ©vaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). En lâespĂšce, les piĂšces produites par X......... (ci-aprĂšs : lâappelante) sont recevables, sâagissant dâune piĂšce de forme (piĂšce 1) et dâarticles de doctrine dont on peut considĂ©rer quâils ont Ă©tĂ© produits Ă lâappui de la motivation de lâappel (piĂšces 2 Ă 5). 3. 3.1 L'appelante dĂ©nonce tout d'abord une violation des rĂšgles procĂ©durales dans le processus ayant conduit au jugement dont est appel. Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir exposĂ© quelle suite ils entendaient donner aux courriers de C.V......... et B.V......... (ci-aprĂšs : les intimĂ©s), de ne pas avoir annoncĂ© qu'ils allaient rendre une dĂ©cision, dâavoir suivi intĂ©gralement la position des intimĂ©s et dâavoir dĂ©clarĂ© irrecevable la demande dĂ©posĂ©e le 4 septembre 2018 (recte : 2017). Lâappelante soutient que le mode de procĂ©der des premiers juges constituerait une violation crasse des rĂšgles du CPC, dĂšs lors qu'il lâaurait matĂ©riellement privĂ©e de la quasi-intĂ©gralitĂ© des Ă©tapes procĂ©durales prĂ©vues par la loi. En particulier, lâappelante nâaurait pas acceptĂ© quâil soit renoncĂ© aux dĂ©bats principaux ni nâaurait consenti Ă ce que les plaidoiries orales soient remplacĂ©es par des plaidoiries Ă©crites. ConcrĂštement, l'appelante affirme quâelle nâavait aucun moyen de savoir qu'un jugement serait immĂ©diatement rendu sur la base du dossier en son Ă©tat et que l'occasion de se dĂ©terminer formellement sur les arguments et conclusions des intimĂ©s ne lui aurait pas Ă©tĂ© donnĂ©e. Il en rĂ©sulterait une violation caractĂ©risĂ©e des rĂšgles procĂ©durales et des droits constitutionnels qui les sous-tendent, qui ne pourrait pas ĂȘtre rĂ©parĂ©e au stade de lâappel. 3.2 Compris comme l'un des aspects de la notion gĂ©nĂ©rale de procĂšs Ă©quitable au sens des art. 29 Cst. (Constitution fĂ©dĂ©rale de la ConfĂ©dĂ©ration suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) et 6 CEDH (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertĂ©s fondamentales du 4 novembre 1950 ; RS 0.101), le droit d'ĂȘtre entendu garantit notamment au justiciable le droit de sâexpliquer avant quâune dĂ©cision soit prise Ă son dĂ©triment, dâobtenir et de participer Ă lâadministration des preuves pertinentes et valablement offertes et de se dĂ©terminer sur son rĂ©sultat, dâavoir accĂšs au dossier et de prendre connaissance de toute piĂšce du dossier ainsi que de toute argumentation prĂ©sentĂ©e au tribunal et de se dĂ©terminer Ă son propos, dans la mesure oĂč il lâestime nĂ©cessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux Ă©lĂ©ments de fait ou de droit (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; ATF 139 II 489 consid. 3.3 ; ATF 139 I 189 consid. 3.2 ; ATF 138 I 484 consid. 2.1 ; TF 5A.925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.1, non publiĂ© Ă lâATF 142 III 195 ; TF 5A.741/2016 du 6 dĂ©cembre 2016 consid. 3.1.1). Le droit d'ĂȘtre entendu n'implique toutefois pas le droit de se faire interpeller par l'autoritĂ©, avant que la dĂ©cision soit prise, Ă propos des faits ou de la motivation juridique que celle-ci envisage de retenir (TF 5D.13/2017 du 4 dĂ©cembre 2017 consid. 4.2). 3.3 En lâespĂšce, la violation du droit d'ĂȘtre entendu de lâappelante nâest pas rĂ©alisĂ©e, dĂšs lors que celle-ci a eu l'occasion de se dĂ©terminer sur la question incidente â dĂ»ment soulevĂ©e par les intimĂ©s dans leur courrier du 14 dĂ©cembre 2017 â liĂ©e Ă la recevabilitĂ© de l'action sous l'angle de la valeur litigieuse. Elle indique dâailleurs elle-mĂȘme dans son appel qu'elle a sommairement exposĂ©, par courrier du 15 dĂ©cembre 2017, pour quelles raisons le grief des intimĂ©s ne lui paraissait pas fondĂ©. Les magistrats n'avaient pas Ă exposer quelle suite ils entendaient donner aux courriers des intimĂ©s, ni Ă annoncer qu'ils allaient rendre une dĂ©cision. Il ne s'agit en effet pas d'une Ă©tape imposĂ©e par l'art. 60 CPC, aux termes duquel le tribunal examine dâoffice si les conditions de recevabilitĂ© sont remplies. A supposer mĂȘme qu'il y ait eu violation du droit d'ĂȘtre entendue de l'appelante qui n'aurait pas pu s'exprimer Ă sa guise sur l'exception d'irrecevabilitĂ©, ce vice aurait pu ĂȘtre rĂ©parĂ© devant l'autoritĂ© de cĂ©ans, compte tenu du plein pouvoir d'examen de l'autoritĂ© dâappel (cf. supra consid. 2.1). L'appelante s'est d'ailleurs largement exprimĂ©e sur le sujet dans le cadre de son appel en plaidant la recevabilitĂ© de sa demande du 4 septembre 2017 sous l'angle de la valeur litigieuse (cf. infra consid. 4.1). 4. 4.1 Lâappelante soutient ensuite que ce serait Ă tort que les premiers juges ont retenu que la valeur litigieuse sâĂ©levait Ă 200'000 fr., en additionnant la conclusion en paiement de 100'000 fr. Ă la conclusion tendant Ă lâinscription dĂ©finitive dâune hypothĂšque lĂ©gale Ă concurrence dâun montant identique. Selon lâappelante, la question nâaurait pas encore Ă©tĂ© soumise Ă la Cour de cĂ©ans ou au Tribunal fĂ©dĂ©ral sous lâangle du CPC. Elle reproche aux premiers juges de sâĂȘtre appuyĂ©s sur lâarrĂȘt TF 4D.30/2009 du 1er juillet 2009 quâelle qualifie dâisolĂ©. Cet arrĂȘt se trouverait en contradiction claire avec d'autres arrĂȘts du Tribunal fĂ©dĂ©ral, notamment des arrĂȘts publiĂ©s plus anciens, comme l'ATF 106 II 22, ainsi qu'avec au moins un arrĂȘt non publiĂ© ultĂ©rieur, soit l'arrĂȘt TF 4A.183/2011 du 16 juin 2011. A lâappui de son argumentation, l'appelante cite Donzallaz, qui aurait approuvĂ© ces jurisprudences antĂ©rieures, en posant pour rĂšgle gĂ©nĂ©rale que la valeur du gage ne doit pas ĂȘtre additionnĂ©e Ă celle de la crĂ©ance qu'il garantit. Schumacher, sur lâopinion duquel lâarrĂȘt TF 4D.30/2009 sâappuyait, aurait modifiĂ© sa position pour considĂ©rer que lâhypothĂšque lĂ©gale ne devait pas participer Ă la dĂ©termination de la valeur litigieuse, se rĂ©fĂ©rant essentiellement au caractĂšre accessoire de la prĂ©tention en inscription de lâhypothĂšque lĂ©gale. Lâappelante se rĂ©fĂšre Ă©galement Ă lâopinion de Stein-Wigger, pour qui le gage ne serait que lâaccessoire de la prĂ©tention en paiement et ne serait ainsi pas indĂ©pendant de celle-ci. L'appelante insiste sur le caractĂšre artificiel d'une addition des prĂ©tentions, qui serait particuliĂšrement manifeste lorsque les deux actions sont dirigĂ©es contre les mĂȘmes dĂ©fendeurs, dĂšs lors qu'il est bien question de rĂ©clamer le paiement d'un seul montant auprĂšs d'une seule entitĂ© juridique. Selon lâappelante, serait dĂ©terminant le caractĂšre accessoire de la prĂ©tention en constitution de gage. 4.2 4.2.1 Aux termes de lâart. 91 al. 1 CPC, la valeur du litige est dĂ©terminĂ©e par les conclusions. Dans lâarrĂȘt TF 4D.30/2009 du 1er juillet 2009 rendu dans une composion Ă cinq juges, auquel se sont rĂ©fĂ©rĂ©s les premiers juges, le Tribunal fĂ©dĂ©ral a considĂ©rĂ© dans le consid. 1.1 non publiĂ© Ă lâATF 135 I 221 que dans le cadre d'une affaire pĂ©cuniaire relative Ă un contrat d'entreprise et Ă l'inscription dĂ©finitive d'une hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs, la valeur litigieuse devait ĂȘtre calculĂ©e en additionnant les conclusions affĂ©rentes Ă chacun de ces deux objets (art. 52 LTF [loi sur le Tribunal fĂ©dĂ©ral du 17 juin 2005 ; RS 173.110] ; Schumacher, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 3e Ă©d. 2008, p. 559 n. 1521). En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fĂ©dĂ©ral, l'action en inscription dĂ©finitive de l'hypothĂšque lĂ©gale peut ĂȘtre ouverte indĂ©pendamment d'une action en paiement de la crĂ©ance de l'entrepreneur qui se prĂ©vaut de l'hypothĂšque lĂ©gale. L'entrepreneur ou l'artisan n'a pas Ă agir simultanĂ©ment en paiement pour ĂȘtre lĂ©gitimĂ© Ă obtenir l'inscription dĂ©finitive de son droit de gage, l'action en inscription dĂ©finitive d'une hypothĂšque lĂ©gale Ă©tant indĂ©pendante de l'action en paiement du prix de l'ouvrage. Il peut toutefois le faire, le jugement condamnant le dĂ©biteur Ă payer une somme dĂ©terminĂ©e valant titre de mainlevĂ©e au sens de l'art. 80 al. 1 LP (loi fĂ©dĂ©rale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 ; RS 281.1). Si seule l'action en inscription est intentĂ©e, le juge examine la crĂ©ance personnelle de l'artisan ou de l'entrepreneur (Schuldsumme), mais uniquement Ă titre prĂ©judiciel et Ă seule fin de dĂ©terminer la somme garantie par gage, notamment lorsque l'action oppose un entrepreneur sous-traitant au propriĂ©taire de l'immeuble objet de la garantie (TF 5A.282/2016 du 17 janvier 2017 consid. 3.2.2 et les rĂ©f. citĂ©es). 4.2.2 FrĂ©sard (Commentaire de la LTF, 2e Ă©d., 2014, n. 6 ad art. 52 LTF) a approuvĂ© la position du Tribunal fĂ©dĂ©ral dans lâarrĂȘt TF 4D.30/2009, en parlant de cumul objectif dâactions et donc d'addition des valeurs litigieuses lorsque le procĂšs porte Ă la fois sur l'exĂ©cution du contrat d'entreprise et sur l'inscription dĂ©finitive d'une hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs. Il en va de mĂȘme de Bohnet (L'hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs en procĂ©dure civile suisse, in Le nouveau droit de l'hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs, 2012, n. 123, p. 89). Pittet (HypothĂšque lĂ©gale des artisans et des entrepreneurs et recours au Tribunal fĂ©dĂ©ral, note infrapaginale 12, p. 8) relĂšve que si lâon trouve dans la jurisprudence du Tribunal fĂ©dĂ©ral des arrĂȘts adoptant une solution contraire, rendus tant sous l'empire de I'OJ (loi fĂ©dĂ©rale dâorganisation judiciaire du 16 dĂ©cembre 1943, aujourdâhui abrogĂ©e) que sous l'empire de la LTF, ces arrĂȘts renvoient Ă lâATF 106 II 22 ; or cet arrĂȘt concernait un cas oĂč l'entrepreneur s'Ă©tait limitĂ© Ă introduire l'action en inscription dĂ©finitive d'une hypothĂšque lĂ©gale, sans cumul avec l'action en paiement de la crĂ©ance, et les dĂ©fendeurs Ă ces deux actions Ă©taient distincts, si bien quâil est manifestement erronĂ© de raisonner par analogie avec les considĂ©rants de cette dĂ©cision lorsque l'action en paiement de la crĂ©ance de l'entrepreneur est cumulĂ©e avec celle en inscription dĂ©finitive de l'hypothĂšque lĂ©gale (Pittet, ibidem). Donzallaz (Commentaire de la LTF, 2008, n. 1493), citĂ© Ă l'appui de l'appel, est dâavis que la valeur du gage ne doit pas ĂȘtre additionnĂ©e Ă celle de la crĂ©ance qu'il garantit et qu'il est de jurisprudence qu'en matiĂšre de droit de gage immobilier, tel que l'hypothĂšque lĂ©gale des artisans et entrepreneurs des art. 837 ss CC (Code civil suisse du 10 dĂ©cembre 1907 ; RS 210), la valeur litigieuse est Ă©gale au montant de la crĂ©ance Ă garantir, pour autant que ce montant soit infĂ©rieur Ă la valeur de l'objet mis en gage. Toutefois, cet auteur se rĂ©fĂšre aussi Ă l'ATF 106 II 22, mais comme on l'a vu plus haut, dans cet arrĂȘt il n'Ă©tait question que d'une seule action. Or Donzallaz ne discute pas de la problĂ©matique et on ne peut pas dĂ©duire de ce qu'il soutient qu'il se distancierait en dĂ©finitive de ce qui est dit par le Tribunal fĂ©dĂ©ral dans lâarrĂȘt TF 4D.30/2009 du 1er juillet 2009. Quant Ă Schumacher (Das Bauhandwerkerpfandrecht, vol. complĂ©mentaire Ă la 3e Ă©d., 2011, n. 726), il fait bien la distinction entre les actions indĂ©pendantes et les actions accessoires (« Bei objektiver KlagenhĂ€ufung dĂŒrfen die Streitwerte der eingeklagten AnsprĂŒche nur zusammengerechnet werden, wenn si unabhĂ€ngig voneinander bestehen. Keine UnabhĂ€ngigkeit besteht zwischen der Hauptforderung und den zu ihr akzessorischen Nebenforderungen »), tout comme Stein-Wigger (Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e Ă©d., 2013, n. 8 ad art. 93 CPC), qu'il cite en rĂ©fĂ©rence. Or il est de jurisprudence constante, rĂ©cemment confirmĂ©e (TF 5A.282/2016 du 17 janvier 2017, consid. 3.2.2 ; ATF 138 III 132 consid. 4 ; 126 III 467 consid. 3b/bb-dd et 4d), que s'il y a deux actions, lâune en inscription dĂ©finitive dâune hypothĂšque lĂ©gale et lâautre en paiement de la crĂ©ance Ă lâentrepreneur, celles-ci sont indĂ©pendantes l'une de l'autre. 4.3 En lâespĂšce, câest Ă raison que les premiers juges se sont fondĂ©s sur lâarrĂȘt TF 4D.30/2009 du 1er juillet 2009 et ont additionnĂ© les valeurs litigieuses des conclusions en paiement et en inscription dĂ©finitive. MĂȘme si, comme relevĂ© par l'appelante, la problĂ©matique Ă©tait discutĂ©e par le Tribunal fĂ©dĂ©ral en lien avec la recevabilitĂ© du recours interjetĂ© devant lui, la position adoptĂ©e par cette autoritĂ© â statuant dans une composition Ă cinq juges â pour calculer la valeur litigieuse n'en est pas moins claire et ne souffre d'aucune interprĂ©tation. Il y a ainsi lieu de distinguer le cas oĂč seule l'action en inscription est intentĂ©e, la crĂ©ance personnelle Ă©tant alors examinĂ©e Ă titre prĂ©judiciel, de la situation dans laquelle deux actions sont intentĂ©es, soit une action en paiement et une action en inscription dĂ©finitive d'une hypothĂšque lĂ©gale, ce qui est prĂ©cisĂ©ment le cas en l'espĂšce tout comme cela Ă©tait le cas dans l'arrĂȘt TF 4D.30/2009 du 1er juillet 2009. Les arrĂȘts « divergents » citĂ©s par lâappelante ne lui sont dâaucun secours puisquâils ne portaient pas sur un cumul dâactions. Il en va de mĂȘme des avis doctrinaux auxquels elle se rĂ©fĂšre, puisquâils ne font que confirmer quâil y a lieu de distinguer les prĂ©tentions accessoires des prĂ©tentions indĂ©pendantes. Par consĂ©quent, bien que la motivation du jugement de premiĂšre instance soit relativement sommaire, elle n'en est pas moins correcte, au regard de l'analyse qui prĂ©cĂšde, ce qui ne peut que conduire au rejet de l'appel. 5. Au vu de ce qui prĂ©cĂšde, lâappel doit ĂȘtre rejetĂ© selon le mode procĂ©dural de lâart. 312 al. 1 in fine CPC et le jugement entrepris confirmĂ©. Les frais judiciaires de deuxiĂšme instance, arrĂȘtĂ©s Ă 2'000 fr. (art. 62 al. 1 et 2 TFJC [tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 ; RSV 270.11.5]), seront mis Ă la charge de lâappelante X........., qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Les intimĂ©s nâayant pas Ă©tĂ© invitĂ©s Ă se dĂ©terminer, il nây a pas lieu Ă lâallocation de dĂ©pens de deuxiĂšme instance. Par ces motifs, la Cour dâappel civile prononce : I. Lâappel est rejetĂ©. II. Le jugement est confirmĂ©. III. Les frais judiciaires de deuxiĂšme instance, arrĂȘtĂ©s Ă 2'000 fr. (deux mille francs), sont mis Ă la charge de lâappelante X.......... IV. LâarrĂȘt est exĂ©cutoire. Le prĂ©sident : La greffiĂšre : Du Le prĂ©sent arrĂȘt, dont la rĂ©daction a Ă©tĂ© approuvĂ©e Ă huis clos, est notifiĂ© Ă : â Me Filippo Ryter (pour X.........), â Me Denis Bettems (pour C.V......... et B.V.........), et communiquĂ©, par l'envoi de photocopies, Ă : â Mme la PrĂ©sidente du Tribunal civil de lâarrondissement de lâEst vaudois. La Cour dâappel civile considĂšre que la valeur litigieuse est supĂ©rieure Ă 30'000 francs. Le prĂ©sent arrĂȘt peut faire l'objet d'un recours en matiĂšre civile devant le Tribunal fĂ©dĂ©ral au sens des art. 72 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fĂ©dĂ©ral â RS 173.110), le cas Ă©chĂ©ant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Dans les affaires pĂ©cuniaires, le recours en matiĂšre civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'Ă©lĂšve au moins Ă 15'000 fr. en matiĂšre de droit du travail et de droit du bail Ă loyer, Ă 30'000 fr. dans les autres cas, Ă moins que la contestation ne soulĂšve une question juridique de principe (art. 74 LTF). Ces recours doivent ĂȘtre dĂ©posĂ©s devant le Tribunal fĂ©dĂ©ral dans les trente jours qui suivent la prĂ©sente notification (art. 100 al. 1 LTF). La greffiĂšre :