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TRIBUNAL CANTONAL 536 PE22.021961-KDP CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 3 juillet 2023 .................. Composition : Mme Byrde, présidente Mmes Courbat et Elkaim, juges Greffière : Mme Fritsché ***** Art. 134 al. 2 et 385 al. 1 CPP Statuant sur le recours interjeté le 22 juin 2023 par S......... contre l’ordonnance rendue le 20 juin 2023 par le Ministère public cantonal Strada dans la cause n° PE22.021961-KDP, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) Une enquête préliminaire a été ouverte par le Ministère public cantonal Strada (ci-après : Ministère public) contre S......... pour infraction grave et contravention à la LStup (loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 ; RS 812.121). Il est en substance reproché au prénommé de s’être adonné à un important trafic de cocaïne, notamment en important et en écoulant cette substance dans le canton de Vaud. b) L’intéressé a été appréhendé le 17 avril 2023. L’audition d’arrestation par le Ministère public a eu lieu le lendemain. Lors de cette audition S......... était assisté de Me Laurent Gilliard, intervenu par le biais de la permanence des avocats. A l’occasion de son audition, le prévenu a déclaré qu’il acceptait que cet avocat le défende dans le cadre de la procédure et qu’il prenait note que celui-ci serait désigné en qualité de défenseur d’office (PV aud. 6). c) Par ordonnance 19 avril 2023, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la détention provisoire de S......... (I), a fixé la durée maximale de la détention provisoire à 3 mois, soit au plus tard jusqu’au 16 juillet 2023 (II), et a dit que les frais de cette ordonnance par 375 fr. suivaient le sort de la cause. B. a) Par courrier du 21 avril 2023, S......... a demandé à changer de défenseur d’office au motif que Me Laurent Gilliard, désigné en cette qualité, ne parlait pas portugais (P. 38). Informé que la procureure n’entendait pas donner suite à sa requête (P. 39), il n’a pas demandé à ce qu’une décision formelle soit rendue. b) Par lettres des 2 et 15 juin 2023 (P. 51 et 53), S......... a réitéré sa requête au motif qu’il ne « compre[nait] rien avec cet avocat » et voulait un avocat qui parle portugais « pour pouvoir comprendre ». c) Par ordonnance du 20 juin 2023, le Ministère public a refusé de relever Me Laurent Gilliard de sa mission de défenseur d’office (I) et a dit que les frais de cette décision suivaient le sort de la cause (II). La procureure a considéré que le motif invoqué S......... n’était pas pertinent, que la relation de confiance ne paraissait pas gravement perturbée ni la défense rendue inefficace. En effet, dans la mesure où les contacts entre le prévenu et son défenseur avaient lieu avec le concours d’un interprète agréé, la mécompréhension ne saurait être mise sur le compte de la langue. Le recours à un interprète était au demeurant courant en procédure et ne prétéritait objectivement en rien la défense d’une personne prévenue. Elle a précisé que, même si le prévenu ne s’en plaignait pas, rien n’indiquait que le mandat de défenseur d’office n’était pas exercé avec toute la diligence requise. C. Le 22 juin 2023, S........., agissant seul, a recouru contre cette ordonnance. Son acte est rédigé en portugais et il est signé. Il est accompagné d’une traduction en français non signée, dont la teneur est la suivante : « Bonjour, Je veux changer d’avocat je suis détenu depuis deux mois et je ne fais pas confiance à mon avocat, il ne m’explique rien et je suis détenu sans rien savoir. Je crois que j’ai le droit à un autre avocat auquel je pourrais faire confiance et qui parle la même langue que moi. Mon avocat et moi n’avons pas une bonne relation je veux donc un autre avocat s’il vous plait merci. Comme je n’ai pas de papiers d’ici personne m’entend mais j’espère que Dieu fera justice mais beaucoup de personnes qui ont les papiers souffrent et ne font pas confiance à cet avocat. Moi je n’ai pas de papiers et personne me fait confiance, j’ai besoin je répète encore une fois je ne fais pas confiance à cet avocat et on ne s’entend pas très bien mais j’ai confiance en Dieu ». Le Ministère public a transmis le dossier ainsi que l’acte du 22 juin 2023 à la Chambre de céans comme objet de sa compétence. Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures. En droit : 1. 1.1 Les décisions de la direction de la procédure en matière de révocation et de remplacement du défenseur d'office ou du conseil juridique gratuit sont susceptibles de recours selon les art. 393 ss CPP (TF 1B.388/2020 du 2 septembre 2020 consid. 1 ; CREP 23 février 2023/133 ; CREP 30 mars 2022/226 ; Harari/Jakob/Santamaria, in : Jeanneret et al. [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019 [ci-après : CR-CPP], n. 25 ad art. 134 CPP). Selon l'art. 67 CPP, la Confédération et les cantons déterminent les langues dans lesquelles leurs autorités pénales conduisent les procédures (al. 1) ; les autorités pénales cantonales accomplissent tous les actes de procédure dans ces langues, la direction de la procédure pouvant autoriser des dérogations (al. 2). La jurisprudence déduit de ces dispositions que les actes des parties doivent être rédigés dans la langue officielle du canton (ATF 143 IV 117 consid. 2.1). A défaut, un délai doit être accordé pour produire, sous peine d’irrecevabilité, une traduction dans la langue officielle (ATF 143 IV 117 précité ; TF 6B.1281/2016 du 4 août 2017 consid. 8.1.2 ; CREP du 22 juin 2020/479 consid. 1.3 ; CREP 28 février 2018/145 consid. 1.1). Dans le canton de Vaud, la langue de la procédure est le français (art. 16 LVCPP). 1.2 Aux termes de l'art. 385 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0, le mémoire de recours motivé doit précisément indiquer les points de la décision qui sont attaqués (al. 1 let. a), les motifs qui commandent une autre décision (al. 1 let. b) et les moyens de preuve qui sont invoqués (al. 1 let. c). 1.3 En l’espèce, le recours a été interjeté par le prévenu qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP). Déposé dans le délai légal (art. 396 al. 1 CPP), il a été transmis d’office à l’autorité pénale compétente (art. 91 al. 4 CPP). On peut se demander si le recours satisfait aux exigences de l’art. 385 al. 1 CPP, faute de motivation s’en prenant aux arguments développés par le Ministère public dans l’ordonnance attaquée. En effet, le recourant n’expose pas en quoi selon lui ces motifs seraient erronés, en particulier il n’indique pas quels éléments démontreraient que son avocat n’exécute pas le mandat avec toute la diligence requise. Cette question peut cependant rester indécise, dès lors que, supposé recevable, le recours devrait de toute manière être rejeté. 2. 2.1 Le recourant se plaint du fait que son avocat ne s’exprime pas en portugais et fait valoir qu’il a le droit de pouvoir bénéficier d’un défenseur parlant la même langue que lui. Il allègue par ailleurs qu’il n’a pas confiance en cet avocat. 2.2 2.2.1 L'art. 133 al. 2 CPP impose à la direction de la procédure, lors de la nomination du défenseur d’office, de tenir compte, dans la mesure du possible, des souhaits du prévenu. Ce droit de proposition (qui découle également de la CEDH) ne peut être invoqué qu'une fois, en principe au début de la procédure (TF 1B.44/2019 du 30 janvier 2019 consid. 2.2 ; TF 1B.103/2017 du 27 avril 2017 consid. 2.2). Aux termes de l'art. 134 al. 2 CPP, si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne. L’art. 134 al. 2 CPP permet de tenir compte d'une détérioration objective du rapport de confiance entre le prévenu et son défenseur sans lien avec une violation des règles professionnelles. Il faut cependant que l'atteinte au lien de confiance soit corroborée par des éléments tangibles et objectifs qui laissent apparaître que la poursuite du mandat d'office n'est clairement plus justifiée ou ne peut raisonnablement être imposée (ATF 138 IV 161 consid. 2.4, JdT 2013 IV 75 ; TF 6B.1067/2021 du 11 avril 2022 consid. 1.3 et les réf. cit.). Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance en son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 ; TF 6B.35/2022 du 24 novembre 2022 consid. 4.2 et les références citées ; TF 1B.166/2020 précité consid. 3.1.2). Selon l’art. 12 LLCA (loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 ; RS 935.61), l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence (let. a), ainsi qu’en toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité (let. b). Pour s’acquitter pleinement de sa mission, l’avocat doit informer son client sur les risques de la procédure (ATF 138 IV 161 précité consid. 2.5.4 et les références) et le conseiller en conséquence. Pour que le prévenu ait droit à un changement de défenseur d’office, il ne suffit dès lors pas que le défenseur actuel, lors d’un entretien entre avocat et client, ait recommandé une stratégie qui déplaît au prévenu. Pour qu’une divergence de vues sur la meilleure stratégie à suivre justifie un changement de défenseur d’office, il faut que cette divergence ait un effet dommageable sur l’engagement et sur l’efficacité du défenseur en procédure ou qu’elle entrave sérieusement la nécessaire collaboration du client et de l’avocat pour la préparation de la défense. Pour que le prévenu soit fondé à demander un changement de défenseur d’office, il ne suffit pas non plus que l’avocat refuse d’accomplir un acte de procédure réclamé par le client, si cet acte est inutile (ATF 138 IV 161 précité consid. 2.4 et la référence citée) ou s’il n’entre pas dans le mandat confié à l’avocat (TF 1B.115/2021 du 3 mai 2021 consid. 3.1 et les réf.). Il appartient au prévenu qui demande le remplacement de son défenseur d’office de rendre vraisemblable les motifs sur lesquels il fonde sa demande (CREP 14 septembre 2022/697 consid. 2.2 ; CREP 5 septembre 2019/649 consid. 2.2 ; CREP 15 août 2018/618 consid. 2.2). 2.2.2 L’art. 68 CPP prévoit que la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu’une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue de la procédure ou n’est pas en mesure de s’exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1, 1ère phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu’il comprend, même si celui-ci est assisté d’un défenseur. Nul ne peut se prévaloir d’un droit à la traduction intégrale de tous les actes de procédure et des pièces du dossier (al. 2). Le droit à l’assistance d’un interprète est aussi admis pour les relations entre le prévenu et son défenseur, soit dans les cas visés par l’art. 159 al. 2 CPP des entretiens nécessaires pour la préparation de la défense du prévenu (cf. not. Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire CPP, 2e éd., Bâle 2016, n. 13 ad art. 68 et les réf. citées). 2.3 En l’espèce, le fait que Me Laurent Gilliard ne soit pas lusophone n’est pas un motif valable justifiant un remplacement du défenseur d’office. En effet, les prévenus n’ont pas un droit à avoir un défenseur d’office parlant leur langue, mais à celui de bénéficier d’un interprète qui assiste aux auditions ; le droit à l’assistance d’un interprète est aussi admis pour les contacts entre le prévenu et son défenseur, de sorte que la mécompréhension dont se plaint le recourant ne saurait être mise sur le compte de la langue. Par ailleurs, comme le relève la procureure, le recours à un interprète est courant en procédure et ne dessert objectivement pas la défense d’une personne prévenue. Enfin, S......... n’apporte pas le moindre élément objectif pour corroborer son sentiment personnel ou démontrer de manière suffisante une rupture du lien de confiance. On rappellera ici que le prévenu qui bénéficie d’un avocat d’office n’a pas un libre choix de la personne de son avocat en fonction de ses convenances personnelles. Partant, c’est à juste titre que la Procureure a refusé de relever Me Laurent Gilliard de sa mission de défenseur d’office de S.......... 3. En définitive, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, sans échange d’écritures (art. 390 al. 2 CPP) et l’ordonnance entreprise confirmée. Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure de recours, constitués du seul émolument d’arrêt (art. 422 al. 1 CPP), par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. II. L’ordonnance du 20 juin 2023 est confirmée. III. Les frais d’arrêt, par 770 fr. (sept cent septante francs), sont mis à la charge de S.......... IV. L’arrêt est exécutoire. La présidente : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - M. S........., - Me Laurent Gilliard, avocat (pour S.........), - Ministère public central, et communiqué à : ‑ Mme la Procureure cantonale Strada, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :