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ACJC/478/2017

Datum
2017-04-24
Gericht
cabl
Bereich
Schweiz

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C/17483/2015 ACJC/478/2017 du 24.04.2017 sur JTBL/197/2016 ( OBL ) , CONFIRME Recours TF déposé le 26.05.2017, rendu le 07.03.2018, CASSE, 4A.292/2017 Descripteurs : ENRICHISSEMENT ILLÉGITIME ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; CHOSE JUGÉE ; PRESCRIPTION Normes : CPC.59.2.e; En fait En droit Par ces motifs RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/17483/2015 ACJC/478/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 24 AVRIL 2017

 

Entre

A......, sise ...... (ZH), p.a. B......, ...... (ZH), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 mars 2016, comparant en personne,

et

C......, ...... (GE), intimée, comparant en personne.

 

EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/197/2016 rendu le 9 mars 2016, notifié aux parties par plis du 11 mars 2016, le Tribunal des baux et loyers a notamment condamné A...... à payer à C...... la somme de 105'863 fr. 85 plus intérêts à 5% l'an, dès le 8 février 2011 (ch. 1 du dispositif) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch.2).

b. Par acte expédié le 20 avril 2016, A...... (ci-après : A......) a formé appel de ce jugement, concluant principalement à son annulation et au déboutement de C...... de toutes ses conclusions. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit constaté que A...... ne s'est pas enrichie du montant de 105'863 fr. 85, plus intérêts à 5% l'an.

c. Dans sa réponse déposée au greffe de la Cour le 20 mai 2016, C...... a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.

d. A...... a expédié une réplique le 8 juin 2016, persistant dans ses conclusions.

e. C...... ayant renoncé à dupliquer, les parties ont été avisées, par courrier du 9 août 2016, de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les éléments suivants sont ressortis de la procédure :

a. En novembre 2002, C......, en tant que locataire, a conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une surface d'environ 1'000 m2 au rez-de-chaussée de l'immeuble situé ...... à ...... (GE). L'immeuble était alors géré par la régie D.......

b. En 2003, A...... est devenue propriétaire de l'immeuble. Le mandat de D...... a alors été limité à un suivi technique du bâtiment, à l'exclusion de l'encaissement des loyers.

c. Par courrier du 4 avril 2003, D...... a ainsi invité C......, en tant que locataire, à s'acquitter des loyers directement en main de A......, joignant à cet effet, trois bulletins de versement au nom de celle-ci.

Depuis cette époque, C...... a versé les loyers sur un compte ouvert par A...... auprès de la Banque Cantonale de Genève.

d. En octobre 2006, à la suite d'un changement de son système informatique, C...... a effectué par erreur deux versements de 85'458 fr. et 900 fr., correspondant au loyer du 4ème trimestre 2006, sur le compte de D.......

e. Par courrier du 29 novembre 2006, D...... a reconnu le caractère erroné de ces versements. Toutefois, expliquant être elle-même créancière de A...... pour un montant supérieur à celui reçu, elle a indiqué qu'elle règlerait cette situation avec sa débitrice.

f. Le 22 décembre 2006, D...... a notamment écrit ce qui suit à C...... :

"Comme nous vous l'avons indiqué, nous comprenons fort bien l'embarras de C...... puisque le montant de CHF 86'358.00 nous a été adressé par erreur, alors qu'il était destiné à A......, agissant par Madame B....... Or, cette société est débitrice envers notre Régie d'un montant de CHF 142'066.75 en capital, y compris un montant de CHF 46'959.10, au titre d'une facture de mazout payée par erreur par la Régie pour le compte de A.......

Après compensation, A...... est encore débitrice d'un montant de CHF 55'708.75 envers notre Régie, intérêts et frais réservés.

Dans ces conditions, vous comprendrez certainement que nous ne pouvons guère envisager de vous ristourner le montant de CHF 86'358.00 du seul fait des interventions intempestives de Madame B...... qui est plus prompte à se plaindre d'une erreur d'acheminement que d'assumer les obligations de A...... à l'endroit de notre Régie.

Compte tenu des montants dus, il ne peut y avoir préjudice pour C......, bien au contraire, puisque C...... créerait préjudice à notre Régie en persistant à exiger le remboursement d'une somme qui, tout bien considéré, n'est pas due à A......, mais à D.......

De ce fait, nous nous engageons à relever et garantir C...... de toutes prétentions que A......, par Madame B......, pourrait être tentée de faire valoir à son endroit concernant ce montant de CHF 86'358.-".

g. Le 5 août 2008, A...... a fait notifier à C...... un commandement de payer portant notamment sur la somme de 86'358 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2006.

h. Cet acte ayant été frappé d'opposition, A...... a requis du Tribunal de première instance la mainlevée provisoire de l'opposition.

i. Par jugement rendu par défaut le 28 septembre 2009, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée provisoire.

j. Par action en libération de dette du 11 décembre 2009, C...... a conclu à ce qu'il soit constaté qu'il ne devait pas à A...... les deux montants réclamés, la poursuite précitée devant être annulée.

k. Par jugement du 13 décembre 2010 (JTBL/1561/2010), le Tribunal des baux et loyers a rejeté cette requête et a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée à cette poursuite, à concurrence de 86'358 fr., avec intérêts à 5% l'an, dès le 1er octobre 2006.

Dans son jugement, le Tribunal a estimé que le paiement de C...... à D...... n'avait pas valablement été effectué en faveur de A......, cette dernière contestant être débitrice de D......, laquelle n'avait - au jour du jugement - par ailleurs pas cherché à recouvrer le solde de sa prétendue créance.

l. Le 20 janvier 2011, C...... a versé à l'Office des poursuites la somme de 106'372 fr. 70, correspondant à la poursuite engagée par A...... en août 2008, soldant ainsi ladite poursuite.

m. L'Office des Poursuites a reversé sur ce montant la somme de 105'863 fr. 85 à A......, le 8 février 2011.

n. Par acte déposé auprès du Tribunal de première instance le 23 décembre 2010, D...... a assigné A...... en paiement de 55'708 fr. 75 plus intérêts à 5% l'an, dès le 1er janvier 2007, en concluant notamment à ce que le Tribunal :

o. Par jugement du 5 septembre 2014 (JTPI/10824/2014), le Tribunal de première instance a notamment condamné A...... à payer à D...... la somme de 54'240 fr., avec intérêts moratoires de 5% l'an, dès le 1er juillet 2007 et a dit que le compte de A...... avait été valablement crédité de la contrevaleur des loyers versés par C...... à hauteur de 86'358 fr.

Dans ses considérants, le Tribunal de première instance a retenu que A...... était débitrice de D...... d'un montant de 165'379 fr.10, dont il convenait de déduire la somme de 111'139 fr., opposée en compensation par A......, somme incluant le montant de 86'358 fr. versé par C.......

A la suite du retrait de l'appel déposé par D......, ce jugement du Tribunal de première instance (JTPI/10824/2014) est devenu définitif courant avril 2015.

p. Dans le cadre d'une procédure parallèle opposant C...... à D...... (cause n° C/10575/2011), C...... s'est vu transmettre, par ordonnance du 21 mai 2015, une copie du jugement JTPI/10824/2014 du 5 septembre 2014.

q. Par requête déposée le 24 août 2015, C...... a déposé une action en paiement contre A......, donnant lieu à l'ouverture de la précédente cause. Considérant que cette dernière s'était enrichie de manière illégitime puisqu'elle avait perçu deux fois le montant du loyer du 4ème trimestre 2006, la demande tendait à ce que A...... soit condamnée à lui verser la somme de 105'863 fr. 85, avec intérêts à 5% l'an dès le 8 février 2011.

Dans sa réponse du 27 novembre 2015, A...... a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement, à son rejet.

r. Par jugement du 9 mars 2016, que l'appelante a reçu le 14 mars, le Tribunal des baux et loyers a fait droit aux prétentions de C...... à l'encontre de A....... Les premiers juges ont considéré, en bref, que la requête déposée par C...... ne se heurtait pas au principe de l'autorité de la chose jugée, dans la mesure où, depuis le jugement JTBL/1561/2010 rendu le 13 décembre 2010, un fait nouveau était intervenu consistant dans le jugement JTPI/10824/2014 du 5 septembre 2014 par lequel le Tribunal de première instance avait notamment retenu que le compte de A...... avait valablement été crédité de la contre-valeur des loyers versés à D...... par C...... à hauteur de 86'358 fr. L'action intentée par C...... n'était pas prescrite, au regard de l'art. 67 al. 1 CO, celui-ci n'ayant eu connaissance qu'en mai 2015 du fait que D...... était bien créancière de A....... En outre, les conditions des art. 62 ss CO étaient remplies, C...... étant appauvri du montant des loyers du 4ème trimestre 2006, versé deux fois, et A...... étant de son côté enrichie du montant correspondant.

EN DROIT

  1. 1.1

1.1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

1.1.2 En l'espèce, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., compte tenu des conclusions prises devant le Tribunal des baux et loyers.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d'appel. Les délais légaux ne courent pas du septième jour avant Pâques au septième jour qui suit Pâques inclus (art. 145 al. 1 let. a CPC).

Le dimanche de Pâques correspondant au 27 mars 2016, le délai d'appel est demeuré suspendu du 20 mars au 3 avril 2016. Remis à un office de poste le 20 avril 2016, l'appel a dès lors été formé en temps utile. Il respecte également la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC) et est ainsi recevable.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

  1. 2.1 L'appelante se plaint d'une contradiction entre le jugement attaqué et le jugement JTBL/1561/2010 rendu le 13 décembre 2010. Elle fait valoir qu'avec ce dernier jugement, le Tribunal a reconnu que l'intimé devait lui verser la somme de 86'358 fr., correspondant au loyer du 4ème trimestre 2006. La prétention litigieuse opposant les mêmes parties et ayant le même objet, cela aurait dû conduire le Tribunal à constater l'irrecevabilité de la demande déposée par l'intimé, en application du principe "ne bis in idem".

2.2 Lorsque le litige a fait l'objet d'un jugement entré en force, le Tribunal refuse d'entrer en matière (art. 59 al. 2 let. e CPC).

En vertu du principe de l'autorité de la chose jugée, il est interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée. Il y a identité d'objet quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au Tribunal la même prétention en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3; 136 III 123 consid. 4.3.1). L'identité de l'objet s'entend au sens matériel ; il n'est cependant pas nécessaire, ni même déterminant, que les conclusions soient formulées de manière identique. L'identité de l'objet s'étend en outre à tous les faits qui font partie du complexe de faits, y compris les faits dont le juge n'a pas pu tenir compte parce qu'ils n'ont pas été allégués, qu'ils ne l'ont pas été selon les formes et à temps ou qu'ils n'ont pas été suffisamment motivés. L'autorité de la chose jugée ne s'attache en principe ni à la constatation des faits, ni aux motifs du jugement, mais au seul dispositif de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 4A.352/2014 du 9 février 2015 consid. 3.1). Toutefois, pour connaître le sens exact et la portée précise du dispositif de la décision, il faut souvent en examiner les motifs qui permettent de savoir quel a été l'objet de la demande et ce sur quoi le juge s'est réellement prononcé (ATF 116 II 738 consid. 2a). En effet, lorsque le demandeur a réclamé une somme d'argent, il ne résulte pas du dispositif quelle prétention matérielle il a fait valoir. L'objet de la nouvelle demande est délimité par les conclusions et par le complexe de faits invoqué à l'appui de celle-ci. La cause juridique n'est pas déterminante, le juge appliquant le droit d'office (art. 57 CPC). Lorsque le demandeur réclame une somme d'argent, il faut se reporter au motif de la demande. L'identité entre la prétention tranchée dans la précédente décision et la prétention réclamée par la nouvelle demande, qui fonde l'exception de l'autorité de la chose jugée, ne doit pas s'entendre d'un point de vue grammatical, mais matériel (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3; 123 III 16 consid. 2a).

Même si les conclusions sont identiques, il n'y a pas identité d'objets, faute de causes semblables, lorsque celles-là ne reposent pas sur les mêmes faits et les mêmes motifs juridiques. Ainsi, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée à une demande qui se fonde sur une modification des circonstances, survenue après le prononcé d'un jugement, ou plutôt après la date jusqu'à laquelle l'objet du litige était modifiable, qui altère la cause de la demande initiale (BOHNET, Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 127 ad. art. 59 CPC).

2.3 En l'espèce, il est incontestable que le jugement du 13 décembre 2010 invoqué par l'appelante (JTBL/1561/2010) concerne les mêmes parties et porte sur le même complexe de faits que le jugement litigieux dans la présente cause.

Les autres conditions fixées par l'art. 59 al. 2 let. e CPC ne sont toutefois pas remplies. En effet, le complexe de faits à la base du jugement du 13 décembre 2010 n'est pas identique puisque, depuis lors, l'intimé a payé (en janvier 2011) une seconde fois le loyer du 4ème trimestre 2006 et que le Tribunal de première instance a reconnu, dans son jugement du 5 septembre 2014 (JTPI/10'824/2014) entré en force, que D...... avait valablement compensé le loyer perçu à tort avec une créance fondée envers l'appelante. Ainsi, le Tribunal de première instance a admis, par le biais d'une décision définitive et postérieure au jugement du Tribunal des baux et loyers du 13 décembre 2010, que le compte de l'appelante vis-à-vis de D...... avait valablement été crédité de la contre-valeur des loyers versés par l'intimé à hauteur de 86'358 fr.

Or, dans le jugement JTBL/1561/2010 invoqué par l'appelante, les juges avaient considéré que le paiement erroné de l'intimé à D...... n'avait pas valablement été effectué en faveur de l'appelante, puisque cette dernière contestait être débitrice de D....... Par ailleurs, le jour où ce même jugement a été rendu, celle-ci n'avait pas cherché à recouvrer le solde de sa prétendue créance et ne s'était, à fortiori, pas fait reconnaître créancière de l'appelante, compte tenu y compris du montant de 86'358 fr. versé par erreur par l'intimé.

En définitive, et même si elle concerne les mêmes parties et la même prétention, la demande en paiement déposée par l'intimé repose sur un complexe de faits différent, ce qui justifie d'écarter l'objection découlant de l'art. 59 al. 2 let. e CPC.

  1. 3.1 L'appelante conteste que les conditions d'une restitution de l'indu soient réalisées en espèce. Selon elle, l'intimé n'a pas effectué par erreur son paiement en faveur de A......, par l'intermédiaire de l'Office des poursuites. Dans la mesure où c'est D...... qui a reçu un versement par erreur, c'est contre cette dernière que l'intimé aurait dû agir. Par ailleurs, l'appelante soutient ne pas avoir été enrichie par le versement opéré en janvier 2011 par l'intimé, puisqu'il correspond au loyer du 4ème trimestre 2006, qui lui était dû.

3.2 Au terme de l'art. 62 al. 1 et 2 CO, celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui est tenu à restitution. La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas réalisée ou d'une cause qui a cessé d'exister.

Il est question d'enrichissement illégitime lorsqu'une personne bénéficie sans motif d'une augmentation de son patrimoine aux dépens d'autrui. Le principe de la restitution de l'indu est exprimé à l'art. 62 CO, qui exige la réalisation de quatre conditions : l'enrichissement d'une partie, l'appauvrissement d'une autre, une absence de cause à l'enrichissement et un lien de connexité entre l'enrichissement et l'appauvrissement.

L'art. 63 CO exprime une règle spéciale, s'appliquant au cas où l'enrichissement résulte d'une prestation faite volontairement mais à tort par l'appauvri.

Selon la jurisprudence (ATF 123 III 101 consid. 3a et 129 III 646 consid. 3.2), est considéré comme payé volontairement un montant versé autrement que sous la contrainte résultant de l'exécution forcée, d'un état de nécessité ou d'une grave menace.

Dans un arrêt du 23 décembre 1993 (SJ 1994, p. 269), le Tribunal fédéral a rappelé que le but de l'institution de l'enrichissement illégitime était de corriger les effets du paiement lorsque la situation juridique qui en découle n'est pas conforme à la justice matérielle, les considérations d'équité jouant dans ce domaine un rôle déterminant. Ainsi, les juges fédéraux ont estimé que la restitution à la demanderesse de ce qu'elle avait payé au défendeur répondait aux exigences de l'équité et de la raison pratique; le but de l'action pour cause d'enrichissement illégitime était alors atteint. Les art. 62 et 63 al. 1 CO donnent une énumération exemplative, non-exhaustive, de certaines sortes d'actions en enrichissement illégitime, de sorte que ces dispositions ne peuvent pas être comprises comme un système fermé (PETITPIERRE, Commentaire Romand, Code des obligations I, n° 2 ad. art. 63). L'attribution volontaire visée par l'art. 63 al. 1 CO n'est pas réalisée, selon le Tribunal fédéral, dès que l'on est en présence d'une situation de contrainte véritable. Tel est le cas, en particulier, de l'attribution effectuée sous la pression d'une poursuite, ainsi que de l'attribution constituant pour l'attribuant le seul moyen raisonnable d'échapper aux inconvénients excessifs qu'il aurait dû assumer s'il n'avait pas effectué l'attribution (PETITPIERRE, op. cit., n° 6 ad. art. 63 et ATF 123 III 103 consid. 3b traduit au JT 1997 I 586).

3.3 En l'occurrence, l'intimé a versé deux fois les loyers du 4ème trimestre 2006, une première fois par erreur en octobre 2006 à D...... et une seconde fois en janvier 2011 à l'Office des poursuites, dans le cadre de la poursuite engagée contre lui par l'appelante. Par jugement JTPI/10824/2014 du 5 septembre 2014, le Tribunal de première instance a tenu compte du versement opéré par l'intimé dans le cadre du décompte établi par D...... à l'égard de l'appelante. Dans la mesure où les dettes de l'appelante vis-à-vis de D...... ont été réduites d'un montant équivalent au versement effectué par erreur par l'intimé en octobre 2006, le patrimoine de l'appelante a alors été crédité de ce même montant.

Le versement effectué en janvier 2011 par l'intimé auprès de l'Office des poursuites l'a été après réception du jugement JTBL/1561/2010, du 13 décembre 2010, par lequel le Tribunal des baux et loyers a notamment prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée à la poursuite engagée par l'appelante. A l'époque, ce jugement était justifié par le fait que la qualité de créancière de D......, à l'encontre de l'appelante, était contestée par cette dernière et n'avait pas encore été établie par décision judiciaire. Cette qualité ayant été reconnue par jugement du 5 septembre 2014, l'appelante s'est trouvée enrichie du montant opéré en janvier 2011, par l'intermédiaire de l'Office des poursuites. En effet, sur la base d'une même cause (paiement des loyers du 4ème trimestre 2006), le patrimoine de l'appelante a été crédité à deux reprises. Les autres conditions de l'art. 62 CO sont pour le surplus réalisées, étant précisé qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une attribution volontaire en faveur de l'appelante, de sorte que l'on sort du champ d'application de l'art. 63 al. 1 CO. L'intimé s'est par ailleurs appauvri du même montant, en relation immédiate avec l'enrichissement de l'appelante, et ceci sans cause légitime.

  1. 4.1 L'appelante soutient ensuite que la créance de l'intimé serait prescrite. Elle fait valoir que, selon l'art. 86 al. 1 LP, le délai pour déposer une action en répétition de l'indu serait d'une année à compter du jugement prononçant la mainlevée. Le jugement de mainlevée ayant été prononcé le 13 décembre 2010, la demande déposée le 24 août 2015 serait tardive. Sous l'angle des art. 62 ss CO, la créance de l'intimé serait, d'après l'appelante, également prescrite, dès lors que celui-ci savait, dès la fin 2010, qu'il avait payé deux fois le loyer du 4ème trimestre 2006 et qu'il n'a pas agi dans un délai d'un an, comme le prévoit l'art. 67 CO.

4.2 Dans le jugement attaqué, le Tribunal a déjà relevé que la Cour de justice a retenu dans sa jurisprudence (ACJC/823/2004) que le débiteur poursuivi, qui s'était libéré auprès du créancier en raison de la poursuite intentée à son encontre, pouvait, même si le délai de l'art. 86 LP était échu, intenter une action en restitution de l'enrichissement illégitime sur la base des art. 62 ss CO, en se fondant sur le délai de prescription de l'art. 67 CO.

En l'espèce, les premiers juges ont constaté que le délai d'une année prévu par l'art. 86 al. 1 LP était échu, ce qui n'est pas contesté par l'intimé.

En revanche, l'art. 67 al. 1 CO prévoit que l'action fondée sur l'enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit.

En l'occurrence, l'intimé a eu connaissance de son droit à la répétition de l'indu lorsqu'il a pris connaissance du jugement du Tribunal de première instance du 5 septembre 2014 rendu dans la cause opposant l'appelante à D....... C'est en effet à la lecture de ce jugement au complet que l'intimé a pu constater que le patrimoine de l'appelante avait bel et bien été crédité, dans le cadre des comptes passés avec D......, du montant correspondant au versement effectué par erreur en octobre 2006.

Déposée le 24 août 2015, la demande de l'intimé n'est dès lors pas prescrite, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges.

  1. 5.1 A titre subsidiaire, l'appelante soutient ne pas avoir été enrichie à hauteur de 105'863 fr. 85, plus intérêts à 5% l'an, dès le 8 février 2011. Selon elle, seuls 86'358 fr. auraient été reçus à double.

5.2 En percevant, de l'Office des poursuites, la somme de 105'863 fr. 85, en date du 8 février 2011, l'appelante s'est enrichie d'un montant correspondant aux loyers du 4ème trimestre 2006, ainsi que des intérêts et frais liés. Cette somme ayant été versée indûment, comme cela découle des considérants qui précèdent, elle doit être restituée à l'intimé.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué sera confirmé.

  1. La valeur litigieuse dépasse le seuil de 15'000 fr. prévu par l'art. 74 al. 1 let.d LTF, de sorte que la voie du recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral est ouverte.

  2. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).


PAR CES MOTIFS, La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 avril 2016 par A...... contre le jugement JTBL/197/2016 rendu le 9 mars 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/17483/2015-5.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ, Monsieur Alain MAUNOIR, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.