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N° affaire:
PS.2003.0199
Autorité:, Date décision:
TA, 03.06.2004
Juge:
FA
Greffier:
Publication (revue juridique):
Ref. TF:
Nom des parties contenant:
c/Centre social intercommunal de Montreux
DEVOIR DE COLLABORER ASSISTANCE PUBLIQUE CONSTATATION DES FAITS
Cst-12LPAS-23
Résumé contenant:
Recours admis. Le défaut de collaboration du recourant ne permet pas de déduire qu'il n'a pas établi son besoin d'aide. Le CSI doit tenir compte des revenus de la fille mineure du recourant, orpheline de mère, qui vit avec le recourant.
CANTON DE VAUD
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
Arrêt du 3 juin 2004
sur le recours interjeté par A. X........., à Z........., représenté par l'avocat Jean-Pierre Bloch, à Lausanne
contre
la décision rendue le 2 octobre 2003 par le Centre social intercommunal de Montreux (ci-après : CSI), (refus d'aide sociale),
Composition de la section: Mme Aleksandra Favrod, président; M. Charles-Henri Delisle et M. Jean-Pierre Tabin, assesseurs.
Vu les faits suivants:
A. A. X........., né le 30 octobre 1959, veuf et ressortissant congolais au bénéfice d'un permis d'établissement, s'est adressé le 16 avril 2003 au Centre social intercommunal de Montreux, sollicitant d'être mis au bénéfice de l'aide sociale.
Par décision du 6 mai 2003, sa demande a été acceptée avec effet au 1er avril 2003. Cette décision retient que le requérant n'a aucune personne à charge et que son revenu mensuel s'élève à 1'127 fr. Elle mentionne une retenue pour sanction de 251 fr. 50 qui correspond à une diminution de 15 % de son forfait I et à la suppression du forfait II. Cette sanction est liée au fait, selon décision du 12 mai 2003, que le requérant n'a pas signalé qu'il percevait une rente de veuf lorsqu’il avait été précédemment au bénéfice d'aide financière par le biais du RMR et de l'aide sociale.
Du dossier constitué, il ressort que A. X......... a déposé une demande de rente de veuf le 22 mai 1997 auprès de la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise. Il a perçu une rente de veuf depuis le 1er mars 1997 qui s'est élevée en 2003 à 1'127 fr.
Il est le père de B. X........., née le 12 août 1987. Cette enfant a été placée à la maison d'accueil "1********" à la Tour-de-Peilz. Elle a achevé sa scolarité obligatoire en juillet 2003. D'une attestation établie par le Service de protection de la jeunesse le 5 août 2003, il ressort qu’elle est retournée vivre chez son père et que le paiement des cotisations d'assurance n'est plus assuré par ce service.
Le requérant a effectué des démarches auprès du Fonds de prévoyance ORIOR afin de percevoir une rente de veuf. Cette fondation lui a répondu le 31 janvier 2003 qu'il n'avait pas droit à une rente, mais au montant en capital de la prestation de libre-passage accumulée à ce jour par son épouse décédée. Cet établissement a ainsi versé le 27 mars 2003 la somme de 8'086 fr.50 sur le compte 2******** du requérant auprès de l'UBS. Le 4 avril 2003, le requérant a retiré 8'000 fr. de ce compte, soit 2'000 US$ et 5'155 CHF. Le même jour, il s'est acquitté en faveur de la Régie Prahin SA de la somme de 1'860 fr., représentant deux loyers. La fondation a également versé le montant de 8'086 fr.50 en faveur de B. X......... sur un compte épargne « Jeunes » 3********ouvert en son nom auprès de la Banque Cantonale Vaudoise. Un prélèvement de 1'000 fr. a été effectué sur ce compte le 12 juin 2003.
Par lettre du 9 mai 2003, le CSI de Montreux a demandé au requérant de lui fournir une attestation mentionnant la date à laquelle il a déposé une demande de rente de veuf et les montants qu'il a perçus de 1997 à 2002 à ce titre. Le 24 juin 2003, il lui a demandé des renseignements sur les prestations qu'il a perçues à la suite du décès de son épouse et sur les modalités du droit de visite sur sa fille. Le 8 juillet 2003, le CSI a réitéré ses requêtes. Par lettre du 25 juillet 2003, le CSI lui a demandé de faire parvenir les documents relatifs à la décision de la Caisse de la Fédération patronale vaudoise qui mentionnent le montant de la rente d'orpheline de l'année 2003, la décision des prestations complémentaires concernant sa fille, la police d'assurance maladie 2003 de celle-ci, les relevés du compte BCV 3********des trois derniers mois et enfin, le justificatif de l'UBS mentionnant à qui revient légalement l'avoir de libre-passage versé de 16'173 fr. Par lettre du 12 septembre 2003, le CSI lui a imparti un délai au 26 septembre 2003 pour adresser ces mêmes documents. Il indique que, passé cette date, il rendra une décision sur la base des documents en sa possession.
B. N'ayant pas reçu les documents requis, le CSI a notifié le 2 octobre 2003 une décision de refus d'octroi de l'aide sociale.
Par acte du 28 octobre 2003, A. X........., représenté par l'avocat Jean-Pierre Bloch, a recouru contre cette décision concluant à son annulation et au renvoi du dossier au CSI pour réexamen et attribution d'une prestation d'aide sociale. Le recourant fait valoir qu'il a produit tous les documents requis au courant du mois de juin 2003 et que dans sa lettre du 12 septembre 2003, le CSI s'est borné à lui réclamer les mêmes pièces.
Dans sa réponse du 14 novembre 2003, le CSI conclut au rejet du recours. Il fait valoir que le requérant ne lui a fait parvenir qu'un document du fonds de prévoyance ORIOR mentionnant que la prestation libre-passage avait été transférée à l'UBS, deux documents de l'UBS attestant du versement de 8'086 fr.50 sur deux comptes différents, ainsi qu'une attestation du Service de protection de la jeunesse et des relevés bancaires. En revanche, le recourant ne le lui a pas fourni les justificatifs énumérés dans la lettre du 12 septembre 2003. Il affirme que le recourant n'annonce pas spontanément les changements de situation et qu'il a perçu une rente de veuf depuis 1997, sans en informer le CSI recevant ainsi des prestations indues pour un montant de 12'021 fr.45.
Par lettre du 12 décembre 2003, le conseil du recourant fait valoir que son client fait l'objet d'un véritable "tir de barrage" de la part du CSI et il met en doute la pertinence de la production de certains documents.
Interpellé par le juge instructeur, le CSI a produit l'entier du dossier du recourant. Il affirme encore que les documents requis sont indispensables pour déterminer le droit à l'ASV, notamment les revenus de la fille du requérant et le montant du capital LPP perçu.
Le recourant n'a pas déposé d'observations complémentaires dans le délai imparti à cet effet.
Considérant en droit:
1. Déposé dans le délai de 30 jours fixé par l'art. 24 de la loi du 25 mai 1977 sur la prévoyance et l'aide scociales (ci-après : LPAS), le recours, qui remplit au surplus les conditions requises à l'art. 31 LJPA, est recevable en la forme.
2. Aux termes de l'art. 23 LPAS, la personne aidée est tenue, sous peine de refus des prestations, de donner aux organes qui appliquent l'aide sociale les informations utiles sur sa situation personnelle et financière ainsi que de leur communiquer immédiatement tout changement de nature à modifier les prestations dont elle bénéficie. Cet article pose clairement l'obligation pour le requérant de collaborer à l'établissement des faits.
Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, la violation de cette obligation ne saurait conduire automatiquement à refuser le bénéfice du droit fondamental à des conditions minimales d'existence dès lors que celles-ci sont consacrées par le nouvel article 12 de la Constitution fédérale. La restriction à ce droit fondamental ne saura en aucun cas anéantir l’essence même de ce droit fondamental (arrêt du 27 mai 2003, PS 2002/0171; arrêt du 15 mai 2003, PS 2003/0033; arrêt du 1er mai 2003, PS 2002/0180 et arrêt du 22 janvier 2004, PS 2002/0115).
En revanche, le refus de collaboration du requérant peut placer l'autorité compétente devant l'impossibilité d'apprécier la situation de faits réels de l'intéressé. Elle sera alors contrainte d'apprécier les preuves en sa possession, celles-ci pouvant l'amener à retenir, sous la forme d'une présomption, que le requérant en réalité n'est pas indigent. La procédure administrative fait prévaloir la maxime inquisitoriale impliquant que l'autorité est tenue de se fonder sur des faits réels qu'elle est tenue de rechercher; ce principe n'est toutefois pas absolu. Ainsi, lorsqu'il adresse une demande à l'autorité dans son propre intérêt, l'administré, libre de la présenter ou d'y renoncer, doit la motiver et apporter les éléments établissant l'intensité de son besoin ainsi que son concours à l'établissement de faits ayant trait à sa situation personnelle, qu'il est mieux à même de connaître. La sanction pour un tel défaut de collaboration consiste en ce que l'autorité statue en l'état du dossier constitué, considérant que le fait en cause n'a pas été prouvé (Moor, Droit administratif, vol. II, ch. 2.2.6.3, p. 260 et les références; Tribunal administratif arrêt du 25 juin 2001, PS 2001/0117 confirmé par le Tribunal fédéral des assurances le 19 février 2002, cause C 219/01; arrêt du 15 mai 2003 du Tribunal administratif, PS 2003/0033). Le défaut de collaboration de l'intéressé peut conduire, à l'instar du droit fiscal, à procéder par le biais d'une estimation d'office de la situation financière de l'intéressé (arrêt du Tribunal administratif du 22 janvier 2004, PS 2002/0115).
En l'espèce, le recourant n'a pas produit les pièces utiles à l'instruction de sa demande. Il est en effet indispensable de connaître non seulement ses revenus réels (rentes AVS et capital LPP), mais également ceux de sa fille dès lors qu’elle habite avec lui depuis juillet 2003. Les demandes de renseignement du CSI sont pleinement justifiées.
Le défaut de collaboration du recourant ne saurait conduire à une décision de refus d'aide sociale ni à la conclusion que le recourant et sa fille B. X......... ne sont pas indigents, bien au contraire. Le recourant faisait en effet l'objet déjà en 1996 de saisies sur son salaire. Il a affecté une partie du capital LPP prélevée le 4 avril 2003 au paiement de factures de loyer arriérées. Néanmoins, son contrat de bail a été résilié faute de paiement du loyer au 30 septembre 2003.
De plus, une réduction punitive des prestations de l’aide sociale, et a fortiori une suppression, ne saurait frapper indistinctement une personne et ses enfants mineurs (Wolfers, Grundriss des Sozialhilferechts, 1993, p. 169; arrêt du Tribunal administratif du 27 mai 2003, PS 2002/0171). Or, la décision entreprise concerne également B. X.......... Même si cette dernière bénéficie en principe d’une rente d’orpheline de l’AVS et si elle a terminé sa scolarité obligatoire, il est vraisemblable qu’elle ait besoin d’une certaine protection. En effet, la situation financière de son père est obérée ; il a pendant plusieurs années caché des revenus au CSI. Il est surprenant en outre que le 12 juin 2003 la somme de 1'000 fr. ait été prélevée du compte épargne « Jeunes » de B. X........., dès lors qu’elle ne peut en principe disposer de cet argent avant ses dix-huit ans. On ignore également si le recourant à l’autorité parentale sur sa fille et qui gère les revenus de celle-ci.
Il était aisé pour l’intimé d'interpeller le Service de protection de la jeunesse afin de connaître la situation financière de la fille du recourant, en particulier le montant de sa rente AVS d’orpheline. Il est étonnant au demeurant que le CSI, qui a procédé à de nombreuses démarches dans le cadre de ce dossier, n'ait pas effectué celle-ci, d’autant plus que, conformément à l'art. 4 al. 2 de la loi du 29 novembre 1978 sur la protection de la jeunesse, les personnes qui exercent l’aide sociale notamment ont le devoir de signaler au département et aux services communaux compétents les cas parvenus à leur connaissance en faveur desquels son intervention se justifierait. Le présent arrêt sera ainsi communiqué au Service de protection de la jeunesse.
3. Au vu des considérants qui précèdent, la décision attaquée doit être annulée, le dossier de la cause devant être renvoyé à l'autorité intimée pour qu’elle collecte les informations nécessaires sur les revenus de la fille du recourant notamment et rende une nouvelle décision.
Il n'y a pas lieu à perception de frais (art. 15 al. 2 RPAS). Par ailleurs, le recourant a procédé par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel, de sorte qu'il aurait droit, en principe, à l'allocation de dépens (art. 55 LJPA). Il reste que son attitude est dans une large mesure à l'origine du litige, de sorte que seule une indemnité réduite peut lui être accordée à ce titre.
Par ces motifs le Tribunal administratif arrête:
I. Le recours est admis.
II. La décision rendue le 2 octobre 2003 par le Centre social intercommunal de Montreux est annulée.
III. Le dossier de la cause est renvoyé au Centre social intercommunal de Montreux pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
IV. Le Département de la santé et de l'action sociale (par le débit du Service de prévoyance et d'aide sociales), doit à A. X......... un montant 300 (trois cents) francs à titre de dépens.
V. La présente décision est rendue sans frais.
jc/Lausanne, le 3 juin 2004
Le président:
Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint et au Service de la protection de la jeunesse.