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PS.2005.0128

Datum
2006-04-06
Gericht
TA
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				PS.2005.0128
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				TA, 06.04.2006
			  
			
				Juge: 
				FA
			
			
				Greffier: 
				YJ
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				X c/Centre social régional de l'Ouest-Lausannois, Service de prévoyance et d'aide sociales, Office régional de placement de l'Ouest Lausannois ORPOL
			
				
	
	
		
			 DÉNUEMENT  DEVOIR DE COLLABORER  RECHERCHE DE TRAVAIL INSUFFISANTE  PSYCHOTHÉRAPIE  SANCTION ADMINISTRATIVE  DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE  DROIT FONDAMENTAL  ATTEINTE À UN DROIT CONSTITUTIONNEL  NOYAU INTANGIBLE 
			Cst-12Cst-36LPAS-17LPAS-23-1	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				La suspension de l'aide sociale pour une durée indéterminée, à titre de sanction, équivaut à sa suppression, ce qui est contraire à la Constitution fédérale. Cas d'une jeune femme psychologiquement fragile qui bénéficie de l'aide sociale depuis 2002, ne cherche pas sérieusement un emploi et a déjà été avertie et sanctionnée pour ce genre de motif.
			
		
	




	
		
		

CANTON DE VAUD TRIBUNAL ADMINISTRATIF

 

Arrêt du 6 avril 2006

Composition

Mme Aleksandra Favrod, présidente; Mmes Ninon Pulver et Sophie Rais Pugin, assesseurs, greffier : M. Yann Jaillet

 

Recourante

 

X........., à 1********

  

Autorité intimée

 

Centre social régional de l'Ouest lausannois, à Renens,

  

Autorités concernées

Service de prévoyance et d'aide sociales, à Lausanne,

 

 

Office régional de placement de l'Ouest Lausannois ORPOL, à Renens

  

 

Objet

Aide sociale  

 

Recours X......... c/ décision du Centre social régional de l'Ouest lausannois du 21 avril 2005 (suppression de l'aide sociale)

 

Vu les faits suivants

A.                                Au bénéfice d’une autorisation d’établissement C, Mme X........., née le 30 novembre 1982 en République démocratique du Congo, est entrée en Suisse le 3 janvier 1984.

                   En 1998, l’intéressée a obtenu son certificat de fin d’études en voie secondaire à options. Du 27 octobre 1999 au 31 octobre 2001, elle a travaillé à la Y......... puis, du 1er décembre 2001 au 16 février 2002, au Z......... de 2********. Elle a ensuite effectué un stage de sommelière de deux mois au restoroute A........., à 3********, avant d'y être engagée comme collaboratrice, pour un salaire horaire brut de 18 fr. 90.

B.                               Mme X......... étant sans ressources suffisantes, le Centre social régional de l’Ouest lausannois (ci-après : le CSR) lui a octroyé l’aide sociale à partir du 1er août 2002, à raison de 580 fr. 80 par mois. En janvier 2003, le CSR a demandé à l’intéressée de s’inscrire auprès de l’Office régional de placement de l’Ouest lausannois (ci-après : l’ORP), ce qu’elle a fait deux mois plus tard.

Le 8 mai 2003, le CSR a suspendu le versement de l’aide sociale (forfaits 1 et 2) de l'intéressée pour une durée d’un mois (mai 2003), aux motifs qu’elle ne s’était pas présentée au rendez-vous fixé par sa conseillère ORP le 10 avril 2003. Cette décision est entrée en force.

C.                               Du dossier transmis par le CSR, il ressort que Mme X......... a traversé plusieurs périodes de troubles ou maladie d’ordre psychique en 2002 et 2003. Elle a notamment été en incapacité de travail du 17 juin au 8 septembre 2002, puis du 28 septembre au 13 octobre 2002, puis dès le 23 juin 2003. Elle a également séjourné à plusieurs reprises à l’Hôpital psychiatrique de Prangins. La Doctoresse B......... a établi le 17 mars 2003 la lettre de sortie suivante :

« ( …)

MOTIFS D’HOSPITALISATION

Etat confusionnel

 

ANAMNESE

Il s’agit d’une patiente âgée de 20 ans, qui a été retrouvée désorientée et nue dans la rue la nuit du 05.03.2003. Elle raconte que ce sont des voix qui lui ont donné l’ordre de se dévêtir. Cet incident survient dans un contexte où la patiente est sans emploi depuis la fin de l’année 2002. D’autre part, depuis quelques semaines elle n’a plus de domicile, car elle a été expulsée de l’appartement qu’elle sous-louait en raison de son retard à payer le loyer.

 

ANAMNESE PERSONNELLES ET ANTECEDANTS :

En ce qui concerne les éléments d’anamnèse personnelle et les antécédents de la patiente, rappelons qu’il s’agit de sa 3ème hospitalisation motivée en raison d’une décompensation psychotique. Jusqu’à présent elle a bénéficié d’un soutien psychiatrique de façon discontinue. En ce qui concerne son insertion sociale, on observe qu’elle doit faire face à des difficultés d’insertion depuis maintenant plusieurs années.

Sur le plan familial, Mme X......... est la 3ème d’une fratrie de 4. Ses parents sont divorcés. Elle a jusqu’à présent travaillé dans le secteur de la vente.

 

STATUS A L’ENTREE

Patiente faisant son âge, de tenue vestimentaire et d’hygiène personnelle soignée. Calme et collaborante durant l’entretien. La patiente est orientée dans l’espace, mais légèrement désorientée dans le temps. On observe des sourires immotivés quasi permanents, un contact durant l’entretien bizarre et un focus visuel mal soutenu. La pensée est ralentie, le discours pauvre. La patiente dit avoir constamment souffert de la lecture et du contrôle de ses pensées par autrui jusqu’à son arrivée à l’Hôpital de Prangins. Elle admet avoir entendu des voix qui lui ordonnaient son comportement. Sa thymie est triste. Il existe une légère discordance idéo-affective.

 

DISCUSSION ET EVOLUTION

Dans ce contexte la patiente est mise au bénéfice d’un traitement neuroleptique Zyprexa sous lequel les symptômes psychotiques régressent rapidement. Après quelques jours d’hospitalisation, la patiente retrouve peu à peu ses repères et très vite elle verbalise l’envie de quitter l’hôpital. Evaluant qu’elle n’est plus à risque suicidaire et considérant son hospitalisation en volontaire, nous la laissons repartir. Nous insistons sur l’importance de la prise régulière de son traitement médicamenteux. Nous lui avons également proposé l’aide de notre assistante sociale que la patiente a pour le moment refusée.

Compte-tenu de la récidive des symptômes psychotiques chez cette patiente, il n’est pas exclu qu’elle présente les premiers signes d’une entrée vers la schizophrénie. Dans ce contexte il paraît important de pouvoir obtenir une alliance thérapeutique avec la patiente sur le long cours pour obtenir une bonne compliance médicamenteuse et un suivi régulier en psychothérapie. Compte-tenu de l’existence de voix lui dictant son comportement, l’impression du contrôle de ses pensées par autrui, l’émoussement des affects, et le retrait social, il s’agit ici de symptômes de type paranoïde.

(…) »

D.                               A la demande du CSR, Mme X......... s’est réinscrite auprès de l’ORP le 15 mars 2004.

                   Par décision du 16 juin 2004, la Caisse cantonale de chômage a nié le droit de Mme X......... à l’indemnité de l’assurance-chômage au motif qu’elle ne justifiait pas d’une activité soumise à cotisation suffisante durant le délai-cadre de cotisation allant du 15 mars 2002 au 14 mars 2004. Cette décision est entrée en force.

E.                               Selon le journal de l’ORP, Mme X......... ne s’est pas présentée aux rendez-vous fixés par sa conseillère les 11 juin et 11 août 2004. En outre, une mesure Mobilet’ au Semestre de motivation de la région lausannoise (Semo) a été mise en place pour la période de juillet à décembre 2004. L’intéressée ne s’y rendant pas régulièrement et ne remplissant pas les objectifs fixés, cette mesure a été interrompue par les responsables en octobre.

                   Le dossier ORP de l’intéressée a été fermé le 3 novembre 2004.

F.                                Dès le 1er novembre 2004, Mme X......... a bénéficié à nouveau de l’aide sociale, à raison de 1'052 fr. 70 par mois. La décision du 2 décembre 2004 précisait que cette aide était octroyée pour une durée de trois mois pour autant qu’elle se présente régulièrement aux rendez-vous du CSR et de l’ORP et qu’elle fasse des recherches d’emplois afin de tout mettre en œuvre pour retrouver une activité professionnelle et une autonomie financière.

                   A la suite d’un entretien du 22 décembre 2004, le CSR a rappelé à la recourante, par lettre du 24 décembre 2004, son obligation de produire ses recherches d’emplois lors des rendez-vous mensuels.

                   Lors d’un entretien du 3 janvier 2005, l’assistant social de l’intéressée a constaté que cette dernière avait fait une petite dizaine de recherches d’emplois les 28 et 29 décembre 2004 seulement.

G.                               Le 4 février 2005, le CSR a informé Mme X......... qu’il estimait ses recherches d’emplois insuffisantes et lui a rappelé qu’elle devait s’inscrire auprès de l’ORP. Il l’a également avertie que si ces démarches n’étaient pas entreprises d’ici le 21 février suivant, son dossier serait suspendu.

                   Le 7 mars 2005, Mme X......... a été réinscrite auprès de l’ORP. Son dossier a toutefois été fermé le 18 avril 2005, l’intéressée ne s’étant pas rendue au rendez-vous avec sa conseillère ORP fixé le même jour. En outre, elle n’avait justifié des recherches d’emplois que pour février 2005.

H.                               Par décision du 21 avril 2005, le CSR, constatant que l’ORP avait fermé le dossier de Mme X......... parce qu’elle n’avait pas donné suite aux démarches qui lui étaient demandées, a suspendu le versement de l'aide sociale de celle-ci avec effet immédiat, jusqu’à ce qu’elle fournisse des explications sur son manque de collaboration et présente ses projets pour l’avenir. Il a également prononcé la suppression du forfait 2 durant trois mois dès la reprise de l’aide.

I.                                   Le 4 mai 2005, Mme X......... a recouru contre cette décision, concluant implicitement à son annulation. Elle fait valoir en substance qu’elle ne dispose pas des moyens pour lui permettre de se nourrir. Le reste de son argumentation sera repris plus loin dans la mesure utile.

                   Dans sa réponse du 7 juin 2005, le CSR, après avoir rappelé l’historique du dossier de l’intéressée, expose que depuis 2002, aucun projet de réinsertion ni aucun suivi psychologique durable n’ont pu aboutir et qu'"une rente sociale" ne saurait lui être attribuée sans qu’elle fasse le nécessaire pour une prise en charge médicale et la recherche d’une activité lui permettant d’être autonome.

                   L’ORP a produit son dossier, sans formuler d’observations.

J.                                 Par décision sur mesures provisionnelles du 24 juin 2005, le juge instructeur du Tribunal administratif a ordonné au CSR de verser les prestations de l’aide sociale à Mme X........., forfait 2 inclus, à compter du mois de mai 2005.

 

 

Considérant en droit

1.                                Déposé dans le délai de 30 jours fixé à l'art. 24 de la loi du 25 mai 1977 sur la prévoyance et l'aide sociale (ci-après LPAS), alors en vigueur, le recours est intervenu en temps utile. Il est au surplus recevable en la forme.

2.                                L'art. 12 de la Constitution fédérale, sous la note marginale "Droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse" prévoit que quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Avant l'entrée en vigueur de cette disposition, le 1er janvier 2000, la jurisprudence et la doctrine considéraient le droit aux conditions minimales d'existence comme un droit constitutionnel non écrit qui obligeait les cantons et les communes à assister les personnes se trouvant dans le besoin (ATF 121 I 367, JT 1997 I 278; ATF 122 II 193, JT 1998 I 562 et les renvois). Comme le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de le préciser, cette règle pose le principe du droit à des conditions minimales d'existence pour toute personne qui n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins et fonde une prétention à des prestations positives de la part de l'Etat (arrêt du Tribunal administratif PS.2002.0171 du 27 mai 2003). La Constitution fédérale ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence; il appartient ainsi au législateur, qu'il soit fédéral, cantonal ou communal, d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de la Constitution et qui peuvent, cas échéant, aller au-delà.

3.                                En vertu de l'article 3 LPAS, l'aide sociale a pour but de venir en aide aux personnes ayant des difficultés sociales, notamment par des prestations financières. Celles-ci sont subsidiaires à l'aide que la famille doit apporter à ses membres (art. 1er LPAS) ainsi qu'aux autres prestations sociales (fédérales ou cantonales) et à celles des assurances sociales, mais peuvent être, le cas échéant, versées en complément (art. 3 al. 2 LPAS). L'aide est accordée à toute personne qui se trouve dépourvue des moyens nécessaires à satisfaire ses besoins vitaux et personnels indispensables (art. 17 LPAS). Elle doit permettre aux bénéficiaires et à leur famille de vivre dignement. D'une part, elle doit couvrir les besoins en nourriture, logement, vêtements et soins médicaux (besoins vitaux), d'autre part, elle doit dans certains cas tenir compte d'autres besoins particuliers tels que les déplacements, les cotisations d'assurances, la formation professionnelle et les vacances d'enfants (besoins personnels), qui varient de cas en cas et doivent être justifiés (v. l'exposé des motifs du Conseil d'Etat relatif au projet de la loi sur la prévoyance et l'aide sociales, BGC, printemps 1977, p. 758). La nature, l'importance et la durée de l'aide sociale sont déterminées en tenant compte de la situation particulière de l'intéressé et des circonstances locales, les prestations étant allouées dans les cas et dans les limites prévues par le Département de la prévoyance sociale et des assurances (ci-après : le DPSA ou le Département), selon les dispositions d'application de la loi (art. 21 LPAS).

4.                                L'art. 23 al. 1 LPAS dispose que la personne aidée est tenue, sous peine de refus des prestations, de donner aux organes qui appliquent l'aide sociale les informations utiles sur sa situation personnelle et financière ainsi que de leur communiquer immédiatement tout changement de nature à modifier les prestations dont elle bénéficie, et d'accepter le cas échéant des propositions convenables de travail. En ce qui concerne l'obligation d'accepter un travail convenable, la jurisprudence admet que l'on peut exiger de l'intéressé qu'il entreprenne tout ce qui est nécessaire pour réduire sa prise en charge par la société, notamment en effectuant les recherches d'emploi que l'on est en droit d'attendre de lui, respectivement en cessant une activité indépendante non rentable pour se consacrer à un emploi salarié (Tribunal administratif, arrêt PS.1986.0188 du 19 décembre 1996, PS.1998.0059 du 8 avril 1998 et PS.2000.0077 du 7 septembre 2001, ainsi que les références citées). Le fait que l'intéressé puisse bénéficier des prestations de l’aide sociale ne le dispense ainsi nullement d’une obligation de collaboration à l’égard de l’autorité, ni d'une obligation de trouver un travail.

En l’espèce, l’autorité intimée reproche à la recourante de ne faire aucun effort pour retrouver un emploi et de refuser une prise en charge médicale.

Vu les pièces au dossier, force est de constater que le comportement de la recourante ne répond pas aux exigences de l’art. 23 LPAS. Elle fait en effet régulièrement défaut aux rendez-vous qui lui sont fixés, sans avertissement ni explication, et ne montre aucune volonté à retrouver une activité lucrative. Pour ces motifs, elle a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une sanction, qu’elle n’a pas contestée. Certes, elle a traversé des phases difficiles qui ont pu l'entraver dans de tels démarches. Néanmoins, elle a déjà montré qu'elle était capable de travailler; une psychothérapie suivie l'aiderait sans doute dans cette voie. Reste à savoir si les manquements reprochés à la recourante justifient les sanctions contestées.

5.                                a) C'est à la lumière du droit fondamental au maintien du minimum vital qu'il y a lieu d'interpréter l'art. 23 LPAS. Ainsi, le refus de l'aide sociale, même s'il est prévu expressément par cette disposition en cas de rejet de propositions convenables de travail ou de violation de l'obligation de renseigner, se trouve soumis aux strictes conditions régissant de manière générale une atteinte à un droit fondamental. Dans un arrêt du 27 mai 2003 (PS.2002.0171), le Tribunal administratif a jugé insuffisante la réglementation cantonale qui prévoit de sanctionner un manquement par la suppression de l'aide, celle-ci étant garantie par l'art. 12 Cst., qui consacre un droit fondamental. Outre qu'elle doit se fonder sur une base légale, une restriction à un droit fondamental doit en effet répondre à un intérêt public, respecter le principe de la proportionnalité et ne pas toucher au noyau essentiel de ce droit (art. 36 Cst; Jörg Paul Müller, in Droit constitutionnel suisse, 2001, p. 637 n. 40 ss; Aubert/Mahon, op. cit., ad art. 36, pp. 319-331; F. Wolffers,  op.  cit.,  1993, p. 88). Dès lors, la restriction ne saurait en aucun cas anéantir l'essence même du droit fondamental, qui constitue son "noyau dur", intangible, principe maintenant concrétisé par l'art. 36 al. 4 Cst. (Aubert/Mahon, op. cit., § 17 ss ad art. 36, pp. 330-331). Quand bien même le système institué par l'art. 36 Cst. ne serait pas directement applicable dans le domaine des droits sociaux, le domaine protégé par le droit se confondrait avec le noyau intangible, de sorte que le droit tout entier serait irréductible et incompressible (Aubert/Mahon, op. cit.,  § 5 ad art. 12, p. 121). Se fondant sur ce raisonnement, d'aucuns admettent que l'aide en cas de détresse de l'art. 12 Cst. ne peut être réduite ou refusée même lorsque la personne porte une part de responsabilité dans sa situation de détresse (Aubert/Mahon, op. cit., ibid.; J.-P. Müller, op. cit., p. 169), les raisons qui ont conduit à une telle situation n'étant pas déterminantes (ATF 121 I 367 cons. 3b). Ainsi, des manquements de la part du bénéficiaire de l'aide sociale ne sauraient le priver de ce qui est nécessaire pour assurer la vie physique  (nourriture, vêtements,  logement  et  traitement médical) et qui constitue un noyau intangible (J.-P. Müller, op. cit., p. 169, ainsi que "Elemente einer schweizerischen Grundrechttheorie", Berne 1982, p. 141). A ainsi été qualifiée de discutable (fragwürdig) une décision rendue le 7 décembre 1988 par la Commission cantonale de recours en matière de prévoyance et d'aide sociales qui avait supprimé avec effet immédiat toutes prestations en faveur d'un bénéficiaire de l'aide sociale (Coullery, Das Recht auf Sozialhilfe, thèse Berne 1993, p. 100, n. 372). Le refus ou la suppression de l'aide sociale ne peut donc porter que sur des prestations excédant les besoins vitaux (Wolffers, op. cit., p. 168; Coullery, op. cit., p. 100), telles l'aménagement du logement, l'accès aux médias, les transports, l'éducation, les  assurances, la satisfaction des besoins individuels (Wolffers, op. cit., 1993, p. 86). Encore faut-il pour prendre une telle sanction que l'autorité s'en tienne aux principes généraux de l'activité administrative et s'abstienne d'une décision arbitraire, ne respectant pas l'égalité de traitement ou le principe de la proportionnalité; elle s'assurera que l'administré à sanctionner est en mesure de se procurer par ses propres forces ce dont il a besoin (arrêt PS.1998.0027 du 16 décembre 1998 et les références citées). Enfin, dans la ligne de ce que suggère Wolffers (op. cit. p. 167, déjà cité), le Tribunal administratif a retenu que la sanction susceptible d'être prononcée ne doit l'être qu'à l'encontre de l'auteur de la faute lui-même et non d'autres membres de sa famille, notamment à l'endroit de mineurs (arrêts PS.2002.0171 du 27 mai 2003 et PS.1998.0194 du 4 novembre 1999).

b) Le Service de prévoyance et d'aide sociales (ci-après: le SPAS) édicte régulièrement des directives intitulées "Recueil d'application de l'ASV". Au chiffre II-14.0 "sanctions, suppressions, diminutions", il fait siens les principes développés ci-dessus quant à la portée qu'une sanction peut avoir sur le droit fondamental au maintien du minimum vital.

Pour être complet, il convient de rappeler que les  normes  de la Conférence suisse des institutions d'actions sociales (ci-après: CSIAS) tentent de préciser dans une certaine mesure la portée du principe de proportionnalité en cette matière (sous let. A.8.3). Elles  indiquent que les réductions suivantes sont possibles de façon graduée et en les combinant :

-  refus d'accorder, réduction ou annulation du forfait II pour l'entretien, la première fois pour une durée allant jusqu'à douze mois, après réexamen approfondi, pour une nouvelle période maximale de douze mois;

Au surplus, selon ces normes CSIAS, des réductions plus étendues seraient sans fondement, voire contraires à la garantie du minimum d'existence. Selon Charlotte Gysin (Der Schutz des Existenzminimums in der Schweiz, Bâle 1999, p. 128 ss), cette norme concrétise de manière adéquate le principe de la proportionnalité. S'agissant de ce dernier principe, Wolffers (op. cit., p. 114 et 168 s.) rappelle en outre que l'aide ne doit pas être refusée purement et simplement au motif que la détresse sociale de l'intéressé est due à sa propre faute (op. cit., p. 167; dans le même sens, J.-P. Müller, op. cit., pp. 178-180), étant admis en revanche qu'une réduction est possible à cet égard; il insiste également sur le fait que la sanction ne doit pénaliser que l'auteur de la faute commise et être adaptée à la gravité de celle-ci. Enfin la sanction ne saurait en principe être illimitée, sa durée devant au contraire être fixée dans le temps (op. cit., p. 169).

c) En l’espèce, il ne fait aucun doute que le refus de collaborer de la recourante dans le cadre des démarches mises en œuvre pour son intégration professionnelle appelle une sanction à son endroit. Depuis 2002, elle n’a pas montré beaucoup d’efforts pour tenter de retrouver un emploi. D’ailleurs, elle ne le conteste même pas. En persistant dans ce comportement, malgré plusieurs "avertissements" et une sanction sous forme de suspension de l'aide sociale pendant un mois, la recourante a commis une faute grave. Ainsi, la suppression du forfait 2 pendant trois mois paraît-elle entièrement justifiée. Toutefois, selon la jurisprudence précitée, une suspension pure et simple de l’aide sociale, de durée indéterminée – qui équivaut de fait à une suppression – est exclue, dès lors qu’elle prive la recourante des prestations nécessaires à ses besoins vitaux. En outre, une telle mesure constituerait une seconde sanction administrative pour les mêmes faits, ce qui n'est pas admissible. A cet égard, on peut en effet se référer au droit pénal qui exclut qu'une personne puisse être poursuivie et condamnée pour un acte qui a déjà fait l'objet d'un jugement de condamnation ou d'un acquittement (principe "ne bis in idem"; v. M. Killias, Précis de droit pénal général, 1998, p. 256). En conséquence, le recours doit être partiellement admis.

 

Par ces motifs le Tribunal administratif arrête:

 

I.                                   Le recours est partiellement admis.

II.                                 La décision du Centre social régional de l’Ouest lausannois du 21 avril 2005 est modifiée en ce sens que le forfait 2 est supprimé de l’aide sociale versée à Mme X......... pendant trois mois.

III.                                Le présent arrêt est rendu sans frais ni dépens.

 

jc/Lausanne, le 6 avril 2006

 

 

La présidente:                                                                                           Le greffier:

                                                                                                                 

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.