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GE.2005.0215

Datum
2006-05-10
Gericht
TA
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				GE.2005.0215
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				TA, 10.05.2006
			  
			
				Juge: 
				FK
			
			
				Greffier: 
				
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				X. /Municipalité de Chavannes-Renens
			
				
	
	
		
			
			aLDCV-8-5	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Le critère de la "motivation" à devenir suisse ne figure pas à l'art. 8 ch. 5 LDCV. Au demeurant, le fait d'habiter dans le canton de Vaud depuis près de 30 ans et d'avoir des enfants qui ont effectué leurs scolarités, dont deux sont naturalisés, suffit pour expliquer le souhait de devenir suisse.
			
		
	




	
		
		

b

CANTON DE VAUD TRIBUNAL ADMINISTRATIF

 

Arrêt du 10 mai 2006

Composition

M. François Kart, président; M. Edmond C. de Braun et Mme Isabelle Perrin, assesseurs.

 

recourant

 

A.X........, à à Chavannes-près-Renens, représenté par Pierre-Yves BRANDT, Avocat, à Lausanne,  

  

autorité intimée

 

Municipalité de Chavannes-Renens,  

  

 

Objet

          

 

Recours A.X........ c/ décision de la Municipalité de Chavannes-Renens du 7 novembre 2005

 

Vu les faits suivants

 

A.                                Ressortissant marocain né le 16 janvier 1948, A.X........ a résidé au Maroc jusqu'à l'âge de 20 ans. Il est ensuite parti travailler en Espagne avant de s'établir comme saisonnier dans la région zurichoise à partir de 1975. Il a travaillé dans le domaine de la construction jusqu'en 1977.

B.                               A.X........ s'est marié le 30 décembre 1970 au Maroc. Trois enfants sont issus de cette union. B........, né en 1975, C........, née en 1977 et D........, né en 1986.

C.                               Au mois de mai 1977, A.X........ s'est établi dans le canton de Vaud et a pris un emploi auprès de l'entreprise E........ SA comme ouvrier de production. Il a travaillé au sein de cette entreprise de 1977 à 1994. De 1995 à fin 2003, il a travaillé pour l'entreprise F........ SA à Rolle comme ouvrier spécialisé. F........ SA ayant mis un terme à ses activités à la fin de l'année 2003, A.X........ a revendiqué l'indemnité de chômage. Depuis lors, il n'a pas retrouvé d'emploi.

D.                               A.X........ a déposé une première demande de naturalisation en 1995 auprès de la Commune de Bière où il était domicilié depuis 1983. Il a ensuite apparemment renoncé à cette procédure en raison de son départ de la commune. Dans le courant de l'année 2002, il a déposé une nouvelle demande de naturalisation, en même temps que son épouse et son fils D........, auprès de la Commune de Chavannes-près-Renens où il est domicilié depuis le début de l'année 1997. Dans un courrier du 22 avril 2002, la Municipalité de Chavannes-près-Renens l'a informé que, à la suite de l'audition effectuée par une commission formée de membres de la municipalité et du conseil communal, il ne pouvait être donné une suite favorable à sa demande et à celle de son épouse. La municipalité l'invitait en revanche à continuer la procédure en ce qui concerne son fils D........ en présentant une demande individuelle. Par la suite D........ a obtenu la naturalisation. Son fils B........ a également été naturalisé en 2002.

E.                               Au mois de janvier 2005, A.X........ a déposé une nouvelle demande de naturalisation auprès de la Commune de Chavannes-près-Renens. En date du 2 novembre 2005, il a rempli un questionnaire de culture générale puis a été entendu une nouvelle fois par la commission formée de membre de la municipalité et du conseil communal.

F.                                En date du 3 novembre 2005, le Secrétaire municipal a établi un rapport d'audition, dont la teneur est la suivante :

"Pour faire suite à l'audition du 2 novembre 2005 de M. A.X........, la Municipalité informe qu'elle a pris la décision de ne pas octroyer la bourgeoisie de Chavannes-près-Renens au requérant susmentionné.

Notre autorité invoque les raisons suivantes pour motiver sa décision :

A la question posée de savoir les raisons qui l'ont amené à s'établir en Suisse, le candidat dit ne pas très bien comprendre le sens de la question et après plusieurs reformulation de cette dernière, il évoque "la vie et le travail facile", "beaucoup d'amis et connaissances marocains vivent en Suisse".

Et à la question "mais pourquoi avoir choisi précisément la Suisse ? Qu'est-ce qui vous a attiré ?" M. X......... répond :"Parce que la vie y est facile, si elle est aussi facile ailleurs qu'en Suisse, j'aurai été dans un autre pays."

Il dit s'intéresser à tout ce qui se passe en Suisse et dans sa commune de domicile; il est pourtant apparu que M. X........ ne sait répondre à aucune question concernant les événements récents survenus en Suisse, dans le canton de Vaud ou même sur le territoire de notre commune.

Au vu de ce qui précède, la Municipalité informe M. A.X........ de la décision de lui refuser l'octroi de la bourgeoisie et l'informe de la non recevabilité d'une 3ème demande et du droit de recours. Avec la décision municipale qui lui sera renvoyée, à notre décharge, son dossier original."

G.                               En date du 7 novembre 2005, la municipalité a adressé à A.X........ une décision de refus d'octroi de la bourgeoisie de la Commune de Chavannes-près-Renens. Cette décision était motivée comme suit :

"vous ne remplissez pas les conditions de l'art. 8, al. 5, LDCV, à savoir :

"s'être intégré à la communauté vaudoise notamment par sa connaissance de la langue française et manifestée par son comportement, son attachement à la Suisse et à ses institutions". "

Le rapport d'audition établi le 3 novembre 2005 par le secrétaire municipal n'était pas joint à cette décision.

H.                               En date du 30 novembre 2005, A.X........ a déposé un recours auprès du Tribunal administratif contre la décision de la municipalité du 7 novembre 2005 en concluant à son annulation et à ce que le dossier soit retourné à l'autorité intimée pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. La municipalité a déposé des observations le 14 décembre 2005 en concluant au maintien de sa décision. A cette occasion, elle a produit son dossier, comprenant notamment le rapport d'audition du 3 novembre 2005. Le Tribunal administratif a tenu audience le 28 mars 2006 en présence du recourant et de son conseil et de M. G........, municipal à Chavannes-près-Renens. A cette occasion, les parties ont été entendues dans leurs explications.

 

Considérant en droit

 

1.                                Déposé dans le délai de 20 jours prévu par l'art. 31 al. 1 de la loi du 18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure administratives (LJPA), le recours est au surplus recevable en la forme, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.                                Le recourant invoque en premier lieu une violation de son droit d'être entendu au motif que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.

a) Le droit à la motivation d'une décision est une garantie constitutionnelle de caractère formel qui est un aspect du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst; ATF 126 I 97 c. 2 p. 102-103; 120 I b 379 c.3 p. 383; 119 I a 136 c. 2 p. 138). Cette exigence vise à ce que le justiciable puisse comprendre la décision dont il est l'objet et exercer son droit de recours à bon escient. Elle vise également à permettre à l'autorité de recours d'exercer son contrôle. Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle fonde sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à ceux qui, sans arbitraires, apparaissent pertinents (ATF 124 II 146 c.2 p. 149; 122 IV 8 c. 2c p. 14).

b) En l'espèce, la décision attaquée mentionne uniquement le fait que le recourant ne remplirait pas une des conditions pour obtenir la naturalisation vaudoise, à savoir celle mentionnée au chiffre 5 de l'art. 8 de la loi du 28 septembre 2004 sur le droit de cité vaudois (LDCV) dont la teneur est la suivante :

"S'être intégré à la communauté vaudoise, notamment par sa connaissance de la langue française, et manifester par son comportement son attachement à la Suisse et à ses institutions."

Il apparaît douteux que le simple fait de paraphraser une disposition légale soit suffisant pour respecter les exigences en matière de motivation (Cf. TA, arrêt GE.2005.0062 du 19 août 2005 cons. 2). En l'occurrence, on aurait ainsi pu attendre de la municipalité qu'elle indique, même brièvement, sur quels éléments elle s'était fondée pour considérer que le recourant ne remplissait pas les conditions posées à l'art. 8 ch. 5 LCDV. La municipalité aurait notamment pu transmettre au recourant le rapport d'audition établi par le Secrétaire municipal le 3 novembre 2005. Dès lors que le recours doit de toute manière être admis pour un autre motif, la question du respect du droit d'être entendu peut cependant demeurer indécise.

3.                                Sur le fond, il résulte du rapport d'audition et des explications fournies par le représentant de la municipalité lors de l'audience du 28 mars 2006 que la naturalisation a été refusée pour deux motifs principaux, à savoir, d'une part, le manque de maîtrise de la langue française et, d'autre part, des insuffisances au niveau de la motivation de la demande.

a) A l'occasion de l'audience du 28 mars 2006, le tribunal a pu se faire une idée du niveau de français du recourant. Il a pu constater que, si celui-ci est relativement faible, il est suffisant pour avoir une vie sociale normale dans le canton de Vaud. Comme on le verra ci-dessous, il résulte notamment des certificats de travail produits par le recourant que ce dernier n'a jamais eu de problèmes pour s'intégrer dans les différentes entreprises où il a travaillé et communiquer de manière satisfaisante avec ses collègues de travail. Partant, la maîtrise du français ne saurait constituer en l'espèce un motif valable de refus de la demande de naturalisation.

b) Le critère de l'"intégration à la communauté vaudoise" figurant à l'art. 8 ch. 5 LCDV implique d'examiner au surplus quel est le niveau d'intégration du recourant sur le plan social ou professionnel (Cf. TA, arrêt GE.2005.0115 du 21 octobre 2005). A cet égard, il résulte des certificats de travail figurant au dossier que l'intégration du recourant n'a jamais posé de problème. Le certificat délivré par l'entreprise E........ le 30 septembre 1988, après 11 ans d'activité, mentionne ainsi ce qui suit : "durant toutes ces années, M. X........ s'est avéré être un collaborateur ponctuel et assidu, et nous a donné pleine et entière satisfaction dans l'accomplissement des travaux qui lui ont été confiés. Nous avons pu apprécier sa conscience professionnelle, et son dévouement dans toutes les situations. De caractère jovial et agréable, il a toujours entretenu d'excellents rapports tant avec ses collègues qu'avec ses supérieurs." Le certificat de travail délivré par l'entreprise F........ le 24 octobre 2003 mentionne pour sa part que le recourant donne entière satisfaction et que, de caractère agréable, il sait se faire apprécier par ses supérieurs ainsi que par ses collègues de travail. A cela s'ajoute que, selon le rapport de police établi le 21 avril 2005, la situation financière et fiscale du recourant ne soulève pas de difficultés et qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires. En outre, toujours selon ce rapport, il jouit d'une bonne réputation et n'a jamais attiré défavorablement l'attention des autorités ou des organes de police.

Vu ce qui précède, on ne voit pas sur quoi repose l'affirmation selon laquelle l'intégration du recourant serait insuffisante.

c) S'agissant du grief relatif à l'insuffisance de la "motivation" du recourant, on relève que ce critère ne figure pas parmis ceux énumérés à l'art. 8 LCDV. La question de savoir quelles ont été ses motivations pour venir s'établir en Suisse il y a 30 ans, plutôt que dans un autre pays, est notamment sans pertinence. Le fait que le recourant ait donné à ce sujet des réponses qui ont été apparemment considérées comme insatisfaisante lors de son audition du 2 novembre 2005 devant la commission ne saurait par conséquent avoir d'incidence sur sa demande. Au demeurant, pour ce qui est des motifs qui l'ont amené à demander sa naturalisation, on relève que le recourant habite et travaille dans le canton de Vaud depuis près de 30 ans, que ses enfants y ont effectué leur scolarité, et que deux d'entre eux sont naturalisés suisse. Dans ces circonstances, le souhait du recourant d'obtenir la nationalité suisse apparaît naturel.

d) Pour ce qui est des éléments mentionnés dans le rapport d'audition établi par le secrétaire municipal le 3 novembre 2005, le tribunal relèvera encore que le constat selon lequel les connaissances civiques du recourant seraient "extrêmement limitées" apparaît pour le moins surprenant. Il résulte ainsi du questionnaire de culture générale figurant au dossier municipal que le recourant a notamment été en mesure d'indiquer le nombre de conseillers municipaux et communaux de la Commune de Chavannes, le nombre de districts et de communes du canton de Vaud, le nombre de conseillers nationaux, l'année où les femmes ont obtenu le droit de vote en Suisse et dans le canton de Vaud, la plus haute montagne de Suisse, ainsi que les noms des sept conseillers fédéraux et de 4 fromages suisses.

e) Si, en matière de naturalisation, le Tribunal administratif doit faire preuve de retenue dans l'exercice de son pouvoir d'examen et se borner à sanctionner l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 36 al. 1 LJPA), il doit en tout cas vérifier que l'autorité ne se laisse pas guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles régissant la naturalisation et ne viole pas des principes généraux tels que le principe de non discrimination (TA, arrêt GE.2005.0115 précité et références). En l'espèce, on a vu ci-dessus que la décision de refus repose sur des motifs qui soit s'avèrent infondés, soit ne sont pas pertinents. Force est ainsi de constater que l'autorité municipale a abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant la demande de naturalisation.

4.                                Dans ces conditions, le recours doit être admis, la décision attaquée étant annulée et le dossier retourner à l'autorité intimée pour nouvelle décision (art. 52 LCDV).

Vu le sort du recours, les frais sont mis à la charge de la Commune de Chavannes-près-Renens. Cette dernière versera en outre des dépens au recourant, qui a procédé par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel.

 

Par ces motifs le Tribunal administratif arrête:

 

I.                                   Le recours est admis.

II.                                 La décision de la Municipalité de la Commune de Chavannes-près-Renens du 7 novembre 2005 est annulée, le dossier lui étant retourné pour nouvelle décision au sens des considérants.

III.                                Un émolument de 1'500 (mille cinq cents) francs est mis à la charge de la Commune de Chavannes-près-Renens.

 

IV.                              La Commune de Chavannes-près-Renens versera un montant de 1'500 (mille cinq cents) francs à A.X........ à titre de dépens.

 

 

Lausanne, le 10 mai 2006/san

 

 

                                                          Le président:                                  

                                                                    

 

 

 

 

 

 

                                                                    

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint