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Décision / 2024 / 537

Datum
2024-06-13
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

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TRIBUNAL CANTONAL 439 PE22.018467-AEN CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 14 juin 2024 .................. Composition : M. KRIEGER, président Mmes Fonjallaz et Elkaim, juges Greffière : Mme Vuagniaux ***** Art. 125 et 229 CP ; 319 al. 1 CPP Statuant sur le recours interjeté le 12 décembre 2023 par X......... contre l’ordonnance rendue le 30 novembre 2023 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne dans la cause no PE22.018467-AEN, la Chambre des recours pénale considère : En fait : A. a) A [...], le 11 avril 2022, en fin de matinée, X........., né le [...] 1972, employé de la société J.........SA, alors équipé d’un casque et occupé à des travaux de maçonnerie dans un saut-de-loup, a reçu sur son œil droit un niveau en métal (2 mètres de longueur, 5 cm de largeur et 2 cm de hauteur) qui était posé d’une manière indéterminée sur un échafaudage situé entre 4,8 mètres et 7,2 mètres au-dessus de l’endroit où il se trouvait. Selon le rapport médical établi le 8 novembre 2022 par le Dr [...] à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin, X......... présentait une plaie sous le sourcil droit, une plaie au niveau du rebord palpébral de la paupière inférieure droite et une importante plaie sclérale perforante en temporal avec une protrusion du vitré, des uvées et une hémorragie importante au niveau du globe oculaire. En dépit d’une opération chirurgicale effectuée le 11 avril 2022, X......... n’a pas pu récupérer d’acuité visuelle au-delà d’une perception lumineuse. Dès lors que la victime présentait une acuité visuelle déjà très limitée au niveau de l’œil gauche, celle-ci pouvait être considérée, depuis l’accident survenu sur son œil droit, comme aveugle. b) X......... a déposé plainte contre inconnu le 28 septembre 2022. Il s’est constitué partie plaignante demandeur au pénal et au civil, sans toutefois chiffrer ses prétentions. c) Selon les éléments recueillis, la police n’a pas été appelée sur les lieux ; la victime a été transportée à l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin par un collègue en camionnette et personne n’aurait été le témoin de la chute du niveau. La société D.........Sàrl, active dans la sécurité des chantiers, s’est rendue le lendemain sur les lieux et a établi un constat (avec trois photographies), le 12 avril 2022, selon lequel F......... était présent lors de l’accident, avait utilisé un niveau de deux mètres pour coffrer l’ouverture d’une fenêtre et l’avait ensuite posé à côté de lui sur l’échafaudage sans se rappeler s’il l’avait fait en position verticale ou horizontale ; le compte rendu précisait qu’il n'y avait eu aucun témoin de l’accident. Six personnes ont été entendues par la police en qualité de personnes appelées à donner des renseignements entre février et mars 2023 : le maçon chef d’équipe T1........., les maçons T2......... et T3........., le grutier [...], le machiniste [...] et le conducteur des travaux T4.......... F........., maçon et employé de la société J.........SA au moment des faits, a été entendu par la police en qualité de prévenu le 3 février 2023 (PV aud. 7). Il a déclaré qu’il se trouvait sur l’échafaudage au moment des faits, qu’il avait avec lui un niveau, sa sacoche et un marteau, qu’il était en train de clouer un panneau de coffrage lorsqu’il avait entendu des hurlements au-dessous de lui, qu’il était descendu au plus vite, qu’il avait vite compris ce qui s’était passé en voyant le niveau à côté du saut-de-loup, qu’il était retourné à sa place de travail après le départ de son collègue pour l’hôpital, qu’il avait alors remarqué que son niveau ne s’y trouvait plus et qu’il avait compris qu’il s’agissait du sien qui était tombé. Le 3 mai 2023, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne (ci-après : Ministère public) a interpellé la SUVA en lui expliquant les circonstances de l’accident et en lui demandant de le renseigner sur l’existence de prescriptions de sécurité sur la manière de monter un échafaudage en vue d’éviter ou de limiter des espaces vides et ainsi la chute d’objets, respectivement de prévoir des endroits pour déposer des outils de manière sécure lorsqu’ils n’étaient pas utilisés, ainsi que sur la manière de ranger et/ou de déposer des outils lorsqu’ils n’étaient pas utilisés, en général et en particulier lors de travaux effectués depuis un échafaudage. La Procureure a transmis à la SUVA une copie du compte du 12 avril 2022 de la société D.........Sàrl en l’invitant à lui faire parvenir ses déterminations sur la situation telle que présentée. Le 20 juin 2023, la SUVA a répondu en citant les art. 6, 9, 17, 22, 57 et 61 OTConst (ordonnance fédérale sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 18 juin 2021 ; RS 832.311.141) relatifs aux postes de travail, aux passages et aux chutes d’objets, et en produisant la brochure SUVA « Echafaudages de façade ; La planification, gage de sécurité ». Elle a en outre indiqué que la manière de ranger et/ou de déposer les outils lorsqu’ils n’étaient pas utilisés, en général et en particulier lors de travaux effectués depuis un échafaudage, relevait de l’organisation interne des entreprises, de sorte qu’elle ne pouvait pas se déterminer sur ce point. B. Par ordonnance du 30 novembre 2023, approuvée le 1er décembre 2023 par le Ministère public central sur délégation du Procureur général, le Ministère public a prononcé le classement de la procédure pénale dirigée contre F......... et inconnu pour lésions corporelles graves, subsidiairement lésions corporelles graves par négligence, mise en danger de la vie d’autrui et violation des règles de l’art de construire (I), a dit qu’il n’y avait pas lieu d’octroyer à F......... une indemnité au sens de l’art. 429 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) (II), a fixé l’indemnité allouée à Me Annie Schnitzler, conseil juridique gratuit de X........., à 4'458 fr. 80, débours, vacations et TVA compris (III), et a laissé les frais de procédure à la charge de l’Etat (IV). La Procureure a d’abord rejeté la requête du plaignant tendant à ce que la SUVA soit interpellée pour qu’elle se détermine sur la base des photographies prises par la société D.........Sàrl, ainsi que sur le respect des normes de protection contre les chutes d’objets au sens de l’OTConst et de l’OPA (ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles ; RS 832.30) : en effet, la SUVA n’était pas intervenue, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de lui demander de se déterminer a posteriori et dans l’abstrait. Elle a également rejeté la requête du plaignant tendant à ce que la société J.........SA soit interpellée en lien avec le respect de l’OTConst, en particulier sur les questions de planification du chantier pour éviter tout risque d’accident professionnel, dans le sens où ces questions avaient déjà été abordées lors des différentes auditions menées par la police. Ensuite, la Procureure a retenu que l’enquête n’avait pas permis d’établir si F......... avait posé son niveau sur l’échafaudage de manière sécure ou pas, quelles autres personnes se trouvaient sur l’échafaudage au moment de l’accident et la raison pour laquelle une éventuelle mise en mouvement de l’échafaudage aurait provoqué la chute de l’objet ; il ressortait des auditions que les ouvriers recevaient régulièrement des formations en matière de sécurité sur les chantiers et savaient de quelle manière les outils devaient être posés sur un échafaudage ; aucun soupçon suffisant ne pouvait être émis à l’encontre des personnes chargées de monter l’échafaudage ou d’effectuer des contrôles de sécurité sur le chantier ; le compte-rendu du 12 avril 2022 de la société D.........Sàrl n’avait pas mis en évidence de faille au niveau de la sécurité ; la police et la SUVA n’étaient pas intervenues dans le cadre de l’accident et le Ministère public avait été saisi tardivement ; et aucune nouvelle mesure ne pouvait être prise utilement pour établir plus précisément les faits. Dans ces conditions, la responsabilité pénale du prévenu ne pouvait pas être établie et les chefs de prévention de violation des règles de l’art de construire et/ou de lésions corporelles graves par négligence devaient être écartés. Enfin, la Procureure a retenu que toutes les mesures nécessaires avaient été prises dès la survenance de l’accident et que la victime n’aurait pas subi de moindres lésions à son œil droit, notamment au vu du rapport des médecins de l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin, si elle avait été acheminée par ambulance à l’hôpital. C. Par acte du 12 décembre 2023, X......... a recouru contre cette ordonnance, en concluant à son annulation, principalement au renvoi de la cause au Ministère public pour qu’il reprenne l’instruction dans le sens des considérants à intervenir, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour qu’il rende un acte d’accusation à l’encontre de F......... et de toute autre personne que justice dirait. Le 3 mai 2024, le Ministère public a indiqué qu’il n’entendait pas se déterminer sur le recours et s’est intégralement référé à l’ordonnance querellée. Le 13 mai 2024, F......... a indiqué qu’il n’entendait pas déposer de déterminations. En droit : 1. Interjeté en temps utile (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP [Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0]), dans les formes prescrites (art. 385 al. 1 CPP), contre une ordonnance de classement rendue par le ministère public (art. 393 al. 1 let. a CPP), par le plaignant qui a un intérêt juridiquement protégé à son annulation ou à sa modification (art. 382 al. 1 CPP), auprès de l'autorité compétente qui, dans le canton de Vaud, est la Chambre des recours pénale (art. 80 LOJV [loi d'organisation judiciaire du 12 septembre 1979 ; BLV 173.01] ; art. 13 LVCPP [loi d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01]), le recours est recevable. 2. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe in dubio pro duriore, qui signifie qu’en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés que lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu’une condamnation apparaît plus vraisemblable qu’un acquittement ou lorsque les probabilités d’acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d’une infraction grave. En effet, en cas de doute s’agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n’est pas à l’autorité d’instruction ou d’accusation mais au juge matériellement compétent qu’il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, JdT 2017 IV 357 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les réf. ; TF 6B.854/2020 du 19 janvier 2021 consid. 2.1). En revanche, le ministère public doit classer la procédure s’il apparaît, sur la base de faits assez clairs pour qu’il n’y ait pas lieu de s’attendre à une appréciation différente de l’autorité de jugement, qu’un renvoi aboutirait selon toute vraisemblance à un acquittement (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2). 3. 3.1 Le recourant critique le rejet de mettre en œuvre une expertise, en particulier sur le respect des normes de sécurité s’agissant de la manière dont l’échafaudage qui se trouvait au-dessus de lui a été monté, ainsi que sur les points de savoir si son ancien employeur a respecté toutes les mesures de sécurité sur le chantier et si F......... a respecté toutes les mesures de sécurité dans la manière de poser le niveau sur l’échafaudage. En outre, dans la mesure où les témoins entendus n’ont pas le rôle d’experts, il considère que le Ministère public ne pouvait pas rejeter sa requête pour le motif que la question du respect des normes avait déjà été abordée avec eux. Sur le fond, le recourant soutient que le Ministère public a procédé à une appréciation arbitraire des faits à plusieurs titres. Premièrement en retenant que le prévenu travaillait avec d’autres ouvriers sur l’échafaudage en question au moment des faits, mais que l’enquête n’a pas permis d’identifier ces personnes : le recourant expose que F......... a prétendu que son collègue T2......... se trouvait sur le même échafaudage que lui, que ce dernier a déclaré que cela n’était pas le cas et que l’ouvrier T1......... a confirmé la version de T2......... ; dans ces conditions, il considère qu’il ne peut pas être retenu que d’autres personnes que le prévenu se trouvaient sur l’échafaudage au moment de l’accident. Deuxièmement en retenant que rien ne permettait de penser que le prévenu n’avait pas posé le niveau conformément aux prescriptions de sécurité : le recourant soutient qu’il résulte des auditions de T4........., T1......... et T3......... qu’il n’existait pas de règle stricte à ce sujet, mais que les niveaux devaient être posés à plat sur le plateau pour éviter qu’ils tombent, et que l’enquête n’a pas démontré qu’un élément extérieur avait fait tomber le niveau. Troisièmement en retenant que, même posé à plat, le niveau pouvait, suivant la force d’une éventuelle secousse de l’échafaudage, tomber de son support : le recourant considère que cette dernière considération doit être appuyée par les dires d’un expert. 3.2 3.2.1 Aux termes de l’art. 125 CP (dans sa nouvelle version dès le 1er juillet 2023, qui n’est que d’ordre formel), quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (al. 1). Si la lésion est grave, l’auteur est poursuivi d’office (al. 2). Cette infraction suppose la réalisation de trois conditions, à savoir une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments (TF 6B.33/2021 du 12 juillet 2021 consid. 3.1 ; TF 6B.1420/2016 du 3 octobre 2017 consid. 1.1.1). Selon l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. Il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 ; ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et les réf.). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents (ATF 143 IV 138 consid. 2.1). L'infraction de lésions corporelles par négligence suppose en règle générale un comportement actif. Elle peut toutefois aussi être commise par omission si l’auteur est resté passif au mépris d’une obligation juridique qui lui commandait impérieusement d'agir pour éviter le résultat (art. 11 al. 1 CP). Reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi, d’un contrat, d’une communauté de risques librement consentie ou de la création d'un risque (art. 11 al. 2 CP). N'importe quelle obligation juridique ne suffit pas. Il faut qu'elle ait découlé d'une position de garant, c'est-à-dire que l'auteur se soit trouvé dans une situation qui l'obligeait à ce point à protéger un bien déterminé contre des dangers indéterminés (devoir de protection) ou à empêcher la réalisation de risques connus auxquels des biens indéterminés étaient exposés (devoir de surveillance), que son omission peut être assimilée au fait de provoquer le résultat par un comportement actif (art. 11 al. 2 et 3 CP ; ATF 141 IV 249 consid. 1.1 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.2.1 et les réf.). Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2). En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l'analyse des conséquences de l'acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1). L'existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance ; autrement dit, elle n'est réalisée que lorsque l'acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a ; TF 6B.177/2017 du 6 septembre 2017 consid. 4.1). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l'acte attendu n'aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu'il serait simplement possible qu'il l'eût empêché (TF 6B.948/2017 du 8 mars 2018 consid. 4.1 ; TF 6B.177/2017 précité consid. 4.1). La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 ; ATF 133 IV 158 consid. 6.1 ; ATF 131 IV 145 consid. 5.2). 3.2.2 Selon l'art. 229 CP dans sa teneur au 1er janvier 2022 (la nouvelle version au 1er juillet 2023 étant moins favorable), celui qui, intentionnellement, aura enfreint les règles de l'art en dirigeant ou en exécutant une construction ou une démolition et aura par-là sciemment mis en danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée (al. 1). La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire si l'inobservation des règles de l'art est due à une négligence (al. 2). L’art. 17 OTConst, qui concerne la protection contre l’écroulement d’éléments de construction ou la chute d’objets et de matériaux, dispose qu’aux postes de travail et aux passages, des mesures doivent être prises afin que les travailleurs ne soient pas mis en danger par des éléments de construction qui s’écroulent, ou par des objets et des matériaux qui tombent, glissent, roulent ou se déversent. L’art. 18 OTConst, qui traite des objets et matériaux que l’on jette ou laisse tomber, prévoit qu’on ne peut jeter ou laisser tomber des objets et des matériaux que si l’accès à la zone de danger est barricadé ou si ces objets et matériaux sont acheminés sur toute la longueur par des canaux, des glissières fermées ou d’autres moyens analogues. 3.3 D’emblée, on constate que le recourant ne conteste pas l’appréciation du Ministère public selon laquelle les travailleurs et/ou leurs responsables ayant pris en charge le recourant juste après l’accident n’ont pas de commis de négligence fautive en décidant de ne pas appeler une ambulance mais de conduire l’intéressé immédiatement en camionnette à l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin. Comme le retient le Ministère public, la police et la SUVA ne sont pas intervenues juste après les faits et le prévenu ainsi que les six personnes appelées à donner des renseignements ont été entendus dix à onze mois après les faits, alors que les conséquences tragiques de l’accident étaient connues de tous. L’instruction de la cause en a ainsi été complexifiée. Seul figure au dossier le compte rendu établi par D.........Sàrl le jour suivant l’accident, entreprise qui était mandatée par la constructrice. Deux photographies de l’échafaudage y sont reproduites. Le Ministère public a soumis ce rapport à la SUVA pour qu’elle renseigne sur l’existence de prescriptions de sécurité et sur la situation telle que présentée avec le compte rendu de D.........Sàrl. Or, dans sa réponse du 20 juin 2023, la SUVA a exposé les principales normes légales applicables et expliqué que la manière de ranger/déposer les outils lorsqu’ils n’étaient pas utilisés, en général et en particulier lors de travaux effectués depuis un échafaudage, relevait de l’organisation interne des entreprises, mais elle ne s’est pas déterminée sur la situation telle que présentée avec le compte rendu de D.........Sàrl. On ignore si la SUVA a omis de répondre à cette question ou si elle estimait qu’elle était en incapacité de le faire mais qu’elle ne l’a pas dit. Il apparaît par conséquent indispensable que la SUVA se détermine sur ce point. Concernant les circonstances de l’accident, le prévenu a déclaré dans un premier temps que T2......... se trouvait à quelques mètres de lui sur l’échafaudage en train de travailler (PV aud. 7, R. 11), puis dans un deuxième temps qu’il savait que son collègue T2......... faisait le même travail que lui à une autre fenêtre quinze minutes avant l’accident, mais qu’il ne pouvait pas dire si celui-ci était toujours à proximité de lui au moment de l’accident (PV aud. 7, R. 27). T2......... a nié qu’il se trouvait à côté du prévenu sur l’échafaudage et a prétendu qu’il était en train de travailler sur un autre bâtiment (PV aud. 3, R. 10). A ce stade de l’instruction, seule la présence du prévenu sur l’échafaudage est établie. Cela dit, il est prématuré d’affirmer, comme le fait le Ministère public, que d’autres personnes travaillaient en même temps que le prévenu sur l’échafaudage le matin des faits mais que l’instruction n’a pas permis de les identifier, même si cela paraît plausible pour un chantier important. Il ne semble pas que des mesures d’instruction aient été entreprises pour arriver à ce constat. Le Ministère public devra par conséquent investiguer à cet égard. Les procès-verbaux du chantier en particulier pourraient apporter des renseignements utiles. S’il est établi que d’autres travailleurs étaient présents sur l’échafaudage ou à proximité de celui-ci au moment de l’accident, il s’agira alors de déterminer si leur activité était susceptible de faire bouger l’échafaudage. En définitive, le Ministère public devra instruire la cause comme évoqué ci-dessus et procéder à toute autre mesure d’instruction qu’il estimera utile au fil des renseignements recueillis. 4. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, l’ordonnance entreprise annulée et le dossier de la cause renvoyé au Ministère public pour qu’il procède dans le sens des considérants. Me Annie Schnitzler, conseil juridique gratuit de X........., a droit à une indemnité pour la procédure de recours. Au vu du travail accompli, il sera retenu 5 h d'activité nécessaire d’avocat au tarif horaire de 180 fr. (art. 2 al. 1 let. a et 3 al. 2 RAJ [règlement sur l'assistance judiciaire en matière civile du 7 décembre 2010 ; BLV 211.02.3] par renvoi de l'art. 26b TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), soit un émolument de 900 francs. Il faut y ajouter 2 % pour les débours (art. 3bis al. 1 RAJ par renvoi de l'art. 26b TFIP), soit 18 fr., et 7,7 % de TVA sur le tout, soit 70 fr. 68, de sorte que l'indemnité totale s'élève à 989 fr. en chiffres ronds. Vu l’issue du recours, les frais de la procédure de recours, par 1’320 fr. (art. 20 al. 1 TFIP), ainsi que l’indemnité allouée à Me Annie Schnitzler, par 989 fr., seront laissés à la charge de l’Etat (art. 428 al. 4 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance du 30 novembre 2023 est annulée. III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public de l’arrondissement de Lausanne pour qu’il procède dans le sens des considérants. IV. L’indemnité allouée à Me Annie Schnitzler, conseil juridique gratuit de X........., est fixée à 989 fr. (neuf cent huitante-neuf francs). V. Les frais d’arrêt, par 1'320 fr. (mille trois cent vingt francs), et l’indemnité allouée à Me Annie Schnitzler, par 989 fr. (neuf cent huitante-neuf francs), sont laissés à la charge de l’Etat. VI. L’arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Annie Schnitzler, avocate (pour X.........), - Me Marie Théraulaz, avocate (pour F.........), - Ministère public central, et communiqué à : - Mme la Procureure du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :