Omnilex

AC.2010.0207

Datum
2011-07-12
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

Omnilex ist das KI-Tool für Juristen in Schweiz

Wir indexieren und machen Entscheidungen zugänglicher

Zum Beispiel können Sie Omnilex verwenden für:


		aperçu avant l'impression
	





	
		
			
			N° affaire: 
				AC.2010.0207
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 12.07.2011
			  
			
				Juge: 
				EB
			
			
				Greffier: 
				FJU
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				SCHLUNEGGER c/Municipalité de St-Sulpice, BOULART, DE RHAM
			
				
	
	
		
			 ESTHÉTIQUE  ZONE À PROTÉGER  POUVOIR D'APPRÉCIATION 
			LATC-47-1 (07.04.1998)LATC-86LAT-17	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Esthétique: dans le cadre des critères d'intégration plus sévères résultant d'une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT, l'autorité communale ne bénéficie pas de la même marge d'appréciation que celle résultant de la clause d'esthétique de l'art. 86 LATC, car les impératifs de protection s'imposent de manière plus précise et détaillée. En l'espèce, la municipalité n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en considérant que l'implantation en domino de trois villas identiques ne tenait pas compte des caractéristiques du site remarquable de l'Abbaye et du Prieuré de St-Sulpice (consid. 2)
			
		
	




	
		
		

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 12 juillet 2011

Composition

M. Eric Brandt, président; M. Georges Arthur Meylan, assesseur  et Mme Renée-Laure Hitz, assesseur; Mme Fabia Jungo, greffière.

 

Recourant

 

Bernard SCHLUNEGGER, à Genève, représenté par Me Philippe-Edouard JOURNOT, avocat à Lausanne.

  

Autorité intimée

 

Municipalité de Saint-Sulpice, représentée par Me Patrice GIRARDET, avocat à Lausanne.

  

Opposants

Daniel BOULART, à Saint-Sulpice, représenté par Me François LOGOZ, avocat à Lausanne,

 

 

William DE RHAM, à Saint-Sulpice, représenté par Me Raymond DIDISHEIM, avocat à Lausanne.

  

 

Objet

Permis de construire,

 

Recours Bernard SCHLUNEGGER c/ décision de la Municipalité de Saint-Sulpice du 23 juin 2010 (refus du permis d'implantation pour trois bâtiments d'habitation sur la parcelle n° 53).

 

Vu les faits suivants

A.                                La Commune de Saint-Sulpice présente un intérêt historique et culturel par la présence d'une église romane du XIème siècle et de son Prieuré situés au bas du chemin du Crêt reliant la rue du Centre aux rives du lac Léman. La partie située à l'ouest du chemin du Crêt, au lieu-dit "A l'Abbaye", est desservie par un embranchement du chemin du Crêt, qui constitue aussi le cheminement piétonnier des rives du lac permettant de rejoindre la Ville de Morges. Cet embranchement longe et dessert au sud les parcelles nos 51 (Prieuré avec son manège) et 52 (maison individuelle) ainsi que les parcelles nos 1'256, 671 et 53 au nord. Les parcelles nos 53 et 671 ne sont pratiquement pas construites, à l’exception d’un petit pavillon situé en haut de la parcelle no 53, désigné pavillon Vallotton, et la parcelle n° 1'256 comporte deux dépendances. Les trois parcelles nos 53, 671 et 1'256 sont longées à l’amont par la parcelle communale n° 47, plantée en vigne, située devant la maison de commune. La parcelle n° 53 rejoint à l’amont un embranchement de la rue du Centre, à proximité du petit pavillon. La limite ouest de la parcelle no 53 est contiguë aux parcelles nos 54, 1010 et 55.

B.                               a) L’ensemble du secteur entourant l’Abbaye de Saint-Sulpice depuis les rives du lac jusqu’au front des constructions villageoises à l’amont a fait l’objet d’une étude de planification spéciale, prévue par le plan directeur communal, qui a donné lieu à l’adoption du plan partiel d'affectation "Le Coteau" (ci-après: PPA ou le plan) et son règlement (ci-après : RPPA ou le règlement), approuvés par le Département des institutions et des relations extérieures le 8 février 2005. La mesure de planification spéciale est destinée à assurer le dégagement et la mise en valeur des bâtiments historiques de l’Abbaye, du front aval du centre de Saint-Sulpice, et des rives du lac; elle a aussi pour but de conserver les caractéristiques du paysage du coteau où prédominent les espaces verts avec de nombreux arbres et massifs boisés ainsi que de rendre compatible les bâtiments existants ou potentiellement réalisables avec les mesures prévues et l’arborisation existante (art. 1.1 RPPA). Le secteur ouest du PPA délimite une aire d’implantation des constructions ainsi qu’une aire de dégagement.

b) Dans l’aire d’implantation des constructions du secteur ouest, chaque nouveau bâtiment d'habitation doit être implanté sur un bien-fonds d'une superficie minimum de 2'500 m2 (art. 2.3. al. 3 RPPA). L'aire de dégagement est définie comme une surface à prédominance végétale en nature de pré, verger, jardin, parc d'agrément ou cour où seules certaines constructions peuvent être admises; il s’agit notamment des dépendances non habitables, des constructions ou parties de construction en grande partie enterrées à l'usage de locaux de service ou de garage pour véhicule ou encore des équipements privés de jeux, sport ou de loisirs à sport ouvert (art. 2.4 RPPA).

c) L’Abbaye et le Prieuré ainsi que le "pavillon Vallotton" sont répertoriés comme bâtiments protégés au sens de l'art. 6.2 RPPA; ils doivent être conservés dans leur structure actuelle et ne peuvent être modifiés qu'en accord avec le Département des infrastructures, qui peut imposer toute mesure propre à sauvegarder et à mettre en valeur le patrimoine architectural et historique de Saint-Sulpice.

C.                               a) Bernard Schlunegger est propriétaire de la parcelle n° 53 du cadastre de la Commune de Saint-Sulpice, au lieu-dit "A l'Abbaye". Ce bien-fonds, d'une superficie de 7'938 m2, présente une forme de "P"; la partie large située à l’amont d'environ 6200 m2 (100 x 62 m) et la partie plus étroite à l’aval, d’environ 1750 m2 (70 x 25) m, qui s’étend jusqu’au cheminement piétonnier longeant la rive du lac.

La partie large à l’amont est classée pour l’essentiel dans l’aire d’implantation des constructions et le solde de la parcelle dans l’aire de dégagement. La parcelle est située sur un coteau, et présente une différence d'altitude d'environ 14 m entre son extrémité amont, au nord, et son extrémité aval, au sud; sa moitié nord présente la déclivité la plus prononcée. L’accès au nord sur l’embranchement de la rue du Centre est fermé par un mur de soutènement. Au sud, l’accès est donné par l’embranchement ouest du chemin du Crêt qui dessert aussi les parcelles nos 50 et 51 au sud, et la parcelle n° 671 au nord de cette voie. Cet accès est constitué par une servitude de passage (n° 202'089) grevant la partie sud de la parcelle voisine 671 et la partie nord de la parcelle n° 51. L’assiette de la servitude a une largeur de 4 m et l’emprise totale de la voie s’étend jusqu’à 5.00 m de large sur la parcelle n° 51.

b) Daniel Boulart est propriétaire de la parcelle n° 55, sise à l'ouest de la partie inférieure, méridionale, de la parcelle n°53, et contiguë à celle-ci; ce bien-fonds supporte une villa que le propriétaire habite lui-même.

D.                               a) Lors d’une séance qui a eu lieu le 26 août 2008, Bernard Schlunegger et son conseil ont présenté à la Municipalité de Saint-Sulpice (ci-après : la municipalité) un projet d'implantation de trois villas identiques sur la parcelle n° 53 avec un garage souterrain commun communiquant directement avec le sous-sol de chaque villa et un accès commun unique au garage par le sud, à savoir l’embranchement du chemin du Crêt. Les plans déposés ont été soumis à l’examen de la Commission communale d’urbanisme le 23 septembre 2008. La municipalité a transmis le 7 octobre 2008 au conseil du promoteur du projet sa prise de position dans les termes suivants :

"(…)

I. Accès à la parcelle

Le projet proposé prévoit un accès unique par le sud de la parcelle 53, pour trois villas pouvant comprendre chacune au plus deux logements (dont un secondaire, selon le PPA).

La Municipalité rejette cette solution qui lui paraît inadéquate et inopportune pour les raisons suivantes:

Premièrement, l'accès carrossable nécessaire pour relier la parcelle 53 au chemin du Crêt dénaturerait immanquablement l'abord de l'Eglise romane, auquel les Serpelious sont profondément attachés et dont la défense de l'écrin constitue une priorité absolue pour la Municipalité. La vocation du passage existant est piétonnière et il n'entre pas dans les vues de l'exécutif communal de modifier ce fait. La Municipalité exclut tout autant la création d'un carrefour à l'angle de cet édifice religieux pour desservir un nouveau quartier.

En second lieu, la parcelle 53 possède un accès par la voie publique au nord, qu'il convient en toute logique d'exploiter. Cet accès, certes légèrement compliqué - mais non exclu - par la présence d'un cabanon classé, conduit directement sur la rue du Centre, qui sert d'artère principale pour la circulation villageoise. Le chemin des Crêtes, cœur touristique de la commune, n'a pas pareille vocation. C'est donc l'accès nord qui doit impérativement être privilégié.

Enfin, la Municipalité, confortée dans son optique par une étude récente du bureau Biner et Nicole, est convaincue qu'un bon projet est possible avec un accès exclusif par le haut de la parcelle et refuse donc le projet présenté pour ce motif déjà.

II. Constructions

L'article 2.3 du PPA "Le Coteau" prévoit que chaque bâtiment d'habitation peut comprendre au plus un logement principal et un logement secondaire, et qu'il doit, dans le secteur ouest, être implanté sur un bien-fonds de 2'500 m2 au minimum. Cette disposition exclut a contrario que l'on puisse construire trois bâtiments d'habitation ou logements principaux sur un seul bien-fonds, eût-il une surface constructible de 7'500 m2.

En l'espèce, le projet soumis à la Municipalité ne prévoit pas de fractionnement de parcelle. Il ne respecte donc pas l'article 2.3 du PPA. Il y a là un second motif de rejeter, à ce stade déjà, la demande de permis d'implantation pour votre projet.

III. Choix de la procédure d'implantation

En promulguant le PPA le Coteau, le législateur avait conscience du caractère exceptionnel de ce site, avec au cœur de celui-ci, un monument phare de notre patrimoine historique et qui figure au centre des armoiries de la commune, l'Eglise romane.

Il va de soi que cette situation exceptionnelle commande une attention et une vigilance particulière [sic] de la part de la Municipalité pour tout projet immobilier situé dans la proximité immédiate de ce monument, surtout s'il est d'importance, comme en l'espèce.

L'architecture extérieure doit naturellement jouer un rôle déterminant pour l'acceptation ou le rejet d'un projet. Dans ce cadre, la présentation de simples volumes sur plans ne permet pas de se faire une idée de l'impact esthétique de l'ensemble fini. Il semble donc que la procédure de permis d'implantation ne constitue pas la mesure adéquate pour faire avancer le projet, celui-ci ne pouvant - du fait du caractère exceptionnel du site - qu'être approuvé ou rejeté dans sa globalité par la Municipalité.

IV. Conclusion

La Municipalité émet donc un avis défavorable sur ce projet, qu'elle n'entend pas accepter en l'état pour les motifs évoqués préalablement, même au niveau de la procédure de permis d'implantation. Cela sans préjudice des problèmes techniques dont le projet est également grevé (not. hauteur des villas amont et centrale dérogatoires au PPA, mouvements de terre excessifs pour la villa amont).

Dans un esprit de dialogue ouvert et constructif que vous avez appelé de vos vœux depuis les premiers contacts, il y a lieu de rajouter, - la Municipalité a ici bien conscience que ce sont des questions qu'il ne lui appartient pas de trancher -, que tant les membres de la Commission d'urbanisme que ceux de l'exécutif, en se penchant sur les plans, se sont posé la question de savoir s'il est réellement judicieux, sur cette parcelle d'exception, de vouloir construire trois villas individuelles maximisant le volume construit, ou si cela n'est pas précisément de nature à compromettre potentiellement une partie des qualités qui font la valeur de ce terrain."

b) Le 13 juillet 2009, Bernard Schlunegger a déposé, par l'intermédiaire de son architecte, une demande d'autorisation préalable d'implantation pour le projet présenté au mois d’août 2008. Par lettre du 10 septembre 2009, la municipalité a informé le constructeur qu'elle préavisait négativement la mise à l'enquête d'une implantation préalable, pour les motifs suivants: l'accès se ferait exclusivement par le sud, il n'était pas prévu de fractionnement de la parcelle, le nombre de places de stationnement (22) était trop important pour trois villas individuelles; de plus, les places de parc extérieures figurant sur les plans d'enquête n'étaient pas reportées sur les images de synthèse les accompagnant, diminuant l'impact des installations prévues devant la villa sud; la municipalité relevait toutefois l'aspect séduisant de l'architecture extérieure proposée et sa conformité à l'esprit du plan partiel d'affectation "Le Coteau".

Le 9 octobre 2009, le conseil de Bernard Schlunegger a demandé à la municipalité de mettre à l'enquête publique le dossier adressé le 13 juillet 2009, tout en précisant que le nombre de places de stationnement dans le garage souterrain serait réduit à 9 et que le constructeur renonçait aux images de synthèse versées au dossier. Le 19 novembre 2009, Bernard Schlunegger a produit, par l'intermédiaire de son architecte, les plans mis à jour avec une nouvelle demande d'autorisation préalable d'implantation en vue de l’enquête publique, qui a été ouverte du 11 décembre 2009 au 11 janvier 2010. L’enquête a soulevé les oppositions de William de Rham, propriétaire de la parcelle no 51, de Yvan de Rham propriétaire de la parcelle no 50 et de Michel Toinet, à Lonay.

La municipalité a transmis les trois oppositions au conseil du constructeur qui a déposé ses déterminations le 22 février. Il a en outre produit une étude réalisée par le bureau CERT-ARAGAO de février 2009 comportant un examen de l'opportunité et de la faisabilité de l'accès par le chemin du Crêt.

c) En date du 18 mars 2010, la municipalité informait le conseil du constructeur qu’elle avait décidé d’ordonner une enquête complémentaire avec les plans du premier étage des trois villas, qui ne se trouvaient pas dans le dossier mis à l’enquête publique, et avec l’étude de trafic du bureau CERT-ARAGAO. L’enquête complémentaire a eu lieu du 9 avril 2010 au 9 mai 2010. Les oppositions déposées pendant la première enquête publique ont été jointes au dossier.

L’enquête complémentaire a soulevé deux nouvelles oppositions: celle de Daniel Boulart propriétaire de la parcelle n° 55 et celle de Kurt Stoll. Les opposants William et Yvan de Rham ont encore complété les motifs de leur première opposition. Le conseil des constructeurs s’est déterminé sur les oppositions le 9 juin 2010.

d) Par décision du 23 juin 2010, la municipalité a refusé de délivrer le permis préalable d'implantation. Elle s’est référée aux motifs formulés dans le préavis négatif du 7 octobre 2008, et elle a invoqué aussi le fait que le garage commun enterré ne respectait pas l'art. 53 al. 2 du règlement communal sur le plan d'affectation et la police des constructions approuvé par le Conseil d'Etat le 18 décembre 1992 (ci-après: RPGA).

E.                               a) Bernard Schlunegger a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après : le tribunal) le 16 juillet 2010. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du 23 juin 2010 et à la délivrance du permis d’implantation. Il a principalement fait valoir que l'art. 2.3 RPPA ne limitait pas le nombre de bâtiments sur un bien-fonds, que le projet respecterait les art. 4.1 et 6.1 RPPA et enfin que l'accès par le nord ne serait possible ni techniquement ni juridiquement. L’opposant William de Rham s'est déterminé sur le recours le 24 août 2010 en concluant à son rejet. La municipalité a déposé sa réponse au recours le 21 septembre 2010 en concluant à son rejet et l’opposant Daniel Boulart s’est déterminé également le 21 septembre 2010.

F.                                Le tribunal a tenu une audience à Saint-Sulpice le 22 décembre 2010; à cette occasion le constructeur Bernard Schlunegger a produit un projet de fractionnement de la parcelle litigieuse en trois parcelles d'une surface minimale de 2'500 m2 supportant chacune une villa. Le compte-rendu résumé de l'audience comporte les précisions suivantes :

"(…)

Me Journot formule une proposition qui pourrait aller dans le sens souhaité par la municipalité avec un accès par le sud au parking souterrain et un accès par le nord aux trois places de stationnement pour les visiteurs, lesquelles seraient donc déplacées au nord. Cette proposition est formulée sous réserve de l'accord du propriétaire de la parcelle 54.

La municipalité soutient qu'il conviendrait en premier lieu d'examiner la question du morcellement de la parcelle 53. Elle estime que celui-ci est obligatoire, si bien que le projet serait non réglementaire pour ce motif. Quant à la question de l'accès, l'autorité intimée soutient que l'art. 8.2 du règlement du plan partiel d'affectation (PPA) "Le Coteau" impose un accès par le nord. L'accès par le nord serait important car les parcelles voisines (671, 1'256 et 49), qui offrent encore des possibilités de construire, pourraient aussi bénéficier de cet accès; à défaut, l'ensemble des accès futurs aurait lieu par le sud. La municipalité fait remarquer que si la servitude au sud n'existait pas, un accès par le sud ne serait jamais autorisé. Elle produit un courriel du 20 décembre 2010 confirmant un accord de principe du propriétaire de la parcelle 54 pour entrer en matière sur une éventuelle emprise sur sa parcelle pour permettre l'accès amont à la parcelle du recourant, sous réserve d'en déterminer les proportions et les avantages consentis.

La municipalité informe le tribunal qu'elle serait prête à étudier l'abandon de la protection du pavillon Vallotton par une modification du PPA "Le Coteau", sous réserve de la décision du conseil communal. La municipalité ajoute que l'esprit d'origine du plan partiel d'affectation, qui vise avant tout la protection du site de l’Abbaye, doit être respecté.

M. Biner expose que la variante 2a est réalisable en tenant compte du projet d'implantation tel qu'il a été prévu par M. Schlunegger. Cette variante présenterait l'avantage de desservir également les parcelles voisines par le nord. Il estime que les lacets prévus sur toute la largeur de la parcelle pour réduire la pente de l’accès n'empêcheraient pas un accès à la parcelle voisine 671 depuis le virage prévu en limite de ce bien-fonds; il précise que, même si le projet litigieux est réalisable sur le plan technique avec la variante 2a, un accès par le nord nécessiterait de repenser globalement le projet d’implantation des villas.

L'assesseur Renée-Laure Hitz demande s'il ne serait pas possible d'envisager un accès par le nord combiné avec un "lift" permettant d'accéder au parking souterrain; elle demande également si le secteur connaît déjà de grandes places de stationnement souterraines communes à plusieurs habitations. La municipalité expose que le secteur du PPA "Le Coteau" ne connaît pas de telle place de stationnement. Me Journot expose quant à lui qu'un "lift" serait certes possible et envisageable sur le plan technique, mais qu'il ne résoudrait pas le problème de la desserte des autres parcelles.

M. Schlunegger présente un plan de morcellement élaboré par un géomètre, dont il ressort que la parcelle 53 pourrait être divisée en trois parcelles de 2'500 m2, 2'500m2 et 2921m2. Il ajoute qu'un accès par le sud n'impliquerait pas de talus, sous réserve d'un remblai qu'il serait possible d'atténuer en déplaçant quelque peu l'assise des places de stationnement pour les visiteurs. Enfin, il précise que les déménageuses pourraient accéder aux villas par le parking souterrain, dont la hauteur serait suffisante.

L’ingénieur de Aragao expose que la partie du chemin du Crêt prévue pour l’accès sud aux trois villas supporte actuellement un trafic d'environ 20 véhicules par jour. Le projet de M. Schlunegger ajouterait une quarantaine de véhicules quotidiens, ce qui porterait le total à environ 60 véhicules par jour. Ce tronçon du chemin du Crêt fait partie de la catégorie des "accès riverains" prévue par les normes VSS. Un accès de cette catégorie est supposé pouvoir supporter 50 véhicules par heure de pointe. Avec le projet, le nombre de véhicules par heure de pointe s'élèverait à cinq (un véhicule toutes les douze minutes) et par heure creuse à trois (un véhicule toutes les 20 minutes). M. de Aragao estime qu'il serait plus logique de chercher à accéder au garage souterrain par le sud plutôt que par le nord, compte tenu de la déclivité de la parcelle. En outre, un accès par le nord selon la variante 2a impliquerait une surface goudronnée totale de 50 à 100m2 par place de stationnement alors que cette proportion est d'environ 30m2 par place pour un parking souterrain urbain (p. ex. Riponne ou Bellefontaine à Lausanne).

M. de Aragao précise qu'il n'est pas possible pour deux véhicules arrivant en sens inverse de se croiser en tous points sur le tronçon sud du chemin du Crêt. Mais la norme VSS n’exige pas qu'un croisement soit possible sur toute sa longueur; il suffit que les conducteurs puissent se voir à temps et que des lieux de croisement soient à disposition.

M. W. de Rham répond qu'en cas de mise en valeur des parcelles voisines 671 et 1'256 dont il est propriétaire, un accès par le nord serait souhaitable. La municipalité souligne que le sud de la parcelle 1'256 est inconstructible et que le plan partiel d'affectation ne prévoit pas d'accès par le sud pour cette parcelle, si bien qu'un accès par le nord serait l'unique possibilité. Me Journot estime toutefois qu’un accès depuis le tronçon principal du chemin du Crêt sur la limite est de la parcelle 1'256 serait possible.

Me Journot produit le plan de morcellement, en précisant qu'en l’état, un tel morcellement n'est pas prévu. Le plan sert seulement à démontrer que le morcellement de la parcelle 53 en trois parcelles de 2'500 m2 est possible.

La municipalité produit le règlement communal sur le plan d'affectation et la police des constructions. La discussion est engagée sur l’art. 53 de ce règlement et sur les conséquences d'un éventuel morcellement quant aux distances des constructions souterraines par rapport aux limites des parcelles, en particulier le garage souterrain. Il est constaté que l’art. 53 al. 2 impose le respect d'une distance de 4 m à la limite pour les constructions situées entièrement sous le niveau du profil du terrain naturel.

Le tribunal procède à une visite des lieux en présence des parties. La visite débute par le nord de la parcelle 53 depuis la rue du Centre. Il est constaté que le mur fermant l’accès sur la rue du Centre n’a pas la fonction d’un mur de soutènement. M. Biner précise qu'un empiètement minimum de 10 à 12 m2 sur la parcelle 54 serait nécessaire pour créer un accès selon la variante 2a.

Le tribunal se déplace ensuite au sud de la parcelle 53, en traversant en limite les parcelles 54 et 1010. Le tribunal repère au sud-ouest la parcelle 55 de l’opposant Daniel Boulart.

Me Guignard tient à souligner que la question du morcellement présente une grande importance pour son client. La partie de la parcelle du recourant directement contiguë à son bien-fonds est classée en aire de dégagement sur laquelle différentes constructions de loisir sont admises, en particulier des dépendances, telles que pavillons de jardin, remise et écuries, ainsi que les équipements privés de jeux de sport ou de loisir à ciel ouvert, y compris les locaux de service nécessaires. Selon le règlement du PPA "Le Coteau", la surface bâtie dans l’aire de dégagement est limitée au 3% de la superficie totale du bien-fonds, ce qui représente une surface de 237 m2, pour la parcelle 53 d’une superficie totale de 7921 m2, alors que la surface bâtie admise sur l’aire de dégagement pour une parcelle de 2'500 m2 est réduite à 75 m2. Le recourant répond que la demande préalable d’implantation ne porte pas sur les dépendances prévues dans l’aire de dégagement et qu’un accord pourrait être trouvé sur ce point ultérieurement.

Le tribunal emprunte ensuite la partie du chemin du Crêt qui dessert les parcelles 50 et 51. M. W. de Rham précise que l’emprise du chemin du Crêt au nord est plus large que l’assiette de la servitude, car le chemin empiète sur les parcelles 671 et 1'256 dont il est propriétaire. Le recourant précise qu’il produira le plan de l’assiette de la servitude.

Sur la question de la visibilité à la sortie du chemin du Crêt, M. de Aragao expose que la distance de visibilité prévue par la norme VSS pour les véhicules qui descendent depuis la rue du Centre serait respectée, compte tenu de la vitesse limitée à 30 km/h. Il se réfère au schéma figurant dans son rapport.

M. W. de Rham précise qu’il y a eu deux accidents graves à la sortie du chemin du Crêt par des véhicules qui remontaient la route en direction du village; pour cette raison il avait déplacé plus en retrait (à l’ouest) le mur qui formait un angle à la sortie du chemin sur sa parcelle 51 pour dégager la visibilité en direction du sud.

 (…)".

Les parties ont eu la possibilité de se déterminer sur le compte-rendu résumé de l'audience. Le recourant a encore produit le plan de l'assiette de la servitude n° 202'089 grevant les parcelles nos 51 et 671 notamment.

 

Considérant en droit

1.                                La municipalité soutient que le règlement du plan partiel d’affectation limiterait dans l’aire de construction du secteur ouest le nombre de bâtiments par parcelle. Elle estime en substance qu’il ne pourrait être construit qu’un seul bâtiment par parcelle et que chaque parcelle devrait avoir une surface de 2'500 m2 au moins. Le recourant estime en revanche que la réglementation du plan spécial exige seulement une surface de 2'500 m2 par bâtiment et que plusieurs bâtiments pourraient être construits sur une même parcelle pour autant que la surface de la parcelle soit suffisante, c’est-à-dire que la parcelle offre une surface de 2'500 m2 pour chaque bâtiment.

a) L'art. 2.3 al. 3 RPPA, qui fixe l’exigence d’une surface de 2'500 m2, est formulé dans les termes suivants :

Sous réserve des constructions existantes qui peuvent être maintenues, transformées et agrandies dans les limites de la capacité constructive attribuée, chaque bâtiment d'habitation doit être implanté sur un bien-fonds d'une superficie minimum de:

(…)

Le chapitre 4 du règlement concerne l’implantation des constructions. L’art. 4.3 RPPA règle le calcul des distances aux limites de la manière suivante :

Sous réserve des limites de construction mentionnées sur le plan, les bâtiments ou parties de bâtiments non mitoyens sont implantés au moins à la distance « d » des limites du bien fonds. Cette distance se mesure perpendiculairement à la limite jusqu’à la partie du bâtiment la plus proche de la limite:

L’art. 4.4 RPPA traite des distances à respecter entre bâtiments :

Les bâtiments ou parties de bâtiments non accolés situés sur un même bien-fonds sont implantés au moins à la distance "D" les uns des autres. Cette distance se mesure entre les parties les plus rapprochées des bâtiments.

Sous réserve des prescriptions de protection incendie, la distance "D" peut être réduite:

En outre, l'art. 3.1 al. 2 RPPA fixe un cœfficient d’utilisation du sol de 0.20.

b) La surface de 2'500m2 fixée par l'art. 2.3 al. 3 RPPA résulte d’un arrêt du Tribunal administratif statuant sur les différents recours formés contre le plan partiel d’affectation "Le Coteau" (arrêt AC.2005.0048 du 8 février 2006). La surface de 2'500 m2 proposée par la municipalité avait été réduite à 1'900 m2 par le conseil communal et les recours tendant à réintroduire la surface de 2'500 m2 ont été admis. Les considérants de l’arrêt précisent les buts et les motifs de cette mesure : "le tribunal constate à cet égard que la dimension minimum des parcelles fixée à 1'900 m² pour chaque bâtiment entraîne un accroissement du nombre de constructions potentielles dans l'espace qui doit précisément être préservé pour assurer les dégagements nécessaires à la mise en valeur de l'Abbaye et du Prieuré. Seule une mesure de protection limitant la superficie minimum des parcelles pour chaque bâtiment à 2'500 m² est admissible pour se conformer à l'objectif de protection requis par la présence de l'Abbaye et de son Prieuré. En réduisant la surface minimum à 1'900 m², l'autorité de planification n'a pas pris suffisamment en considération l'importance de la qualité exceptionnelle du site de l'Abbaye et de son Prieuré et de la nécessité de réduire le mitage provoqué par de nouvelles constructions familiales dans l'espace de dégagement lié à ces monuments historiques" (arrêt AC.2005.0048 précité consid. 3a). Le Tribunal administratif a encore apporté les précisions suivantes : "en ce qui concerne l'exigence d'une parcelle de 2'500 m2 par bâtiment d'habitation dans le secteur "ouest" de l'aire d'habitation, le tribunal constate que cette mesure est nécessaire pour limiter le nombre de constructions dans le périmètre sensible entourant l'Abbaye et le Prieuré. Il s'agit d'une mesure de protection qui a effectivement pour effet de réduire les possibilités de construire sur la parcelle 53 en permettant seulement l'édification de trois nouvelles constructions au lieu de quatre bâtiments d'habitation avec une surface de 1'900 m2 par bâtiment. Mais cette mesure est nécessaire précisément pour réduire l'emprise et le nombre des constructions et elle permet encore la réalisation de trois bâtiments d'habitation sur la parcelle 53 sans priver les propriétaires d'une possibilité de mise en valeur du terrain" (arrêt AC.2005.0048 précité consid. 4c/aa).

c) L’interprétation du règlement du PPA entre dans le champ de protection de l’autonomie communale (ATF 1C.197/2009 du 28 août 2009 consid. 3.2). L’art. 47 de la loi sur l’aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (RSV 700.11; LATC) fixe la base légale formelle des restrictions au droit de propriété résultant des règlements communaux de construction en définissant les différents domaines dans lesquels la réglementation communale peut intervenir (AC.2005.0280 du 25 juin 2007, consid. 1a). Pour interpréter une disposition d’un règlement communal sur les constructions, l’autorité doit déterminer en premier lieu les objectifs d’aménagement ou les buts recherchés par la planification en cause et se référer aussi au plan directeur communal lorsqu’il existe et à la systématique du règlement.

d) En l’espèce, la surface de 2'500 m2 par bâtiment d’habitation prévue par l'art. 2.3 al. 3 RPPA a un but de protection du paysage. Il s’agit de limiter le nombre de constructions dans le périmètre sensible entourant l'Abbaye et le Prieuré. La mesure avait  effectivement pour effet de réduire les possibilités de construire sur la parcelle n° 53 en permettant seulement l'édification de trois nouvelles constructions au lieu des quatre constructions que permettait le plan adopté par le conseil communal. Les objectifs recherchés tendent à prendre en considération l'importance de la qualité exceptionnelle du site de l'Abbaye et de son Prieuré et de la nécessité de réduire le mitage provoqué par de nouvelles constructions familiales dans l'espace de dégagement lié à ces monuments historiques. Ainsi, les buts recherchés par la planification communale ne tendaient pas à interdire la construction de plusieurs bâtiments d’habitation sur une même parcelle, mais bien à réduire le nombre de maisons familiales en fonction de la surface exigée pour chaque bâtiment d’habitation. Le texte de l’art. 2.3 al. 3 RPPA précise bien que chaque bâtiment d'habitation doit être implanté sur un bien-fonds d'une superficie minimum de 2'500 m2 mais sans interdire la construction de plusieurs bâtiments sur un même bien- fonds, pour autant que l’exigence d’une surface de 2'500 m2 par bâtiment d’habitation soit respectée. L’art. 4.4 RPPA permet de confirmer cette interprétation car cette disposition règle la situation de plusieurs bâtiments construits sur un même bien-fonds.

Il se pose encore la question de savoir si l’implantation des bâtiments d’habitation, des dépendances et des garages doit permettre le fractionnement ultérieur de la parcelle avec la possibilité de créer pour chaque bâtiment trois parcelles distinctes, indépendantes les unes des autres, en conformité avec l’art. 83 LATC; c'est-à-dire que le fractionnement ne doit pas avoir pour effet de rendre une construction non réglementaire. A cet égard, il ressort de l’art. 4.4 RPPA que les règles fixant les distances à respecter entre bâtiment prévoient une distance double de celles des règles fixant les distances à respecter aux limites de propriété selon l’art. 4.3 RPPA. Ainsi, la distance entre bâtiments sur une même propriété s’élève à 12 m alors que la distance à la limite de propriété est de 6 m. En imposant une distance entre bâtiments correspondant au double de la distance à la limite de propriété, le législateur communal a probablement voulu permettre un fractionnement ultérieur de la parcelle. Toutefois l’art. 4.4 RPPA permet une réduction de la distance entre façades aveugles ou entre parties aveugles de façades. En outre, le règlement ne prévoit pas la possibilité de créer un parking commun en cas de construction de plusieurs bâtiments sur une même parcelle, mais il n’interdit pas expressément cette faculté. Un parking commun aux trois bâtiments ne permettrait plus un fractionnement ultérieur en raison de la distance de 4 m à la limite de propriété qui doit être respectée pour les constructions souterraines (art. 53 al. 2 RPGA). Il n’est toutefois pas nécessaire de déterminer si l’implantation des bâtiments et du parking devrait permettre un éventuel fractionnement ultérieur, compte tenu de l’issue du recours.

2.                                La municipalité a refusé le permis de construire pour des motifs ayant trait à l’esthétique et à l’intégration des constructions dans le site en invoquant l’art. 86 LATC et les art. 4.1 et 6.1 RPPA. Le recourant fait grief à l'autorité intimée de reprocher au projet litigieux sa mauvaise implantation ainsi que son manque d'esthétique entraînant une mauvaise intégration à l'environnement construit. Le recourant relève aussi la contradiction entre la position de la municipalité et les contacts préalables à l’ouverture de l’enquête. Il relève en particulier la position de la municipalité dans une lettre du 10 septembre 2009 exprimée dans les termes suivants : "La Municipalité tient finalement à relever tout de même que l’architecture proposée (aspect extérieur) pour les trois villas est séduisante et se situe dans l’esprit du plan d’affectation Le Coteau".

a) Comme l'a rappelé le tribunal dans l'arrêt AC.2005.0048 du 8 février 2006, le plan partiel d'affectation "Le Coteau" répond aussi à la définition des zones à protéger au sens de l'art. 17 al. 1 let. c de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Le règlement du plan prévoit d’ailleurs des exigences spécifiques d’intégration. Il s’agit des dispositions traitant d'une part de la protection accrue du site et d'autre part de l'esthétique des constructions. L'art. 1.1 RPPA, relatif aux buts du plan, prévoit ce qui suit :

Le présent plan partiel d'affectation (PPA) est établi pour répondre à certains objectifs du PLAN DIRECTEUR COMMUNAL. Il est conçu notamment pour:

L'art. 4.1 RPPA, traitant des principes d'implantation des constructions, dispose ce qui suit :

La situation et l'orientation d'une construction nouvelle sont choisies en tenant compte des caractéristiques du lieu, de la configuration du terrain et de l'implantation des bâtiments existants à proximité.

Pour des raisons d'unité ou d'harmonie ou pour tenir compte d'un état futur projeté, la situation d'un bâtiment tant en ce qui concerne son implantation que les altitudes à respecter en périphérie peut être imposée au propriétaire d'une construction projetée.

En ce qui concerne les principes d'architecture, l'art. 6.1 RPPA prévoit que :

D'une façon générale, la Municipalité s'applique à promouvoir une architecture réputée de bonne qualité.

Lors d'une construction nouvelle ou lors de transformations ou d'agrandissements, la forme du bâtiment ou la nature de l'ouvrage est conçue de manière à inscrire de façon harmonieuse la réalisation dans le cadre où elle s'insère.

Dans les aires de construction, les bâtiments ainsi que toutes autres réalisations doivent être conçus de manière à respecter le cadre historique dans lequel ils sont implantés. Le Service des bâtiments de l'Etat de Vaud, section monuments et sites, est habilité à imposer toute mesure propre à atteindre cet objectif.

Les constructions ou parties de constructions qui, par leur forme, leur volume, leurs proportions, les matériaux utilisés ou, d'une façon générale, leur architecture compromettent l'harmonie des lieux ou l'homogénéité de l'ensemble ne sont pas admises.

Ces dispositions ont une portée distincte de celle de la clause générale d'esthétique en ce sens qu'elles posent des exigences spécifiques accrues d'intégration des nouveaux bâtiments; ces règles font partie des mesures que les communes ont la compétence d'édicter dans leur plan d'affectation pour les paysages, les sites, les localités et les ensembles méritant protection au sens de l'art. 47 al. 2 ch. 2 LATC conformément à l'art. 17 al. 1 let. c LAT (arrêt AC.2004.0204 du 21 décembre 2004).

b) S’agissant d’apprécier les qualités d’intégration d’un projet de construction, le Tribunal fédéral reconnaît aux collectivités locales un large pouvoir d’appréciation (ATF 115 Ia 370 consid. 3 p. 372, 115 Ia 363 consid. 2c p. 366, 115 Ia 114 consid. 3d p. 118; 101 Ia 213 consid. 6a p. 221). Toutefois, dans le cadre des critères d’intégration plus sévères résultant d’une zone à protéger au sens de l’art. 17 LAT, l’autorité communale ne bénéficie pas de la même marge d’appréciation que celle résultant de l’application de la clause d’esthétique (art. 86 LATC), car les impératifs de protection s’imposent de manière plus précise et détaillée. L’art. 4.1 du règlement fixe des principes concernant le choix du lieu d’implantation des bâtiments projetés (al. 1), qui peut même être imposé au propriétaire pour tenir compte d’un état futur projeté (al. 2). L’art. 6.1 du règlement ne fixe pas uniquement des exigences en ce qui concerne l’architecture des bâtiments (al. 1), mais aussi des règles concernant la conception, la forme et la nature des bâtiments, afin de respecter le cadre historique dans lequel ils sont implantés (al. 3).  

c) En l’espèce, le tribunal a déjà constaté que la partie "ouest" du PPA, au lieu-dit "A l'Abbaye" et dans laquelle se trouve la parcelle litigieuse, se situe dans une relation de proximité directe avec l'Abbaye et les constructions du Prieuré, ce qui nécessite une attention toute particulière (voir arrêt AC.2005.0048 précité). La municipalité a critiqué dans la décision attaquée "l'implantation rapprochée de trois bâtiments rigoureusement identiques, qui plus est dotés d'un accès commun." Elle a estimé que la juxtaposition rapprochée de villas identiques, comme le proposait le projet, ne répondait de ce fait pas suffisamment aux buts du PPA (art. 1.1 RPPA), visant une protection accrue particulière du site de l'Abbaye et de son environnement.

La motivation de la décision municipale n’est pas en contradiction avec les principes d’intégration posés à l’art. 4.1 al. 1 RPPA. Cette disposition exige que la situation et l'orientation d'une construction nouvelle soient choisies en tenant compte des caractéristiques du lieu, de la configuration du terrain et de l'implantation des bâtiments existants à proximité. Or, la proximité de l’Abbaye et de son Prieuré nécessite une étude d’intégration qui tienne compte des caractéristiques du site. La municipalité n’a pas excédé son pouvoir d’appréciation en considérant que l’implantation en domino de trois villas identiques ne tient pas compte des caractéristiques du site. C’est le caractère répétitif du même projet sur une grande parcelle à proximité directe d’un site historique remarquable qui permet à la municipalité de considérer que les exigences renforcées d’intégration résultant de l’art. 4.1 al. 1 RPPA ne sont pas remplies.

Cette conclusion est renforcée par le fait que dans le cadre des travaux préparatoires à l'établissement de l'inventaire ISOS, l'ensemble formé par l'Abbaye du XIème siècle et l'ancien Prieuré du XIIème siècle (E 0.1) a été qualifié de remarquable et les objectifs de sauvegarde proposés tendent à protéger la substance d'origine existante. Le périmètre environnant l'Abbaye et le Prieuré (PE 1) composé de coteaux et de vergers a été relevé comme un espace essentiel d'articulation entre l'agglomération historique et l'ancien Prieuré. L'objectif de sauvegarde recherché vise au maintien de l'état existant. Les travaux de l'inventaire comportent, à cet égard, la suggestion suivante :

"Regrouper impérativement les nouvelles constructions dans les vastes secteurs déjà partiellement bâtis, afin de préserver les environs de l'ancien Prieuré du mitage par l'implantation anarchique de maisons familiales".

Le périmètre environnant concerné (PE 1) s'étend sur les terrains entourant l'Abbaye depuis la rive du lac jusqu'au pied des terrains supportant les constructions du village historique. Les travaux préparatoires de l’inventaire ISOS ont la valeur d’un élément d’appréciation à prendre en considération pour apprécier la qualité d’intégration d’un projet de construction dans un site à protéger (ATF 116 Ia 41 consid. 4 p. 44). En outre, les exigences spécifiques du règlement du PPA concernant l’intégration des constructions tiennent compte de ces objectifs de protection et doivent être interprétées en accord avec les mesures proposées. Enfin, les remarques de la municipalité dans sa lettre du 10 septembre 2009 concernent essentiellement les qualités de la forme architecturale. Mais ces remarques ne peuvent être interprétées comme une promesse d’autoriser le projet contesté puisque la municipalité faisait état de son opposition à l’implantation de plusieurs villas sur la même parcelle et c’est précisément le choix de l’implantation de trois constructions identiques en domino qui ne tient pas suffisamment compte de la qualité de l’environnement construit et non seulement la forme architecturale de l’une des villas.

3.                                La municipalité a aussi refusé le permis de construire en raison du fait que le projet d’implantation prévoit un seul accès par le sud, le long du tronçon ouest du chemin du Crêt. La municipalité estime que le projet devrait prévoir un accès par le nord pour les villas qu’il serait prévu de construire en amont à défaut de quoi, le tronçon ouest du chemin du Crêt ne présenterait pas les caractéristiques suffisantes pour absorber le trafic que pourraient générer les trois villas. Le recourant conteste la nécessité d’exiger un accès par le nord conjointement à un accès par le sud.

a) L'art. 8.2 RPPA prévoit que "les voies d'accès mentionnées sur le plan constituent un principe de desserte des surfaces urbanisées ou urbanisables qu'il convient de respecter. Le tracé de ces voies est cependant indicatif et l'obtention des droits de passage nécessaires demeure réservée". Le PPA mentionne pour la parcelle litigieuse deux accès, par le nord et par le sud. Toutefois, la réglementation communale n’impose pas expressément la réalisation de ces deux accès pour la parcelle n° 53. Les parties ont produit différentes études qui montrent que l’accès par le nord à la parcelle n° 53 pose plusieurs problèmes liés à la pente du terrain, à la présence du pavillon Vallotton répertorié comme bâtiment à conserver, et à la nécessité d’empiéter légèrement sur la parcelle voisine n° 54. Par ailleurs, le recourant a produit une étude du bureau CERT-ARAGAO de février 2010, qui a pour objet de démontrer que l’accès par le sud est conforme aux normes de l’Association suisse des professionnels de la route (VSS).

b) Vu le sort du recours, cette question peut demeurer indécise. Il convient néanmoins de relever qu'un accès à la parcelle n° 53 par le nord devrait aussi permettre de desservir les parcelles voisines à l’est, soit la parcelle no 671, qui bénéficie aussi d’une possibilité d’accès par le sud, ainsi que la parcelle no 1'256, pour laquelle le plan ne prévoit pas d’autres possibilités d’accès, ni par le sud, ni par l’est. Cette situation résulte probablement du fait que l’ancienne parcelle no 671, qui a été divisée depuis l’adoption du plan par la création de la nouvelle parcelle no 1'256, bénéficiait directement des accès prévus par le PPA au sud et au nord. Ainsi, il se pose la question de savoir si l’aménagement de la parcelle n° 53 ne doit pas tenir compte de la possibilité de créer un accès par le nord pour desservir les parcelles nos 671 et 1'256, conformément aux principes d’accès à respecter selon le PPA et son règlement. L’art. 4.1 al. 2 RPPA prévoit en effet que pour tenir compte d’un état futur projeté, la situation d’un bâtiment, tant en ce qui concerne son implantation que les altitudes à respecter en périphérie, peut être imposée au propriétaire d’une construction projetée. En d’autres termes, la municipalité peut imposer une implantation du bâtiment nord et de ses aménagements qui permette la réalisation ultérieure d’un accès destiné à desservir les parcelles nos 671 et 1246. Or, la coupe A du projet montre que la présence d’un mur de soutènement au nord de la parcelle n° 53, rendrait impossible ou très difficile un accès futur aux parcelles adjacentes à l’est (nos 671 et 1'256).

En outre, si la présence du "pavillon Vallotton", protégé par le PPA, rend l'accès par le nord difficile, il ressort du compte-rendu d'audience que l'autorité intimée serait prête à étudier l'abandon de la protection de celui-ci par une modification du PPA, sous réserve de la décision du conseil communal. Un déplacement du pavillon serait également envisageable, déplacement qui serait soumis à l'accord préalable du Département des infrastructures, conformément à l'art. 6.2 RPPA.

c) En ce qui concerne l’accès prévu au garage central, l'art. 53 al. 2 RPGA prévoit que les constructions souterraines entièrement sous le niveau du profil du terrain naturel ne comptent pas dans le potentiel constructible mais doivent respecter une distance aux voisins de 4 m au minimum à l'exception des accès non couverts. Or, il ressort des plans mis à l'enquête publique, que la partie souterraine de l'accès au garage présente une distance de 2 m à la parcelle voisine n° 671. Le tribunal constate que le projet n'est pas conforme au règlement communal sur ce point également.

On relève encore que dans le cas d'un morcellement de la parcelle selon le projet de fractionnement produit par le recourant lors de l'audience, la distance prescrite par l'art. 53 al. 2 RPGA ne serait également pas respectée par le garage souterrain dans son ensemble, puisque celui-ci s'étend sur toute la surface comprise entre les trois villas et se situerait à cheval sur les limites entre les trois parcelles.

4.                                Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté et la décision attaquée confirmée. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de justice ainsi qu'une indemnité à titre de dépens en faveur de la municipalité et des parties opposantes (art. 49, 55, 91 et 99 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative, LPA-VD; RSV 173.36). La jurisprudence du tribunal a en effet posé le principe suivant : lorsque la procédure met en présence, outre le recourant et l'autorité intimée, une ou plusieurs autres parties dont les intérêts sont opposés à ceux du recourant, c'est en principe à la partie adverse de supporter les frais et dépens (RDAF 1994 p. 324).

 

 

Par ces motifs la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

 

I.                                   Le recours est rejeté.

II.                                 La décision de la Municipalité de Saint-Sulpice du 23 juin 2010 est maintenue.

III.                                Un émolument de justice de 2'000 (deux mille) francs est mis à la charge du recourant Bernard Schlunegger.

IV.                              Le constructeur Bernard Schlunegger est débiteur :

-          de la Municipalité de Saint-Sulpice, d'une indemnité de 1'000 (mille) francs à titre de dépens.

-          de l’opposant William de Rham d'une indemnité de 1'000 (mille) francs à titre de dépens.

-          de l’opposant Daniel Boulart d'une indemnité de 1'000 (mille) francs à titre de dépens.

Lausanne, le 12 juillet 2011

 

Le président :                                                                                            La greffière:

 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral. Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédig¿dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.