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PE.2010.0204

Datum
2011-07-29
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				PE.2010.0204
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 29.07.2011
			  
			
				Juge: 
				EB
			
			
				Greffier: 
				AJU
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				A. X........., B. X......... c/Service de la population (SPOP)
			
				
	
	
		
			 AUTORISATION DE SÉJOUR  REGROUPEMENT FAMILIAL  CALCUL DU DÉLAI  DÉBUT 
			LEI-126-3LEI-43-1LEI-47LEI-47-1LEI-47-3	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Décision refusant l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur d'une ressortissante vietnamienne âgée de dix-sept ans désirant vivre auprès de son père. Situation exceptionnelle s'agissant des circonstances de la naissance de la recourante dans un camp de réfugiés en Indonésie en l'absence de son père qu'elle a retrouvé à l'âge de seize ans. Recours admis au motif qu'il y a lieu de considérer que le délai pour demander le regroupement familial a commencé à courir lorsque que son père a obtenu la confirmation de sa paternité par un test ADN après leurs retrouvailles.
			
		
	




	
		
		

 

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 29 juillet 2011

Composition

M. Eric Brandt, président; MM. Laurent Merz et Antoine Thélin, assesseurs; Mme Aurélie Juillerat, greffière

 

recourants

A. X........., à représentée par Florence ROUILLER, ARF Conseils juridiques Sàrl, à Lausanne, 

 

 

B. X........., à 1********, représenté par Florence ROUILLER, ARF Conseils juridiques Sàrl, à Lausanne, 

  

autorité intimée

 

Service de la population (SPOP), à Lausanne

  

 

Objet

Refus de délivrer   

 

Recours A. X......... et B. X......... c/ décision du Service de la population (SPOP) du 31 mars 2010 refusant une demande d'autorisation d'entrée, respectivement de séjour, pour regroupement familial en faveur de A. X.........

 

Vu les faits suivants

A.                     B. X........., ressortissant vietnamien né le 1er octobre 1974, est entré en Suisse le 21 avril 1993. Le 14 juillet 1993, l’asile lui a été accordé. Actuellement, il vit toujours en Suisse où il est titulaire d’une autorisation d’établissement. Le 30 octobre 1998, il a épousé C. Y........., ressortissante vietnamienne, et deux enfants sont issus de leur union, D. X........., né le 26 juillet 1999, et E. X........., né le 4 février 2005.

B.                     a) Le 5 novembre 2009, B. X......... a déposé auprès de l’ambassade suisse au Vietnam une demande de regroupement familial pour sa fille, A. X........., née le 4 octobre 1993, également de nationalité vietnamienne. A l'appui de sa requête, il a notamment produit le résultat d’un test ADN daté du 24 août 2009 qui atteste de sa paternité ainsi que deux documents intitulés "Affidavit of consent " dont il ressort que la mère de A. X........., de même que sa tante et son oncle, qui prenaient soin de l’intéressée depuis qu’elle avait sept ou huit  ans, donnaient leur accord pour qu'elle se rende en Suisse.

b) Le 30 novembre 2009, A. X......... a été entendue par un représentant suisse au Vietnam. Invitée par le Service de la population (ci-après : SPOP) à exercer son droit d'être entendue avant qu'il ne statue sur sa demande, l’intéressée a communiqué ses observations par lettre du 9 mars 2010.

c) Par décision du 31 mars 2010, notifiée le 8 avril 2010, le SPOP a refusé d'accorder une autorisation de séjour à A. X.......... A l’appui de sa décision, il invoque en substance que son refus se fonde sur l’art. 51 al. 2 let. a LEtr, la demande semblant plus être motivée par des motifs économiques que par une volonté prépondérante de reconstituer la communauté familiale.

C.                     a) Le 7 mai 2010, A. X......... et B. X......... ont recouru contre cette décision, concluant sous suite de frais et dépens à ce que la décision en question soit annulée, ainsi que principalement à ce que A. X......... soit mise au bénéfice d’une autorisation de séjour et subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à l’autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. S’appuyant sur les art. 43 et 47 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr ; RS 142.20), 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH; RS 0.101) et 3, 9, 10 et 16 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE; RS 0.107), ils font valoir en substance que le regroupement familial requis était clairement dans l’intérêt de l’enfant compte tenu de sa situation particulière.

b) Par lettre du 3 juin 2010, le SPOP a requis des recourants qu’ils fournissent certains renseignements complémentaires afin qu’il puisse se déterminer sur le recours en toute connaissance de cause. Les recourants ont fourni les précisions requises par lettre du 27 septembre 2010.

c) Après avoir pris connaissance des informations complémentaires fournies par les recourants, le SPOP a conclu au rejet du recours. Il a complété sa décision en invoquant la tardiveté de la demande conformément à l’art. 126 LEtr et l’absence de raisons familiales majeures au sens de l’art. 47 al. 4 LEtr.

d) Les recourants ont déposé un mémoire complémentaire le 8 novembre 2010. Le SPOP a finalement indiqué par lettre du 9 novembre 2010 que les arguments des recourants n’étaient pas de nature à modifier sa décision.

Considérant en droit

1.                      Exceptés les cas où une disposition légale prévoit expressément le contrôle de l'opportunité d'une décision, le tribunal de céans n'exerce qu'un contrôle en légalité, c'est-à-dire examine si la décision entreprise est contraire à une disposition légale ou réglementaire expresse, ou relève d'un excès ou d'un abus du pouvoir d'appréciation (art. 98 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative - LPA; RSV 173.36). La LEtr ne prévoyant aucune disposition étendant le pouvoir de contrôle de l'autorité de recours à l'inopportunité, ce motif ne saurait être examiné par le tribunal.

2.                      a) Conformément à l’art. 43 al. 1 LEtr, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui.

Le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de douze ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1 LEtr). Pour les membres de la famille d’étrangers, les délais commencent à courir lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou d’établissement ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEtr). Le moment de l’établissement du lien familial correspond au moment du mariage ou du fondement de la relation avec l’enfant par la naissance, la reconnaissance, un jugement ou une adoption (Martina Caroni, in : Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG), Stämpflis Handkommentar, Berne 2010, art. 47, no 17, p. 442). L'art. 126 al. 3 LEtr prévoit toutefois que les délais prévus à l’art. 47 al. 1 LEtr commencent à courir à l’entrée en vigueur de cette loi, dans la mesure où l’entrée en Suisse ou l’établissement du lien familial est antérieur à cette date.

L'art. 47 LEtr, qui institue des délais pour demander le regroupement familial, est issu de l'art. 46 du projet. La seconde phrase de l'al. 1, qui prévoit un délai de douze mois pour demander le regroupement avec des enfants de plus de douze ans, a été ajoutée par les Chambres fédérales. Il en va de même de la seconde phrase de l'al. 3, aux termes de laquelle les enfants de plus de quatorze ans sont entendus si nécessaire. L'idée du législateur, en introduisant ces délais, était de favoriser la venue en Suisse des enfants le plus tôt possible, dans le but de faciliter leur intégration. En suivant une formation scolaire suffisamment longue dans notre pays, ils acquièrent en effet les aptitudes linguistiques indispensables à leur intégration. Les délais en question doivent en outre éviter que des demandes de regroupement familial soient déposées de manière abusive, en faveur d'enfants qui sont sur le point d'atteindre l'âge de travailler (cf. Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers publié in FF 2002 pp. 3469 ss, ch. 1.3.7.7 pp. 3512 s.). Le nouveau droit, avec son système de délais, marque une rupture par rapport aux conditions restrictives posées par la jurisprudence antérieure en cas de regroupement familial partiel (ATF 2C.526/2009 du 14 mai 2010 consid. 9.1). Il ne permet plus de justifier l'application des conditions fondées sur l'art. 17 aLSEE, lesquelles exigeaient pour le regroupement différé, lorsque les parents de l’enfant vivaient séparément, un changement important des circonstances (ATF 136 II 78 consid. 4.7 p. 86, voir aussi ATF 2C.325/2009 du 8 mars 2010 consid. 3.2; arrêt PE.2010.0231 du 13 août 2010 consid. 1 p. 3).

b) En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de déterminer le moment où le lien de filiation entre B. X......... et sa fille a été établi. A cet égard, il ressort ce qui suit du dossier de la cause :

-                                  Une décision accordant l’asile à B. X......... a été rendue le 14 juillet 1993 par l’Office fédéral des réfugiés ; celle-ci mentionne que celui-ci était entré en Suisse le 21 avril 1993 en provenance de l’Indonésie.

-                                  Le certificat de naissance de A. X......... indique que celle-ci est née le 4 octobre 1993 et que B. X......... a été inscrit comme étant son père le 11 septembre 1995. A cet égard, les recourants allèguent que la mère de A. X......... avait fait enregistrer sa fille en mentionnant B. X......... en qualité de père sur simple déclaration unilatérale (cf. déterminations du 27 septembre 2010).

-                                  Un rapport d’expertise daté du 24 août 2009 atteste que B. X......... est bel et bien le père de A. X..........

-                                  Dans sa demande de regroupement familial déposée le 5 novembre 2009, B. X......... allègue qu’il avait quitté le Vietnam le 25 mai 1990, qu’il avait ensuite vécu dans un camp de réfugiés en Indonésie avec son amie F. Z......... jusqu’à son départ pour la Suisse le 21 avril 1993; dès lors qu’il n’était pas encore majeur, il n’avait pas pu se marier ; son amie et sa fille, née après son départ avaient par la suite été renvoyées au Vietnam le 18 avril 1995 et il avait perdu contact avec elles jusqu’en 2008; avec l’aide de ses cousins, il avait en effet pu retrouver sa fille; il s’était alors rendu au Vietnam et l’avait rencontrée en août 2009.

-                                  Dans sa demande de réexamen adressée au Consulat général de Suisse à Hô Chi Min ville le 9 mars 2010, la recourante précise que son père, une fois arrivé en Suisse, « avait déclaré qu’il avait une femme et un enfant à Galang, mais les autorités en Suisse ne crurent pas aux paroles de mon père parce que mon père ne pouvait pas présenter son acte de mariage (la déclaration de mon père peut être retrouvée dans son dossier) »

-                                  Lors de son audition le 30 novembre 2009, A. X......... a déclaré qu’elle avait rencontré son père en septembre 2009 et qu’à cette occasion il lui avait demandé si elle souhaitait vivre en Suisse auprès de lui, ce qu’elle avait accepté.

-                                  Dans son recours, le conseil de B. X......... allègue qu’au moment de quitté l’Indonésie pour la Suisse, en avril 1993, son client n’aurait pas su que son amie était enceinte ; ce n’était que fin 2008 – début 2009 qu’il avait appris qu’il était le père de A. X..........

-                                  Dans ses déterminations du 27 septembre 2010, le recourant est implicitement revenu sur les allégations qui précèdent en mentionnant qu’il n’avait jusqu’en 2008 jamais eu d’informations confirmant que F. Z......... avait mené sa grossesse à terme, bien qu’il ait tenté en vain, une fois en Suisse, de retrouver son amie par l’intermédiaire de sa tante.

-                                  Une déclaration écrite datée du 12 septembre 2010 établie par G......... indique que celui-ci s’était trouvé à l’époque dans le même camp de réfugiés que B. X......... et son amie F. Z.........; suite au départ de B. X......... il avait totalement perdu contact et avait émigré en Australie. Son épouse étant une cousine de F. Z........., il avait rencontré cette dernière lors d’un retour au Vietnam en 2008 et avait ensuite rendu visite à un ami, H........., qui n’était autre que l’oncle de B. X........., qui avait pu l’informer au sujet de sa fille .

c) Au vu de ces éléments, le tribunal estime que le certificat de naissance de A. X......... du 11 septembre 1995 n’a pas la valeur juridique d’une décision de reconnaissance de paternité au sens de l’art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), car ce certificatif mentionne B. X......... comme étant le père de l’enfant, sur la seule base d’une déclaration unilatérale de la mère. En outre, le dossier ne permet pas d’établir qu’il existe une décision de reconnaissance de paternité ou que le père ait eu connaissance de l’établissement du lien de filiation avant les résultats de l’expertise du mois d’août 2009. La preuve de l’établissement de la filiation à l’égard du père, a ainsi été apportée par le rapport d’expertise du mois d’août 2009, car ce document rend la paternité certaine sur le plan factuel et connue sans équivoque par le père. Dès lors que le recourant n’avait jamais, respectivement plus eu de contact avec sa fille et la mère depuis son départ d’Indonésie, il pouvait à juste titre attendre le résultat de l’expertise avant  de demander le regroupement familial. Comme la demande de regroupement familial a été déposée auprès de l’ambassade suisse au Vietnam le 5 novembre 2009, il apparaît que le délai de douze mois prévu par l’art. 47 al. 1 LEtr pour le dépôt d’une telle demande, délai qui arrive à échéance en août 2010, a été respecté.

Pour le surplus, la situation des recourants est d'ailleurs exceptionnelle. On ne peut pas la comparer à celle d’un parent qui décide librement de venir en Suisse et d’y vivre séparé de sa famille pendant de nombreuses années. Au péril de leur vie les parents de la recourante ont quitté le Vietnam pour être recueilli sur l’île indonésienne de Galang. La séparation de la famille n’est pas décidée librement. Mais le recourant bénéficie de la présence de son père en Suisse et peut être accepté comme réfugié ce qui n’est pas le cas de la mère. Le retour au Vietnam et le placement de la recourante chez une tante interrompt tout contact entre la fille et son père. C’est seulement à la suite de circonstances imprévisibles, dues au hasard, que le père de la recourante découvre l’existence et la trace de sa fille ; les recourants se rencontrent alors et se voient pour la première fois en août 2009. Dans de telles circonstances exceptionnelles, les résultats du test ADN ont la portée juridique de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEtr)

3.                      Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être admis et la décision attaquée annulée, le dossier étant retourné au Service de la population pour statuer à nouveau sur la demande de regroupement familial. Compte tenu de l’issue du recours, les frais de justice sont laissés à la charge de l’Etat. Les recourants, qui obtiennent gain de cause par l’intermédiaire d’un conseiller juridique, ont droit aux dépens qu’ils ont requis.

 

Par ces motifs la Cour de droit administratif et public

du Tribunal cantonal arrête:

I.                       Le recours est admis

II.                      La décision du Service de la population du 31 mars 2010 est annulée et le dossier retourné à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

III.                    Les frais de justice sont laissés à la charge de l’Etat

IV.                    L’Etat de Vaud, par l’intermédiaire du Service de la population, est débiteur des recourants d’une indemnité de 1000 (mille) francs à titre de dépens.

Lausanne, le 29 juillet 2011

 

Le président:                                                                                            La greffière:

                                                                    

 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint, ainsi qu'à l'ODM.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral. Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.