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PE.2014.0019

Datum
2014-03-24
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				PE.2014.0019
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 24.03.2014
			  
			
				Juge: 
				PL
			
			
				Greffier: 
				FJU
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				X................ c/Service de la population (SPOP)
			
				
	
	
		
			 RECONSIDÉRATION  MODIFICATION DES CIRCONSTANCES  NOUVEAU MOYEN DE FAIT  SCHIZOPHRÉNIE 
			LPA-VD-64-1	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Demande de reconsidération déposée par un ressortissant macédonien, considéré jusque là comme souffrant de "trouble dépressif récurrent", se fondant sur une schizophrénie paranoïde nouvellement diagnostiquée. Le SPOP n'a pas suffisamment instruit la cause pour déterminer d'une part l'incidence de l'aggravation de la santé du recourant sur son statut en matière de police des étrangers et d'autre part les possibilités de traitement en Macédoine. Recours admis.
			
		
	




	
		
		

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 24 mars 2014

Composition

M. Pascal Langone, président; Mme Dominique-Laure Mottaz-Brasey, assesseuse, et M. Guy Dutoit, assesseur; Mme Fabia Jungo, greffière.

 

Recourant

 

X........., à 1********, représenté par Me Philippe OGUEY, avocat à Yverdons-les-Bains,

  

Autorité intimée

 

Service de la population (SPOP),  

  

 

Objet

Réexamen   

 

Recours X......... c/ décision du Service de la population (SPOP) du 19 décembre 2013 déclarant sa demande de reconsidération du 25 juin 2013 irrecevable, subsidiairement la rejetant.

 

Vu les faits suivants

A.                                Par arrêt PE.2006.0039 rendu le 24 octobre 2006, le Tribunal administratif (devenu la Cour de droit administratif et public - CDAP - du Tribunal cantonal le 1er janvier 2008) a confirmé la décision du Service de la population (ci-après: SPOP) du 1er novembre 2005 refusant de renouveler l’autorisation de séjour de X........., ressortissant macédonien né le ******** 1972, en raison du fait qu’il avait obtenu une autorisation à la suite de son mariage avec une ressortissante polonaise, titulaire d’un permis d’établissement, dont il s’était séparé en été 2004.

Par arrêt du 30 août 2007 (cause PE.2007.0303), le Tribunal administratif a confirmé la décision du SPOP du 23 mai 2007 refusant de délivrer au prénommé une autorisation de séjour par regroupement familial et lui impartissant un délai pour quitter le canton de Vaud, pour le motif qu'après avoir entamé des démarches pour vivre ensemble, le couple s'était à nouveau séparé et que le divorce avait été prononcé et était depuis lors entré en force. Par décision du 17 décembre 2007, l'Office des migrations (ci-après: ODM) a pris à l'encontre de X......... une mesure d'extension de la décision cantonale de renvoi à tout le territoire de la Confédération.

Par décision du 2 mai 2008, le SPOP a rejeté une requête de X......... tendant à la suspension de l'exécution du renvoi pour des raisons médicales, pour le motif que le renvoi du prénommé faisait l'objet d'une décision d'extension de la décision cantonale à tout le territoire de la Confédération prononcée par l'ODM et n'était donc plus de sa compétence.

B.                               Le 13 février 2009, X......... a déposé auprès du SPOP une demande de reconsidération de sa décision du 23 mai 2007, déclarée irrecevable par décision du 3 mars 2009 pour le motif que l'état de santé du prénommé ne constituait pas un élément nouveau pertinent. Le recours déposé contre cette décision a également été déclaré irrecevable par la CDAP, l'avance de frais requise n'ayant pas été versée dans le délai prescrit (décision du 28 mai 2009 dans la cause PE.2009.0183).

C.                               Le 29 juillet 2009, X......... a requis de l'ODM le réexamen de sa décision d'extension fédérale du 17 décembre 2007. Il a motivé sa requête essentiellement par la détérioration incessante de son état de santé psychique, par l'impossibilité d'assumer les coûts d'un traitement médical en Macédoine et par l'absence dans ce pays d'un réseau social et familial sur lequel il pourrait s'appuyer.

Par décision du 21 août 2009, l'ODM a rejeté cette demande, estimant pour l'essentiel que le trouble dépressif récurrent dont souffrait l'intéressé ne correspondait pas à une maladie chronique l'ayant affecté depuis des années, mais qu'il correspondait bien plus à un trouble psychique réactionnel qui, de plus, avait été exacerbé par le décès en 2008 de sa nouvelle compagne. Cette autorité a retenu que le prénommé avait la possibilité de se faire soigner en Macédoine, tout en admettant que l'infrastructure médicale dans ce pays ne pouvait être comparée à celle prévalant en Suisse; toutefois, les services de neuropsychiatrie de différentes cliniques offraient une prise en charge psychothérapeutique en Macédoine; enfin, les membres de la famille de X......... résidant en Suisse pourraient lui venir en aide financièrement en cas de retour dans son pays d'origine, où il avait vécu 27 ans, afin d'y assurer la suite de son traitement.

Par arrêt du 8 avril 2011, le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision dans la mesure de sa recevabilité (cause C.6011/2009); en particulier, la cour relevait que les documents médicaux produits dans le cadre de la procédure de réexamen ne démontraient pas une évolution négative de l'état de santé de X......... susceptible de modifier la décision attaquée. L'intéressé ne souffrait ainsi pas de problèmes de santé d'une gravité telle qu'un retour dans son pays d'origine aurait été de manière certaine de nature à mettre concrètement et sérieusement en danger sa vie ou sa santé à brève échéance, respectivement que son état nécessitait impérativement des traitements médicaux ne pouvant être poursuivis qu'en Suisse. La cour relevait qu'il était patent que la Macédoine disposait de médecins et d'établissements neuropsychiatriques aptes à assurer la prise en charge de personnes psychiquement malades et qui étaient à même de procurer le soutien psychothérapeutique et le traitement médicamenteux dont l'intéressé avait besoin.

D.                               X......... a été hospitalisé au Département de psychiatrie du CHUV à plusieurs reprises, la première fois à 2******** du 1er au 20 octobre 2008 pour une mise à l'abri, en raison d'hallucinations visuelles et auditives, puis du 13 au 25 mai 2011 et du 7 au 13 décembre 2012, ainsi que du 23 au 25 août 2011 au Centre de psychiatrie du Nord vaudois (CPNVD).

E.                               Le 25 juin 2013, X......... a sollicité du SPOP qu'il réexamine sa situation pour le motif qu'une schizophrénie à tendance paranoïde avait été récemment diagnostiquée, alors qu'il était jusqu'alors considéré comme souffrant d'un trouble dépressif récurrent. Il a notamment produit un certificat médical établi le 8 mars 2013 par l'Unité de psychiatrie ambulatoire du Département de psychiatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), diagnostiquant une schizophrénie paranoïde et dont on extrait les éléments pertinents suivants:

"[X.........] est suivi dans notre Unité de psychiatrie ambulatoire d'1******** depuis le 15.06.2011, suivi toujours en cours actuellement. Il est vu à raison d'une fois par semaine.

[…]

Médication

Pronostic et constat médical

Le pronostic est assez sombre, au vu de l'anamnèse, de l'évolution et de la situation actuelle. Nous constatons que l'état de [X.........] s'est aggravé avec les années. D'ailleurs, dans ce contexte, nous constatons une incapacité de travail totale. Néanmoins, le patient se présente régulièrement aux entretiens fixés, à raison d'une fois par semaine, tant que sa situation le lui permet. Il prend régulièrement son traitement et il est compliant. S'il continue à bénéficier d'un suivi régulier et d'un traitement médicamenteux, il peut conserver une stabilité de son état, sans réelle amélioration et ainsi éviter une crise aiguë et une hospitalisation.

Pour la future thérapie, nous recommandons la poursuite du suivi psychiatrique à raison d'une fois par semaine, ainsi que du traitement neuroleptique. Dès que sa situation sociale le permettra, une activité dans un atelier protégé pourra être envisagée".

Il ressort encore de cette pièce que la mère ainsi que deux frères et une sœur de X......... souffrent également de schizophrénie.

F.                                Par décision du 19 décembre 2013, le SPOP a déclaré irrecevable, subsidiairement a rejeté la demande de reconsidération précitée pour le motif que les conditions d'un réexamen n'étaient pas remplies, l'état de santé de X......... et son suivi médical ayant déjà été examinés par les instances précédentes; le fait qu'un diagnostic ait enfin été posé n'était pas déterminant. Il a également prononcé le départ immédiat du prénommé.

Dans le dossier du SPOP figure un échange de courriels entre ce dernier et l'Ambassade suisse à Pristina, au Kosovo, laquelle s'est adressée au Dr Y........., neuropsychiatre et médecin de confiance de l'Ambassade de Suisse à Skopje (Macédoine), datant du 12 au 18 novembre 2013. Le Dr Y......... a notamment relevé ce qui suit:

"Schizophrenia can be treated in Macedonia starting from ambulatory cases and finishing with hospital treating.

There are three hospitals for treating psychiatric patients for all cases suffering from schizophrenic psychosis".

Il a également indiqué que seuls deux des quatre médicaments prescrits à X......... étaient commercialisés en Macédoine, à savoir le Cipralex (Lorazépam) et l'Imovane (Escitalopram).

G.                               Par acte du 13 janvier 2014, X......... a recouru devant la CDAP contre la décision du 19 décembre 2013 du SPOP dont il demande l'annulation. Il a présenté une demande d'assistance judiciaire.

Le 14 janvier 2014, le juge instructeur a refusé l'effet suspensif à titre préprovisionnel.

Par décision incidente du 15 janvier 2014, le juge instructeur a refusé d'accorder l'assistance judiciaire au recourant. Cette décision n'a pas été contestée.

Dans sa réponse du 18 février 2014, l'autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Le 14 mars 2014, le recourant a produit une copie du rapport médical établi le 15 octobre 2013 par le Centre de Psychiatrie du Nord Vaudois et adressé à l'Office de l'assurance-invalidité pour l'examen du droit à des mesures pour une réadaptation professionnelle ou à une rente. Il ressort de ce rapport que le recourant présente une incapacité de travail à 100% depuis le mois de juin 2011, pour une durée indéterminée, et que la médication suivante est ordonnée:

"Abilify 10 mg, 2xps/jour

Cipralex 10mg, 1cp/jour

Imovave 7,5mg, 1cp/jour

Temesta 1mg, 2cps/jour"

H.                               Le tribunal a statué par voie de circulation.

Considérant en droit

1.                                a) Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité saisie d'une demande de réexamen refuse d'entrer en matière, un recours ne peut porter que sur le bien-fondé de ce refus (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d p. 395; voir aussi arrêts 2C.172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4; 2C.504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

Aux termes de l'art. 64 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RSV 173.36), une partie peut demander à l'autorité de réexaminer sa décision (al. 1). L'autorité entre en matière sur la demande si l'état de fait à la base de la décision s'est modifié dans une mesure notable depuis lors (al. 2 let. a) ou si le requérant invoque des faits ou des moyens de preuve importants qu'il ne pouvait connaître lors de la première décision ou dont il ne pouvait pas ou n'avait pas de raison de se prévaloir à cette époque (al. 2 let. b). Les faits et les moyens de preuve invoqués doivent être "importants", soit de nature à modifier l'état de fait à la base de l'acte attaqué et à aboutir à un résultat différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (cf. arrêt PE.2013.0321 du 22 octobre 2013 consid. 2a, et la référence citée). Le réexamen de décisions administratives entrées en force ne doit pas être admis trop facilement. Il ne saurait en particulier servir à remettre sans cesse en cause des décisions exécutoires ou à détourner les délais prévus pour les voies de droit ordinaires. Le droit des étrangers n'échappe pas à cette règle (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1; voir aussi arrêts 2C.172/2013 du 21 juin 2013 consid. 4.1; 2C.349/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2.1).

b) En l'espèce, le recourant invoque à l'appui de sa requête le fait qu'un diagnostic de "schizophrénie paranoïde" a été posé, alors qu'il était jusqu'alors considéré souffrant de "trouble dépressif récurrent". En outre, son état ne cessait de s'aggraver. L'autorité intimée a quant à elle fait valoir dans la décision attaquée que l'état de santé et le suivi médical du recourant avaient déjà largement été examinés par les instances précédentes; qu'un diagnostic ait enfin été posé n'était pas déterminant.

S'il est certes exact que l'état de santé du recourant a été examiné par les instances précédentes, à savoir le SPOP, l'ODM et le TAF, l'examen le plus récent a été effectué par le TAF près de deux ans avant la présente procédure et la délivrance du certificat médical, le 8 mars 2013 (cf. TAF C.6011/2009 du 8 avril 2011). Depuis, il apparaît non seulement que le diagnostic a été modifié, passant de "trouble dépressif récurrent" à "schizophrénie paranoïde", mais encore que l'état de santé du recourant s'est aggravé, comme l'atteste le certificat médical précité selon lequel "l'état [du recourant] s'est aggravé avec les années" et "le pronostic est assez sombre, au vu de l'anamnèse, de l'évolution et de la situation actuelle". A la lecture de cette dernière pièce, il n'est toutefois pas possible de déterminer l'ampleur de l'aggravation de l'état de santé du recourant et l'incidence éventuelle du diagnostic nouvellement posé, étant précisé que le tribunal de céans a déjà relevé que la schizophrénie paranoïde constitue à l'évidence une maladie grave (arrêt PE.2012.0216 du 8 novembre 2012).

Au vu de ces éléments, dont certains sont nouveaux par rapport à la situation précédemment examinée par l'ODM, le TAF et l'autorité intimée, il incombait à cette dernière d'instruire la cause afin de déterminer si l'aggravation de santé relatée dans le certificat médical était de nature à constituer un fait nouveau important, susceptible de modifier la situation juridique du recourant sur le plan de la police des étrangers. En outre, s'il ressort du dossier qu'elle a certes sollicité l'avis du médecin de confiance de l'Ambassade de Suisse à Skopje (Macédoine), quant aux possibilités thérapeutiques existant dans ce pays (voir échange de courriels mentionné dans la partie "Faits", sous lettre F), elle n'a nullement discuté ces éléments dans la décision attaquée - pas plus que dans sa réponse au présent recours -, se bornant à mentionner que "l'état de santé [du recourant] ne saurait constituer un nouvel élément, dans la mesure où son état de santé et son suivi médical ont déjà largement été examinés par les instances précédentes".

Or, il n'appartient pas à la cour de céans de se substituer à l'autorité intimée et de procéder elle-même à l'établissement des faits pertinents pour l'examen de la cause. Il appartient en particulier à l'autorité administrative de première instance de compléter l'instruction sur la question de savoir si le recourant peut recevoir les soins et le traitement appropriés dans son pays d'origine, auquel cas il pourra y être renvoyé, étant précisé qu'il ressort certes de l'échange de courriels précité qu'il existe en Macédoine trois hôpitaux aptes à soigner la schizophrénie paranoïde mais que deux des quatre médicaments constituant son traitement actuel n'y sont pas commercialisés. Il conviendra ainsi d'examiner notamment si la médication du recourant peut être assurée dans son pays d'origine.

2.                                Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et la décision attaquée, annulée, le dossier étant renvoyé à l'autorité intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il est statué sans frais. Obtenant gain de cause par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel, le recourant a droit à l'allocation d'une indemnité à titre de dépens (art. 49 et 55 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative vaudoise [LPA-VD; RSV 173.36]).

 

Par ces motifs la Cour de droit administratif et public

du Tribunal cantonal arrête:

I.                                   Le recours est admis.

II.                                 La décision du Service de la population du 19 décembre 2013 est annulée, le dossier lui étant retourné pour complément d'instruction et nouvelle décision.

III.                                Il est statué sans frais.

IV.                              Le Service de la population versera à X......... une indemnité de 1'000 (mille) francs à titre de dépens.

 

Lausanne, le 24 mars 2014

 

Le président:                                                                                             La greffière:

                                                                                                                 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral. Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.