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GE.2019.0180

Datum
2020-03-03
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				GE.2019.0180
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 03.03.2020
			  
			
				Juge: 
				MPB
			
			
				Greffier: 
				
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				A........./Tribunal cantonal Cour administrative, Le Président de la Commission des équivalences
			
				
	
	
		
			 AVOCAT  STAGE  PRINCIPE D'ÉQUIVALENCE{DROIT COMMUNAUTAIRE}  DROIT SUISSE 
			ALCP-9LLCA-7LPAv-21-1LPAv-21-3	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Juriste français ayant suivi toutes ses études à l'université de Paris 8, puis oeuvré comme juriste d'entreprise et juriste de cabinet d'avocat, qui sollicite son inscription au tableau des avocats stagiaires du canton de Vaud.

Décision de refus de la CA. Recours rejeté. Ni les titres et diplômes obtenus en France ni l'expérience professionnelle du recourant ne peuvent être considérés comme équivalents à une licence en droit suisse, à un bachelor en droit suisse ou à un master en droit suisse au sens de la LPAv ou de la LLCA (dont les conditions sont similaires selon le TF). Le recourant n'a en effet aucune connaissance (académique ou pratique) des bases du droit suisse, indispensables pour exercer correctement l'activité d'avocat stagiaire. L'examen sous l'angle de l'ALCP et de la jurisprudence de la Cour de justice ne conduit pas à un autre résultat.

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 3 mars 2020

Composition

Mme Marie-Pierre Bernel, présidente; MM. Alex Dépraz et Laurent Merz, juges.

 

Recourant

 

 A.........  à ********

  

Autorité intimée

 

Tribunal cantonal, Cour administrative, à Lausanne,

  

Autorité concernée

 

Le Président de la Commission des équivalences, Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique, à Lausanne.

  

 

Objet

Divers    

 

Recours A......... c/ décision du Tribunal cantonal, Cour administrative, du 16 juillet 2019 (validation des diplômes de droit français).

 

Vu les faits suivants:

A.                     Né en 1962 en Turquie, A........., de nationalité française, a entrepris des études de droit auprès de l'Université Paris 8. Il y a successivement obtenu, le 20 novembre 2003, un diplôme d'études universitaires générales en droit, le 10 mai 2006, un diplôme d'études supérieures spécialisées en droit de la gestion des activités publiques, sanitaires et  médico-sociales, grade de master, le 20 mars 2008, un diplôme d'études approfondies en droit médical, grade de master, et enfin, le 4 mai 2009, un doctorat en droit public après avoir soutenu une thèse intitulée "La voie de recours dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori : l'exemple de la Turquie". Selon le curriculum vitae versé au dossier, entre octobre 1995 et juillet 2014, A......... a occupé de nombreux postes de juristes d'entreprise en France. Il a ensuite œuvré comme juriste salarié de cabinets d'avocats français de février 2015 à ce jour. A......... a produit diverses pièces qui attestent de ce qu'il a également suivi des cours auprès de l'Ecole de Formation Professionnelle des Barreaux de la Cour d'Appel de Paris (entre janvier 2012 et septembre 2013), été admis à participer aux épreuves du concours de recrutement de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire (organisé par l'Ecole nationale de la magistrature en septembre 2016) et réussi l'examen de contrôle des connaissances en déontologie et vie professionnelle délivré par le Centre de Formation Professionnelle des Avocats Nord-Ouest (en octobre 2017).

B.                     Le 3 juin 2019, A......... s'est adressé au Tribunal cantonal vaudois en vue d'obtenir l'équivalence de ses diplômes universitaires acquis en France. Il indiquait procéder à cette demande dans le cadre de ses démarches tendant à son inscription au registre cantonal vaudois des avocats stagiaires et aux examens d'avocat.

Par courrier du 13 juin 2019, le Président du Tribunal cantonal a informé A......... de ce qu'il sollicitait le préavis de la Faculté de droit de l'université de Lausanne sur l'équivalence des diplômes présentés au sens de l'art. 21 de la loi du 9 juin 2015 sur la profession d'avocat (LPAv; BLV 177.11) et le tiendrait informé des renseignements obtenus.

Le 2 juillet 2019, le Président de la Commission des équivalences de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique de l'Université de Lausanne a communiqué au Tribunal cantonal le préavis de la Commission, dont on extrait ce qui suit :

"[...] Les diplômes obtenus par le candidat n'incluent pas d'études de droit suisse; dès lors, ils ne sont assimilables ni à une Licence en droit suisse, ni à un Bachelor en droit suisse, ni à un Master en droit suisse au sens des art. 21 et 32 LPAv.

A titre indicatif, je précise que les titulaires d'un ou plusieurs diplômes en droit étranger qui souhaitent s'inscrire à la Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique de l'Université de Lausanne pour obtenir un Bachelor en droit suisse, peuvent être dispensés de certaines épreuves. Pour ces candidats, la Commission des équivalences élabore généralement un programme spécial axé sur les principales branches de droit suisse, telles que le droit civil, le droit pénal, le droit constitutionnel, le droit des obligations, l'organisation judiciaire et la procédure, le droit administratif et la loi sur la poursuite.[...]"

Par décision du 16 juillet 2019, la Cour administrative du Tribunal cantonal a informé A......... de ce qu'elle faisait siennes les considérations et conclusions de l'Université de Lausanne et constatait que les diplômes invoqués et les études qu'ils attestaient ne remplissaient pas en l'état les conditions des articles 21 et 32 LPAv.

C.                     Par acte daté du 22 août 2019, mis à la poste le 23 août 2019, A......... a saisi la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après : la CDAP) à l'encontre de la décision du 16 juillet 2019 et pris les conclusions suivantes :

"[...] - d'annuler les décisions attaquées;

- dire que l'Unil doit valider les diplômes invoqués par A.........;

- d'enjoindre aux autorités compétentes de lui délivrer l'équivalence de ses diplômes, en application de la loi sur la profession d'avocat (LPAv);

- dire que A......... peut requérir son admission au stage et aux examens d'avocat."

La Cour administrative du Tribunal cantonal a déposé sa réponse le 18 octobre 2019. Elle a conclu au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, en soulignant qu'il n'appartient pas à la Cour administrative d'enjoindre à l'Université de Lausanne ni à ses organes de "valider les diplômes" du recourant, pour autant que de telles mesures soient possibles.

Le 30 octobre 2019, le Président de la Commission des équivalences de la Faculté de droit, des sciences criminelles et d'administration publique de l'Université de Lausanne s'est déterminé sur le recours de A......... en relevant que le préavis rendu dans la présente cause était conforme à la pratique constante de la Commission dès lors que les études accomplies par le recourant n'incluaient pas d'études de droit suisse. Considérant que le recours n'apportait pas d'éléments nouveaux, le Président de la Commission a confirmé la position de la Commission dans le cas particulier.

Le recourant s'est encore déterminé par écrit le 7 novembre 2019. Il a reformulé ses conclusions de la manière suivante :

"[...] S'entendre infirmer en toutes ses dispositions la décision rendue le 16 juillet notifiée le 23 juillet 2019 par le Tribunal cantonal;

S'entendre dire et juger que le parcours académique et professionnel, ainsi que les formations suivies par A......... représentent une condition suffisante, afin de se prévaloir d'une équivalence au moins à un bachelor en droit suisse;

S'entendre dire et juger Monsieur A......... peut requérir son admission au stage et aux examens d'avocat."

D.                     La CDAP a statué par voie de circulation.

Considérant en droit:

1.                      a) Aux termes de l’art. 65 LPAv, les décisions rendues en application de cette loi peuvent faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal cantonal (al. 1). Le recours s'exerce conformément à la loi sur la procédure administrative (al. 2).

b) Interjeté dans le délai de trente jours fixé par l'art. 95 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36), le recours est intervenu en temps utile. Il satisfait également aux conditions formelles de recevabilité énoncées à l'art. 79 LPA-VD (applicable par renvoi de l'art. 99 LPA-VD), de sorte qu'il y a lieu d’entrer en matière sur le fond.

2.                      Le litige a trait exclusivement à l'appréciation des qualifications du recourant lui permettant ou non d’exiger son inscription au registre des avocats stagiaires et aux examens d’avocat.

Le recourant soutient que les diplômes universitaires qu'il a obtenus de l'Université Paris 8 doivent être considérés comme équivalents à tout le moins à un bachelor universitaire en droit suisse, voire même à un master en droit suisse. Il invoque la durée du cursus entrepris, la similitude des matières étudiées avec celles qui sont enseignées en Suisse, l'obtention du doctorat en droit qui constitue le titre universitaire le plus élevé et finalement ses aptitudes à la recherche et à toute étude juridique démontrées par son parcours. Il fait valoir en outre que les enseignements complémentaires qu'il a suivis et sa pratique durant dix-sept ans en qualité de juriste d'entreprise, puis de juriste salarié au sein de cabinets d'avocats durant cinquante mois doivent être pris en considération et répondent aux conditions requises pour l'inscription au registre cantonal des avocats stagiaires.

L'autorité intimée, tout comme l'autorité concernée, relèvent l'absence de formation quelconque du recourant en droit suisse, les titres étrangers délivrés n'incluant aucun enseignement spécifique du droit suisse. En outre, s'agissant de la longue expérience professionnelle de juriste dont se prévaut le recourant, la Cour administrative du Tribunal cantonal souligne que tous les emplois décrits et attestés par certificat de travail ont été exercés en France, le recourant n'alléguant pas avoir pratiqué le droit suisse à quelque moment que ce soit de sa carrière.

3.                      Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 9 de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, entré en vigueur le 1er juin 2002 (ALCP; RS 0.142.112.681), en se référant à quelques arrêts rendus dans le contexte de la libre circulation des travailleurs par la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après : la Cour de justice ou la CJCE).

a) L'ALCP a notamment pour objectif d'accorder aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne et de la Suisse un droit d'entrée, de séjour, d'accès à une activité économique salariée, d'établissement en tant qu'indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes (art. 1 let. a ALCP). Selon l'art. 2 ALCP, les "ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité". Ce principe de non-discrimination garantit ainsi aux ressortissants de la Suisse et des Etats membres de l'Union européenne le droit, en application de l'Accord, de ne pas être placés dans une position moins favorable que les ressortissants de l'Etat qui applique l'Accord (cf. FF 1999 5440, 5617; ATAF B-6467/2012 du 27 juin 2013 consid. 2.2). La jurisprudence de la Cour de justice considère les restrictions indistinctement applicables comme compatibles avec le traité lorsqu'elles remplissent quatre conditions : elles doivent s'appliquer de manière non discriminatoire, se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général, être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. En outre, de telles mesures ne constituent pas des entraves si elles n'ont pas pour objet de conditionner l'accès au marché du travail (ATF 140 II 141 consid. 7.2.2 p. 153 et les références citées).

Selon l'art. 9 ALCP, les parties contractantes prennent les mesures nécessaires, conformément à l'annexe III intitulée "Reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (Diplômes, certificats et autres titres)", "afin de faciliter aux ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et de la Suisse l'accès aux activités salariées et indépendantes et leur exercice, ainsi que la prestation de services". Aux termes du ch. 1 du préambule de l'annexe III, les parties contractantes conviennent d'appliquer entre elles, dans le domaine de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, les actes juridiques et communications de l’Union européenne (UE) auxquels il est fait référence à la section A de l'annexe, conformément au champ d’application de l’Accord. Selon le ch. 2 du préambule de l'annexe III, sauf disposition contraire, le terme "Etat(s) membre(s)" figurant dans les actes auxquels il est fait référence à la section A de l'annexe est considéré s'appliquer à la Suisse, en plus des Etats couverts par les actes juridiques de l'Union européenne en question.

Le texte de l’annexe III de l’ALCP a été modifié par la "Décision n° 2/2011 du 30 septembre 2011 du Comité mixte UE-Suisse institué par l’article 14 de l’accord en ce qui concerne le remplacement de l’annexe III (reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles)" (RO 2011 4859; ci-après: Décision n° 2/2011). Cette modification est appliquée provisoirement à partir du 1er novembre 2011 (art. 4 Décision n° 2/2011). Dans sa nouvelle teneur, l'annexe III renvoie notamment à la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255 du 30.9.2005, p. 22). Cette directive remplace en particulier les directives 89/48/CEE, 92/51/CEE et 1999/42/CE (cf. Astrid Epiney/Robert Mosters/Sarah Progin-Theuerkauf, Droit européen II - Les libertés fondamentales de l'Union européenne, Berne 2010, p. 179).

b) L'ALCP et les directives communautaires concernent exclusivement la reconnaissance professionnelle, soit celle nécessaire à l'exercice d'une profession ou à son accès (cf. ATF 136 II 470 consid. 4.2 p. 483; ATAF B-6467/2012 du 27 juin 2013 consid. 2.3). La directive 2005/36/CE (ci-après : la directive) s'applique à tout ressortissant d'un Etat membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un Etat membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles, soit à titre indépendant, soit à titre salarié (art. 2 ch. 1 de la directive). Il convient d'opérer une distinction entre les activités professionnelles soumises à autorisation (dénommées "professions réglementées" en droit communautaire) et celles qui ne sont pas subordonnées à des dispositions légales quant à leurs conditions d'accès ou d'exercice. Dans cette dernière hypothèse, la question de la reconnaissance des diplômes ne se pose pas puisque l'accès ou l'exercice de l'activité professionnelle est libre; c'est en effet uniquement l'employeur, voire le marché, qui décide si les qualifications professionnelles sont suffisantes pour l'exercice d'un travail défini (cf. ATAF B-6467/2012 du 27 juin 2013 consid. 2.3 et les références citées). Une profession doit être considérée comme réglementée lorsqu'il s'agit d'une activité ou d'un ensemble d'activités professionnelles dont l'accès, l'exercice ou une des modalités d'exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l'utilisation d'un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d'une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d'exercice (art. 3 ch. 1 let. a de la directive; ATAF B-6467/2012 du 27 juin 2013 consid. 2.3).

c) L'activité d'avocat stagiaire ne figure pas expressément dans la liste des professions/activités réglementées en Suisse publiée sur Internet par le SEFRI (cf. http://www.sbfi.admin.ch). La Cour de justice distingue à cet égard la situation de l'avocat de celle de l'avocat stagiaire (arrêt de la CJCE du 13 novembre 2003, Morgenbesser, C-313/01, Recueil de jurisprudence [Rec.] p. I-13467; arrêt de la CJCE du 22 décembre 2010, Koller, C-118/09). De l'arrêt Koller précité, il ressort que la profession d'avocat est considérée comme "réglementée", au sens du droit européen. Cela n'empêche toutefois pas l'Etat membre d'accueil de soumettre une personne exerçant la profession d'avocat dans un autre Etat membre à une épreuve d'aptitude (arrêt Koller, point 39). La formation de stagiaire, permettant d'accéder à la profession d'avocat, n'est en revanche pas réglementée au sens du droit européen (arrêt Morgenbesser, point 52; arrêt Koller, point 25). La question de savoir si le stage d'avocat doit être considéré comme une profession réglementée en vertu de l'ALCP peut demeurer indécise, la jurisprudence européenne considérant qu'il s'agit d'une activité salariée réelle et effective, de sorte que la libre circulation doit être garantie (cf. arrêt Morgenbesser, point 60; arrêt de la CJCE du 10 décembre 2009, Pesla, C-345/08, point 26).

Les stagiaires étant traités comme des travailleurs, la Cour de justice en a déduit que les autorités de l'Etat d'accueil ne pouvaient refuser l'inscription de la personne titulaire d'un diplôme en droit d'un autre Etat membre au tableau des stagiaires de l'Etat d'accueil au seul motif que le diplôme en question n'a pas été délivré, confirmé ou reconnu comme équivalent, par une université de l'Etat d'accueil (arrêt Morgenbesser, dispositif). Si les Etats peuvent, pour l'accès au stage, poser des conditions de formation et de qualifications professionnelles, attestées par un diplôme, l'usage de cette compétence ne doit pas constituer une entrave injustifiée à la libre circulation (arrêt Pesla, points 34 et 35). L'Etat d'accueil doit ainsi procéder à une comparaison des connaissances acquises par la personne intéressée (arrêt Pesla, points 37 à 40). La prise en compte d'un diplôme étranger doit être effectuée dans le cadre de l'appréciation de l'ensemble de la formation, académique et professionnelle (arrêt Morgenbesser, point 66). Il incombe à l'autorité compétente de vérifier, si et dans quelle mesure, les connaissances attestées par le diplôme octroyé dans un autre Etat membre et les qualifications ou l'expérience professionnelle obtenues dans celui-ci, ainsi que l'expérience obtenue dans l'Etat membre ou le candidat demande à s'inscrire, doivent être considérées comme satisfaisant, même partiellement, aux conditions requises pour accéder à l'activité concernée. Dans le cadre de l'examen de l'équivalence de la formation, un Etat membre peut prendre en considération des différences objectives relatives tant au cadre juridique de la profession en question dans l'Etat membre de provenance qu'à son champ d'activité. Dans le cas de l'accès au stage d'avocat, un Etat membre est donc fondé à procéder à un examen comparatif des diplômes en tenant compte des différences relevées entre les ordres juridiques nationaux concernés (arrêt Pesla, point 44; arrêt Morgenbesser, point 69; arrêt de la CJCE du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89, point 18). Les exigences ne doivent pas être abaissées par rapport aux candidats nationaux (arrêt Pesla, dispositif, chiffre 2).

d) Ainsi, il n'est pas possible de déduire des arrêts rendus par la Cour de justice que la seule possession d'un diplôme en droit de niveau Master d'une université européenne représenterait une condition suffisante pour l'accès au stage d'avocat, même si l'enseignement dispensé dans l'université étrangère est d'une durée comparable et porte sur des matières similaires à celles enseignées dans les universités suisses. Il ressort au contraire des arrêts Pesla et Morgenbesser que l'Etat d'accueil est en droit de procéder à un examen de l'équivalence des diplômes au regard des différences inhérentes aux ordres juridiques nationaux concernés. La Suisse est ainsi fondée à évaluer les connaissances en droit suisse d'une personne qui sollicite son inscription au tableau des avocats stagiaires, étant précisé que les connaissances juridiques requises peuvent résulter aussi bien de la formation théorique que de l'expérience professionnelle acquise (sur toutes ces questions, cf. CDAP, arrêt GE.2014.0130 du 24 novembre 2014, confirmé par l'arrêt TF 2C.831/2015 du 25 mai 2016 consid. 4.1, puis récemment par l'arrêt TF 2C.300/2019 du 31 janvier 2020 consid. 3.1). Toutefois, la jurisprudence n’admet que de manière restrictive que l’expérience puisse combler des lacunes de formation (arrêt GE.2016.0080 du 5 mai 2017 consid. 4c). Dans deux arrêts récents, la CDAP a estimé tout d'abord qu’une suite de pré-stages d’avocat d'une durée totale de quatre mois et un emploi de juriste d'une durée de six mois et demi constituaient une expérience insuffisante pour retenir que la candidate au stage d’avocat ait pu intégrer l'ensemble des matières en question et ne pouvait être qualifiée d'équivalant à la formation normalement exigée pour accéder au stage d'avocat en Suisse (arrêt GE.2018.0215 du 20 février 2019, confirmé par le Tribunal fédéral 2C.300/2019 précité); elle a également jugé que l'expérience d'un candidat au stage titulaire de diplômes universitaires belges, ayant travaillé environ quatre ans en Suisse pour la Fondation Jean Monnet pour l'Europe où il a pratiqué principalement le droit européen et le droit international public, puis comme juriste spécialisé au Secrétariat d'Etat aux migrations durant un an et en qualité de greffier cinq mois au Tribunal administratif fédéral où il a appliqué essentiellement le droit suisse des migrations, ne pouvait être considérée comme équivalente à la formation normalement exigée pour entrer en stage d'avocat en Suisse, le candidat n'ayant notamment acquis aucune expérience significative des autres domaines du droit administratif suisse, sans parler du droit privé suisse ou du droit pénal suisse (arrêt GE.2019.0170 du 11 novembre 2019 consid. 3e/bb).

e) Dans le cas particulier, le recourant n'a aucune connaissance du droit suisse et ne soutient du reste pas le contraire. Tous ses diplômes lui ont été délivrés en France sans qu'aucun enseignement en droit suisse n'ait été suivi par l'étudiant. Sa thèse de doctorat traite de "La voie de recours dans le cadre de la constitutionnalité des lois a posteriori : l'exemple de la Turquie" et ne saurait être assimilée à une formation en droit suisse, sans pour autant remettre en cause l'obtention du titre de docteur. Tous les postes de juriste assumés par le recourant ont été exercés en France, sans que celui-ci n'allègue ni ne démontre qu'il aurait été amené à examiner ou à appliquer le droit suisse dans l'exercice de l'une de ses fonctions. Le refus de l'autorité intimée d'inscrire le recourant au tableau des avocats stagiaires dans le canton de Vaud ne constitue dès lors pas une entrave à la libre circulation des personnes, la formation universitaire et la pratique professionnelle du recourant ne pouvant être qualifiées d'équivalentes à la formation normalement exigée pour accéder au stage d'avocat en Suisse, qui comprend une part importante d'enseignement du droit interne.

4.                      Reste dès lors à examiner si le recourant peut fonder son droit à être inscrit au tableau des avocats stagiaires en vertu de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61).

a) Cette loi garantit, à son art. 1er, la libre circulation des avocats et fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse. La LLCA est conçue pour ne poser que des exigences minimales et suffisantes pour l’inscription au registre et n’entend pas réglementer en détail la formation des avocats. Son art. 3 al. 1 réserve le droit des cantons de fixer, dans le cadre de la LLCA, les exigences pour l'obtention du brevet d'avocat. Cependant, l'art. 7 LLCA dispose ce qui suit :

"1 Pour être inscrit au registre, l'avocat doit être titulaire d'un brevet d'avocat. Les cantons ne peuvent délivrer un tel brevet que si le titulaire a effectué :

a. des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l'un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes;

b. un stage d'une durée d'un an au moins effectué en Suisse et sanctionné par un examen portant sur les connaissances juridiques théoriques et pratiques.

2 Les cantons dans lesquels l'italien est langue officielle peuvent reconnaître un diplôme étranger obtenu en langue italienne équivalant à une licence ou à un master.

3 Le bachelor en droit est une condition suffisante pour l'admission au stage."

Les obligations résultant de cette dernière disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, constituent une exception au principe général de l’art. 3 LLCA (cf. Message du Conseil fédéral du 26 octobre 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, FF 2005 6207, spéc. pp. 6213 et 6214; ci-après : Message). Historiquement, l'art. 7 LLCA a été modifié dans le but d'adapter la norme en question à la restructuration de l'enseignement supérieur effectuée dans le cadre de la "réforme de Bologne" qui a conduit les universités suisses à remplacer le système de la licence par un système à "deux échelons", soit le bachelor et le master (Message p. 6211). Dans ce contexte, le Parlement fédéral a décidé d'adopter l'art. 7 al. 3 LLCA, dont le but était d'imposer aux cantons d'admettre, dans leur réglementation sur la formation des avocats, les titulaires d'un bachelor en droit, afin de permettre, selon les cas, une plus grande flexibilité dans l'aménagement des études d'avocats (Message p. 6217). Le Tribunal fédéral a précisé dans un arrêt récent (TF 2C.300/2019 précité consid. 4.4.3) que le "bachelor en droit" auquel se réfère l'art. 7 al. 3 LLCA est nécessairement un bachelor en droit suisse. A cet égard, la Haute Cour a relevé qu'il ne ressort ni du Message, ni des travaux préparatoires (BO 2006 CE 261 ss; BO 2006 CN 885 ss) que le législateur aurait voulu permettre aux cantons de délivrer un brevet d'avocat (et donc d'inscrire au préalable au registre des avocats stagiaires) aux candidats ne disposant pas des connaissances et compétences minimales en droit suisse nécessaires à l'exercice de la profession. Procédant à une interprétation téléologique de cette disposition, le Tribunal fédéral a rappelé que le bachelor a pour but de transmettre aux étudiants les connaissances juridiques de base dans les domaines essentiels du droit, alors que le master en droit ‑ qui est certes un titre hiérarchiquement supérieur au bachelor ‑ permet à l'étudiant d'approfondir ses connaissances juridiques en lui offrant la possibilité de choisir, parmi plusieurs branches d'études, un ou des domaine(s) de spécialisation. Ainsi, il appert que l'art. 7 al. 3 LLCA doit être interprété en ce sens qu'un bachelor en droit suisse est nécessaire pour l'inscription au stage d'avocat; cette approche est en effet la seule qui permette de garantir que les avocats stagiaires disposent des connaissances de base nécessaires à exercer leur activité (TF 2C.300/2019 précité, consid. 4.4.5). Le Tribunal fédéral précise encore que, bien que la lettre de l'art. 7 al. 3 LLCA ne le prévoie pas expressément, le bachelor en droit nécessaire pour l'inscription aux registres des avocats stagiaires ne doit pas obligatoirement avoir été obtenu auprès d'une université suisse. En effet, du moment que la LLCA permet aux cantons de délivrer un brevet d'avocat aux personnes ayant effectué "des études de droit sanctionnées soit par une licence ou un master délivrés par une université suisse, soit par un diplôme équivalent délivré par une université de l'un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes" (art. 7 al. 1 LLCA), elle permet a fortiori aux cantons d'admettre au stage d'avocat une personne titulaire d'un diplôme équivalent à un bachelor en droit suisse délivré par une université. Dans le but d'assurer que les avocats stagiaires soient aptes à exercer correctement leur activité, le diplôme "équivalent" en question doit toutefois garantir que la personne concernée dispose des connaissancees suffisantes de base en droit suisse nécessaires à cette fin (TF 2C.300/2019 précité, consid. 4.4.6).

b) Sur le plan cantonal, la LPAv prévoit, à son art. 21 al. 1, que "peut requérir son inscription au registre cantonal des avocats stagiaires tout titulaire d'une licence ou d'un bachelor universitaire en droit suisse délivré par une université suisse ou tout titulaire d'un diplôme équivalent, délivré par une université de l'un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle de diplômes". Cette disposition a succédé à l’art. 17 de l’ancienne loi homonyme, du 24 septembre 2002 (aLPAv), en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015, qui prescrivait à cet égard que "tout titulaire d'une licence ou d'un Bachelor universitaire en droit suisse délivré par une université suisse ou tout titulaire d'un diplôme équivalent, délivré par une université de l'un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle de diplômes, peut requérir son inscription au tableau des stagiaires". De même, l'art. 26 al. 1 aLPAv, qui traitait des conditions d'admission aux examens d'avocat précisait, pour sa part, que "pour être admis aux examens d'avocat, le stagiaire doit être titulaire soit d'un bachelor universitaire en droit suisse et d’un master universitaire en droit suisse ou d'un master en droit jugé équivalent selon l'article 7 LLCA, soit d’une licence en droit suisse" (let. a). L'art. 32 al. 1 let. a LPAv est identique à l'art. 26 al. let. a aLPAv.

En outre, l’art. 21 al. 3 LPAv dispose qu’"après consultation de l'Université de Lausanne, le Tribunal cantonal détermine les titres requis pour l'inscription au registre des avocats stagiaires". Cette disposition codifie la pratique, qui, sous l’ancien droit, consistait à consulter, en cas de difficultés, la Commission des équivalences de l'Université de Lausanne, mieux à même de donner un avis éclairé. Il a été jugé que cette pratique apparaissait conforme aux buts de la loi, tendant notamment à déterminer les titres donnant accès au stage et aux examens d'avocat, lorsqu'un problème d'équivalence se pose (arrêt GE.2016.0041 du 17 août 2015).

Par le passé, le Tribunal fédéral avait jugé que l’art. 17 aLPAv, en posant comme condition d'accès au stage la possession d'un Bachelor en droit suisse délivré par une université suisse ou d'un diplôme équivalent, délivré par une université de l'un des Etats qui ont conclu avec la Suisse un accord de reconnaissance mutuelle de diplômes, respectait le droit fédéral (arrêt TF 2C.831/2015 précité consid. 4.2.2). Dans le récent arrêt rendu le 31 janvier 2020 (TF 2C.300/2019 consid. 4.5), le Tribunal fédéral a expressément considéré que l'art. 21 LPAv impose aux candidats au stage d'avocat dans le canton de Vaud les mêmes conditions que celles prévues par l'art. 7 al. 3 LLCA.

c) En l'espèce, le recourant n’est pas en mesure de justifier de la délivrance ni d’un bachelor ni d'un master universitaire en droit suisse; l’autorité intimée était par conséquent fondée à consulter l’Université de Lausanne, afin qu’elle préavise sur l’équivalence des titres obtenus par le recourant auprès de l’Université Paris 8. Or, il ressort de ce préavis que le cursus suivi par le recourant auprès de cette université, dans la mesure où il n’incluait pas d'études de droit suisse, n'est assimilable ni à un bachelor, ni à un master ni à une licence en droit suisse, exigés pour l'inscription au stage d'avocat par l'art. 21 LPAv. Il en va de même du cursus lui ayant permis d’obtenir un doctorat en droit à Paris 8 après avoir soutenu sa thèse intitulée "La voie de recours dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori : l'exemple de la Turquie". On ne saurait comparer un tel acquis à celui usuellement développé en droit suisse par les étudiants fréquentant une université suisse. L’autorité intimée s’est fondée sur ce point sur le préavis de la Commission des équivalences de l'Université de Lausanne, conformément à l'art. 21 al. 3 LPAv.

d) Enfin, comme déjà examiné supra (consid. 3d et e), le recourant ne peut faire valoir aucune expérience pratique dans l'application du droit suisse qui compléterait sa formation universitaire à cet égard. Dans la mesure où le recourant ne peut se prévaloir d'aucune connaissance du droit suisse, ni d'aucune expérience professionnelle l'ayant conduit à appliquer ou se référer au droit suisse, il y a lieu de considérer que ni ses diplômes, ni son expérience pratique ne peuvent être qualifiés d'équivalents à un titre de bachelor ou de master universitaire en droit suisse.

5.                      Il s'ensuit que le recours doit être rejeté et la décision attaquée confirmée. Le recourant, qui succombe, supportera les frais d'arrêt (art. 49 al. 1, 91 et 99 LPA-VD). L'allocation de dépens n'entre pas en considération (art. 55 al. 1 LPA-VD).

Par ces motifs  la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

I.                       Le recours est rejeté.

II.                      La décision de la Cour administrative du Tribunal cantonal, du 16 juillet 2019, est confirmée.

III.                    Les frais d'arrêt, par 1'000 (mille) francs, sont mis à la charge de A..........

IV.                    Il n'est pas alloué de dépens.

Lausanne, le 3 mars 2020

 

                                                         La présidente:                                 

                                                                                                                 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.