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MPU.2022.0009

Datum
2022-11-29
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				MPU.2022.0009
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 29.11.2022
			  
			
				Juge: 
				GVI
			
			
				Greffier: 
				PG
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				A........./B........., C.........
			
				
	
	
		
			 APPEL D'OFFRES{MARCHÉS PUBLICS}  PRINCIPE DE LA CONFIANCE{INTERPRÉTATION DU CONTRAT}  INTERPRÉTATION{SENS GÉNÉRAL}  EXCLUSION{EN GÉNÉRAL}  PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE{EN GÉNÉRAL}  SOUS-TRAITANT 
			aRLMP-VD-32-2-aaRLMP-VD-7	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Interprétation des conditions de l'appel d'offres selon les règles de la bonne foi et le principe de la confiance (consid. 4). En l'occurrence, l'adjudicateur a retenu que le soumissionnaire concerné avait violé l'interdiction de la sous-sous-traitance (2e niveau de sous-traitance) prévue par les conditions de l'appel d'offres, mais il a renoncé à l'exclure pour ce motif. Ces conditions contiennent pourtant des règles spéciales qui, interprétées selon les règles de la bonne foi, sanctionnent en principe la violation de cette interdiction par l'exclusion. L'adjudicataire aurait par conséquent dû être exclu. La décision d'adjudication contestée ne peut être réformée en ce sens que le marché est adjugé à la recourante. En effet, selon la jurisprudence fédérale, un tel jugement réformatoire n'entre en ligne de compte que dans des situations suffisamment claires. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque l'instruction a révélé l'existence d'indices selon lesquels la recourante pourrait avoir été préimpliquée, ce qui serait de nature à la faire exclure à son tour. En amont de la procédure d'appel d'offres, des pourparlers ont en effet eu lieu avec la future recourante, lors desquels le montant de l'enveloppe budgétaire du projet a été communiqué à cette dernière, ce qui pourrait constituer un avantage concurrentiel et par là un cas de préimplication. En vertu du principe de la transparence, les documents d'appel d'offres auraient dû faire état de ces pourparlers, ce qui n'a pas été le cas. Dans ces conditions, il convient d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à l'adjudicateur, afin qu'il rende une nouvelle décision d'adjudication après s'être prononcé sur l'exclusion de la recourante; au lieu d'adjuger à nouveau le marché, l'adjudicateur pourra aussi éventuellement interrompre la procédure.
			
		
	




	
		
		

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 29 novembre 2022

Composition

M. Guillaume Vianin, président;  Mme Mihaela Amoos Piguet, juge; M. Michel Mercier, assesseur; M. Patrick Gigante, greffier.

 

Recourante

 

A........., à ********, représentée par Me Daniel GUIGNARD, avocat à Lausanne, 

  

Autorité intimée

 

FO Léman 2 p.a. B........., représentée par Me Olivier RODONDI, avocat à Lausanne,   

  

Tiers intéressé

 

C........., p.a. D........., à ********, représentée par Me Alain THÉVENAZ, avocat à Lausanne,  

  

 

Objet

          

 

Recours A......... c/ décision de FO Léman 2 du 29 avril 2022 adjugeant le marché à C......... au ******** (fourniture et pose d'un câble à fibres optiques dans le lac Léman)

 

Vu les faits suivants:

A.                     FO Léman 2 (ci-après aussi: le pouvoir adjudicateur ou l'autorité intimée) est une société simple constituée pour le projet de pose d'un câble à fibres optiques dans le Léman par les dix associés et futurs propriétaires du câble, soit l’E........., les F........., la G......... (H......... et I.........), J........., K........., L........., M........., N......... et O..........

B.                     Par avis publié le 19 janvier 2022 sur le site Internet simap, FO Léman 2 a lancé, dans le cadre d'une procédure ouverte, un appel d'offres pour un marché de services soumis à l'accord GATT/OMC et aux accords internationaux. Ce marché est intitulé "Fourniture et pose d'un câble à fibres optiques dans le Léman".

L'objet du marché est le suivant :

"Le marché porte sur la fourniture et la pose d'un câble à fibres optiques dans le lac Léman. Le câble comprend 10 sections et a une longueur globale de 100 km. Le marché inclut également la construction de 11 atterrages situés sur la rive nord du lac entre le Vengeron et Villeneuve. Chaque atterrage inclut la construction d'au minimum une chambre d'épissures afin de connecter les fibres optiques de chaque section du câble lacustre avec celles de la section suivante ou avec des câbles terrestres."

FO Léman 2 a confié l'organisation de la procédure d'appel d'offres à la société B........., sise à ********.

Par avis rectificatif du 5 février 2022 publié sur le site Internet simap, le délai pour déposer les offres a été prolongé au 24 mars 2022.

Le dossier d'appel d'offres comprend notamment un fascicule A0 – Procédure (ci-après: les conditions administratives) et un fascicule C1 – Cahier des charges (ci-après: le cahier des charges).

Le cahier des charges décrit le contexte du projet comme suit (ch. 1.1):

" La société Lac assure l'exploitation d'un câble à fibres optiques posé dans le lac Léman en 1998. Le câble est copropriété des 6 partenaires du projet initial, soit les F........., l'E........., J........., L........., M......... et O.......... Il mesure près de 100 kilomètres de long et relie le Vengeron, aux portes de Genève, à Villeneuve en passant par une dizaine d'atterrages dans les principales localités de la rive nord du Léman. Il compte entre 128 et 168 fibres optiques, selon les tronçons.

Prévu au départ pour une durée de vie de 20 ans, le câble actuel commence à montrer certaines limites liées d'une part au vieillissement des épissures et des fibres et d'autre part à son exposition sur certains tracés. Le nombre de fibres disponibles s'avère également un facteur limitatif compte tenu des besoins actuels des partenaires du projet.

Dans ce contexte, les partenaires historiques se sont associés à quatre nouveaux partenaires, soit H........., (I.........), K......... et N......... pour faire fabriquer et poser un nouveau câble à fibres optiques de plus grande capacité reliant les atterrages existants et un nouvel atterrage à Morges.

Ils ont, pour ce faire, initié le projet FO Léman 2 visant à déployer un nouveau câble sous-lacustre, supportant jusqu'à 480 fibres optiques, entre les atterrages du Vengeron, de Nyon, Gland, Rolle, Tolochenaz, Morges, Lausanne, Cully, Vevey, Clarens et de Villeneuve."

Le périmètre du projet est le suivant (cahier des charges, ch. 1.3):

"Le projet inclut tous les équipements et prestations requis pour fournir et déployer le câble FO Léman 2 sur les tracés prévus, travaux préparatoires, mesures de sécurité et travaux de remise en état inclus, le tout dans le respect des normes et règlements applicables.

Il couvre les travaux principaux suivants :

· Fabrication et fourniture des 10 tronçons de câble prévus, selon les capacités et longueurs spécifiées ;

· Livraison des bobines de câble aux emplacements définis ;

· Réutilisation d'atterrages existants ou construction de nouveaux atterrages avec à chaque fois une chambre de tirage et une chambre d'épissures pour les opérateurs ;

· Pose de canalisations entre les chambres de tirage et une profondeur de 5 mètres dans le lac, en principe via des forages dirigés ;

· Mise à disposition d'une barge pour y placer les bobines de câble en vue de leur pose dans le lac ;

· Tirage du câble dans les canalisations et ancrage dans les chambres de tirage ;

· Assistance à la pose (navigation, balisage des croisements, relevé du tracé exact) ;

· Pose du câble au fond du lac entre deux atterrages ;

· Construction et pose de ponts pour les différents ouvrages existants rencontrés sur le tracé (gazoduc, prises d'eau, autres câbles télécom) ;

· Fourniture des manchons et épissures des fibres à chaque atterrage ;

· Mesures des fibres sur chaque tronçon et de bout en bout ;

· Etablissement des plans d'exécution pour l'ensemble du projet ;

· Prestations d'entreprise générale, incluant la planification détaillée et le suivi des travaux, la mobilisation et la coordination des différents intervenants, le suivi et le respect des budgets.

Les tracés terrestres permettant de relier les atterrages au réseau de chaque partenaire du projet sont du ressort des partenaires eux-mêmes et sont hors du périmètre du projet."

Sous ch. 3.7 "Aptitude du soumissionnaire", les conditions administratives prévoient ce qui suit:

"3.7.1      Critères d'aptitude

Compte tenu de la nature du marché, seules sont habilitées à remettre une offre les sociétés satisfaisant les critères d'aptitude suivants :

·  Capacité financière en adéquation avec l'ampleur des travaux : le montant total de l'offre ne doit pas dépasser le 25% du chiffre d'affaires réalisé par le soumissionnaire lors de son dernier exercice comptable. Dans le cadre d'associations d'entreprises, le montant à prendre en compte est le cumul des chiffres d'affaires respectifs de chacun des partenaires ;

·  Maîtrise de la pose de câbles sous-lacustres : le soumissionnaire doit démontrer ses compétences et son expérience de pose de câbles sous-lacustres via l'organisation et la composition des équipes prévues pour ces activités, la maîtrise des techniques et procédures requises lors de la phase de pose et une analyse de risques pertinente.

3.7.2 Preuves d'aptitude

Les critères énumérés ci-dessus seront évalués sur la base des documents et informations suivants qui doivent impérativement être remis par le soumissionnaire avec son offre :

·  Rapport annuel de l'entreprise soumissionnaire pour son dernier exercice comptable, mentionnant le chiffre d'affaires réalisé au cours de cet exercice ;

·  Organigramme détaillé de l'équipe de projet en charge des travaux lacustres avec descriptif des rôles et responsabilités de chacun ;

·  CV des personnes clefs du projet avec présentation de leurs références dans le domaine. Ces dernières mentionneront la date de réalisation, le nom du client, le coût des travaux et le détail des prestations réalisées par la personne concernée dans le projet en question ;

·  Présentation des techniques et procédures envisagées pour la pose des câbles en général, l'accès aux atterrages, la navigation et les franchissements en particulier ;

·  Analyse des risques principaux associés au projet et indication des mesures prises pour y remédier.

3.7.3       Conformité aux critères d'aptitude

Le non-respect d'un seul critère d'aptitude, respectivement l'absence des preuves demandées, conduisent à l'élimination de l'offre. Le deuxième critère d'aptitude fera également [sic] d'une évaluation qualitative dans le cadre des critères d'adjudication."

Quant aux critères d'adjudication, ils sont les suivants (ch. 3.8 des conditions administratives):

 

Critère

poids

sous-critère

pondération

 

 

 

 

relative

absolue

1

coût de la solution

30%

coût total de la solution proposée, fourniture et prestations incluses

100%

30%

2

qualité de la solution proposée

40%

respect des exigences techniques

30%

12%

compréhension globale des spécificités du projet

20%

8%

maîtrise des procédures et des techniques pour les travaux sous-lacustres

30%

12%

maîtrise des techniques requises pour les travaux de génie civil

20%

8%

3

organisation du soumissionnaire

30%

qualité de l'organisation de projet

20%

6%

compétences et références des personnes-clefs de l'équipe de projet

30%

9%

adéquation et pertinence du planning proposé

20%

6%

mesures de qualité pour assurer le succès du projet

10%

3%

contribution au développement durable

10%

3%

qualité de l'offre

10%

3%

 

 

100%

 

 

100%

 

Au ch. 3.11 des conditions administratives, intitulé "Sources pour l'évaluation des offres", il est indiqué:

"L'évaluation se basera exclusivement sur le contenu de l'offre et du cahier des réponses ainsi que sur les informations complémentaires éventuelles transmises par le soumissionnaire lors de la séance de clarification ou suite à des questions complémentaires posées par l'adjudicateur, sous réserve des conditions précisées aux sections 2.7 et 3.16. […]"

Le ch. 2.7 traite des modifications de l'offre:

"Une offre déposée ne peut pas être modifiée ou complétée après le délai de dépôt fixé par l'adjudicateur. A l'échéance dudit délai, un soumissionnaire ne peut donc plus corriger ou faire corriger son offre, les documents ou les informations qu'il aura transmis à l'adjudicateur."

Quant au ch. 3.16, il se rapporte à la séance de clarification:

"[…]

Avant, pendant et après la séance de clarification, le soumissionnaire ne pourra pas modifier son offre, au risque de se voir exclure de la procédure, à moins que l'adjudicateur le demande expressément à tous les soumissionnaires et que cela ne constitue pas une forme de négociation de l'offre.

La séance de clarification fera l'objet d'un procès-verbal dans lequel seront énumérées les informations essentielles qui ont été échangées au cours de l'audition. […] Le procès-verbal ne sera pas transmis aux autres soumissionnaires et fera partie intégrante du contrat conclu avec l'adjudicataire."

C.                     Dans le délai échéant le 24 mars 2022, trois offres ont été déposées, dont celle d'A......... (ci-après: A......... ou la recourante), d'un montant de 11'095'199 fr. 61 HT, et celle, d'un montant de 9'997'290 fr. 00 HT, de l'association d'entreprises (ci-après: le consortium C......... ou l'adjudicataire) formée par les sociétés D......... (ci-après: D.........), sise à ******** et P......... (ci-après: P.........), dont le siège est à ******** (I).

Le pouvoir adjudicateur a demandé à A......... et au consortium C......... de répondre à des questions écrites.

Le 13 avril 2022, une séance de clarification a eu lieu concernant l'offre du consortium C........., puis celle d'A..........

Par courrier du 3 mai 2022, le pouvoir adjudicateur a informé les soumissionnaires que le marché avait été adjugé au consortium C..........

Le tableau d'évaluation se présente comme suit pour A......... (soumissionnaire 1) et le consortium C......... (soumissionnaire 2):

 

Critère

poids

sous-critère

pondération

  soum. 1

  soum. 2

 

 

 

 

relative

absolue

1

coût de la solution

30%

coût total de la solution proposée, fourniture et prestations incluses

100%

30%

4.06

5.00

2

qualité de la solution proposée

40%

respect des exigences techniques

30%

12%

3.66

3.87

compréhension globale des spécificités du projet

20%

8%

3.90

3.30

maîtrise des procédures et des techniques pour les travaux sous-lacustres

30%

12%

3.90

3.20

maîtrise des techniques requises pour les travaux de génie civil

20%

8%

3.70

4.30

3

organisation du soumissionnaire

30%

qualité de l'organisation de projet

20%

6%

3.60

3.10

compétences et références des personnes-clefs de l'équipe de projet

30%

9%

4.27

3.62

adéquation et pertinence du planning proposé

20%

6%

4.10

3.50

mesures de qualité pour assurer le succès du projet

10%

3%

3.60

3.40

contribution au développement durable

10%

3%

4.00

4.00

qualité de l'offre

10%

3%

3.84

3.48

 

 

100%

 

 

100%

3.92

4.00

 

D.                     Par acte du 16 mai 2022, A......... a recouru à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) contre la décision d’adjudication. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que l'offre du consortium C......... soit exclue et à ce que la décision attaquée soit réformée en ce sens que le marché lui est adjugé; à titre subsidiaire, elle a demandé que la décision attaquée soit annulée et le dossier retourné à l'autorité intimée, afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants; à titre plus subsidiaire, elle a conclu au constat de l'illicéité de la décision entreprise.

Le 18 mai 2022, le juge instructeur a accordé provisoirement l’effet suspensif au recours.

La recourante et l'adjudicataire se sont opposées à la consultation des offres.

Dans leurs réponses respectives du 29 juin 2022, l'autorité intimée et l'adjudicataire ont conclu au rejet du recours.

Dans sa réplique du 25 juillet 2022, la recourante a confirmé ses conclusions.

Le Tribunal a tenu audience à la CDAP le 9 septembre 2022. Il a recueilli les explications des parties et de leurs représentants, à savoir, pour la recourante: Q......... (A......... [VD] SA) et R......... (S.........), assistés de Mes Daniel Guignard et Pauline Meylan, avocats à Lausanne; pour l'autorité intimée: T........., ingénieur civil, et U........., membres du comité d’évaluation, assistés de V........., ingénieur, et de Me Olivier Rodondi, avocat à Lausanne; pour l'adjudicataire: W........., chef de projet, assisté de Mes Alain Thévenaz et Agnès Dubey, avocats à Lausanne.

Lors de l'audience, il a été allégué par V......... que X........., devenu par la suite l'un des cinq membres, comme spécialiste des travaux lacustres, du comité d'évaluation des offres, avait communiqué à l'entreprise A......... l'enveloppe budgétaire du projet (cf. compte-rendu d'audience, p. 5 à la fin).

Le compte-rendu d’audience a été communiqué aux parties.

Par courrier du 20 septembre 2022, l'autorité intimée a produit, comme demandé lors de l'audience, le "cahier des réponses qualité révisé", ainsi qu'un document PowerPoint présenté par le comité d'évaluation au comité de pilotage. Par courrier de la même date, l'adjudicataire a produit un contrat de mission datant de 2020, par lequel un employé d'Y.........avait été engagé au service d'Z.......... Les trois pièces en question n'ont pas été transmises aux autres parties.

Par courriers respectifs du 5 octobre 2022, les parties se sont déterminées sur le compte-rendu d'audience et ont produit leurs explications finales écrites; chacune d’elles a maintenu ses conclusions.

Dans une écriture spontanée du 7 octobre 2022, l'autorité intimée est revenue sur les contacts que X......... avait eus avec l'entreprise A......... avant le lancement de la procédure d'appel d'offres.

Par avis du 11 octobre 2022, le juge instructeur a complété l'instruction sur le point des pourparlers intervenus entre l'autorité intimée et la recourante en 2021, soit en amont de la procédure d'appel d'offres. Il importait en particulier de savoir: quels contacts l'autorité intimée avait eus avec la recourante dans le cadre de ces pourparlers, apparemment en 2021; quelles informations relatives au marché litigieux avaient été transmises à la recourante dans le cadre de ces contacts; quand l'autorité intimée avait commencé à élaborer le dossier d'appel d'offres de la présente procédure et pourquoi les documents d'appel d'offres ne faisaient pas état de ces pourparlers.

L'autorité intimée et la recourante ont répondu aux questions posées, par courriers respectivement du 13 octobre et du 19 octobre 2022.

Considérant en droit:

1.                      Le Tribunal de céans examine d'office sa compétence (art. 6 al. 1 LPA-VD).

Pour ce qui est de l'assujettissement au droit des marchés publics, l'autorité intimée relève que la majorité des associés de FO Léman 2 sont des pouvoirs adjudicateurs (à savoir H........., I........., F........., L........., E......... et J.........). En outre, la part publique du financement est supérieure à la part privée.

Aux termes de l'art. 5 de la loi fédérale sur les marchés publics du 21 juin 2019 (LMP; RS 172.056.1), si plusieurs adjudicateurs soumis au droit fédéral et au droit cantonal participent à un marché, le droit de la collectivité qui supporte la majeure partie du financement est applicable. Si la part cantonale totale dépasse celle de la Confédération, la présente loi ne s’applique pas (al. 1). Si plusieurs adjudicateurs participent à un marché, ils ont la possibilité de soumettre d’un commun accord ce marché au droit de l’un des adjudicateurs en dérogeant aux principes susmentionnés (al. 2).

En l'occurrence, FO Léman 2 comprend, d'une part, des adjudicateurs soumis au droit fédéral des marchés publics. Il en va ainsi en tout cas d'H......... et de l'I.......... Les F......... sont assujettis pour leurs activités dans le secteur des transports ferroviaires non urbains en vertu de l'accord bilatéral entre la Suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.172.052.68; , entré en vigueur le 1er juin 2002) (cf. Etienne Poltier, Droit des marchés publics, 2014, p. 52 n. 92). L'autorité intimée considère que la participation des F......... au présent projet "a pour but d'améliorer certaines prestations directement en lien" avec leurs activités ferroviaires, de sorte que les F......... paraissent également soumis. D'autre part, FO Léman 2 comprend des adjudicateurs soumis au droit cantonal, à savoir l'E......... et L.......... Le financement étant majoritairement assuré par les adjudicateurs relevant du droit fédéral des marchés publics, la LMP est en principe applicable en vertu de l'art. 5 al. 1 LMP. Selon l'autorité intimée, les associés de FO Léman 2 ont toutefois fait usage de la faculté prévue par l'art. 5 al. 2 LMP de soumettre le marché "au droit de l'un des adjudicateurs", soit en l'occurrence la loi cantonale sur les marchés publics du 24 juin 1996 (LMP-VD; BLV 726.01).  

Au vu de ces considérations, qui ne sont pas contestées par les parties, l'autorité intimée entre dans le champ d'application subjectif de la LMP-VD.

Il est constant par ailleurs que le marché litigieux entre dans le champ d'application objectif de la LMP-VD.

La Cour de céans est par conséquent compétente pour connaître du recours.

2.                      a) L'art. 75 let. a de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36) subordonne la qualité pour recourir à la condition que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée.

Selon la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral en lien avec l'art. 89 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) – étant rappelé que la qualité pour recourir doit être admise en procédure cantonale de manière au moins aussi large que devant le Tribunal fédéral (art. 111 al. 1 LTF) –, le soumissionnaire évincé dispose d'un intérêt digne de protection, lorsqu'il a des chances raisonnables de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours (cf. ATF 141 II 14 consid. 4.1; TF 2D.39/2014 du 26 juillet 2014 consid. 1.1). La jurisprudence a admis l'intérêt digne de protection du soumissionnaire évincé lorsque celui-ci avait été classé au deuxième rang derrière l'adjudicataire et qu'il aurait, en cas d'admission de son recours, disposé d'une réelle chance d'obtenir le marché (cf. ATF 141 II 14 consid. 4.1 p. 27; TF 2D.39/2014 du 26 juillet 2014 consid. 1.1; 2C.346/2013 du 20 janvier 2014 consid. 1.4.1).

b) En l’occurrence, l'offre de la recourante a été classée, au terme de l’évaluation des offres, au deuxième rang, avec un écart de points très faible (0,08 sur 5 points). Il convient par conséquent d'admettre que la recourante est légitimée à recourir.

c) Pour le surplus, le recours a été déposé dans les délai et forme prescrits par les art. 10 LMP-VD et 79 LPA-VD. Il convient donc d'entrer en matière.

3.                      a) Avant l'audience, la recourante a allégué que X........., l'un des cinq membres, comme spécialiste des travaux lacustres, du comité d'évaluation des offres, avait apparemment démissionné avec effet immédiat à la suite de l'adjudication du marché. A titre de mesures d'instruction, elle a demandé que le prénommé soit entendu comme témoin et que la Cour de céans ordonne à l'autorité intimée de produire l'éventuelle lettre de démission de ce dernier.

L'autorité intimée a répondu que X......... n'avait pas démissionné, puisqu'il continuait à travailler sur le projet dans le cadre des mises à l'enquête. Le prénommé avait pris part au processus d'évaluation de manière entièrement régulière, nonobstant le fait qu'il "ait été surpris du résultat final, et donc minorisé dans le Comité ad hoc d'évaluation" (réponse p. 10).

D'autres faits concernant le rôle de X......... ressortent des courriers respectifs de l'autorité intimée et de la recourante du 13 octobre et du 19 octobre 2022.

Par appréciation anticipée (cf. ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171), la Cour estime, au vu également de l'issue de la présente procédure, que l'audition de X......... ne se justifie pas. Du reste, dans ses dernières écritures, la recourante n'a plus requis cette mesure d'instruction.

b) A réitérées reprises (voir encore son courrier du 7 novembre 2022), la recourante a demandé à pouvoir consulter les pièces jointes aux courriers respectifs de l'autorité intimée et de l'adjudicataire du 20 septembre 2022.

Au vu du sort du recours, il n'est pas nécessaire de faire droit à cette réquisition.

4.                      Les conditions de l’appel d’offre doivent être interprétées – de même que les offres – selon les règles générales d'interprétation (Martin Beyeler, Der Geltungsanspruch des Vergaberechts, 2012, n. 1916 et les réf.).

Les critères d'aptitude prévus dans les documents d'appel d'offres doivent ainsi être interprétés et appliqués de la façon dont les soumissionnaires pouvaient et devaient les comprendre selon les règles de la bonne foi. La volonté réelle (subjective) de l'adjudicateur ou des personnes qui agissent pour lui n'est pas déterminante. Dans la formulation et l’application des critères d’aptitude, l’adjudicateur dispose d’une importante latitude de jugement/liberté d’appréciation, que l’autorité de recours se doit de respecter. S’agissant de notions techniques, il convient de prendre en considération le sens qui leur est donné par les spécialistes ou celui que les intéressés leur ont donné en relation avec le projet litigieux (ATF 141 II 14 consid. 7.1 p. 36). La façon dont les parties se sont comportées joue également un rôle dans l’interprétation (ATF 141 II 14 consid. 7.4 p. 37). En cas de divergence entre les parties, un critère d'aptitude doit être interprété selon le principe de la confiance (Peter Galli/André Moser/Elisabeth Lang/Marc Steiner, Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts, 3e éd., 2013, n. 567 avec renvoi à l'arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] B-3255/2009 du 3 novembre 2011 consid. 4 et 5; conc. cet arrêt, voir aussi Martin Beyeler, "Stahlbaukonstruktion": zum Gehalt von Eignungskriterien, DC 2012 p. 103 ss).

Le principe de confiance est une émanation des règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC). En vertu de ce principe, les manifestations de volonté doivent être comprises dans le sens que le destinataire pouvait et devait leur donner compte tenu de l'ensemble des circonstances. Les circonstances déterminantes pour établir la volonté objective des parties sont celles qui ont précédé ou accompagné les manifestations de volonté, à l'exclusion des événements postérieurs. Dans l'interprétation d'un contrat, le principe de la confiance commande de retenir l'interprétation qui correspond à ce que pouvait et devait comprendre une personne raisonnable et honnête placée dans les mêmes circonstances  (Pierre Tercier/Pascal Pichonnaz, Le droit des obligations, 6e éd., 2019, nos 221, 633 et 1023, ainsi que les réf. à la jurisprudence fédérale).

5.                      En l'occurrence, la recourante fait valoir que, selon le rapport d'adjudication, l'une des sous-traitantes de l'adjudicataire prévoit de sous-traiter les activités de bathymétrie à une autre entreprise, en violation de l'interdiction de la sous-sous-traitance contenue dans les conditions administratives. D'après la recourante qui se prévaut des principes de la transparence et de l'égalité de traitement, l'offre de l'adjudicataire aurait dû être exclue pour ce motif.

a) L'exclusion est régie par l'art. 32 du règlement d’application de la LMP-VD, du 7 juillet 2004 (RLMP-VD; BLV 726.01.1) qui énumère les motifs pour lesquels une offre "peut être exclue", en distinguant entre ceux qui tiennent à la personne du soumissionnaire (1er tiret) et ceux qui ont trait à l'offre (2e tiret).

Aux termes de l'art. 32 2e tiret let. a RLMP-VD, une offre peut être exclue lorsqu’elle n’est pas conforme aux prescriptions et aux conditions fixées dans la mise au concours, incomplètement remplie ou ayant subi des adjonctions ou modifications (1ère phr.); le soumissionnaire qui a déposé une variante, doit, à côté de celle-ci, remettre une offre correspondant à la formule de soumission (2e phr.).

De manière générale, le motif d'exclusion doit revêtir une certaine gravité ("ein Ausschlussgrund muss eine gewisse Schwere aufweisen"; cf. ATF 145 II 249 consid. 3.3 p. 250; 143 I 177 consid. 2.3.1 p. 182). Tel est le cas, lorsque l'égalité de traitement avec les autres offres ne serait pas assurée si l'offre viciée en question restait en lice (ATF 143 I 177 consid. 2.3.1 p. 182).

La doctrine distingue trois catégories de vices: les vices graves, qui conduisent nécessairement à l'exclusion, les vices de peu d'importance, où l'exclusion est exclue sous l'angle de la proportionnalité et de l'interdiction du formalisme excessif, et la catégorie intermédiaire des vices de gravité moyenne, où l'adjudicateur dispose d'un pouvoir d'appréciation ("Ermessensausschluss"; Christoph Jäger, Ausschluss vom Verfahren – Gründe und der Rechtsschutz, Marchés publics 2014 p. 325 ss, 347 s.; concernant le pouvoir d'appréciation de l'adjudicateur en lien avec l'exclusion, voir aussi Poltier, op. cit., n. 299). Ce pouvoir d'appréciation ressort du reste de la formulation potestative de certaines dispositions légales telles que l'art. 32 RLMP-VD. Certains auteurs critiquent ce pouvoir d'appréciation, qui serait contestable sous l'angle de l'égalité de traitement des soumissionnaires. En effet, si l'adjudicateur renonce à exclure, sa décision peut difficilement être contestée, dans la mesure où il peut se retrancher derrière son pouvoir d'appréciation. Si au contraire l'exclusion d'un soumissionnaire est prononcée, celui-ci, du fait de son droit d'accès au dossier généralement limité, ne peut guère vérifier que l'adjudicateur ait appliqué le motif d'exclusion de manière égale à ses concurrents; il appartient alors à l'autorité de recours de procéder à cet examen. Dans ces conditions, les auteurs en question appellent de leurs vœux une définition restrictive de la catégorie intermédiaire (Galli/Moser/Lang/Steiner, op. cit., n. 453 s.; Jäger, op. cit., p. 348 s.).

Le Tribunal fédéral a pour sa part considéré que l'exclusion est disproportionnée ou formaliste à l'excès, si la non-conformité aux exigences de l'appel d'offres est de peu d'importance ("geringfügig", soit "anodine" [ATF 145 II 249 consid. 3.3 p. 250]) et insignifiante du point de vue du rapport entre le prix et la prestation (ATF 143 I 177 consid. 2.3.1 p. 182 et consid. 2.5.2 p. 185 avec renvoi not. à l'arrêt 2C.346/2013 du 20 janvier 2014 consid. 3.3; arrêt 2C.698/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.2).

Lorsqu'il établit les conditions de l'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur est libre de définir les exigences à respecter. En pratique, l'appel d'offres contient fréquemment des dispositions qui concernent notamment l'admissibilité des associations d'entreprises, ainsi que celle des sous-traitants ou des variantes. Pour que l'exclusion se justifie, il importe que le pouvoir adjudicateur ait mentionné l'exigence en cause et qu'il ait explicitement prévu la sanction de l'exclusion pour le cas où elle ne serait pas respectée (Laura Locher, in: Hans Rudolf Trüeb [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 19 ad art. 44 LMP).

b) En l'occurrence, aux termes des conditions administratives (ch. 2.10, intitulé "Sous-traitance"):

"La sous-traitance est admise pour autant que cela ne nuise pas à une saine et efficace concurrence. Le soumissionnaire devra indiquer dans son offre quels sont les travaux ou prestations qui seront sous-traités, ainsi que le nom et l'adresse des sous-traitants et fournisseurs auxquels il entend recourir.

Un sous-traitant ne peut pas à son tour sous-traiter une partie du marché (sous-sous-traitance interdite) et doit également respecter les exigences de cet appel d'offres.

Le sous-traitant n'est pas autorisé à déposer une offre en tant que soumissionnaire. Le non-respect des exigences susmentionnées amènera l'adjudicateur à prendre une décision d'exclusion des dossiers concernés.

Un sous-traitant qui n'a pas été mentionné lors du dépôt d'une offre, lors de la signature du contrat ou pendant l'exécution du marché, doit être agréé par l'adjudicateur."

Dans l'offre de l'adjudicataire, il est mentionné, sous "1. Présentation du soumissionnaire"/"1.5 L'entreprise de travaux lacustres":

"[…] Notez que la société Z......... aura quant à elle un sous-traitant pour la bathymétrie au nom de AA.......... Cette dernière sera également employée avec leur ROV (robot subaquatique) lors de la pose du câble."

Dans le rapport d'adjudication, il est indiqué ce qui suit (p. 8, ch. 4.3.2 "Sous-traitance"):

"Le document précisant la procédure d'appel d'offres (Fascicule AO Procédure) autorise la sous-traitance mais, en revanche, interdit la sous-sous-traitance. Après un premier examen de l'offre de C......... il s'avère que la société Z......... [recte: Z.........], sous-traitante du consortium, prévoit de sous-traiter les activités de bathymétrie auprès de la société AA......... [recte: AA.........].

Après consultation de Me ********, de l'étude ******** et expert en marchés publics, il s'avère que comme l'appel d'offres vise à choisir une entreprise générale et que c'est dans la nature de ces dernières de travailler avec des sous-traitants, la jurisprudence considère que le premier niveau de sous-traitance peut être ignoré. Une exclusion du consortium C......... en raison du recours à deux niveaux de sous-traitance serait donc disproportionnée."

c) Dans sa réponse, l'adjudicataire fait valoir que le terme "sous-traitant" a été utilisé par erreur. En effet, la société responsable de la bathymétrie ne serait en réalité pas un sous-traitant de l'entreprise de travaux lacustres, mais bien un sous-traitant direct du consortium adjudicataire, "comme cela ressort de la description du concept global dans l'offre de C......... (offres, p. 7 ss)".

Interpellé à ce sujet lors de l'audience, l'adjudicataire a relevé qu'en page 7 de son offre figurait le logo bleu d'AA.........; en page 10, il était indiqué que le robot d'AA......... serait utilisé et non celui d’Z.......... L'adjudicataire a expliqué que les prestations de bathymétrie (consistant à prendre des photos en trois dimensions du fond du lac) étaient nécessaires au début des travaux de réalisation de l'ouvrage et qu'elles seraient réalisées à l'aide du robot d'AA........., lequel avait été "commandé" directement par le consortium adjudicataire et non par Z.......... Il a admis par ailleurs qu'en page 3 de son offre (organigramme présentant notamment les sous-traitants du consortium) et dans le "cahier des réponses qualité ", sous "organisation générale du soumissionnaire" (avec la liste des sous-traitants) figurait Z........., mais pas AA..........

L'ensemble des sous-traitants, y compris AA........., ont par la suite été mentionnés dans le "cahier des réponses qualité révisé". En outre, afin de clarifier le statut de tous les intervenants sur le chantier et leur hiérarchie, tous les sous-traitants du consortium, les acteurs et les personnes clés du projet ont été présentés lors de la séance de clarification et intégrés à l'organigramme de l'offre C......... (organigramme étendu affichant les chefs de pose [pièce figurant tout à la fin du bordereau de l'autorité intimée du 29 juin 2022]).

Pour sa part, l'autorité intimée a affirmé que, dans son évaluation, elle n'avait tenu compte ni du "cahier des réponses qualité révisé" (raison pour laquelle ce document ne figurait à l'origine pas dans le dossier transmis à la Cour de céans), ni de l'organigramme étendu. Elle s'était basée exclusivement sur le "cahier des réponses qualité" et l'organigramme contenus dans l'offre de l'adjudicataire.

d) Il ressort ainsi sans ambiguïté de l'offre de l'adjudicataire (sous "1. Présentation du soumissionnaire"/"1.5 L'entreprise de travaux lacustres") qu'Z........., sous-traitant de l'adjudicataire, a elle-même un sous-traitant en la personne d'AA.......... Cette interprétation est confirmée par le fait qu'AA......... n'apparaît pas elle-même comme sous-traitant (à la différence d'Z.........) dans l'organigramme de l'adjudicataire.

Quoi qu'en dise l'adjudicataire, ce passage de l'offre n'était pas contredit ou démenti par la présentation du "Concept global" (ch. 2.1) figurant aux p. 7 et suivantes de l'offre.

En tout état de cause, force est de relever que l'autorité intimée a retenu dans le rapport d'évaluation que le sous-traitant en charge des travaux lacustres avait lui-même un sous-traitant (soit que les documents fournis par la suite ["cahier des réponses qualité révisé" et "organigramme étendu"] n'ont pas permis de dissiper l'erreur prétendue, soit que l'autorité intimée n'a pas tenu compte de ces documents, comme elle l'affirme).

L'autorité intimée a ainsi retenu que le sous-traitant en charge des travaux lacustres avait lui-même un sous-traitant, en violation du ch. 2.10 des conditions administratives, mais elle a renoncé à exclure l'offre de l'adjudicataire pour ce motif. Elle a en effet interprété ses conditions administratives (ch. 2.10) en ce sens qu'il faudrait ignorer le premier niveau de sous-traitance, parce que la présente procédure d'appel d'offres vise à choisir une entreprise générale, qui par définition fait appel à des sous-traitants.

La recourante conteste cette interprétation, en faisant valoir notamment que l'appel d'offres ne tendait pas nécessairement à choisir une entreprise générale. Selon la recourante, le marché litigieux pouvait tout aussi bien être réalisé par une association d'entreprises comprenant une entreprise générale.

Quoi qu'il en soit, force est d'admettre que, même en prenant en compte la latitude de jugement dont bénéficie l'autorité intimée, l'interprétation qu'elle a donnée dans son rapport d'adjudication du ch. 2.10 des conditions administratives n'est pas conciliable avec le principe de la confiance. On ne voit en effet guère comment un soumissionnaire raisonnable aurait pu concevoir qu'il ne serait pas tenu compte d'un premier niveau de sous-traitance, de sorte que seul un troisième niveau de sous-traitance serait tombé sous le coup de la prohibition de la sous-sous-traitance. Peu importe à cet égard que le nouveau droit vaudois des marchés publics prévoie une exception à l'interdiction de la sous-sous-traitance lorsque celle-ci "se justifie pour des raisons techniques, organisationnelles ou de compétences notamment" (art. 5 al. 4 de la loi cantonale du 14 juin 2022 sur les marchés publics qui entrera en vigueur le 1er janvier 2023), ce qui serait le cas quand l'ouvrage objet du marché doit être réalisé par une entreprise générale. Il est d'ailleurs très douteux que l'interprétation finalement retenue par l'autorité intimée (dans le rapport d'adjudication) corresponde à sa volonté réelle initiale. Cette interprétation apparaît plutôt comme un moyen d'éviter la conséquence de l'exclusion, afin de maintenir en lice l'adjudicataire. Sous cet angle, la critique que la recourante en fait en lien avec le principe d'égalité de traitement entre les soumissionnaires n'apparaît pas dénuée de fondement.

L'autorité intimée fait par ailleurs valoir que l'exclusion doit être conforme au principe de proportionnalité et à l'interdiction du formalisme excessif et qu'elle dispose d'un pouvoir d'appréciation à cet égard. Elle renvoie à la distinction entre les manquements graves, ceux de peu d'importance et ceux de gravité moyenne pour lesquels l'adjudicateur dispose d'un pouvoir d'appréciation. En relevant que les prestations d' AA......... ne représentent que 3% de la valeur du marché, elle soutient qu'il peut tout au plus s'agir d'un manquement de gravité moyenne, qui relève donc de sa liberté d'appréciation. Il faut à cet égard lui objecter que les conditions administratives prévoient explicitement la sanction de l'exclusion en cas de violation "des exigences susmentionnées", au nombre desquelles figure l'interdiction de la sous-sous-traitance (ch. 2.10). Les conditions administratives contiennent donc des règles spéciales sur l'exclusion dans le contexte de la sous-traitance – ce qui est fréquent en pratique (cf. consid. 5a ci-dessus et le renvoi à Locher) . qui l'emportent sur les règles générales selon lesquelles une offre est irrecevable ou doit être exclue pour non-conformité aux conditions de l'appel d'offres (voir not. ch. 1.1, 2.3 et 2.6 des conditions générales). L'existence de ces règles spéciales souligne l'importance des exigences relatives à la sous-traitance et donne à penser que le non-respect de ces exigences est sanctionné de manière rigoureuse, en principe par l'exclusion du soumissionnaire contrevenant.

La clause du ch. 2.10 des conditions générales prévoyant la sanction de l'exclusion n'est pas formulée de manière potestative, de sorte qu'elle ne laisse guère de liberté d'appréciation à l'autorité intimée. Interpellée en audience sur le sens à donner à ce passage des conditions administratives, selon les règles de la bonne foi, l'autorité intimée a d'ailleurs admis qu'il fallait le comprendre en ce sens que la sous-sous-traitance était interdite et devait conduire à l'exclusion (compte-rendu d'audience, p. 4 en haut).

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'admettre que l'adjudicataire aurait dû être exclu et doit l'être dans la présente procédure de recours.

L'adjudicataire devant être exclu, il faut se demander si la Cour de céans peut adjuger le marché à la recourante, arrivée deuxième au classement. Selon la jurisprudence fédérale, un tel jugement réformatoire n'entre en ligne de compte que dans des situations suffisamment claires (cf. ATF 146 II 276 consid. 6). Or, en l'occurrence, l'instruction menée après l'audience a révélé l'existence d'indices selon lesquels la recourante pourrait être préimpliquée, ce qui l'exposerait à être exclue à son tour, comme on va le voir à présent.

6.                      a) aa) Aux termes de l’art. 7 al. 2 RLMP-VD, les personnes et entreprises qui participent à la préparation des documents d'appel d'offres peuvent présenter une offre pour autant que l'appel d'offres mentionne leur participation et son ampleur et que les documents de soumission indiquent toutes les sources et l'endroit où elles peuvent être consultées (al. 2). Les autres cas d'incompatibilité prévus par les autorités adjudicatrices sont réservés (al. 3).

Cette disposition traite du problème de la préimplication (en droit fédéral des marchés publics, cf. art. 14 de la loi fédérale du 21 juin 2019 sur les marchés publics [LMP; RS 172.056.1; en vigueur depuis le 1er janvier 2021]). Il y a préimplication lorsqu'un soumissionnaire a participé à la procédure d'appel d'offres, par exemple en établissant les bases du projet, en élaborant les documents d'appel d'offres ou encore en fournissant au pouvoir adjudicateur des informations sur des données spécifiques techniques concernant les biens à acquérir (cf. TF 2P.164/2004 du 25 janvier 2005 consid. 3.1; arrêts du TAF B-4602/2019 du 4 mars 2020 consid. 3.1.2; B-6708/2017 du 9 mai 2019 consid. 3.1.2; B-5439/2015 du 25 septembre 2017 consid. 3.1.5; v. en outre Christoph Jäger, Direkte und indirekte Vorbefassung im Vergabeverfahren, DC 1/2011 p. 4 ss, not. p. 5). Une telle préimplication est susceptible de porter atteinte au principe de l'égalité de traitement entre concurrents; le soumissionnaire se trouvant dans une telle situation peut en effet être tenté d'influencer le pouvoir adjudicateur en ce sens que le nouveau marché soit configuré en fonction de son produit ou de sa prestation; il peut aussi mettre à profit les connaissances acquises durant la préparation de la procédure de passation ou encore tenter d'influencer le pouvoir adjudicateur en se servant des contacts établis avec les personnes (cf. TF 2P.164/2004 précité consid. 3.1; Galli/Moser/Lang/Steiner, op. cit., n°1043s.). Le soumissionnaire préimpliqué est en outre privilégié par rapport aux autres candidats, dans la mesure où il bénéficie de meilleures connaissances du projet et par le fait qu’il dispose de plus de temps pour établir son offre (Denis Esseiva, DC 2/2007 S9).

Dans une telle situation de préimplication, si l'adjudicateur estime que l'entreprise concernée doit néanmoins être admise à soumissionner, il est tenu, en vertu des principes de transparence et de non-discrimination, d'en faire état dans les documents d'appel d'offres (cf. art. 7 al. 2 RLMP-VD: "[…] pour autant que l'appel d'offres mentionne leur participation et son ampleur […]), afin que les autres soumissionnaires en soient informés et puissent le cas échéant demander des mesures compensatoires, voire l'exclusion du concurrent préimpliqué. Le pouvoir adjudicateur doit d'office prendre de telles mesures compensatoires (cf. art. 7 al. 2 RLMP-VD: "[…] pour autant que […] les documents de soumission indiquent toutes les sources et l'endroit où elles peuvent être consultées"), afin de mettre les soumissionnaires sur un pied d'égalité et de rétablir ainsi les conditions de la concurrence. Les mesures compensatoires dépendent de la façon dont l'entreprise concernée est préimpliquée. Si cette dernière dispose par exemple d'informations supplémentaires, ce qui lui procure un avantage concurrentiel, la compensation peut consister à communiquer ces informations dans les documents d'appel d'offres (voir Christoph Jäger, Die Vorbefassung des Anbieters im öffentlichen Beschaffungsrecht, 2009 [cité: Jäger], p. 253 ss).

Lorsque l'adjudicateur omet d'informer de la préimplication d'un soumissionnaire, la question est de savoir quelles conséquences cette violation du principe de la transparence entraîne. Alors que l'ancienne Commission fédérale de recours en matière de marchés publics annulait systématiquement les décisions rendues en violation du principe de transparence (qui était selon elle de nature formelle), les juridictions cantonales tendent à ne retenir cette solution qu'en présence d'un lien de causalité entre cette violation et l'adjudication. Or, ce lien fait souvent défaut, parce qu'il n'y a pas lieu d'admettre que les soumissionnaires auraient offert autre chose ou que d'autres entreprises auraient participé à la procédure d'appel d'offres si l'adjudicateur avait fait état de la préimplication. En pratique, il est toutefois rare que la question du défaut d'annonce de la préimplication se pose seule. Généralement, quand l'adjudicateur a omis d'informer de la préimplication, il n'a pas non plus pris les mesures compensatoires qui s'imposaient, de sorte que le soumissionnaire concerné a participé indûment à la procédure. La question est alors plus largement celle des conséquences de cette participation indue (Jäger, op. cit., p. 257 s.).

bb) Selon la jurisprudence, la préimplication d'un soumissionnaire conduit en principe à son exclusion. Toutefois, un soumissionnaire préimpliqué peut prendre part à la procédure notamment lorsque l'avantage en termes de connaissances par rapport aux concurrents est peu important ou que sa contribution à la préparation de l'appel d'offres apparaît comme mineure; il en va de même lorsque seul un petit nombre de soumissionnaires peuvent offrir la prestation mise en soumission ("enger Markt"; cf. arrêt du TAF B-3804/2020 du 18 janvier 2021, rés. in Martin Beyeler, Vergaberechtliche Entscheide 2020/2021, 2022, n. 59) ou encore quand les concurrents sont informés en toute transparence de la contribution du soumissionnaire concerné et de son avantage en termes de connaissances  (TF 2P.164/2004 précité consid. 3.3; cf. ég. arrêt du TAF 3013/2012 du 31 août 2012 consid. 3.6). Il n'y a pas lieu d'exclure un soumissionnaire si l'avantage concurrentiel peut être compensé par le pouvoir adjudicateur. Celui-ci, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, examinera dans le respect du principe de la proportionnalité les moyens de compensation à ordonner (cf. décision incidente du TAF B-6653/2016 du 29 novembre 2016 consid. 7.2 in fine; Galli/Moser/Lang/Steiner, op. cit., n°1045 ; Poltier, op. cit., n°280). La jurisprudence sur le devoir de récusation des juges, qui naît de l'apparence de partialité objective, n’est pas applicable au soumissionnaire préimpliqué; il n’y a pas lieu d’exclure celui-ci tant et aussi longtemps que la preuve de l’existence d’un avantage concurrentiel résultant de sa participation à la configuration du marché n’est pas apportée; le fardeau de cette preuve incombe aux autres soumissionnaires (arrêt 2P.164/2004 précité consid. 5.7.3).

La préimplication est censée procurer un avantage concurrentiel (présomption légale selon l'art. 21a let. a de l'ancienne ordonnance fédérale du 11 décembre 1995 sur les marchés publics, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020; voir aussi art. 7 al. 2 RLMP-VD). La preuve du contraire, à savoir du fait qu'aucun avantage de ce type n'a été obtenu dans le cas d'espèce ou la preuve que l'avantage a été suffisamment compensé incombent soit au pouvoir adjudicateur, soit au soumissionnaire préimpliqué (cf. arrêts du TAF B-4602/2019 déjà cité consid. 3.1.3; B-7062/2017 du 22 août 2019 consid. 4.5).

La décision d'exclure le soumissionnaire préimpliqué ou de le maintenir au contraire en lice dépend en définitive d'une pesée des intérêts (cf. Jäger, op. cit., p. 268).

De manière générale, la participation indue à la procédure d'un soumissionnaire préimpliqué ne constitue pas un (juste) motif d'interrompre celle-ci. A titre exceptionnel, l'interruption peut toutefois se justifier, notamment lorsqu'à la suite de l'exclusion du soumissionnaire préimpliqué, les participants à la procédure sont trop peu nombreux (tel est le cas lorsqu'ils sont moins de trois) pour garantir une concurrence efficace (Jäger, op. cit., p. 275 s.).

cc) Le motif d'exclusion de la préimplication doit en principe être relevé d'office (Jäger, op. cit., p. 273 s.). Si l'autorité demeure inactive, les concurrents qui ont connaissance de la préimplication ne peuvent toutefois attendre l'issue de la procédure. Selon une partie de la jurisprudence et de la doctrine, en vertu des règles de la bonne foi, ces concurrents ont une obligation – plus exactement une incombance – de soulever le grief de préimplication (Jäger, op. cit., p. 276 s.).

D'après la Cour de céans (cf. arrêt MPU.2020.0041 du 4 juin 2021 consid. 6b/aa), le grief ayant trait à la préimplication d’un soumissionnaire doit, par analogie avec les règles sur les demandes de récusation, être soulevé immédiatement, c'est-à-dire en principe lorsque l'intéressé a connaissance de faits à partir desquels une préimplication peut être déduite (arrêt du TAF B-1958/2013 du 23 juillet 2013 consid. 2.3). Celui qui laisse se dérouler la procédure d’attribution du marché et attend pour agir de voir si l’adjudication lui est favorable contrevient aux règles de la bonne foi; il est alors forclos pour se plaindre de la préimplication (TC FR 602 2011-32 du 28 juillet 2011, rés. in DC 1/2013 n°16). Le simple fait d'avoir pris connaissance de l'avis de concours et du dossier d'appel d'offres ne peut cependant être considéré comme suffisant à cet égard, lors même que ces documents indiquent qu'un concurrent a participé à la préparation de l'appel d’offres (cf. Jäger, op. cit., p. 282; contra TA SG B 2018/53 du 1er mars 2018, rés. in DC 1/2019 n°19). La péremption du droit d’invoquer ce grief n’entre en considération que si l’adjudicateur a de son côté respecté son devoir d’information et de transparence, en exposant clairement les faits qui permettaient aux soumissionnaires de se rendre compte aisément du genre et de l’importance de la participation d’un de leurs concurrents à la procédure (TC FR 602 2011-32, déjà cité).

Des violations particulièrement graves des règles sur la préimplication doivent être relevées d'office, nonobstant les règles sur la péremption du droit à soulever le grief correspondant (Jäger, op. cit., p. 280).

b) En l'occurrence, il est ressorti de l'instruction menée après l'audience (cf. avis du Tribunal du 11 octobre 2022 et réponses respectives de l'autorité intimée et de la recourante du 13 octobre et du 19 octobre 2022) ce qui suit.

X......... est associé gérant de la société BB........., sise à ********, qui a pour but selon le registre du commerce notamment d'exploiter un bureau indépendant d'ingénieurs-conseils et de spécialistes des travaux ******** et ********. En 2019, le bureau du prénommé a effectué une étude de faisabilité technique pour le projet FO Léman 2, puis une étude détaillée technique et financière en 2020. En janvier 2021, X......... a pris l'initiative de contacter la société A........., afin "d'investiguer si cette société aurait pu assurer le préfinancement du projet, dans l'attente que tous les partenaires confirment leur participation, et assumer le risque financier au cas où un de ces partenaires venait à se retirer". Le 21 janvier 2021, X......... a rencontré le directeur de l'entreprise A........., CC........., et lui a présenté le projet dans les grandes lignes. Il lui a communiqué l'enveloppe budgétaire du projet, à savoir 12'000'000 fr. CC......... est entré en matière sur la proposition. En mars 2021, X......... a informé V......... de cette situation (cf. courrier de l'autorité intimée du 13 octobre 2022, p. 3). Ce "scénario" de réalisation a été présenté aux partenaires du projet fin avril 2021. Il a alors été convenu, d'une part, de mieux formaliser le scénario (cf. document intitulé "Formalisation du scénario de réalisation du câble FO Léman 2 via un partenariat avec une entreprise de construction", pièce jointe b au courrier de l'autorité intimée du 13 octobre 2022, qui comporte vingt "questions fermées") et de le faire approuver par CC......... et, d'autre part, de déterminer si le projet était soumis ou non à la réglementation sur les marchés publics. Le 5 mai 2021, X......... a eu un second entretien avec CC........., en présence de deux cadres de l'entreprise A........., dont Q.......... Lors de cet entretien, CC......... a déclaré accepter l'ensemble du document intitulé "Formalisation du scénario de réalisation du câble FO Léman 2 via un partenariat avec une entreprise de construction", en répondant par l'affirmative aux vingt questions (cf. document intitulé "Résumé du second entretien avec Monsieur A........., 05 mai 2021", pièce jointe c au courrier de l'autorité intimée du 13 octobre 2022).

Par la suite, un avis de droit est parvenu à la conclusion que le marché devait être mis au concours selon le droit des marchés publics. A la fin août 2021, les partenaires ont décidé de suivre l'avis de l'expert et de lancer un appel d'offres public pour la construction du câble FO Léman 2. Le "scénario A........." a été définitivement écarté. A la fin septembre 2021, l'autorité intimée a commencé à élaborer le dossier d'appel d'offres de la présente procédure.

c) Il apparaît ainsi que, dans le cadre des pourparlers contractuels menés durant le premier semestre 2021, la recourante a eu connaissance de l'enveloppe budgétaire de 12'000'000 fr., ce qui pourrait constituer un avantage concurrentiel et par là un cas de préimplication (cf. Jäger, op. cit., p. 130, selon lequel la connaissance du cadre financier d'un projet peut représenter un tel avantage). La recourante le conteste, en faisant valoir qu'elle assumait des risques plus importants dans le "scénario" initialement envisagé, de sorte que, dans la procédure d'appel d'offres ultérireure, le montant articulé perdait de sa signification et ne lui conférait plus d'avantage concurrentiel. Au surplus, la recourante n'aurait eu connaissance que des "grandes lignes" du projet (nombre d'atterrages, capacité maximale du câble [courrier de l'autorité intimée du 13 octobre 2022, p. 2]), à l'exclusion des détails techniques. On peut toutefois s'étonner que le directeur de la recourante, CC........., ait donné son accord pour participer à un projet d'un montant de 12'000'000 fr. qui comportait des risques importants pour sa société (voir not. les questions 5 à 7 et 10 du document "Formalisation du scénario de réalisation du câble FO Léman 2 via un partenariat avec une entreprise de construction") sans mieux connaître les aspects techniques. Il est par ailleurs concevable que la recourante disposait d'un avantage sur ses concurrents, dans la mesure où elle était informée avant les autres de l'existence du marché, ce qui lui a permis d'aborder certains sous-traitants potentiels avant ses concurrents.

L'autorité intimée et la recourante font au demeurant valoir que c'est X........., de sa propre initiative et sans être encore mandaté par l'autorité intimée, qui a mené ces pourparlers avec la recourante. Il faut toutefois leur objecter que X......... en a informé (en mars 2021) V......... qui était lui-même en contact avec les "partenaires" du projet, soit les "dix entités privées ou publiques" (cf. question 2 du document "Formalisation du scénario de réalisation du câble FO Léman 2 via un partenariat avec une entreprise de construction"), qui,  selon toute vraisemblance, ne sont autres que les dix associés de l'autorité intimée. Du reste, V......... a par la suite été mandaté (ou la société B........., dont il est associé gérant président) par le pouvoir adjudicateur pour organiser la procédure de soumission et il était l'un des membres du comité d'évaluation.

Dans ces conditions, on peut se demander si l'autorité intimée pouvait laisser participer la recourante à la procédure. S'il se justifiait selon elle que la recourante puisse déposer une offre (compte tenu notamment du petit nombre de soumissionnaires potentiels), la question est ensuite de savoir si, en vertu du principe de transparence, l'autorité intimée n'aurait pas dû faire état, dans les documents d'appel d'offres, des pourparlers intervenus avec la recourante en amont de la procédure de soumission. On peut de même se demander si l'autorité intimée ne devait pas, à titre de mesure compensatoire, faire figurer dans les documents d'appels d'offres le montant de l'enveloppe budgétaire, voire d'autres informations dont la recourante avait eu connaissance, afin de mettre les soumissionnaires sur un pied d'égalité (cf. consid. 6a/aa ci-dessus).

Ces questions montrent que l'on ne se trouve pas dans une situation suffisamment claire (cf. ci-dessus consid. 5d à la fin) qui permettrait à la Cour de céans d'adjuger le marché à la recourante. Il convient plutôt d'annuler la décision entreprise et de renvoyer la cause à l'autorité intimée, afin qu'elle décide, en exerçant la liberté d'appréciation dont elle dispose à cet égard, si la recourante doit être exclue du fait de sa préimplication ou si elle peut demeurer en lice et se voir adjuger le marché. Au lieu de rendre une nouvelle décision d'adjudication (en faveur de la recourante ou du troisième soumissionnaire, mais non de l'adjudicataire, qui doit être exclu [cf. consid. 5d ci-dessus]), l'autorité intimée pourra aussi interrompre la procédure, si elle estime que les conditions de l'interruption sont réunies. En cas d'interruption, une nouvelle procédure d'appel d'offres serait lancée, à laquelle l'adjudicataire pourrait prendre part.

7.                      Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité intimée, afin qu'elle procède dans le sens des considérants du présent arrêt (voir en part. ci-dessus consid. 6c à la fin).

En procédure de recours, les frais sont supportés par la partie qui succombe. En l'occurrence, le sort du recours commande que l'émolument judiciaire soit supporté par l’autorité intimée et par l'adjudicataire (cf. art. 49 al. 1, 51 al. 1, 91 et 99 LPA-VD). L'autorité intimée prendra à sa charge une part un peu supérieure (5/8) de l'émolument, pour tenir compte du fait qu'elle a évoqué les pourparlers avec la recourante seulement lors de l'audience et dans des écritures subséquentes, ce qui a eu pour effet d'allonger la procédure.

La recourante, qui obtient gain de cause par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens, arrêtés conformément à l'art. 11 du tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative (TFJDA; BLV 173.36.5.1; cf. art. 55 al. 4 LPA-VD), à la charge de l'autorité intimée (à concurrence de 5/8) et pour le reste de l'adjudicataire (cf. art. 55 al. 1 et 2, 91 et 99 LPA-VD).

 

Par ces motifs  la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

I.                       Le recours est admis.

II.                      La décision de FO Léman 2 du 22 avril 2022 est annulée.

III.                    La cause est renvoyée à FO Léman 2, afin qu'elle procède conformément aux considérants du présent arrêt.

IV.                    Les frais d’arrêt, par 16'000 francs, sont mis à concurrence de 10'000 (dix mille) francs, à la charge de FO Léman 2 et à hauteur de 6'000 (six mille) francs, à la charge de l'C..........

V.                     FO Léman 2 versera à A......... une indemnité de 2'500 (deux mille cinq cents) francs, à titre de dépens.

VI.                    L'association d’entreprises C......... versera à A......... une indemnité de 1'500 (mille cinq cents) francs, à titre de dépens.

Lausanne, le 29 novembre 2022

 

Le président:                                                                                            Le greffier:

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.