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AC.2016.0315

Datum
2018-10-19
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				AC.2016.0315
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 19.10.2018
			  
			
				Juge: 
				PJ
			
			
				Greffier: 
				LGR
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				Port Vidoli SA/Municipalité de Crans-près-Céligny, A........., B........., C........., ECA
			
				
	
	
		
			 CHANGEMENT D'AFFECTATION  PERMIS DE CONSTRUIRE 
			LATC-103LATC-22	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Sur une parcelle attenante à un port et servant de longue date au dépôt de bateaux, l'argumentation du nombre de bateaux ne constitue pas en l'espèce un changement d'affectation nécessitant un permis de construire.

			
		
	




	
		
		

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 19 octobre 2018

Composition

M. Pierre Journot, président;  M. Miklos Ferenc Irmay et M. Gilles Pirat, assesseurs; Mme Leticia Blanc, greffière.

 

Recourante

 

Port Vidoli SA, à Crans-près-Céligny, représentée par Me Amédée KASSER, avocat, à Lausanne, 

  

Autorité intimée

 

Municipalité de Crans-près-Céligny,  représentée par Me Benoît BOVAY, avocat, à Lausanne,  

  

Autorité concernée

 

ECA, à Pully,

  

Tiers intéressés

 

A......... et B........., à Crans-près-Céligny, 

 

 

C........., à Crans-près-Céligny,   

 

  

 

Objet

Décision de la Municipalité de Crans-près-Céligny du 11 août 2016 (lui ordonnant de mettre à l'enquête publique l'affectation au stockage de bateaux de la parcelle n° 463)

 

Vu les faits suivants:

A.                     Port Vidoli SA est une société anonyme dont le but est l’exploitation du port Vidoli et du chantier naval qui y est rattaché, tous deux situés à Crans-près-Céligny.

Cette société est propriétaire des parcelles nos 461, 462 et 463 de Crans-près-Céligny. Les deux premières parcelles supportent des ateliers de réparation et d'entretien de bateaux en liaison avec l'activité du port privé dont la société Port Vidoli SA est concessionnaire. La parcelle n°463 est libre de construction. Ces trois parcelles sont situées dans la zone mixte selon le plan des zones et le règlement communal sur les constructions et l'aménagement du territoire (ci-après: RC), approuvés par le Conseil d'Etat respectivement les 14 avril 1982 et 12 mai 1989 et actuellement en vigueur.

Le 5 décembre 1969, le Conseil d'Etat a délivré à Hugo Vidoli un acte de concession pour usage d'eau en vue de la réalisation d'un port privé. L'acte de concession a été transféré à la société Port Vidoli SA le 30 novembre 2010. La durée de la concession a été renouvelée pour une période de trente ans le 28 octobre 1993, soit jusqu'au 31 décembre 2029. La concession dont elle est bénéficiaire lui confère le droit de construire des jetées, des installations nautiques, tels des quais, passerelles, slips, escaliers, etc. utiles à l'exploitation d'un port.

Le chantier naval Vidoli, devenu Port Vidoli SA, existe à cet endroit depuis les années 1930. Les bâtiments historiques du chantier naval bâtis sur les parcelles nos 461 et 462 datent de cette période. La parcelle 463 sert à l'entreposage de bateaux.

B.                     Le 23 février 2016, A........., B......... et C........., propriétaires de la parcelle n°339, qui jouxte les parcelles nos 462 et 463 précitées, ont interpellé la Municipalité de Crans-près-Céligny (ci-après: la municipalité) afin de lui faire part de leurs craintes s'agissant des dangers d'incendie et d'explosion liés au dépôt de bateaux en hivernage sur la parcelle n°463, laquelle comportait jusqu'il y a peu des arbres et a été aplanie. Ils ont requis de la municipalité la confirmation de l'existence d'une autorisation délivrée à la société Port Vidoli SA pour l'aménagement de ce bien-fonds et son usage actuel, à défaut qu'il leur soit communiqué si cet usage est conforme à la réglementation communale ainsi qu'aux réglementations cantonales et fédérales concernant la pollution, les risques industriels et les dangers d'incendie. A l'appui de leur requête, ils ont fourni diverses photographies étayant leurs propos.

Par lettre du 3 mars 2016, la municipalité a informé la famille A........., B......... et C......... que leurs craintes méritaient d'être prises en compte, en précisant que leurs propos nécessitaient quelques investigations de sa part.

La société Port Vidoli SA, sous la plume de son conseil, a fait part, le 7 mars 2017, à la municipalité de ses observations au sujet de la lettre du 23 février 2016 de la famille A........., B......... et C.......... Elle a indiqué avoir dû abattre, avec l'accord du garde forestier, des arbres endommagés par une tempête survenue en juin 2013, et que la parcelle n'a pas été aplanie mais recouverte d'une couche de tout-venant. La société précitée a encore relevé que des bateaux ont toujours été entreposés à cet endroit par l'exploitant du chantier naval. Ils y sont conservés de manière professionnelle et conforme aux règles de l'art. La coque des bateaux fait office de bac de rétention, si bien qu'aucun risque d'écoulement n'est à craindre. La société Port Vidoli SA a encore souligné que durant la saison d'hiver, elle installe, sur la parcelle n°463, une tente afin de permettre à ses employés d'être à l'abri des intempéries lorsqu'ils travaillent sur des bateaux qui ne peuvent être entreposés à l'intérieur de l'atelier.

C.                     Le 23 mai 2016, la société Port Vidoli SA s'est adressée à la municipalité pour requérir, suite à un téléphone de l'autorité communale, l'autorisation de stocker des bateaux sur la parcelle n°463, dont elle propriétaire. Elle a réitéré que des bateaux y avaient toujours été entreposés, tout en admettant que le stockage de ceux-ci est plus significatif depuis octobre 2013, date à laquelle la commune a autorisé l'abattage des arbres endommagés par la tempête de juin 2013.

D.                     Par lettre du 8 juin 2016, la municipalité a informé la société Port Vidoli SA, que dans sa séance du 6 juin 2016, il a été décidé que l'affectation de la parcelle n°463 doit faire l'objet d'une procédure de mise à l'enquête publique de 30 jours. Elle a invité l'intéressée à déposer un dossier complet auprès de l'administration communale.

La société Port Vidoli SA a fait part, le 27 juin 2016, de ses observations en relevant que le stockage de bateaux à cet endroit, au même titre que l'exploitation du chantier naval, est conforme à l'affectation de la zone, de sorte qu'une procédure de mise à l'enquête publique supposerait l'existence d'une demande de changement d'affectation, ce qui n'est pas le cas.

En date du 4 juillet 2016, la municipalité a fait savoir à la société Port Vidoli SA que s'il est admis que le dépôt de bateaux n'est pas contraire à l'affectation de la zone, il n'en demeure pas moins une obligation d'autorisation pour tout dépôt dans la commune (art. 8.4 RC), tout en précisant qu'elle confirmait sa position du 8 juin 2016 au vu des intérêts dignes de protection en jeu.

Le 18 juillet 2016, la société Port Vidoli SA a indiqué à la municipalité lui avoir déjà adressé, en date du 23 mai 2016, une demande d'autorisation au sens de l'art. 8.4 RC. Elle a relevé qu'aucun intérêt digne de protection ne justifie une mise à l'enquête publique puisque l'utilisation de la parcelle n°463 est conforme à l'affectation de la zone.

E.                     Par décision du 11 août 2016, munie de l'indication de la voie de recours, la municipalité a informé la société Port Vidoli SA qu'elle maintenait sa position du 8 juin 2016, à savoir qu'elle exigeait une procédure de mise à l'enquête publique. Elle lui a accordé un délai au 15 septembre 2016 pour déposer un dossier conforme aux exigences de l'art. 69 du règlement d'application de la loi du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du territoire et les constructions (RLATC; RSV 700.11.1).

F.                     Par acte du 14 septembre 2016, la société Port Vidoli SA (ci-après: la société recourante ou la recourante) a recouru, par l'intermédiaire de son conseil, auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (ci-après: la CDAP ou le Tribunal). Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée.

A......... et B........., en leur qualité de tiers intéressés, ont déposé leurs observations sur le recours le 10 octobre 2016 en concluant à ce qu'une procédure de mise à l'enquête publique soit ordonnée.

Dans sa réponse du 20 octobre 2016, la municipalité (ci-après: l'autorité intimée) a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

La société recourante a déposé un mémoire complémentaire en date du 12 décembre 2016.

Par avis du 14 mars 2017, le juge instructeur a invité l'Etablissement cantonal d'assurance incendie et éléments naturels (ECA) à se déterminer sur le recours, en particulier sur la question des mesures de protection incendie requises pour le stockage des bateaux sur la parcelle n°463. Dans ses déterminations du 27 avril 2017, l'ECA relève que dans le cas d'espèce le stockage des bateaux faisant l'objet du recours n'est pas fait à l'intérieur d'un bâtiment, mais à l'extérieur de celui-ci, directement sur le terrain de la parcelle n°463 et que pour ce motif il n'y a pas au sens des prescriptions de protection incendie de l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AECAI) d'exigences de protection incendie à formuler dans le cadre du recours.

La recourante a fait part de ses observations au sujet des déterminations de l'ECA le 29 mai 2017.

Le Tribunal a statué par voie de circulation.

Les arguments des parties sont repris ci-après dans la mesure utile.

Considérant en droit:

1.                      L'autorité communale intimée conteste la recevabilité du recours en faisant valoir que la décision ordonnant la mise à l'enquête publique est une décision incidente qui ne cause aucun préjudice irréparable à la recourante, si bien que le recours serait irrecevable en vertu de l'art. 74 al. 4 de la loi du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; RSV 173.36).

L'art. 74 al. 3 à 5 LPA-VD a la teneur suivante:

" 3 Les décisions incidentes qui portent sur la compétence ou sur une demande de récusation sont séparément susceptibles de recours de même que les décisions sur effet suspensif et sur mesures provisionnelles.

4 Les autres décisions incidentes notifiées séparément sont susceptibles de recours:

a.     si elles peuvent causer un préjudice irréparable au recourant, ou

b.     si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

5 Dans les autres cas, les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que conjointement avec la décision finale."

Dans le cadre de la procédure de coordination régie par l’art. 34 ROTC, la Cour de droit administratif et public a décidé de fixer le principe que le dommage irréparable dont parle l’art. 74 al. 4 let. a LPA-VD est un dommage de fait (ou un dommage matériel) et non un dommage juridique (GE.2015.0200  du 1er février 2016).

En l'espèce, la décision attaquée impose à la recourante de se soumettre à une procédure d'enquête publique et de permis de construire et elle entraînerait des frais de constitution du dossier. Il s'agit là d'un dommage matériel suffisant au sens de l'art. 74 al. 4 let. a LPA-VD. Même incidente, la décision attaquée peut faire l'objet d'un recours immédiat.

2.                      L'autorité intimée considère, du moins dans sa réponse au recours (la décision attaquée est dépourvue de motivation), que l'affectation de la parcelle n°463 au stockage de bateaux doit faire l'objet d'une mise à l'enquête publique afin que les intérêts des voisins puissent être protégés, lesquels craignent des dangers d'incendie et d'explosion liés au dépôt de bateaux en hivernage. Quant à la recourante, elle se plaint d'une violation des art. 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) et 103 de la loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC; RSV 700.11); elle soutient que rien ne justifie une mise à l'enquête publique pour l'entreposage de bateaux sur une parcelle située en zone mixte.

Aux termes de l'art. 22 al. 1 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente. Pour déterminer si une mesure constructive est suffisamment importante pour être soumise à la procédure d'autorisation, il faut se demander si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, la réalisation du projet entraînera sur le territoire, l'équipement et l'environnement des conséquences si importantes qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 1C.509/2010 du 16 février 2011 consid. 2.3.1). Le droit fédéral n'exige pas que les constructions peu importantes dépourvues d'influence notable sur le territoire, l'équipement et l'environnement soient soumises à autorisation mais les cantons sont libres d'introduire une telle autorisation (ATF 1C.433/2007 du 11 mars 2008; 1C.12/2007 du 8 janvier 2008). Le législateur vaudois s'est au contraire régulièrement préoccupé, au cours des modifications successives de la LATC, d'utiliser la marge que lui laisse le droit fédéral pour assouplir le régime des constructions. Les dispositions permettant de renoncer à toute autorisation ont été progressivement étendues. C'est ainsi que divers objets sont expressément dispensés d'autorisation (art. 103 al. 2 et 3 LATC) et que les travaux intérieurs ont été successivement dispensés d'enquête publique, puis dispensés même d'autorisation (AC.2011.0238 du 3 août 2012 consid. 3; AC.2011.0255 du 22 août 2012, consid. 2; AC.2012.0220 du 31 janvier 2013, consid. 4b; AC.2012.0355 du 1er mai 2013, consid. 2; AC.2014.0004 du 29 avril 2014, consid. 2a; AC.2017.0176 du 27 mars 2018, consid 2).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (v. p. ex. récemment 1C.107/2016 du 28 juillet 2016, consid. 6.1; 1C.285/2015 du 19 novembre 2015, consid. 3), un changement d'affectation, même lorsqu'il ne nécessite pas de travaux de construction, reste en principe soumis à l'octroi d'un permis de construire. En l'absence de travaux, la modification du but de l'utilisation (Zweckänderung) peut cependant être dispensée d'autorisation de construire si la nouvelle affectation est conforme à celle de la zone en question ou si son incidence sur l'environnement et la planification est manifestement mineure (ATF 113 Ib 219 consid. 4d p. 223; arrêt 1C.395/2015 du 7 décembre 2015 consid. 3.1.1; cf. également ATF 139 II 134 consid. 5.2 p. 139 s.; voir également ALEXANDER RUCH, Commentaire LAT, 2010, n. 34 s. ad art. 22 LAT). Si les effets engendrés par la nouvelle utilisation se révèlent plus importants que précédemment, une autorisation de construire est en revanche requise; il en va en particulier ainsi en cas d'augmentation significative des immissions (cf. arrêts 1C.395/2015 précité consid. 3.1.1; 1C.347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.2). 

La jurisprudence fédérale relative aux dispositions applicables hors de la zone à bâtir admet qu'il existe une catégorie intermédiaire entre les changements d'affectation de moindre importance (qui sont admis) et les changements d'affectation complets qui ne le sont pas. Il s'agit des cas dans lesquels la nouvelle utilisation se distingue certes de la précédente cependant que le genre et les effets des deux affectations présentent des similitudes (cette catégorie intermédiaire est admise sous l'angle du respect de l'identité de la construction au sens des art. 24c LAT et 42 al. 1 OAT: 1C.281/2015 du 28 juin 2016, consid. 6.2). A l'intérieur de la zone à bâtir, la jurisprudence cantonale est opposée à une interprétation extensive de la notion de changement d'affectation: l'exigence d'un permis de construire ne doit pas (il en va de la liberté personnelle, art. 10 al. 2 de la Constitution fédérale) - servir à exercer un contrôle systématique sur la présence et l'activité des personnes ou sur l'utilisation de biens dans les constructions existantes. Le permis de construire censé autoriser un changement d'affectation ne doit pas devenir une autorisation générique à laquelle l'autorité pourrait sans autre subordonner tous les faits de la vie qu'il pourrait lui paraître raisonnable de soumettre à son contrôle (AC.1997.0044 du 23 novembre 1999, RDAF 2000 p. 244; AC.2001.0029 du 8 octobre 2001; AC.2000.0214 du 5 juin 2002; AC.2002.0060 du 31 octobre 2003; AC.2003.0095 du 6 janvier 2004; AC.2002.0127 du 23 avril 2003; AC.2003.0178 du 27 avril 2004; AC.2004.0147 du 23 décembre 2004; AC.2007.0009 du 11 avril 2007; AC.2008.0101 du 11 décembre 2008; AC.2007.0298 du 19 janvier 2009; AC.2010.0174 du 30 août 2010; AC.2011.0037 du 26 mars 2012; AC.2011.0238 du 3 août 2012; AC.2012.0369 du 11 décembre 2013 consid. 3a/cc; AC.2014.0108 du 21 octobre 2014 consid. 4a; AC.2014.0322 du 14 octobre 2015, consid. 2a; AC.2017.0070 du 15 décembre 2017, consid. 1c; AC.2017.0413 du 18 juin 2018, consid. 3c). Comme le constate l'arrêt AC.1997.0044, la pratique ne semble pas se préoccuper de savoir ce qu'il faut entendre par "affectation" ni de déterminer dans quelles conditions on se trouve en présence d'un changement de celle-ci: faute de pouvoir se référer à une définition uniforme des différentes catégories d'affectation, la pratique examine directement la question de la conformité à la zone.

En l'espèce, la parcelle n°463 est libre de construction et située dans la zone mixte – destinée à l'artisanat et à l'habitation – du plan des zones et du RC. Il n'est pas contesté que le dépôt de bateaux sur la parcelle précitée est aussi ancien que l'exploitation du port Vidoli et du chantier naval qui y est rattaché, lesquels existent depuis les années 1930. Cette utilisation est par ailleurs reconnue comme conforme à l'affectation de la zone par la municipalité dans sa lettre du 4 juillet 2016. Il n'y a pas de changement significatif du point de vue de la planification ou du point de vue de l'environnement. L'usage que la recourante fait de la parcelle n'engendre en effet pas de nuisances significativement plus élevées que par le passé quand bien même le nombre de bateaux aurait augmenté. Pour le surplus, il n'appartient pas à l'autorité compétente en matière de permis de construire d'intervenir à chaque fois que le genre ou le nombre de bateaux se modifie; le permis de construire ne devant en effet pas devenir un moyen de contrôle systématique sur la présence et  l'activité des personnes (cf. consid. 2c ci-dessus).

S'agissant des craintes soulevées par les tiers intéressés quant à des risques d'incendie et d'explosion liés au dépôt de bateaux en hivernage sur la parcelle n°463, il convient d'admettre, au vu des déterminations formulées par l'ECA, qu'un contrôle visant à délimiter le périmètre de stockage ne se justifie pas. En effet, dans la mesure où le stockage des bateaux n'est pas effectué à l'intérieur d'un bâtiment, mais directement sur le terrain de la parcelle précitée, il n'y a dès lors pas, au sens des prescriptions de protection incendie de l'AECAI, d'exigences de protection incendie à formuler. Les exigences de protection contre l'incendie ne sont d'ailleurs pas en soi un motif d'exiger une mise à l'enquête publique.

Quant à l'autorisation requise par le règlement communal pour les dépôts à ciel ouvert, fixée à l'art. 8.4 du règlement, elle ne relève pas de la procédure liée au permis de construire. Cette disposition, qui figure parmi les règles régissant les aménagements extérieurs en général, permet apparemment à la municipalité d'intervenir pour des motifs esthétiques "en vue de sauvegarder le bon aspect du paysage et les intérêts du voisinage" comme le dit son texte. Elle ne saurait s'appliquer lorsque le dépôt d'une entreprise est en soi conforme à l'affectation de la zone.

Vu ce qui précède, c’est à tort que l’autorité intimée a considéré que l'on se trouvait en présence d'un changement d'affectation et a ordonné le dépôt d'une demande de permis de construire ainsi que la mise à l'enquête publique en application des art. 103 ss LATC.

3.                      Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être admis et la décision attaquée annulée.

4.                      L'autorité intimée, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 49 et 52 al. 1 a contrario LPA-VD). La recourante, qui obtient gain de cause et qui a procédé par l'intermédiaire d'un mandataire professionnel, a droit à une indemnité à titre de dépens à charge de la Commune de Crans-près-Céligny. Le montant de cette indemnité est fixé à 1'000 (mille) fr. en application de l'art. 11 al. 2 du tarif du 28 avril 2015 des frais judiciaires et des dépens en matière administrative (TFJDA; RSV 173.36.5.1).

 

Par ces motifs la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

I.                       Le recours est admis.

II.                      La décision de la Municipalité de Crans-près-Céligny du 11 août 2016 est annulée.

III.                    Un émolument judiciaire de 1'000 (mille) francs est mis à la charge de la Commune de Crans-près-Céligny.

IV.                    La Commune de Crans-près-Céligny versera à Port Vidoli SA la somme de 1'000 (mille) francs à titre de dépens.

 

Lausanne, le 19 octobre 2018

 

Le président:                                                                                             La greffière:

                                                                                                                 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.