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PE.2018.0342

Datum
2019-07-12
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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			N° affaire: 
				PE.2018.0342
			
			
				Autorité:, Date décision: 
				CDAP, 12.07.2019
			  
			
				Juge: 
				GVI
			
			
				Greffier: 
				PG
			
			
				Publication (revue juridique): 
				  
			
			
				Ref. TF: 
				  
			  
			
				Nom des parties contenant:  
				A........./Département de l'économie, de l'innovation et du sport (DEIS), Service de la population (SPOP)
			
				
	
	
		
			 CITOYENNETÉ DE L'UNION  AUTORISATION D'ÉTABLISSEMENT  FIN  RÉVOCATION{EN GÉNÉRAL}  ORDRE PUBLIC{EN GÉNÉRAL}  JUGE DU FOND  PROCÉDURE PÉNALE  TRIBUNAL PÉNAL  CONDAMNATION  PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ  RISQUE DE RÉCIDIVE  LIBÉRATION CONDITIONNELLE  FAUTE GRAVE  BIEN PROTÉGÉ  PROPORTIONNALITÉ  RESPECT DE LA VIE FAMILIALE  RESPECT DE LA VIE PRIVÉE  INTÉRÊT PUBLIC  PESÉE DES INTÉRÊTS  INTÉRÊT PRIVÉ  ENFANT  FAMILLE  DROIT DE GARDE  ÉCOLE OBLIGATOIRE 
			ALCP-annexe-I-5-1CEDH-8-1CEDH-8-2Cst-5-2LEI-2-2LEI-62-1-b (01.01.2018)LEI-63-1-aLEI-63-1-bLEI-63-2LEI-63-3 (01.10.2016)LEI-96-1OLCP-23-2	
		
	


	
		
			
				Résumé contenant: 
				Confirmation de la révocation de l'autorisation d'établissement d'un ressortissant portugais, qui vit depuis trente ans en Suisse mais qui a été condamné à neuf reprises pour des actes graves (mise en danger de la vie d'autrui, contrainte sexuelle, viol, délits contre la LStup), qui purge actuellement une peine privative de liberté de trois ans et auquel la libération conditionnelle a été refusée, compte tenu d’un risque de récidive générale et violente qualifié d’élevé et de sa faible prise de conscience. L'autorité intimée n'a pas abusé de sa liberté d'appréciation en estimant que le recourant constituait une menace actuelle et réelle d'une certaine gravité pour l'ordre public suisse.

Le recourant ne peut pas se prévaloir du respect de sa vie familiale et invoquer en quelque sorte un regroupement familial inversé pour demeurer en Suisse avec sa fille, âgée de six ans, dont il a la garde et qui vit chez sa soeur; cette dernière a débuté sa scolarité obligatoire et son départ apparaît comme étant raisonnablement exigible. En outre, le comportement du recourant est loin d’être irréprochable. A supposer que le recourant puisse invoquer la protection de sa vie privée et de sa vie familiale, il apparaît surtout que l’intérêt public à ce qu’il soit éloigné de Suisse l’emporte sur son intérêt privé à pouvoir continuer à y vivre.

TRIBUNAL CANTONAL COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 12 juillet 2019

Composition

M. Guillaume Vianin, président; Mme Claude-Marie Marcuard et M. Fernand Briguet, assesseurs; M. Patrick Gigante, greffier.

 

Recourant

 

A......... à ******** représenté par Me Laurent Pfeiffer, avocat à Lausanne.  

  

Autorité intimée

 

Département de l'économie, de l'innovation et du sport, Secrétariat général, à Lausanne.    

  

Autorité concernée

 

Service de la population, à Lausanne.    

  

 

Objet

        Révocation   

 

Recours A......... c/ décision du Département de l'économie, de l'innovation et du sport du 25 juin 2018 révoquant son autorisation d'établissement et prononçant son renvoi de Suisse

 

Vu les faits suivants:

A.                     Ressortissant portugais et citoyen de l’UE, A......... est né en 1978; il vit en Suisse depuis le ******** 1989 et est titulaire d’une autorisation d’établissement. Après sa scolarité obligatoire, il a entrepris un apprentissage de maçon, à l’issue duquel il a obtenu un certificat fédéral de capacité (CFC). En raison de plusieurs problèmes de santé, il n’a pu pratiquer son métier et a travaillé comme aide-peintre, avant qu’un droit à une rente complète de l’assurance-invalidité (AI) ne soit ouvert en sa faveur. Il perçoit actuellement pour 3'500 fr. de rentes mensuelles.

De relations différentes, A......... est père de deux filles, B........., née en 1998, et C........., née le ******** 2013 dont il détient la garde et l’autorité parentale. La première vit chez les parents de l’intéressé et la seconde, chez sa tante paternelle. Comme on le verra plus loin, l’intéressé purge depuis le 10 juillet 2016 une peine de prison. Par convention du 24 juin 2016, A......... a placé sa fille C......... chez sa sœur, D........., et son beau-frère, E........., le temps que dure sa détention. Par décision du 23 décembre 2016, la Justice de paix du district de Lausanne a institué une curatelle de représentation sur C......... et désigné F........., assistante sociale à l’Office des curatelles et tutelles professionnelles en qualité de curatrice.

B.                     Depuis 2001, A......... a été condamné à neuf reprises dans les causes suivantes:

– par ordonnance du 4 octobre 2013 rendue par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, pour lésions corporelles simples (partenaire enregistré), à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (à 30 fr. le jour-amende);

A......... a été incarcéré aux Etablissements de la Plaine de l’Orbe le 19 juillet 2016 pour y purger la peine privative de liberté de trois ans à laquelle il a été condamné le 20 novembre 2014. Par ordonnance du Juge d’application des peines, du 29 novembre 2018, la libération conditionnelle lui a été refusée. La fin de peine est prévue pour le 22 octobre 2019.

C.                     Le 25 octobre 2017, le Service de la population (ci-après: SPOP) a informé A......... de son intention de proposer au Chef du Département de l'économie, de l'innovation et du sport (ci-après: DEIS) de révoquer son autorisation d’établissement et de prononcer son renvoi en l’enjoignant de quitter la Suisse dès sa libération conditionnelle ou définitive. A......... s’est déterminé le 23 novembre 2017; il s’est opposé à la révocation de son permis d’établissement et à son renvoi, rappelant notamment qu’il était très attaché à ses deux filles, qu’il voit de manière régulière, qu’il ne consommait plus de stupéfiants depuis plusieurs années et n’avait plus aucun lien avec le Portugal. Le 19 mars 2018, il s’est déterminé une seconde fois, par la plume de son conseil, pour rappeler notamment qu’il avait obtenu la garde de sa fille cadette C........., de sorte que l’unité de la famille devait être maintenue.

Par décision du 25 juin 2018, le Chef du DEIS a révoqué l’autorisation d’établissement délivrée à A......... et a prononcé son renvoi, un délai immédiat pour quitter la Suisse lui étant imparti dès sa libération, conditionnelle ou non.

D.                     Par acte du 27 août 2018, A......... a recouru auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP) contre cette dernière décision, dont il demande l’annulation.

Par décision du 28 septembre 2018, le juge instructeur a fait droit à la demande d’assistance judiciaire présentée par A........., avec effet au 27 août 2018, et a désigné l’avocat Sébastien Pedroli en qualité de défenseur d’office.

Le DEIS se réfère à la décision attaquée.

Le SPOP a produit son dossier; il renonce à se déterminer.

A......... s’est déterminé sans requérir de mesures d’instruction.

E.                     Par avis du 14 janvier 2019, le juge instructeur a requis la production de toutes les conventions ayant trait à la garde de l’enfant C..........

Le 28 mars 2019, le juge instructeur a désigné un nouveau conseil d’office à A........., à la demande de ce dernier, en la personne de l’avocat Laurent Pfeiffer. Il a relevé Me Sébastien Pedroli de sa mission.

A......... s’est déterminé par la plume de son nouveau conseil, le 15 mai 2019. Il maintient ses conclusions et requiert la suspension de la présente procédure, jusqu’à droit connu sur ses demandes de mise en liberté conditionnelle et de changement de sanction, dont il a successivement saisi le Juge d’application des peines. Il se prévaut à cet égard du prononcé rendu par ce magistrat, le 9 janvier 2019, et ordonnant une expertise psychiatrique dans le cadre d’un éventuel changement de sanction.

Le DEIS s’oppose à la suspension de la procédure et maintient ses conclusions.

A......... s’est déterminé une ultime fois, de manière spontanée, le 26 juin 2019. Il a joint une correspondance de F........., du 25 juin 2019, aux termes de laquelle C......... voit son père à la prison à raison de trois fois par semaine et que les visites se passent très bien.

F.                     Le Tribunal a statué à huis clos, par voie de circulation.

Considérant en droit:

1.                      Formé en temps utile (art. 95 de la loi cantonale du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD; BLV 173.36]), auprès de l’autorité compétente, le recours, qui respecte les formes prévues par la loi (art. 79 al. 1 LPA-VD par renvoi de l’art. 99 LPA-VD), est recevable. Il y a lieu d’entrer en matière.

2.                      Le recourant a requis la suspension de la présente procédure, jusqu’à droit connu sur les demandes de mise en liberté conditionnelle et de changement de sanction, dont il a successivement saisi le Juge d’application des peines. L’autorité intimée s’oppose à cette requête.

a) Aux termes de l’art. 25 LPA-VD, l'autorité peut, d'office ou sur requête, suspendre la procédure pour de justes motifs, notamment lorsque la décision à prendre dépend de l'issue d'une autre procédure ou pourrait s'en trouver influencée d'une manière déterminante. La suspension de la procédure comporte toutefois le risque de retarder inutilement la procédure, de sorte qu’elle ne doit intervenir qu’à titre exceptionnel, eu égard à l’exigence de célérité posée par l’art. 29 al. 1 Cst. L’autorité saisie dispose d’une certaine marge d’appréciation dont elle doit faire usage en procédant à une pesée des intérêts des parties (arrêts PS.2018.0168 du 31 octobre 2018; GE.2016.0184 du 16 décembre 2016; GE.2016.0074 du 31 mai 2016 et réf. citées). La suspension vise notamment à éviter dans la mesure du possible des décisions contradictoires lorsqu’une même personne fait l’objet pour un même complexe de faits d’une procédure pénale et d’une procédure administrative (cf. en matière de circulation routière, ATF 136 II 447, consid. 3.1. ainsi que dans d’autres matières). Si l'intéressé fait ou va probablement faire l'objet d'une dénonciation pénale, l'autorité administrative doit en principe surseoir à statuer jusqu'à droit connu sur le plan pénal, dans la mesure où l'état de fait ou la qualification juridique du comportement litigieux est pertinent(e) dans le cadre de la procédure administrative (ATF 121 II 214 consid. 3a; 119 Ib 158 consid. 2b). La sécurité du droit commande d'éviter que l'indépendance du juge pénal et du juge administratif ne conduise à des jugements opposés, rendus sur la base des mêmes faits (ATF 139 II 95 consid. 3.2; 137 I 363 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1C.181/2014 du 8 octobre 2014).

b) En la présente espèce, le recourant entend, par sa requête, que le Tribunal sursoive à statuer dans l’attente d’une décision du juge d’application des peines sur sa demande de mise en liberté conditionnelle et sa demande de changement de sanction. On ne voit pas cependant en quoi une suite éventuellement positive à ces deux demandes influerait d’une manière déterminante sur le sort du présent recours. Au surplus, les autorités administratives ne sont pas liées dans leurs décisions par le résultat de l’examen auquel procèdent les autorités pénales. Comme on le voit, les procédures pénales dirigées contre le recourant se sont achevées par plusieurs condamnations, aujourd’hui définitives. Le recourant purge actuellement plusieurs des peines privatives de libertés prononcées à son encontre. Le dossier de la cause est complet, le recourant a pu se déterminer et le Tribunal dispose de tous les éléments lui permettant de statuer en connaissance de cause, sans que la procédure ne soit inutilement retardée. Par conséquent, il n’y a pas lieu de donner suite à sa demande.

c) En outre, il n’y a pas lieu, pour les mêmes raisons et par appréciation anticipée des preuves, de donner suite à la réquisition que le recourant avait formulée par la plume de son précédent conseil d’office qui tendait à la production du dossier de la Justice de paix.

3.                      La décision attaquée révoque l'autorisation d'établissement du recourant.

a) En sa qualité de ressortissant portugais, le recourant peut prétendre à un titre de séjour en Suisse, en vertu de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681). La loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration ([LEI; RS 142.20]; jusqu’au 31 décembre 2018, loi fédérale sur les étrangers [LEtr]) ne s'applique aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne que lorsque l'ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu'elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 2 al. 2 LEtr). Comme l'ALCP ne réglemente pas la révocation de l'autorisation d'établissement UE/AELE, l'art. 63 LEtr est applicable (cf. art. 23 al. 2 de l'ordonnance fédérale du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange [OLCP; RS 142.203]; cf. sur ce point, arrêts du Tribunal fédéral 2C.121/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3.1; 2C.473/2011 du 17 octobre 2011 consid. 2.1). Toutefois, dès lors qu'il constitue une limite à la libre circulation des personnes, le retrait de l'autorisation d'établissement doit être conforme aux exigences de l'ALCP (arrêt 2C.839/2017 du 10 septembre 2018 consid. 3.1).

b) Aux termes de l'art. 63 al. 1 LEI, l'autorisation d'établissement peut être révoquée, notamment, si les conditions visées à l'art. 62 al. 1 let. a ou b LEI sont remplies (let. a), si l'étranger attente de manière très grave à la sécurité et l'ordre publics en Suisse ou à l'étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (let. b), si lui-même ou une personne dont il a la charge dépend durablement et dans une large mesure de l'aide sociale (let. c) ou l'étranger fait l'objet d'une expulsion relevant du droit pénal (let. e; en vigueur depuis le 1er janvier 2018). Cette disposition classe les cas de révocation de l'autorisation d'établissement en trois catégories dont la première (al. 1 let. a) comprend les situations où les conditions visées à l'art. 62 al. 1 let. a et b LEI sont réalisées. A teneur de l’art. 63 al. 2 LEI, l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne en Suisse légalement et sans interruption depuis plus de quinze ans ne peut être révoquée que pour les motifs mentionnés à l'al. 1, let. b, et à l'art. 62 al. 1 let. b. Selon cette dernière disposition, l'autorité compétente peut révoquer une autorisation, notamment si l'étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée. Selon la jurisprudence, constitue une peine privative de longue durée au sens de cette disposition toute peine dépassant un an d'emprisonnement, indépendamment du fait qu'elle soit ou non assortie (en tout ou partie) du sursis (ATF 139 I 145 consid. 2.1 p. 147; 139 II 65 consid. 5.1 p. 72).

Le 1er octobre 2016 est entrée en vigueur la loi fédérale du 20 mars 2015 mettant en œuvre l’art. 121 al. 3 à 6 Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels, qui a notamment modifié le CP ainsi que la LEI. En vertu des art. 66a ss CP, il appartient désormais en principe au juge pénal et non à l'autorité administrative de statuer sur l’expulsion des étrangers ayant commis des infractions. Selon l’art. 66a CP, l’expulsion est obligatoire lorsqu’un étranger est condamné pour avoir commis l’une des infractions mentionnées dans la liste qui figure dans cette disposition. Selon l’art. 66a bis CP, le juge pénal peut également prononcer l’expulsion lorsqu’un étranger a été condamné pour une autre infraction que celles mentionnées à l’art. 66a CP. Cette novelle a également modifié l’art. 63 al. 3 LEI qui a désormais la teneur suivante: « Est illicite toute révocation fondée uniquement sur des infractions pour lesquelles un juge pénal a déjà prononcé une peine ou une mesure mais a renoncé à prononcer une expulsion ». Cette disposition vise à éviter des décisions contradictoires de l’autorité compétente en matière de migrations et du juge pénal, comme cela arrivait fréquemment sous l’empire de l’ancien Code pénal (art. 55 aCP; Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, FF 2013 5373, spéc. p. 5440). Selon la jurisprudence, cette disposition ne s'applique toutefois pas lorsque les faits pour lesquels le recourant a été condamné ont été commis avant l'entrée en vigueur du nouveau droit puisque le juge pénal ne pouvait prononcer l'expulsion pour la commission de cette infraction en application de l'art. 66abis CP (cf. arrêt PE.2017.0431 du 20 avril 2018).

En l’espèce toutefois, l’art. 63 al. 3 LEI n’est pas applicable. Sans doute, le recourant a poursuivi son activité délictueuse au-delà du 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur des art. 66 à 66abis CP et 63 al. 3 nouvelle teneur LEI. Toutefois, les infractions commises avant cette date, pour lesquelles le recourant a été condamné, suffisent, comme on le verra ci-dessous, à justifier la révocation de son permis d’établissement. Pour le surplus, les conditions d'application de l'art. 62 al. 1 let. b LEI, par renvoi de l'art. 63 al. 2 LEI, sont remplies puisque le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée (à savoir trois ans). Partant, la révocation de l'autorisation d'établissement du recourant est fondée sur un motif conforme au droit et il n'est pas nécessaire de vérifier au surplus si les conditions d'application de l'art. 63 al. 1 let. b LEI sont également remplies (dans le même sens, arrêts 2C.182/2017 du 30 mai 2017 consid. 5.2; 2C.802/2015 du 11 janvier 2016 consid. 5; 2C.1189/2014 du 26 juin 2015 consid. 3.1).

c) On rappelle que, selon l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP, les droits octroyés par les dispositions de l'ALCP ne peuvent être limités que par des mesures justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (sur la notion d'ordre public, cf. ATF 140 II 112 consid. 3.6.2 p. 125; 129 II 215 consid. 6.2 p. 220s. et les références).

Selon la jurisprudence, les limites posées au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion d'ordre public pour restreindre cette liberté suppose, en-dehors du trouble de l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société. L'évaluation de cette menace doit se fonder exclusivement sur le comportement personnel de celui qui fait l'objet de la mesure, et non sur des motifs de prévention générale détachés du cas individuel. La seule existence d'antécédents pénaux ne permet pas de conclure (automatiquement) que l'étranger constitue une menace suffisamment grave pour l'ordre et la sécurité publics. Il faut donc procéder à une appréciation spécifique du cas, portée sous l'angle des intérêts inhérents à la sauvegarde de l'ordre public, qui ne coïncide pas obligatoirement avec les appréciations à l'origine des condamnations pénales. Autrement dit, ces dernières ne sont déterminantes que si les circonstances les entourant laissent apparaître l'existence d'une menace actuelle et réelle d'une certaine gravité pour l'ordre public. Il n'est pas nécessaire d'établir avec certitude que l'étranger commettra d'autres infractions à l'avenir pour prendre une mesure d'éloignement à son encontre; inversement, ce serait aller trop loin que d'exiger que le risque de récidive soit nul pour que l'on renonce à une telle mesure. En réalité, ce risque ne doit pas être admis trop facilement et il faut l'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances du cas, en particulier au regard de la nature et de l'importance du bien juridique menacé, ainsi que de la gravité de l'atteinte qui pourrait y être portée. L'évaluation de ce risque sera d'autant plus rigoureuse que le bien juridique menacé est important (cf. ATF 139 II 121 consid. 5.3 p. 125 s. et les références; cf. ég. arrêts 2C.560/2016 du 6 octobre 2016 consid. 3.1; 2C.839/2017 du 10 septembre 2018 consid. 3.3.2). Le Tribunal fédéral se montre particulièrement rigoureux en présence d'infractions à la législation fédérale sur les stupéfiants, d'actes de violence criminelle et d'infractions contre l'intégrité sexuelle (cf. ATF 139 II 121 consid. 5.3 p. 125 s.; 137 II 297 consid. 3.3 p. 303 s.).

Comme on l’a vu, le recourant a été condamné depuis 2001 à neuf reprises, dont une peine privative de liberté de trois ans. Les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné sont graves (mise en danger de la vie d'autrui, contrainte sexuelle, viol, délits contre la LStup) le bien juridique menacé important et le risque de récidive, suffisamment établi. En effet, le comportement du recourant s’est inscrit dans la durée et cette suite d'infractions démontre son incapacité à respecter l'ordre juridique et l'absence de prise de conscience dont il fait preuve. Du reste, la libération conditionnelle lui a été refusée, compte tenu d’un risque de récidive générale et violente qualifié d’élevé et de sa faible prise de conscience. Quoi qu’il en soit, le recourant ne pourrait de toute façon rien déduire de la décision du magistrat compétent de lui accorder une libération conditionnelle (cf. arrêts 2C.560/2016 du 6 octobre 2016 consid. 3.3; 2C.238/2012 du 30 juillet 2012 consid. 3.3.2). A cela s’ajoute que l’attitude du recourant en prison a été qualifiée de mitigée par l’autorité d’exécution des peines, puisqu’il a fait l’objet d’un grand nombre de sanctions disciplinaires. Certes, le recourant a récemment requis un changement de sanction conformément à l’art. 65 CP et une nouvelle expertise psychiatrique a été mise en œuvre à cet égard. En tout état de cause, on rappelle que les autorités compétentes en matière de droit des étrangers ne sont pas tenues par le résultat de l'examen effectué par les autorités pénales dès lors qu'elles se fondent sur d'autres considérations. Elles sont libres de tirer leurs propres conclusions quant à la dangerosité pour l'ordre public d'une personne condamnée (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.3.3. p. 187 ss; 493 consid. 4.2 p. 500 s.; 129 II 215 consid. 3.2 p. 216 s.; arrêts 2C.560/2016 du 6 octobre 2016 consid. 3.3; 2C.121/2014 du 17 juillet 2014 consid. 4.3). Dans ces circonstances, on ne saurait dire que l’autorité intimée a, au vu de ce qui précède, violé l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP en considérant que le recourant constituait une menace actuelle et réelle d'une certaine gravité pour l'ordre public suisse et en confirmant sur cette base la révocation de son autorisation d'établissement. 

4.                      La révocation d'une autorisation d'établissement ne se justifie que si elle est conforme au principe de proportionnalité, inscrit notamment à l'art. 96 LEI (art. 2 al. 2 LEI; arrêt 2C.1097/2016 du 20 février 2017 consid. 5.1). Le recourant invoque à cet égard l’art. 8 CEDH, qui, à son paragraphe 1, garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

a) La question de la proportionnalité de la révocation d'une autorisation doit être tranchée au regard de toutes les circonstances du cas d'espèce. Les critères déterminants se rapportent notamment à la gravité de l'infraction, à la culpabilité de l'auteur, au temps écoulé depuis l'infraction, au comportement de celui-ci pendant cette période, au degré de son intégration et à la durée de son séjour antérieur, ainsi qu'aux inconvénients qui le menacent, lui et sa famille, en cas de révocation (ATF 139 I 145 consid. 2.4; 139 I 16 consid. 2.2.1). Lorsque la révocation est prononcée en raison de la commission d'une infraction, la peine infligée par le juge pénal est le premier critère à utiliser pour évaluer la gravité de la faute et pour procéder à la pesée des intérêts (ATF 139 I 16 consid. 2.2.1; arrêt 2C.1097/2016 du 20 février 2017 consid. 5.2).

Le droit au respect de la vie privée et familiale, tel qu’il est garanti l’art. 8 CEDH, n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est en outre possible, selon l'art. 8 par. 2 CEDH, à certaines conditions, notamment lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d'établissement fondé sur cette dernière disposition suppose une pesée des intérêts en présence et l'examen de la proportionnalité de la mesure (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.2.; 135 II 377 consid. 4.3; arrêt 2C.191/2015 du 12 juin 2015 consid. 4.4). Dans ce cadre, les mêmes éléments que ceux pertinents pour l'examen de la proportionnalité sous l'angle de l'art. 96 LEI doivent être pris en compte. L'examen de la proportionnalité de la mesure imposé par l'art. 96 LEI se confond avec celui imposé par les art. 5 al. 2 Cst. et 8 par. 2 CEDH (cf. arrêts 2C.156/2018 du 5 septembre 2018 consid. 6.2; 2C.89/2018 du 16 août 2018 consid. 5.1 et références citées). Ces questions peuvent dès lors être examinées conjointement.

b) Il est tout d’abord admis, de jurisprudence constante, que l'art. 8 par. 1 CEDH ne confère pas un droit à une autorisation (cf. ATF 140 I 145 consid. 3.1 p. 146). Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH – à l'instar de l'art. 13 al. 1 Cst. – pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille; encore faut-il que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse soit étroite et effective (ATF 137 I 284 consid. 1.3; 135 I 143 consid. 1.3.1; 131 II 265 consid. 5; 130 II 281 consid. 3.1). L’application de l’art. 8 par. 1 CEDH est subordonnée à l'existence de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et économique (ATF 143 I 21 consid. 5.2 et 5.5.4; 140 I 145 consid. 3.2; arrêt 2C.289/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2). Ni l’art. 8 CEDH ni l’art. 13 Cst. ne garantissent toutefois un droit au séjour dans un Etat particulier. Cependant, le droit juridiquement protégé au respect de la vie privée et familiale peut être enfreint lorsque le séjour est refusé à un étranger dont les membres de la famille séjournent en Suisse et que la vie familiale s’en trouve compromise. Le membre de la famille qui séjourne ici doit disposer d’une autorisation de séjour durable. En pratique, tel est le cas lorsqu’il possède la nationalité suisse, lorsque l’autorisation d’établissement lui a été accordée ou lorsqu’il possède une autorisation de séjour qui se fonde sur un droit durable (cf. Directives et commentaires du Secrétariat d’Etat aux migrations [SEM], I. Domaine des étrangers, état au 1er juin 2019, ch. 6.17.2 et les références citées: ATF 135 I 153 ; 135 I 143 consid. 1.3; 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 s ; 131 II 350 consid. 5).

En outre, il importe que la personne tenue de quitter le pays se soit comportée d'une manière en grande partie irréprochable (ATF 143 I 21 consid. 5.1 p. 26; 142 II 35 consid. 6.1 et 6.2 p. 46s.; 140 I 145 consid. 3.2 p. 148; 139 I 315 consid. 2.2 p. 319s.). Sans doute, le Tribunal fédéral a souligné la nécessité de tenir davantage compte des droits découlant de la nationalité suisse de l'enfant et la jurisprudence n'exige en particulier plus du parent qui entend se prévaloir de l'art. 8 CEDH un comportement irréprochable; seule une atteinte d'une certaine gravité à l'ordre et à la sécurité publics peut l'emporter sur le droit de l'enfant suisse à pouvoir grandir en Suisse. Cette jurisprudence ne trouve toutefois application que lorsque le parent qui sollicite l'autorisation de séjour a la garde exclusive et l'autorité parentale sur son enfant, de nationalité suisse. En pareille situation, le départ du parent qui a la garde de l'enfant entraîne de facto l'obligation pour ce dernier de quitter la Suisse. Le renvoi du parent entre ainsi en conflit avec les droits que l'enfant peut tirer de sa nationalité suisse, comme la liberté d'établissement, l'interdiction du refoulement ou le droit de revenir ultérieurement en Suisse (cf. ATF 140 I 145 consid. 3.3 p. 148; 135 I 153 consid. 2.2.2 p. 15; arrêt 2C.606/2013 du 4 avril 2014 consid. 5.3). Cette jurisprudence n’est cependant pas applicable lorsque l’enfant ne possède pas la nationalité suisse; elle n’est du reste pas invoquée par le recourant.

Lorsque le membre de la famille qui a un droit de présence en Suisse a la possibilité de quitter le pays avec l’étranger qui s’est vu refuser une autorisation en vertu du droit des étrangers, alors le domaine protégé par l’art. 8 CEDH n’est normalement pas touché (ch. 6.17.2 des Directives LEI et les références citées: ATF 135 I 153; 122 II 289 consid. 3b p. 297). En revanche, si le départ du membre de la famille pouvant rester en Suisse ne peut d'emblée être exigé sans autres difficultés, il convient de procéder à la pesée des intérêts prévue par l'art. 8 par 2 CEDH. Si le départ des membres de la famille apparaît raisonnablement exigible, tout en comportant des inconvénients notables, on examinera l’étendue des motifs qui justifient l’éloignement de l’étranger (ATF 115 Ib 1 consid. 3a p. 6). Si les enfants sont en âge de s’adapter facilement, il y a lieu de considérer en général le départ comme raisonnablement exigible (arrêt 2C.648/2014 du 6 juillet 2015 consid. 3.4).

c) La solution n'est pas différente du point de vue de la mise en œuvre de l'art. 8 CEDH qu'en ce qui concerne l'art. 96 al. 1 LEI. L'examen de la proportionnalité sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH. se confond avec celui imposé par l'art. 96 LEI (cf. arrêts 2C.535/2018 du 10 septembre 2018 consid. 5; 2C.970/2017 du 7 mars 2018 consid. 4; 2C.153/2017 du 27 juillet 2017 consid. 3.2.1). Lorsque la révocation d'une autorisation se fonde sur la commission d’infractions, la pesée des intérêts part en premier lieu de la faute de la personne visée. L’infraction se reflète en effet dans la sanction prononcée par le juge pénal, de sorte que la durée de la peine infligée est le premier critère à prendre en considération pour évaluer la gravité de la faute (cf. ATF 139 I 16 consid. 2.2.1 p. 19; 135 II 377 consid. 4.3 p. 381; 134 II 10 consid. 4.2 p. 23; arrêts 2C.121/2014 du 17 juillet 2014 consid. 5.1; 2C.265/2011 du 27 septembre 2011 consid. 6.1.1). Le Tribunal fédéral a précisé à de nombreuses reprises qu’une condamnation à une peine privative de liberté de deux ans justifiait généralement une expulsion administrative, même si l’étranger était marié avec un ressortissant suisse (ATF 125 II 521, traduit et résumé in RDAF 2000 I, p. 809; 122 II 433; v. également ATF 139 I 145 consid. 3.4 pp. 152/153). Cette limite vaut à tout le moins lorsqu’il s'agit d'une première demande d'autorisation ou d'une requête de prolongation d'autorisation déposée après un séjour de courte durée. Elle ne constitue cependant pas une limite absolue et a été fixée à titre indicatif (cf. ATF 139 I 145 consid. 2.3 p. 148 s.). Dans son message relatif à la LEtr, le Conseil fédéral s’est référé à cette jurisprudence et à la mesure des "deux ans ou plus" pour définir la longue peine privative de liberté (FF 2002 3469, p. 3565). Comme exposé, cette règle des deux ans, sans égard au type de délit commis, n'est toutefois pas absolue; ce qui compte avant tout, c'est l'appréciation globale de chaque cas particulier, qui doit être effectuée selon l'ensemble des critères déterminants (ATF 139 I 145 consid. 3.4/3.9 pp. 153 et ss).

La durée de présence en Suisse d'un étranger constitue un autre critère très important à prendre en considération dans la révocation d’un permis d’établissement. Plus cette durée est longue, plus les conditions pour prononcer l'expulsion administrative doivent être appréciées restrictivement (ATF 135 II 377 consid. 4.4 et 4.5 p. 382 s.; arrêts 2C.789/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3; 2C.816/2012 du 6 mars 2013 consid. 5.1; 2C.881/2012 du 16 janvier 2013 consid. 5.1). Lorsque l’étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l’idée que les liens sociaux qu’il a développés avec le pays dans lequel il réside sont suffisamment étroits pour que le refus de prolonger ou la révocation de l’autorisation doivent être prononcés pour des motifs sérieux (ATF 144 I 266 consid. 3 pp. 277/278). La révocation de l'autorisation d'établissement d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit donc se faire avec une retenue particulière. Cela étant, le renvoi d'étrangers ayant séjourné très longtemps en Suisse, voire de ceux qui y sont nés et y ont passé toute leur existence n'est pas exclu par la CEDH (ATF 130 II 176 consid. 4.4 p. 189 s., traduit et résumé in: RDAF 2005 I 641, et les références; arrêts 2C.89/2018 du 16 août 2018 consid. 5.2; 2C.116/2017 du 3 octobre 2017 consid. 3.2). Toutefois, les exigences concernant la gravité de la faute pénale doivent être d’autant plus strictes que l’étranger vit depuis longtemps en Suisse. Il faut également prendre en considération l’âge auquel l’étranger s’est installé dans notre pays. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 139 I 31 consid. 2.3 p. 33 ss; 130 II 176 consid. 4.4.2 p. 190; 125 II 521 consid. 2b p. 523; arrêts 2C.970/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.1; 2C.991/2017 du 1er février 2018 consid. 6.1). Cependant, même si celui-ci y est né et y a vécu jusqu’à présent, il n’est pas exclu que l’autorisation soit révoquée s’il a commis des actes de violence, des infractions d’ordre sexuel ou des délits liés aux stupéfiants ou s’il est multirécidiviste (ATF 139 I 31 consid. 2.3.1 p. 33; 134 II 10 consid. 4.3 p. 23 s.; 130 II 176 consid. 4.4.2 p. 190; arrêts 2C.28/2012 du 18 juillet 2012 consid. 3.2; 2C.562/2011 du 21 novembre 2011 consid. 3.3; 2C.265/2011 du 27 septembre 2011 consid. 6.1.3 et les références citées; 2C.722/2010 du 3 mai 2011 consid. 3.2; voir aussi Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in: RDAF 1997 I 267, spéc. p. 307 ss et les nombreuses références citées). En cas d'actes pénaux graves et de récidive, respectivement en cas de délinquance persistante, il existe en général un intérêt public important à mettre un terme à la présence de l'étranger en Suisse dans la mesure où ce type de comportement porte atteinte à la sécurité et à l'ordre publics (ATF 130 II 176 consid. 4.4.2 p. 190; arrêts 2C.557/2018 du 26 octobre 2018 consid. 3.3; 2C.801/2012 du 23 février 2013 consid. 5.1; 2C.839/2011 du 28 février 2012 consid. 2.3; 2C.903/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.1, non publié sur ce point in ATF 137 II 233).

d) En l’occurrence, le recourant est aujourd’hui âgé de quarante-et-un ans; il vit depuis trente ans en Suisse, où vivent également sa fille aînée, B........., majeure, ses parents et sa sœur. Pour l’essentiel, le recourant détient l’autorité parentale et la garde exclusives sur sa fille C........., née en 2013, qui vit également en Suisse au bénéfice d’une autorisation d’établissement. Comme on l’a vu ci-dessus, cette dernière a été confiée à sa tante et à son oncle à compter du 10 juillet 2016, soit depuis que le recourant purge les peines privatives de liberté prononcées à son encontre. Même si son autorisation d’établissement n’est pas concernée par la présente procédure, il y a lieu de considérer que cet enfant devrait suivre son père à l’étranger, pour le cas où l’éloignement de celui-ci était confirmé. Or, C......... a atteint l’âge où un enfant débute en règle générale sa scolarité obligatoire; elle n'a, quoi qu’il en soit, pas encore atteint en Suisse un degré scolaire parti­culiè­rement élevé. Si son départ à l’étranger comporte sans doute des inconvénients notables, puisqu’elle a toujours vécu en Suisse, il apparaît toutefois comme étant raisonnablement exigible. Par conséquent, il est douteux que le recourant puisse se prévaloir du respect de sa vie familiale et invoquer en quelque sorte un regroupement familial inversé pour s’opposer à la révocation de son autorisation d’établissement, ceci d’autant moins que son comportement est loin, comme on le voit, d’être irréprochable, puisqu’il a été condamné à neuf reprises sur une période de dix-sept ans. Quant à l’hypothèse où C......... pourrait demeurer en Suisse chez sa tante et son oncle, auprès desquels elle serait en quelque sorte placée, elle devrait contraindre le recourant à entretenir des relations personnelles avec sa fille depuis l’étranger. Le recourant étant ressortissant communautaire, on peut raisonnablement estimer que le lien qui l’unit actuellement à sa fille ne serait, dans ce cas, pas rompu par une distance géographique par trop éloignée (v. sur ce point par comparaison, arrêts 2C.451/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.3.1; 2C.947/2015 du 10 mars 2016 consid. 3.6). Lors de son audition par le Juge d’application des peines le 11 avril 2019, il a du reste évoqué la possibilité de s’établir avec sa fille cadette au Portugal ou en France voisine. Cette dernière hypothèse aurait pour conséquence d’affaiblir d’autant les possibilités pour le recourant de se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour s’opposer à son éloignement.

A supposer même que le recourant puisse invoquer la protection de sa vie privée et de sa vie familiale, il apparaît surtout que l’intérêt public à ce qu’il soit éloigné de Suisse l’emporte sur son intérêt privé à pouvoir continuer à y vivre. Compte tenu d’un séjour de plus de trente ans, il y a, certes, lieu de se montrer particulièrement rigoureux dans la pesée des intérêts en présence. Or, il apparaît en l’occurrence que sur une période de dix-sept ans, de 2000 à 2017, le recourant n’a cessé d’occuper la justice pénale puisqu’il a été condamné à neuf reprises et souvent pour des faits graves; il n’a pas hésité en effet à s’en prendre à l’intégrité physique et sexuelle de ses victimes, tout comme il a participé à plusieurs trafics de stupéfiants. On relève à cet égard que dans son jugement du 24 juin 2014, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne avait retenu que la culpabilité du recourant était «lourde, voire très lourde», dès lors qu’il avait agi sur une longue durée à l’encontre de sa victime principale et qu’en dépit de mauvais antécédents, il avait récidivé alors qu’une enquête était déjà en cours contre lui pour des faits analogues. Le Tribunal a également relevé que le recourant avait agi avec la même violence à l’égard de tiers, sans réelle motivation, et surtout qu’il n’avait manifesté aucune prise de conscience de la gravité de ses agissements (p. 35). Admettant très partiellement le recours contre ce jugement, la Cour d’appel pénale, dans son jugement du 20 novembre 2014, a, pour sa part, relevé ce qui suit (ch. 7.2.1):

«La culpabilité de A......... est lourde. Les infractions graves sont nombreuses : deux viols, une contrainte sexuelle, plusieurs mises en danger de la vie d'autrui, des lésions corporelles simples empreintes de sadisme, de lâcheté et de fourberie, une pluie de coups, deux brûlures de cigarette, quatre dents brisées, le tout asséné à une femme physiquement faible et menue, qu'il a persisté à maltraiter cruellement malgré une première plainte. Il a démontré, par son comportement, que l'intégrité physique et sexuelle de (…), voire sa vie, n'avaient aucune valeur à ses yeux. Il la frappait à la moindre frustration, n'ayant comme but que d'asseoir sa domination sur elle. Il a également empêché (…) de demander de l'aide et de mettre ainsi fin à son calvaire en la faisant vivre dans la terreur et en jouant avec ses sentiments».

Or, en dépit d’une condamnation à une peine privative de liberté de trois ans, pour des faits qui sans doute remontent à 2009 et 2010, le recourant a poursuivi son activité délictueuse et ceci, jusqu’en 2017, alors même qu’il était incarcéré. Multirécidiviste, le recourant a ainsi été reconnu coupable d’actes de violence, d’infractions d’ordre sexuel et de délits liés aux stupéfiants. Sa paternité sur l’enfant C......... n’a guère eu d’effet jusqu’à présent sur l’évolution de son comportement. Certes, la plupart de ces condamnations s’inscrivent dans le contexte d’une dépendance accrue aux stupéfiants, que le recourant envisage de combattre puisqu’il a requis un changement de sanction au profit d’une mesure thérapeutique institutionnelle (cf. art. 65 al. 1 CP). Il reste que le comportement du recourant porte clairement atteinte à la sécurité et à l'ordre publics. En dépit de l’intensité des liens qu’il entretient avec la Suisse, où il vit depuis trente ans – bien que son intégration socio-professionnelle s’avère plutôt aléatoire –, il existe par conséquent un intérêt public particulièrement important à ce que le recourant soit éloigné de Suisse.

Les faits les plus graves que l’on puisse reprocher au recourant remontent à bientôt dix ans et il est sans doute vrai que l'intérêt public général à la prévention du danger que représente l'éloignement de l'étranger perd en importance avec les années. Or, l'existence d'une condamnation pénale ne peut en principe pas faire indéfiniment échec à l'examen d'une nouvelle demande d'autorisation de séjour. L'écoulement du temps, conjugué avec un comportement correct de la part de l'intéressé, peut ainsi conduire à un autre résultat de la pesée d'intérêts qu'au moment de la mesure d'éloignement. Si l'étranger peut se prévaloir d'un droit à une autorisation de séjour pour regroupement familial, que l'on ne peut exiger de ses proches qu'ils le rejoignent à l'étranger pour que la vie de famille s'y poursuive et s'il s’est comporté correctement depuis lors au point qu'il ne présente plus de risque pour l'intérêt public, les considérations de prévention générale ne sont en principe pas à elles seules suffisantes pour justifier une limitation continuelle au regroupement familial (v. sur ce point, arrêts 2C.176/2017 du 23 juin 2017 consid. 4.3; 2C.46/2014 du 15 septembre 2014 consid. 6.4.1; 2C.1170/2013 du 24 mai 2013 consid. 3.3; 2C.36/2009 du 20 octobre 2009 consid. 3.2). Toutefois, c’est seulement lors de l’examen d’une nouvelle demande d’autorisation de séjour qu’il y a lieu d’examiner si l'intérêt privé du recourant à séjourner en Suisse l'emporte sur l'intérêt public à maintenir son éloignement. Ces considérations ne sont en revanche pas de mise lorsqu’il s’agit d’examiner, comme en l’espèce, une décision de révocation d’une autorisation de séjour ou d’établissement à l’aune de la proportionnalité. Ceci d’autant moins que le risque que le recourant ne récidive est patent, comme on l’a vu plus haut.

5.                      a) Les considérants qui précèdent conduisent dès lors le Tribunal à rejeter le recours et à confirmer la décision attaquée.

b) Compte tenu de ses ressources, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision du 28 septembre 2018. L'avocat qui procède au bénéfice de l'assistance judiciaire dans le canton de Vaud peut prétendre à un tarif horaire de 180 fr. (art. 2 al. 1 let. a du règlement vaudois du 7 décembre 2010 sur l'assistance judiciaire en matière civile [RAJ; RSV 211.02.3], applicable par renvoi de l'art. 18 al. 5 LPA-VD) et aux débours figurant sur la liste des opérations et débours (art. 3 al. 1 RAJ). En l'occurrence, compte tenu de la liste des opérations produite, l’indemnité de Me Sébastien Pedroli peut être arrêtée, pour la période du 27 août 2018 au 1er avril 2019, à 1'343 fr., soit 1’155 fr. d'honoraires (6h25 x 180 fr.), 92 fr. de débours (cf. art. 3bis RAJ) et 96 fr. de TVA ([1’155 fr. + 96 fr.] x 7,7%). Par décision du 28 mars 2019, le juge instructeur a désigné Me Laurent Pfeiffer en qualité de nouveau conseil d’office du recourant. Compte tenu de la liste des opérations produite, l’indemnité de ce dernier avocat peut être arrêtée, pour la période du 29 mars 2019 au 26 juin 2019, à 1’809 fr.95, soit 1'602 fr. d'honoraires (8h54 x 180 fr.), 80 fr.10 de débours (cf. art. 3bis RAJ) et 127 fr.85 de TVA ([1’682 fr.10] x 7,7%).

c) Il se justifie de renoncer à la perception d’un émolument (cf. art. 49 al. 1, 50, 91 et 99 LPA-VD).

d) Les indemnités des conseils d'office sont supportées provisoirement par le canton (cf. art. 122 al. 1 let. a CPC, applicable par renvoi de l'art. 18 al. 5 LPA-VD), le recourant étant rendu attentif au fait qu’il est tenu de rembourser le montant ainsi avancé dès qu'il sera en mesure de le faire (art. 123 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 18 al. 5 LPA-VD). Il incombe au Service juridique et législatif de fixer les modalités de ce remboursement (art. 5 RAJ).

e) En outre, l’allocation de dépens n’entre pas en ligne de compte (art. 55 al. 1, 91 et 99 LPA-VD).

 

Par ces motifs  la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

I.                       Le recours est rejeté.

II.                      La décision du Département de l'économie, de l'innovation et du sport, du 25 juin 2018, est confirmée.

III.                    Le présent arrêt est rendu sans frais.

IV.                    L’indemnité d’office de Me Sébastien Pedroli est arrêtée à 1'343 fr. (mille trois cent quarante-trois francs), TVA incluse.

V.                     L’indemnité d’office de Me Laurent Pfeiffer est arrêtée à 1’809 fr.95 fr. (mille huit cent neuf francs et nonante-cinq centimes), TVA incluse.

VI.                    Il n’est pas alloué de dépens.

 

Lausanne, le 12 juillet 2019

 

Le président:                                                                                             Le greffier:         

                                                                                                                 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint ainsi qu'au Secrétariat d'Etat aux migrations.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.