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PE.2024.0047

Datum
2024-04-02
Gericht
CDAP
Bereich
Schweiz

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N° affaire: PE.2024.0047 Autorité:, Date décision: CDAP, 02.04.2024 Juge: DR Greffier: EHO Publication (revue juridique):   Ref. TF:   Nom des parties contenant:

A........./Service de la population (SPOP)


RENVOI{DROIT DES ÉTRANGERS} DÉLAI RAISONNABLE ATTEINTE À LA SANTÉ REQUÉRANT D'ASILE MINEUR NON ACCOMPAGNÉ MINORITÉ{ÂGE} MAJORITÉ{ÂGE} DEVOIR DE COLLABORER

LEI-64d-1 LEI-64-1 (1.1.2011)

Résumé contenant: Confirmation de la décision du SPOP prononçant le renvoi, dans un délai de 7 jours, d'un ressortissant lybien et/ou marocain, présentant deux alias et trois dates de naissance. Le recourant ne dispose d'aucun titre de séjour ni de pièce de légitimation reconnue. Il a en outre été condamné par le Tribunal des mineurs à trois reprises. Enfin, il n'a pas été en mesure de produire une pièce attestant de démarches effectuées aux fins d'obtenir des documents d'identité, en dépit des nombreux avertissements du SPOP, de sorte qu'au vu des circonstances, ce service était légitimé à lui attribuer l'une des dates de naissance le désignant comme majeur. Le prononcé de renvoi doit ainsi être confirmé (c. 2). Le recourant requiert la prolongation de quelques mois du délai de départ, afin de soigner sa main, blessée par un coup de couteau en Italie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, un tel motif ne justifie pas le report du délai de départ (c. 3). Recours rejeté.

TRIBUNAL CANTONAL

COUR DE DROIT ADMINISTRATIF ET PUBLIC

 

Arrêt du 2 avril 2024  

Composition

Mme Danièle Revey, présidente; M. Alex Dépraz et M. Raphaël Gani, juges; Mme Elodie Hogue, greffière.

Recourant

 

 A.........  à ********

Autorité intimée

 

Service de la population (SPOP), à Lausanne.   

 

Objet

 

 

Recours A......... c/ décision du Service de la population (SPOP) du 7 mars 2024 prononçant son renvoi de Suisse et de l'espace Schengen (art. 64 LEI)

 

Vu les faits suivants:

A.                     Le soir du 13 septembre 2021, un certain "B......... né le 21 mai 2003", originaire de Lybie, a été interpellé à Lausanne au titre d'auteur présumé de tentative de vol (le 3 septembre 2021), d'auteur présumé de contrainte/désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (le 9 septembre 2021) et d'auteur d'une infraction à la loi sur les étrangers et l'intégration.

Entendu par la police municipale le 14 septembre 2021, cette fois sous l'identité de "A........., né le 5 janvier 2006", l'intéressé a déclaré qu'il aurait grandi dans son pays d'origine, à ********, que sa mère (C.........) serait décédée quand il était en bas âge et que son père (D.........) vivrait encore en Lybie. Il a affirmé avoir quitté son pays en février 2020, puis avoir rejoint l'Italie où il avait reçu un coup de couteau au poignet dans une bagarre. Toujours selon ses dires, il aurait alors décidé de se rendre en Suisse afin d'y être soigné. Il a enfin certifié qu'il n'avait déposé aucune demande d'asile et qu'il n'avait jamais eu de documents d'identité.

Par ordonnance pénale du 15 septembre 2021, A......... a été condamné par le Tribunal des mineurs pour exhibitionnisme commis le 9 septembre 2021.

B.                     Le 22 septembre 2021, la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse a requis de la Justice de Paix des mesures urgentes en faveur d'A......... en expliquant que celui-ci, d'origine "marocaine", avait été agressé la veille et amené au CHUV.

Par ordonnances des 23 septembre 2021 et 24 janvier 2022, la Justice de Paix du district de Lausanne a institué une curatelle de représentation au sens de l'art. 306 al. 2 CC, en faveur de "A........., né le 21 mai 2006", mineur non accompagné, et nommé en qualité de curatrice une assistante sociale du Service des curatelles et des tutelles professionnelles (SCTP).  

Le 1er octobre 2021, le Service de la population (SPOP) a octroyé l'aide d'urgence à "A........., né le 21 mai 2006". Cette décision a été ensuite régulièrement renouvelée.

Selon un courriel de l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM) du 1er mars 2022, l'intéressé avait subi récemment une opération. Un certificat du Centre de la main du CHUV atteste d'une incapacité de travail du 28 février au 28 mai 2022 (trois mois).

C.                     Le 25 mars 2022, A......... a derechef été appréhendé à la suite d'un vol à l'étalage. Entendu par la police municipale le 26 mars 2022, il a cette fois affirmé qu'il était ressortissant du Maroc et qu'il était né à ********, où vivaient encore sa mère (E.........) et son père (F.........).

Par ordonnance pénale du 13 juin 2022, le Tribunal des mineurs a condamné l'intéressé pour vol d'importance mineure commis le 25 mars 2022.

A la suite d'une prise d'empreinte digitale effectuée le 22 septembre 2022, il est apparu que l'intéressé avait déposé une demande d'asile en Autriche, le 10 février 2021.

Le 31 mai 2023, A......... a été auditionné par le SPOP. Il a alors été informé de son devoir de collaboration et averti qu'il lui incombait de rendre vraisemblable sa minorité alléguée. Il a soutenu qu'il se nommait "A........., né le 21 mai 2006", fils de E......... et F........., né en Lybie, à ********, et qu'il bénéficiait d'une double nationalité marocaine et libyenne. Il a déclaré qu'il essayerait de se procurer des documents d'identité en demandant à sa famille de les lui transmettre. Enfin, il a confirmé que sa lésion au poignet résultait d'une agression au couteau subie en Italie. Sur ce dernier point, il a ajouté qu'il avait été opéré au CHUV, qu'il prenait des médicaments trois fois par jour et qu'il suivait des séances de physiothérapie, mais que des investigations étaient encore en cours, car il avait perdu la sensibilité de son auriculaire.

Par lettre du 13 juin 2023, le SPOP a imparti à l'intéressé un délai au 31 juillet 2023 pour transmettre tout document d'identité, l'avertissant qu'il statuerait sinon en l'état du dossier. A......... n'ayant pas réagi, le SPOP a prolongé le délai au 5 octobre 2023, l'enjoignant derechef de communiquer tout document d'identité ou toute pièce attestant des démarches entreprises auprès de la représentation de son pays d'origine. En vain.

D.                     Dans l'intervalle, soit le 20 août 2023, la police municipale a été sollicitée par une ressortissante brésilienne qui se plaignait que son compagnon s'était enfermé chez elle, qu'il avait séquestré ses affaires, qu'il exerçait des violences contre elle et qu'il proférait des menaces. L'examen de la carte de transport du compagnon en cause a révélé qu'il s'agissait de "A......... né le 5 janvier 2006".

Par ordonnances des 10 et 11 novembre 2023, A......... a été condamné par le Tribunal des mineurs pour extorsion et chantage commis le 20 août 2023, ainsi que pour séjour illégal. La ressortissante brésilienne ayant retiré sa plainte pour violences et menaces, les faits y relatifs n'ont pas été retenus.

E.                     Le 5 février 2024, le SPOP a avisé la curatrice de l'intéressé, avec copie à celui-ci, qu'il entendait prononcer une décision de renvoi. Il indiquait également qu'il envisageait d'arrêter la date de naissance d'A......... au 5 janvier 2006, l'identité ni la minorité alléguées n'ayant été prouvées.

S'exprimant le 9 février 2024, la curatrice a exposé que l'intéressé maintenait son identité et sa date naissance au 21 mai 2006 mais qu'il n'avait pas réussi à se procurer de documents d'identité. Elle relevait de plus qu'il bénéficiait d'un suivi médical et thérapeutique régulier nécessaire pour sa santé.

Par décision du 7 mars 2024, le SPOP a prononcé le renvoi de Suisse et de l'Espace Schengen d'A.......... Il a en outre retenu que l'intéressé ne pouvait se prévaloir d'aucun motif pour lequel son renvoi serait illicite, impossible ou inexigible. Enfin, il a fixé le délai de départ au 15 mars 2024.

F.                     Agissant lui-même le 14 mars 2024, A......... a déféré cette décision devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal (CDAP), concluant au report du délai de départ, afin qu'il puisse être réopéré de la main, le suivi post-opératoire devant probablement être terminé fin juin 2024. Il a déposé des pièces relatives à l'atteinte subie, aux traitements suivis et à l'intervention prévue, notamment une ordonnance d'ergothérapie du 19 février 2024.

Par décision incidente du 22 mars 2024, communiquée au recourant ainsi qu'à sa curatrice, la juge instructrice a refusé d'accorder l'effet suspensif.

Considérant en droit:

1.                      Fondée sur les art. 64 et ss la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20), la décision de l’autorité intimée peut faire l’objet d’un recours de droit administratif au sens des art. 92 ss de la loi cantonale du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA-VD; BLV 173.36). La voie de l'opposition n'est pas ouverte (cf. art. 34a de la loi d'application du 18 décembre 2007 dans le Canton de Vaud de la LEI [LVLEI; BLV 142.11], a contrario). Le recours a été formé dans le délai de cinq jours ouvrables prévu à l’art. 64 al. 3, 1ère phrase, LEI et il satisfait aux conditions formelles de recevabilité de l’art. 79 al. 1 LPA-VD, applicable par renvoi de l’art. 99 LPA-VD. Il y a donc lieu d’entrer en matière.

2.                      La décision attaquée prononce le renvoi de Suisse du recourant en application de l'art. 64 LEI.

a) Aux termes de l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5) (let. b) ou auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

A teneur de l’art. 5 LEI, auquel renvoie l'art. 64 al. 1 let. b LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit: avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d’un visa si ce dernier est requis (let. a); disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b); ne représenter aucune menace pour la sécurité et l’ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c).

b) En l’espèce, le recourant conteste uniquement le délai de départ qui lui a été imparti, non plus le prononcé de renvoi. Il n'est toutefois pas inutile de traiter cette question.

Le recourant, qui se présente comme un ressortissant de Lybie et/ou du Maroc, ne peut pas se prévaloir de l'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes conclu le 21 juin 1999 (ALCP; RS 0.142.112.681).

Par ailleurs, le recourant ne dispose d'aucun titre de séjour, ni de pièce de légitimation reconnue, pas plus que des moyens financiers nécessaires à sa subsistance, étant précisé qu'il n'est pas autorisé à travailler (art. 5 let. b et 64 al. 1 let. b LEI). Il a en outre été condamné par le Tribunal des mineurs à trois reprises.

Enfin, le recourant a délibérément entretenu la confusion sur son identité et sa nationalité, se présentant selon les circonstances comme A......... né le 21 mai 2006, A......... né le 5 janvier 2006 ou B......... né le 21 mai 2003, de nationalité libyenne et/ou marocaine. Il n'a pas été en mesure de produire un quelconque document d'identité, pas même une pièce attestant de démarches effectuées à cette fin, en dépit des nombreux avertissements du SPOP. L'autorité intimée était ainsi légitimée à attribuer à A......... la date de naissance du 5 janvier 2006, de sorte que celui-ci doit être considéré comme majeur depuis le 5 janvier 2024. A cet égard, on souligne que, selon la jurisprudence, il incombe au requérant qui entend se prévaloir de sa minorité de la rendre pour le moins vraisemblable s'il entend en déduire un droit, sous peine d'en supporter les conséquences juridiques (ATAF 2009/54 consid. 4.1; TAF E-1928/2014 du 24 juillet 2014 consid. 2.2.1).

Dans ces conditions, le prononcé de renvoi doit être confirmé.

3.                      Le recourant requiert la prolongation de quelques mois du délai de départ, fixé au 15 mars 2024.

a) Conformément à l’art. 64d al. 1 LEI, la décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable de sept à trente jours. Un délai de départ plus long est imparti ou le délai de départ est prolongé lorsque des circonstances particulières telles que la situation familiale, des problèmes de santé ou la durée du séjour le justifient. Tel est notamment le cas, s'agissant des problèmes de santé, lorsque ceux-ci nécessitent un traitement médical indispensable à la survie de l'étranger (cf. TF 2C.312/2021 du 9 juin 2021; 2C.348/2020 du 7 octobre 2020 consid. 7.4.6; 2C.136/2017 du 20 novembre 2017 consid. 5.3.4), causent une incapacité à voyager (par exemple en raison d'une grossesse, cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5337/2017 du 21 décembre 2018 consid. 6.2 et 6.3) ou encore appellent un accompagnement médical en cas de situation sanitaire précaire (MARC SPESCHA, in : Migrationsrecht Kommentar, 5e éd. 2019, n° 1 ad art. 64d LEI).  

Selon l'art. 64d al. 2 LEI, le renvoi peut être immédiatement exécutoire ou un délai de départ de moins de sept jours peut être fixé lorsque la personne concernée constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ou pour la sécurité intérieure ou extérieure (art. 64d al. 2 let. a LEI).

b) Selon ses déclarations, le recourant a été victime d'un coup de couteau reçu au poignet lorsqu'il était en Italie, ce qui l'aurait conduit à venir en Suisse afin d'y être soigné. D'après le dossier, il a été opéré au CHUV, à la fin février ou au début mars 2022, puis a bénéficié de médicaments et de séances de physiothérapie. Le recourant explique qu'il n'a toutefois pas retrouvé la sensibilité de son auriculaire, qu'une greffe ("reconstruction fléchisseur D5G") serait nécessaire et que la date de l'intervention serait fixée après une consultation du 18 avril prochain. Le suivi post-opératoire serait probablement terminé à la fin juin 2024. L'usage de sa main serait en jeu, de sorte qu'il se justifierait de reporter le délai de départ de quelques mois.

Quoi qu'en dise le recourant, une perte de mobilité de sa main ne constitue nullement une affection grave dont le traitement justifierait la prolongation de son séjour en dépit de son comportement, des infractions commises et des risques de réitération de celles-ci. Il en va d'autant moins qu'il s'agit d'une blessure subie avant son arrivée en Suisse. Sur ce point, il sied de se référer par analogie à la jurisprudence relative au cas de rigueur, selon laquelle l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les références).

Le délai de départ, qui respecte le minimum prévu par l'art. 64d al. 1 LEI, doit par conséquent être confirmé.

4.                      Vu ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté selon la procédure de jugement rapide de l'art. 82 LPA-VD. La décision attaquée doit être confirmée. Il est renoncé à percevoir un émolument judicaire. Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens. 

 

Par ces motifs  la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal arrête:

 

I.                       Le recours est rejeté.

II.                      La décision du Service de la population du 7 mars 2024 est confirmée.

III.                    Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens.

Lausanne, le 2 avril 2024

 

La présidente:                                                                                          La greffière:

 

 

Le présent arrêt est communiqué aux destinataires de l'avis d'envoi ci-joint, au SEM ainsi qu'à la curatrice du recourant.

Il peut faire l'objet, dans les trente jours suivant sa notification, d'un recours au Tribunal fédéral (Tribunal fédéral suisse, 1000 Lausanne 14). Le recours en matière de droit public s'exerce aux conditions des articles 82 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF - RS 173.110), le recours constitutionnel subsidiaire à celles des articles 113 ss LTF. Le mémoire de recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l’acte attaqué viole le droit. Les pièces invoquées comme moyens de preuve doivent être jointes au mémoire, pour autant qu’elles soient en mains de la partie; il en va de même de la décision attaquée.