Omnilex

Décision / 2014 / 279

Datum
2014-03-05
Gericht
Chambre des recours pénale
Bereich
Schweiz

Omnilex ist das KI-Tool für Juristen in Schweiz

Wir indexieren und machen Entscheidungen zugänglicher

Zum Beispiel können Sie Omnilex verwenden für:


TRIBUNAL CANTONAL 174 PE12.013655-DMT CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Séance du 6 mars 2014 ................... Présidence de M. Krieger, président Juges : MM. Abrecht et Perrot Greffière : Mme Matile ***** Art. 158, 181 CP La Chambre des recours pénale prend séance à huis clos pour statuer sur le recours interjeté le 25 octobre 2013 par G......... contre l'ordonnance de classement rendue le 1er octobre 2013 par le Procureur de l'arrondissement de La Côte dans la cause n° PE12.013655-DMT. Elle considère : En fait : A. Le 20 juillet 2012, G......... (ci-après aussi: le plaignant ou le recourant) a déposé une plainte pénale contre K......... (ci-après aussi: l'intimé) pour gestion déloyale, subsidiairement abus de confiance, en rapport avec l'achat d'un appartement à Founex (cf. P. 1). a) Le 14 mars 2011, G......... a acheté à Q......... SA, dont l'administrateur est K........., un appartement en cours de construction à Founex. Le même jour, G......... a signé avec Q......... SA un contrat d'entreprise générale ainsi qu'un descriptif technique de prestations lié à la construction des Résidences [...] (cf. P. 5 en lien avec la plainte). L'architecte chargé du suivi du chantier était le Bureau P........., dont l'administrateur est K.......... Selon le descriptif technique, les acquéreurs avaient l'obligation de mandater le bureau d'architecte pour toutes les études et les travaux d'adaptation. De plus, les prestations de l'architecte pour les travaux requis par l'acquéreur étaient rémunérées au taux de 16 % du montant des travaux. Seules les entreprises mandatées par l'architecte étaient habilitées à exécuter des travaux (P. 5 précitée, p. 5). b) Le recourant affirme tout d'abord avoir rencontré divers problèmes dans le cadre de la construction litigieuse, notamment en ce qui concerne les installations sanitaires, la cuisine et les portes intérieures. Il reproche à K........., en sa qualité d'administrateur de Q......... SA et du Bureau P........., de lui avoir causé un préjudice en procurant délibérément à ses sociétés des avantages octroyés par les fournisseurs et les entreprises sous-traitantes dont il n'a pas bénéficié. Par exemple, pour les installations sanitaires, le plaignant a réalisé que J......... SA avait accordé un rabais de 34 % et une ristourne de 8 % alors qu'il n'avait lui-même bénéficié que d'un rabais de 10 % consenti par l'entreprise M......... qui avait procédé à l'installation des appareils. En ce qui concerne la cuisine, K......... aurait écarté une offre plus avantageuse de 10'000 fr. environ soumise par l'architecte du plaignant, au motif que celui-ci avait refusé de verser une commission. Enfin, le plaignant affirme que la facture relative à des portes intérieures aurait été de 8'000 fr. supérieure au prix effectivement facturé par le fournisseur T......... au Bureau P.......... c) En février 2012, G......... a reçu du Bureau P......... un décompte final des plus-values et moins-values liées aux travaux de son appartement. Selon le plaignant, des prestations qui n'ont jamais été demandées lui auraient été facturées à cette occasion. Il affirme avoir toutefois été contraint de s'acquitter du montant réclamé car il avait été informé que les clés de son appartement ne lui seraient remises que contre paiement de cette somme. B. Par ordonnance du 1er octobre 2013, approuvée le lendemain par le Procureur général, le Procureur de l'arrondissement de La Côte a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre K......... pour escroquerie, gestion déloyale et contrainte (I) et a laissé les frais de la procédure à la charge de l'Etat (II). Le procureur a retenu que le litige entre les parties présentait un caractère d'ordre exclusivement civil et qu'il était vraisemblable que la partie plaignante ait choisi la voie pénale pour éviter d'avoir à assumer le coût de la procédure arbitrale prévue dans le contrat entre les parties. En outre, les éléments constitutifs des infractions dénoncées n'étaient pas réunis dès lors qu'on ne voyait pas en quoi le prévenu aurait trompé le plaignant (art. 146 CP), ni en quoi il aurait été tenu de veiller à ses intérêts (art. 158 CP), ni, enfin, en quoi le plaignant aurait été menacé de la survenance d'un dommage sérieux de la part du prévenu (art. 181 CP). C. Par acte de son conseil déposé le 25 octobre 2013, G......... a recouru contre l'ordonnance précitée et a conclu, avec suite de frais et dépens, à son annulation, principalement afin que le Ministère public prononce une mise en accusation pour gestion déloyale et contrainte à l'encontre de K........., et subsidiairement afin que le dossier soit retourné au Ministère public pour complément d'instruction. Dans une correspondance adressée le 30 janvier 2014 à la Cour de céans, le Procureur de l'arrondissement de La Côte a conclu au rejet du recours, l'acte déposé ne contenant à ses yeux aucun élément nouveau qui n'aurait pas été pris en considération au moment de rendre la décision querellée et les arguments développés n'étant pas de nature à modifier son appréciation juridique des faits. Dans ses déterminations déposées le 21 février 2014, K......... a également conclu, avec dépens, au rejet du recours de G........., l'ordonnance de classement étant confirmée. L'intimé a renouvelé devant la cour de céans l'argumentation qu'il avait présentée durant l'enquête et a contesté notamment avoir agi en qualité de gérant envers le plaignant (cf. notamment les déterminations du 14 mai 2013, P. 14). En droit : 1. Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le ministère public en application des art. 319 ss CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse; RSV 312.01]; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire; RSV 173.01]). En l'occurrence, l’ordonnance attaquée a été adressée au plaignant le 10 octobre 2013 (PV des opérations, p. 2) et est réputée avoir été reçue le mercredi 16 octobre suivant selon l’allégué crédible de la partie. Interjeté le 25 octobre 2013, le recours l’a ainsi été en temps utile auprès de l'autorité compétente, par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP). Le recours est dès lors recevable. 2. a) Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a), à savoir lorsque les soupçons initiaux qui ont conduit le ministère public à ouvrir une instruction n’ont pas été confirmés (Grädel/Heiniger, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 8 ad art. 319 CPP, p. 2208), ou lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b), à savoir lorsque le comportement incriminé, quand bien même il serait établi, ne réalise les éléments constitutifs objectifs et subjectifs d’aucune infraction pénale (Grädel/Heiniger, op. cit., n. 9 ad art. 319 CPP). b) De manière générale, les motifs de classement sont ceux "qui déboucheraient à coup sûr ou du moins très probablement sur un acquittement ou une décision similaire de l'autorité de jugement" (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1255). Un classement s'impose donc lorsqu'une condamnation paraît exclue avec une vraisemblance confinant à la certitude. La possibilité de classer la procédure ne saurait toutefois être limitée à ce seul cas, car une interprétation aussi restrictive imposerait un renvoi en jugement, même en présence d'une très faible probabilité de condamnation (ATF 138 IV 86 c. 4.1.1; TF 1B.272/2011 du 22 mars 2012 c. 3.1.1). Le principe "in dubio pro duriore" exige donc simplement qu'en cas de doute, la procédure se poursuive. Pratiquement, une mise en accusation s'impose lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement. En effet, en cas de doute, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 138 IV 86 c. 4.1.1; TF 1B.272/2011 du 22 mars 2012 c. 3.1.1). 3. Le recourant estime tout d'abord que c'est à tort que le Ministère public a considéré que les éléments constitutifs de l'art. 158 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937, RS 311.0) n'étaient pas réunis. Il fait valoir en particulier l'obligation qu'avait K........., comme architecte, de veiller à ses intérêts. Pour sa part, l'intimé conteste avoir eu une position de gérant par rapport au plaignant. a) Aux termes de l'art. 158 CP, celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1 al. 1). Sur le plan objectif, l'infraction de gestion déloyale suppose la réalisation de trois éléments: il faut que l'auteur ait eu un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, à la condition qu’il soit strictement caractérisé (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, n. 13 ad art. 158 CP). L'infraction de gestion déloyale ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant; il s’agit d’un élément constitutif objectif de l’infraction. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 c. 3.1 p. 126). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 c. 3b p. 21). Un tel devoir incombe notamment aux organes des sociétés commerciales, à savoir aux membres du conseil d'administration et à la direction, ainsi qu'aux organes de fait (TF 6B.728/2012 du 18 février 2013 c. 2.1 in fine et les références). b) En l'espèce, G......... a acquis un appartement en construction pour lequel diverses prestations étaient prévues et des travaux d'adaptation individuels possibles. Dans sa décision, le procureur n'a toutefois pas distingué, s'agissant des travaux litigieux, lesquels étaient compris dans le prix forfaitaire lié à l'achat de l'appartement et lesquels faisaient l'objet de plus-values et avaient été commandés spécialement par le maître d'oeuvre. En l'occurrence, les travaux auxquels le plaignant fait référence n'étaient pas compris dans le prix de vente de l'immeuble. Dans un tel contexte, et contrairement à ce que soutient le prévenu, ce dernier était effectivement tenu de veiller aux intérêts du plaignant au sens de l'art. 158 CP. En effet, selon le descriptif technique figurant en annexe du contrat d'entreprise signé le 14 mars 2011, les acquéreurs avaient l'obligation de mandater le bureau d'architecte de K......... pour toutes les études et les travaux d'adaptation. Il en découle que l'existence d'un contrat de mandat semble pouvoir être admise entre le plaignant et le bureau d'architecte du prévenu. Celui-ci paraît ainsi avoir assumé une obligation de gestion en ce qui concerne les travaux à plus-value et entrer de ce fait dans le champ d'application de l'art. 158 CP. A cet égard, le prévenu n'a pas contesté avoir bénéficié de rabais ou de ristournes des entreprises concernées et il n'est ainsi pas exclu que, ce faisant, il ait fait subir au plaignant un préjudice en abusant de son pouvoir de gestion. Le recours doit dès lors être admis pour ce motif déjà. 4. Le recourant reproche aussi au procureur d'avoir considéré que les éléments constitutifs de l'infraction de contrainte (art. 181 CP) n'étaient pas réalisés faute pour G......... d'avoir été menacé de la survenance d'un dommage sérieux dès lors que, en tant que propriétaire des lieux, rien ne pouvait l'empêcher de rentrer dans son appartement. a) Se rend coupable de contrainte, au sens de l’art. 181 CP, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. La contrainte est illicite lorsque le moyen ou le but est contraire au droit ou encore lorsque le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé (ATF 134 IV 216 c. 4.1; ATF 129 IV 6 c. 3.4; ATF 119 IV 301 c. 2b). Il y a menace d’un dommage sérieux lorsqu’il apparaît, selon la déclaration faite, que la survenance de l’inconvénient dépend de l’auteur et que cette perspective est telle qu’elle est de nature à entraver le destinataire dans sa liberté de décision. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, et non pas d’après les réactions du destinataire visé (ATF 122 IV 322 c. 1a; ATF 120 IV 17 c. 2a/aa). Sur le plan subjectif, il faut que l’auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu’il ait accepté l’éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 c. 2c; TF 6B.38/2011 du 26 avril 2011 c. 2.2.1). b) La question de la réalisation des conditions de la contrainte peut se poser en l'espèce car, à la lecture des diverses pièces du dossier, il appert que le prévenu a exercé une forte pression sur le plaignant pour qu'il s'acquitte du solde du coût facturé en lien avec les travaux à plus-value. Comme le souligne le recourant, il se trouvait dans une situation particulière : il avait vendu son ancien logement et sa compagne était enceinte (cf. recours, p. 11). Ainsi, il ne pouvait se permettre d'attendre et avait absolument besoin des clés conservées par K........., qui donnaient accès non seulement à son nouvel appartement mais également à l'immeuble. Certes, le décompte définitif des travaux à plus ou à moins-value prévoyait que le solde à payer devait être versé avant la remise des clés (P. 7 produite par le recourant), mais ce document n'est pas signé par le plaignant. On peut aussi s'interroger sur la légitimité de telles clauses, souvent insérées par les promoteurs dans les contrats, dès lors qu'une telle rétention pourrait être de nature à soumettre une partie contractante à l'arbitraire du créancier (cf. art. 20 CO; ATF 115 IV 207 c. 2, JT 1991 IV 75). Dans ces circonstances, on peut sérieusement se demander si le prévenu n'a pas usé de contrainte à l'égard du plaignant en exerçant une rétention sur ses clés aussi longtemps qu'il ne s'était pas acquitté de la facture finale relative aux travaux à plus-value. L'instruction doit dès lors être complétée sur cette question et le recours admis sur ce point également. 5. En définitive, le recours doit être admis, l'ordonnance de classement du 1er octobre 2013 annulée et le dossier de la cause renvoyé au Procureur de l'arrondissement de La Côte pour qu'il procède dans le sens des considérants et rende une nouvelle décision. S'agissant des dépens réclamés par le recourant, il lui appartiendra de faire valoir ses prétentions à la fin de la procédure, auprès de l'autorité pénale compétente selon l'art. 433 al. 2 CPP (CREP 16 avril 2013/279 c. 4 et les réf. cit.). Enfin, les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce de l’émolument d'arrêt, par 990 fr. (art. 20 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront mis à la charge de K........., qui a conclu au rejet du recours et qui succombe (art. 428 al. 1 CPP). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale, statuant à huis clos, prononce : I. Le recours est admis. II. L'ordonnance du 1er octobre 2013 est annulée. III. Le dossier de la cause est renvoyé au Procureur de l'arrondissement de La Côte pour qu'il procède dans le sens des considérants, puis rende une nouvelle décision. IV. Les frais d'arrêt, par 990 fr. (neuf cent nonante francs), sont mis à la charge de K.......... V. Le présent arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - Me Thomas Collomb, avocat (pour G.........), - Me Eric Ramel, avocat (pour K.........), - Ministère public central, et communiqué à : ‑ M. le Procureur de l'arrondissement de La Côte, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :