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TRIBUNAL CANTONAL 306 PE09.002068-FDA CHAMBRE DES RECOURS PENALE .......................................... Arrêt du 29 avril 2014 .................. Composition : M. Abrecht, président MM. Krieger et Maillard, juges Greffière : Mme Mirus ***** Art. 158, 251 CP; 319, 393 al. 1 let. a CPP La Chambre des recours pénale prend séance à huis clos pour statuer sur le recours interjeté le 24 janvier 2014 par A.........SA en liquidation contre l’ordonnance pénale et de classement rendue le 13 janvier 2014 par le Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, dans la cause n° PE09.002068-FDA. Elle considère : En fait : A. a) En 2006, la société R.........SA, dont le but social est l’engagement de personnel administratif pour une mise à disposition en faveur de toute entreprise ou administration, à titre provisoire ou à temps partiel, a créé l’Association I........., ainsi que la société A.........SA. L’Association I......... a pour but social l’organisation et le développement de moyens adéquats à la réinsertion professionnelle de chômeurs. P......... a présidé le comité de cette association et en était le directeur jusqu’au mois de décembre 2008. Le principal mandataire de cette association a été le Service genevois de l’emploi. Toutefois, le 31 décembre 2008, ce service a résilié les contrats conclus avec l’Association I......... pour mandater, en lieu et place, la société coopérative S........., dont P......... a par la suite été nommé administrateur. Quant à la société A.........SA, elle a pour but social le conseil et la formation en stratégie et en ressources humaines. Jusqu’au mois d’octobre 2008, W........., P........., L........., X......... et [...] en étaient les administrateurs. Cette société a été dissoute le 12 janvier 2009. b) La société H.........SA, dont L......... est l’administrateur unique, détient l’exclusivité de la vente du produit A......... en Suisse. La méthode A......... est un test psychologique utilisé pour déterminer les forces et les faiblesses d’un candidat. Un contrat de distribution-client et d’accès au service internet, dit contrat A......... (P. 54/3), daté du 7 janvier 2006, a été signé entre la société H.........SA, représentée par L......... en sa qualité d’administrateur unique, et A.........SA, représentée par P......... en sa qualité de directeur. Ce contrat a pour objet de définir les conditions dans lesquelles H.........SA concède à A.........SA la qualité de « client de la méthode A......... » (cf. P. 54/3, p. 3). c) Lors de la présentation des bilans et des comptes d’exploitation trimestriels 2008, R.........SA a suspecté que certaines irrégularités comptables aient pu surévaluer de manière substantielle certains postes du bilan de l’Association I......... et/ou d’A.........SA. De plus, une série de licenciements et de démissions d’employés de ces deux personnes morales dans le courant de l’année 2008 laissaient supposer un malaise ou cacher d’éventuelles manoeuvres de certaines des personnes encore présentes au sein de l’Association I.......... W........., alors administrateur unique d’A.........SA et administrateur-délégué et directeur général de R.........SA, a immédiatement mandaté la société K.........SA (ci-après: J.........) pour établir un rapport d’investigation de la gestion comptable d’A.........SA et de l’Association I......... relatif aux années 2006 à 2008. Le rapport de J......... (P. 7/4) a confirmé des irrégularités comptables, de sorte qu’A.........SA a déposé plainte pénale le 30 janvier 2009, laquelle a été complétée le 11 janvier 2011. d) Ensuite de la plainte pénale du 30 janvier 2009 d’A.........SA, le Juge d’instruction cantonal, puis le Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, ont instruit une enquête contre X......... et L......... pour escroquerie et faux dans les titres et contre P......... pour escroquerie, faux dans les titres et gestion déloyale. B. a) Le 13 janvier 2014, le procureur a rendu une ordonnance mixte, soit une ordonnance pénale (cf. let. b ci-après) et une ordonnance de classement (cf. let. c ci-après). b) Par ordonnance pénale du 13 janvier 2014, le procureur a déclaré P......... coupable de gestion déloyale (I), l’a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pendant 2 ans, la valeur du jour-amende étant fixée à 150 fr. (II), l’a condamné à une amende de 1'500 fr., à titre de sanction immédiate, la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l’amende étant arrêtée à 10 jours (III), et a mis les frais de procédure à raison d’un tiers à sa charge (IV). Cette ordonnance retient en substance ce qui suit : Entre les mois de juillet et de septembre 2008, P........., alors président du comité et directeur de l’Association I........., profitant des problèmes apparus entre cette association et son mandataire principal, le Service genevois de l’emploi, a entrepris des démarches auprès de ce service, afin qu’il mandate la société coopérative S........., pourtant concurrente de l’Association I........., pour des missions de réinsertion professionnelle de chômeurs, au détriment de l’Association I.......... Le prévenu a, par la même occasion, détourné les employés de cette dernière, au profit de S.......... Pour ces faits, le procureur a estimé que le prénommé s'était rendu coupable de gestion déloyale au sens de l’art. 158 CP. c) Par ordonnance de classement du 13 Janvier 2014, le procureur a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre P......... en ce qui concerne les chefs d’accusation d’escroquerie, de faux dans les titres, de gestion déloyale et d’inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité (I), a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre X......... et L......... en ce qui concerne les chefs d’accusation d’escroquerie et de faux dans les titres (II), a ordonné le classement de la procédure pénale dirigée contre inconnu consécutivement à la plainte déposée le 10 août 2009 par l’Association I......... (III), a fixé l’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure due à P......... à 10'041 fr. 72, débours et TVA compris (IV), a fixé l’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure due à X......... à 5'265 fr., débours et TVA compris (V), a fixé l’indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure due à L......... à 9'531 fr., débours et TVA compris (VI), a mis les frais de procédure à raison d’un sixième de ses frais résiduels, par 1'000 fr., à la charge de P......... (VII), et à laissé le solde des frais à la charge de l’Etat (VIII). En ce qui concerne P......... et L........., cette ordonnance retient en substance ce qui suit : 1. Il est reproché à P......... et à L......... d’avoir commis un faux dans les titres, en antidatant au 7 janvier 2006, soit au début des activités de L......... au sein d’A.........SA, le contrat de distribution-client et d’accès au service internet conclu entre H.........SA et A.........SA. Le contrat aurait en réalité été signé à une date indéterminée du mois d’octobre 2008, étant précisé qu’à cette période, P......... n’était plus au conseil d’administration d’A.........SA. Le procureur, tout en constatant que le contrat de distribution-client et d’accès au service internet était antidaté, a considéré que ce contrat ne bénéficiait d’aucune garantie de véracité particulière et n’était de ce fait pas susceptible de fonder une condamnation pour faux dans les titres, de sorte qu’un classement devait être ordonné en faveur de P......... et de L......... sur ce chef d’accusation. 2. Il est reproché à P......... des actes d’escroquerie en ce sens que celui-ci aurait, en sa qualité de président du comité et de directeur de l’Association I........., entre 2006 et 2008, enflé artificiellement le nombre d’élèves-chômeurs présents aux cours de formation, afin de pouvoir toucher des subsides de la part du Service de l’emploi du canton de Vaud. Le procureur a constaté que les explications de P......... sur ce point étaient confirmées par la chargée de mission administrative et stratégique au sein du service de l’emploi à l’Etat de Vaud à l’époque des faits, qui avait indiqué qu’il n’était pas possible pour le prestataire de service d’inventer des élèves pour atteindre le quota minimum. Aucun élément ne permettait donc de retenir l’infraction de l’escroquerie à la charge du prénommé. 3. Il est reproché à P......... d’avoir, entre 2006 et 2008, en sa qualité de président du comité et de directeur au sein de l’Association I......... et en sa qualité de directeur de la société A.........SA, soit en tant qu’organe de l’association et de la société au sens du droit pénal, omis de tenir de manière régulière la comptabilité de ces deux entités, au préjudice de la société A.........SA. Les actes ainsi commis tomberaient sous le coup de l’art. 325 CP. Le procureur a retenu que P......... n’était pas en charge de la comptabilité de l’Association I......... ni de celle d’A.........SA. La comptabilité de ces deux entités était en réalité tenue par R.........SA. La comptabilité de l’Association I......... avait par ailleurs été soumise à la révision du service compétent de l’Etat de Vaud, lequel n’avait rien trouvé à redire quant aux dépenses engagées en contrepartie des subventions versées par l’Etat. Aucune charge relative à l’éventuelle inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité n’était donc apparue comme pouvant être reprochée à P.......... Le procureur a ajouté que cette infraction était de toute manière désormais prescrite. Un classement devait par conséquent être ordonné en faveur du prénommé sur ce chef d’accusation. 4. Il est reproché à P......... des actes de gestion déloyale au sens de l’art. 158 CP pour avoir, au mois de décembre 2008, en sa qualité de directeur de l’Association I........., facturé à A.........SA, dont il était également le directeur, la journée de travail de C........., un employé de l’Association I........., à un prix sensiblement plus élevé (1'234 fr.) que celui facturé pour la même journée de travail, pour le même employé et pour la même période, à S......... (466 fr. 60). A cet égard, lors de son audition, P......... a déclaré que S......... engageait systématiquement des chômeurs bénéficiant de mesures d’insertion attribuées par l’Etat de Genève. Au vu du soutien cantonal, le tarif d’un tel employé, fixé par l’Etat de Genève, était plus bas que celui d’un employé d’une autre société, telle qu’A.........SA. Cela expliquait la différence observée dans la facturation de la journée de travail de C.......... Le procureur, en se fiant aux explications de P......... sur ce point, a retenu qu’il ne paraissait pas répréhensible que le travail de la même personne soit facturé différemment selon que le bénéficiaire dispose ou non d’un soutien de l’Etat. Il a donc considéré qu’aucun élément de l’infraction de gestion déloyale n’était réalisé. 5. Entre 2006 et 2008, en sa qualité de président de l’Association I........., P......... aurait porté préjudice à A.........SA, dont il était aussi le directeur, en lui surfacturant au prix de 40 fr. les tests psychologiques «A.........» acquis au prix unitaire de 7 fr. 35. Ces actes tomberaient sous le coup de l’art. 158 CP. Le procureur a d’abord relevé qu’entendu sur les prix de vente pratiqués par l’Association I........., P......... avait notamment expliqué les différences constatées dans la facturation par la confusion résultant de la vente à l’unité du produit «A......... » au prix d’environ 5 fr., respectivement de la vente d’un profil pour un multiple de ce montant, un profil correspondant à plusieurs unités. Il ressortait au demeurant de l’instruction que des pratiques de revente avec bénéfice de tests psychologiques étaient communes dans le domaine. Par conséquent, aucun abus n’avait pu être établi. 6. Enfin, entre 2006 et 2008, L......... aurait, alors qu’il était administrateur unique de H.........SA, qui détenait l’exclusivité de la vente du produit «A......... » en Suisse, facturé à l’Association I......... les unités «A......... » au prix de 5 francs. Or, cette association refacturait au prix de 40 fr. des profils «A......... » à A.........SA, pour laquelle travaillait par ailleurs L.......... Ce dernier se serait toutefois abstenu d’informer son employeur du système de vente et de revente mis en place, privant ce dernier de la possibilité de se prémunir contre tout éventuel conflit d’intérêts. Ces actes tomberaient sous le coup de l’art. 146 CP. Le procureur a relevé qu’interpellé sur ce point, L......... avait admis que la grille tarifaire était établie par sa société. Il avait également reconnu le prix tarifaire de 5 fr. appliqué à chaque unité «A......... » vendue à l’Association I........., soulignant le fait que le prix de l’unité « A......... » était fixé en fonction du volume des ventes et que chaque profil était constitué de plusieurs unités. L......... avait ajouté que l’Association I......... était libre de revendre les unités et les profils, le prix recommandé dans ce cas étant le double de celui appliqué par H.........SA. En se basant sur les déclarations précitées de L........., le procureur a considéré que le fait que ce dernier n’ait pas fait savoir à A.........SA, pour lequel il travaillait, qu’il était le propriétaire initial des profils vendus à l’Association I......... et revendus par cette dernière à A.........SA pour un prix majoré, ne saurait être constitutif d’une tromperie. L’instruction n’avait en outre pas permis de démontrer qu’un préjudice serait résulté de la majoration litigieuse du prix opérée par l’Association I.......... Aucun élément de l’infraction de l’escroquerie n’était ainsi réalisé. C. a) Par acte du 24 janvier 2014, A.........SA en liquidation a recouru contre cette ordonnance de classement, en concluant avec suite de frais et dépens principalement à sa réforme en ce sens que P......... soit déclaré coupable de faux dans les titres et de gestion déloyale et L......... de faux dans les titres. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de l’ordonnance de classement en tant qu’elle concernait P......... et L......... pour faux dans les titres et en tant qu’elle concernait P......... pour gestion déloyale, la cause étant renvoyée au Ministère public central pour qu’il ordonne la mise en accusation des deux prénommés ou, très subsidiairement, pour qu’il statue dans le sens des considérants à intervenir. b) Dans ses déterminations du 27 mars 2014, L......... a conclu au rejet du recours déposé par A.........SA en liquidation. Il soutient que le contrat litigieux n’aurait pas été antidaté, dès lors que la date apposée correspondrait à celle de la passation du contrat, soit un accord oral, si bien qu’il n’y aurait pas de « mensonge ». De toute manière, l’élément constitutif subjectif ferait défaut. c) Par acte du 28 avril 2014, P......... a indiqué qu’il renonçait à se déterminer sur le recours déposé par A.........SA en liquidation. d) Par acte du 28 avril 2014, le Ministère public central a renoncé à déposer des déterminations complémentaires et s’est référé aux éléments déjà exposés dans sa décision. En droit : 1. a) Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le ministère public en application des art. 319 ss CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007; RS 312.0) dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse; RSV 312.01]; art. 80 LOJV [loi vaudoise d’organisation judiciaire; RSV 173.01]). b) Interjeté dans le délai légal auprès de l’autorité compétente par la partie plaignante qui a qualité pour recourir (cf. art. 382 al. 1 CPP), le recours est recevable. 2. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le Ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu’aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a), à savoir lorsque les soupçons initiaux qui ont conduit le ministère public à ouvrir une instruction n’ont pas été confirmés (Grädel/Heiniger, in : Niggli/Heer/Wiprächtiger [éd.], Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, n. 8 ad art. 319 CPP, p. 2208), ou lorsque les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b), à savoir lorsque le comportement incriminé, quand bien même il serait établi, ne réalise les éléments constitutifs objectifs et subjectifs d’aucune infraction pénale (Grädel/Heiniger, op. cit., n. 9 ad art. 319 CPP). De manière générale, les motifs de classement sont ceux "qui déboucheraient à coup sûr ou du moins très probablement sur un acquittement ou une décision similaire de l'autorité de jugement" (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1255). Un classement s'impose lorsqu’il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables (TF 6B.797/2013 du 27 mars 2014 c. 2.1). La possibilité de classer la procédure ne saurait toutefois être limitée à ce seul cas, car une interprétation aussi restrictive imposerait un renvoi en jugement, même en présence d'une très faible probabilité de condamnation. Le principe "in dubio pro duriore" exige donc simplement qu'en cas de doute, la procédure se poursuive. Pratiquement, une mise en accusation s'impose lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement. En effet, en cas de doute, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 138 IV 86 c. 4.1.1). Lorsque les probabilités d'un acquittement et d'une condamnation apparaissent équivalentes et pour autant qu'une ordonnance pénale n'entre pas en considération, le ministère public est en principe tenu de mettre le prévenu en accusation, ce d'autant plus lorsque les infractions sont graves (TF 6B.797/2013 précité, c. 2.1; ATF 138 IV 86 précité, c. 4.1.2). 3. a) La recourante soutient d’abord que ce serait à tort que le Ministère public central a classé la procédure pénale dirigée contre P......... et L......... pour faux dans les titres. Le contrat de distribution-client et d’accès au service internet, antidaté, serait en effet à l’origine de la facturation de services par la société H.........SA. Dans la mesure où le directeur de cette société était également un employé de l’Association I........., le contrat précité aurait engendré des factures faisant l’objet de comptabilisation dans les livres de la société A.........SA. Or, le fait d’antidater des documents destinés à la comptabilité commerciale, si cela fausse l’image de cette comptabilité, constituerait un faux intellectuel en raison de la garantie accrue qu’ils représentent. Par ailleurs, sur la base de ce contrat, des prestations indues auraient été facturées et des factures émises par l’Association I......... auraient été surévaluées. Selon la recourante, au vu de ce qui précède, les éléments constitutifs de faux dans les titres seraient réalisés. b) Selon l’art. 251 CP, se rend coupable de faux dans les titres celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre. Le faux dans les titres suppose donc un titre, à savoir tout écrit destiné ou propre à prouver un fait ayant une portée juridique et tout signe destiné à prouver un tel fait (art. 110 ch. 4 CP). Le contrat est un tel titre (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. II, 3e éd., Berne 2010, n. 153 ad art. 251 CP). En effet, un contrat qui ne respecte pas les conditions de forme peut être propre à établir l’existence d’autres droits et obligations que ceux découlant de ce contrat (ATF 103 IV 149). Le faux dans les titres n’est punissable que s’il est commis intentionnellement. L’intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l’infraction. Le dol éventuel suffit (cf. ATF 135 IV 12 c. 2.2). Il faut non seulement que l’auteur crée ou utilise le faux volontairement, mais encore qu’il veuille ou accepte que le document contienne une altération de la vérité et qu’il ait une valeur probante à cet égard. L’auteur doit donc être conscient du fait que l’écrit est objectivement susceptible de servir de moyen de preuve (ATF 79 IV 162 c. 3). Il est également nécessaire que l’auteur veuille ou accepte l’idée de tromper autrui. L’auteur doit encore avoir agi dans un dessein spécial, qui peut être alternativement le dessein de nuire à autrui (porter atteinte aux intérêts pécuniaires d’autrui ou aux droits d’autrui) ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (TF 6B.223/2012 du 14 décembre 2014 c. 2.4). Selon le Tribunal fédéral, est illicite l’avantage obtenu en matière de preuve au moyen d’un titre falsifié, même dans l’hypothèse où celui-ci doit permettre de faire triompher une prétention légitime (ATF 119 IV 234 c. 2c et les références citées). Ainsi, il y a dessein de se procurer un avantage illicite lorsque l’auteur entend par un faux faciliter la preuve en justice ou dans la vie des affaires d’une prétention qui existe véritablement (Corboz, op. cit., n. 183 ad art. 251 CP, et les références cit.). Enfin, le simple mensonge écrit ne constitue pas un faux intellectuel. En effet, un mensonge écrit qualifié n’est considéré comme un faux intellectuel que lorsqu’on attribue à l’acte une valeur probante accrue et lorsque le destinataire lui manifeste ainsi une certaine confiance (ATF 130 IV 130 c. 2.1 et l’arrêt cité, JT 2005 IV 118). Le fait de savoir si cet écrit est propre et destiné à prouver un certain fait peut se déduire directement de la loi ou des usages commerciaux ou encore du sens et de la nature de l’écrit en question. La jurisprudence renvoie dans ce contexte en particulier aux règles générales sur le bilan de l’art. 958 CO. D’après une pratique constante, la comptabilité commerciale et ses composantes (justificatifs, livres, extraits de compte, bilans et comptes de résultat) sont, en tant que titres au sens de la loi (art. 957 CO), dans le cadre du faux intellectuel, propres et destinés à prouver un fait ayant une portée juridique. Ainsi, celui qui antidate des documents destinés à la comptabilité commerciale commet un faux intellectuel dans les titres du seul fait de les avoir antidatés si cela fausse l’image de la comptabilité commerciale (arrêt précité, c. 2.2 et 2.3). c) En l’espèce, le contrat de distribution-client et d’accès au service internet, en réalité signé au mois d’octobre 2008, a été antidaté au 7 janvier 2006, date à laquelle P......... détenait encore le pouvoir d’engager la société A.........SA. Or, ce contrat a servi à facturer des opérations à A.........SA par sa cocontractante H.........SA. Ces prestations auraient au demeurant été surévaluées si l’on se fonde sur le rapport J.......... En outre, ce contrat a effectivement permis à P........., ainsi qu’à L........., administrateur de H.........SA, d’obtenir des avantages pécuniaires que la société contractante n’aurait pas pu obtenir sans l’existence du contrat antidaté, contrat qui n’aurait au demeurant pas été signé par les personnes autorisées à le faire en 2008. Il apparaît notamment que L........., par H.........SA, aurait touché la somme de 273'582 fr. en trois ans, soit de 2006 à 2008 (cf. PV aud. 22, p. 3, lignes 77 ss). Au vu de ce qui précède, il n'est pas possible de retenir à ce stade que les éléments constitutifs de faux dans les titres ne seraient manifestement pas réunis. 4. a) La recourante reproche ensuite au procureur de s’être contenté des seules explications de P......... pour exclure l’infraction de gestion déloyale en relation avec la surfacturation des interventions de C.......... Or, selon la recourante, ces explications ne sauraient suffire à justifier un écart de plus de 260% dans les tarifs appliqués en fonction des clients visés, ni l’acceptation de pareils tarifs par la société A.........SA, qui avait pour directeur le prévenu lui-même. Le même raisonnement pourrait être tenu s’agissant de l’infraction de gestion déloyale en relation avec la surfacturation des profils « A......... », puisque P......... aurait accepté en qualité de directeur de la société A.........SA d’honorer des factures émises par l’Association I........., dont le prénommé était également directeur, d’un montant prohibitif. En effet, le prix de revient aurait été multiplié par sept lors de la facturation à la société A.........SA. Or, aucun élément au dossier ne permettrait d’étayer la théorie justificative exposée par P......... sur ce point. b) Aux termes de l'art. 158 CP, celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (ch. 1 al. 1). Sur le plan objectif, l'infraction de gestion déloyale au sens de cette disposition suppose la réalisation de trois éléments: il faut que l'auteur ait eu un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu'il ait violé une obligation qui lui revient en cette qualité et qu'il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu'il ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, à la condition qu’il soit strictement caractérisé (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3e éd., Berne 2010, n. 13 ad art. 158 CP). Pour qu'il y ait gestion déloyale, il ne suffit pas que l'auteur ait été gérant, ni qu'il ait violé une quelconque obligation. Le terme de gestion déloyale et la définition légale de l'infraction exigent que l'obligation qu'il a violée soit liée à la gestion confiée (ATF 120 IV 190, précité c. 2b). Parmi les devoirs des administrateurs et des tiers chargés de tout ou partie de la gestion figurent notamment les devoirs de diligence et de fidélité envers la société, qui leur imposent de veiller fidèlement aux intérêts de celle-ci (art. 717 al. 1 CO). Pour déterminer si la personne recherchée a manqué à son devoir de diligence, on doit se demander si elle a déployé les efforts que l'on pouvait exiger d'elle pour remplir correctement sa mission. Il faut donc se pencher sur sa mission et se demander concrètement ce qu'elle devait faire ou ne pas faire. Le contenu de la mission peut résulter soit des lois et des statuts, soit dépendre des circonstances concrètes (Corboz, in: Tercier/Amstutz [éd.], Commentaire romand, Code des obligations II, Bâle 2008, n. 24 ad art. 754 CO). L’art. 12 al. 1 CP dispose que celui qui agit intentionnellement commet un crime ou un délit avec conscience et volonté; il précise que l’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (dol éventuel). Dans ce dernier cas, lorsque l'auteur envisage sérieusement le résultat dommageable mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 131 IV 1, c. 2.2). Le dol éventuel doit être nettement et strictement caractérisé : pour l'admettre, il faut que la possibilité du résultat se soit imposée au délinquant d'une façon si pressante que son acte ou son omission implique raisonnablement un consentement (ATF 86 IV 12, JT 1960 IV 74). c) En l’espèce, on doit admettre avec la recourante qu’il n’est pas approprié, à ce stade de la procédure, de renoncer à poursuivre P......... pour avoir accepté la surfacturation des interventions de C........., ainsi que des profils « A......... », en le mettant au bénéfice de ses seules déclarations, dès lors que la surfacturation a effectivement été constatée par des experts dans le rapport J.......... En l’état, on ne peut donc affirmer que le prénommé n’a pas violé ses devoirs de diligence et de fidélité. Certes, P......... admet son incompétence en matière de chiffres (cf. PV aud. 22, p. 5, l. 155). Toutefois, il ressort du dossier que ce dernier a menti dans ses premières auditions. Partant, aucune certitude ne se dégage quant au fait qu’il était réellement incompétent dans certaines matières et qu’il n’était pas pleinement conscient des manipulations faites au détriment de la société A.........SA. Dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir à ce stade que les éléments constitutifs de l’infraction de gestion déloyale ne seraient manifestement pas réunis. 5. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il n'est pas d'emblée certain que P......... et L......... seraient acquittés par le tribunal compétent s'ils étaient renvoyés en jugement pour répondre des infractions qui leur sont reprochées. Compte tenu de la gravité des faits, c'est à un tribunal qu'il appartient de procéder à cette appréciation délicate. La décision de classement doit donc être annulée et un renvoi en jugement s'impose au sens de l'art. 324 CPP, sous réserve de mesures d’instruction que le procureur pourrait encore mettre en oeuvre. 6. En définitive, le recours doit être admis, l’ordonnance de classement du 13 janvier 2014 annulée en tant qu’elle concerne P......... et L......... et le dossier de la cause renvoyé au Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, pour qu’il procède dans le sens des considérants qui précèdent. L’ordonnance attaquée sera maintenue pour le surplus. Les frais de la procédure de recours, constitués en l’espèce du seul émolument d'arrêt, par 1'650 fr. (art. 20 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010; RSV 312.03.1]), seront mis par moitié à la charge de L........., qui succombe dès lors qu’il a conclu au rejet du recours le concernant (art. 428 al. 1 CPP), le solde étant laissé à la charge de l’Etat. S’agissant des dépens réclamés par la recourante, il appartiendra le cas échéant à cette dernière d’adresser à la fin de la procédure – pour autant que les conditions d’une indemnité selon l’art. 433 al. 1 CPP soient alors remplies – ses prétentions à l’autorité pénale compétente selon l’art. 433 al. 2 CPP (CREP 16 avril 2013/279 c. 4 et les références citées). Par ces motifs, la Chambre des recours pénale, statuant à huis clos, prononce : I. Le recours est admis. II. L’ordonnance de classement du 13 janvier 2014 est annulée en tant qu’elle concerne P......... et L.......... Elle est maintenue pour le surplus. III. Le dossier de la cause est renvoyé au Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, pour qu’il procède dans le sens des considérants. IV. Les frais d’arrêt, par 1’650 (mille six cent cinquante francs), sont mis pour moitié, soit par 825 fr. (huit cent vingt-cinq francs), à la charge de L........., le solde étant laissé à la charge de l’Etat. V. Le présent arrêt est exécutoire. Le président : La greffière : Du L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à : - M. Antoine Eigenmann, avocat (pour A.........SA), - Mme Coralie Devaud, avocate (pour P.........), - M. Paul Marville, avocat (pour L.........), - M. Jean-Marc Carnice, avocat (pour X.........), - Association I........., - Ministère public central; et communiqué à : ‑ M. le Procureur du Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, par l’envoi de photocopies. Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral – RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). La greffière :